Le centre d'adoption (2/7)

Message du Professeur Zolmirel (suite)

 

 

Les bénédictions durèrent quelques minutes, puis, vint le moment que nous attendions tous.

 

L'un des prêtres s'approcha du capitaine avec une sphère de verre qu'il déposa dans un réceptacle de pierre. Les chants redoublèrent d'intensité. Il parut frémir un instant, puis une perle de lumière jaillit par son souffle. C'était son propre plasma. Les prêtres refermèrent le réceptacle.

 

Un peu affaibli mais très heureux, le capitaine se rassied, tous les siens le félicitant.

 

La suite nous parvint au moyen d'un écran. Les prêtres entrèrent dans le navire, s'approchant de la salle de phasage des réacteurs. Ils se penchèrent, retirant une tige métallique très longue, placée au niveau du sol. Il fallut trois prêtres munis de gants pour la manœuvrer. Ils positionnèrent le coffre de pierre à son extrémité, et replacèrent la barre. Elle faisait environ 18 mètres de long.

 

Un deuxième prêtre actionna un levier, et le coffre de pierre s'ouvrit, libérant la perle de lumière qui s'envola joyeusement. Elle vint se poser au centre de l'échangeur thermal, là où ne restait plus qu'un mince arc d'énergie menaçant de s'éteindre. Il y eut alors un grand jaillissement lumineux, des milliers de perles de lumière jaillirent aussitôt, elles se mirent à tourbillonner d'un air ravi dans la salle de collusion initiale. De cette salle placée au centre exact du vaisseau, partait tout le centre énergétique, qui s'étendait en forme d'étoile vers des tubulures secondaires.

 

Le capitaine et sa famille rejoignirent les prêtres. Ce fut le petit Astort qui relança le séquençage initial primaire du vaisseau.

 

Il y eut une série de bips. Tous les voyants clignotèrent en rouge, puis, peu à peu s'éteignirent. Ensuite, un unique voyant bleu sombre s'alluma, il devint d'un bleu de plus en plus vif, puis blanc intense.

 

Le vaisseau était paré. Le capitaine activa le démarrage du navire.

 

Les réacteurs commencèrent à tourner très lentement. Peu à peu, le navire s'illumina de plus en plus. La partie fraîchement reconstruite venait d'être conscientisée peu à peu. Tout fonctionnait comme prévu. Il régnait une atmosphère quelque peu magique. Tous les nôtres s'étreignirent en versant des larmes de joie. Nous étions bouleversés et une émotion puissante nous habitait.

 

Les prêtres quittèrent le navire, chacun de nous monta vers les balcons pour assister à la suite des opérations.

 

Tous les nouveaux équipements devaient être testés en premier. Cela dura une dizaine de minutes.

Puis, le navire serait autorisé à décoller, en trajectoire assistée pour commencer.

 

Nous avons pris un élévateur, nous menant sur les toits de l'immense hangar. Là, se trouvait un autre balcon avec des écrans longue portée, d'où les visiteurs et les experts pouvaient observer les navires.

 

Tout le ballet aérien qui régnait d'ordinaire avait cessé, pour faire place nette au géant de cuivre. Les tours d'astroguidage pivotèrent d'orchestre. Un grondement sourd retentit. Le Yogotsima s'éleva de quelques mètres. Tout étant normal, il fut autorisé à décoller. Des techniciens nous entouraient, suivant la manœuvre dans ses moindres détails.

 

• Vous pouvez poursuivre, fit un petit alien nerveux dans un communicateur, tout est fluide.

 

Le navire accéléra alors que les verrous magnétiques étaient libérés les uns après les autres. Il s'éleva tout en légèreté vers les cieux. On entendait juste un grondement sourd, avec un léger sifflement. De la vapeur s'échappait des réacteurs fraîchement rénovés. C'était des plus normaux, indiqua le technicien.

 

Il vira, et pivota aisément, s'éloignant de nous, porté vers les installations géomagnétiques géantes. La tour auxiliaire faisait 10 km de haut et la tour principale le double.

 

Le vaisseau les contourna en souplesse, apparaissant avec majesté dans l'écran de poursuite. J'étais très ému. Minel versait des larmes, admirant le géant issu du tréfonds des âges, que les siens avaient préservé avec tant de patience et de mérite. C'était un bien fabuleux spectacle.

 

Le vaisseau fit le tour de l'astéroïde, escorté de deux navires de guidage en cas de défaillance. Puis, il revint se poser en son alvéole, de manière impeccable.

 

Le capitaine et sa famille sortirent, et chacun applaudit, les félicitant pour ce merveilleux envol !

 

Nous avons regagné nos quartiers, tout à fait radieux. Le vaisseau serait bientôt paré, ainsi, nous devions apprêter nos bagages. Nous partirions en soirée.

 

Nous étions un peu tristes de quitter Dersima. Limmel, qui n'avait soufflé mot de la soirée, semblait assez affectée. Zilmis s'approcha de sa sœur au teint plus blême que d'ordinaire.

 

• J'espère que tu te sens bien, demanda-t-il.

• C'est un peu déstabilisant. Nous avons vécu tant de choses en aussi peu de temps. Je me demande... si nous les reverrons un jour, demanda-t-elle en songeant au capitaine et à la famille du petit Astort.

• Peut-être que oui, ajouta Erazel, toujours positive. Les courants du futur sont toujours imprécis, mais de très heureux jours les attendent, alors, il faut se réjouir pour eux, lança-t-elle.

 

Nous avons apprêté nos effets avec une belle efficacité. La moisson d'échantillons avait déjà été transférée au laboratoire par les êtres de lumière. Plus sensibles aux vecteurs de poussée, nous devions revenir à bord du Yogotsima.

 

Chacun de nous poussa un murmure admiratif en approchant de la proue fastueuse du navire. C'était un spectacle éblouissant. Munis de nos effets, nous avons pris tout notre temps pour progresser sur la rampe d'embarquement.

 

J'admirais les détails de la proue en titanium ultra, décorée de motifs végétaux, et d'arcades, comme savaient si bien le faire les Denakhs. Elle s'incurvait élégamment vers le centre de pilotage couronné d'antennes. Sous le navire, des déflecteurs longue portée flambant neufs avaient été installés. Au niveau du pont arrière, les régénérateurs en atmosphère eux aussi, semblaient neufs.

 

De son regard d'expert Zilmis admirait les poutrelles de fixation des réacteurs, ainsi que les antennes parfaitement restaurées par les êtres de lumière.

 

• Je n'en crois pas mes yeux, parvint-il à formuler. C'est comme si le métal avait obéi à votre volonté pour se courber parfaitement. Tout a été fait sur mesure. Il faudrait des mois aux nôtres.

• Il en a été fait ainsi de manière parfaite parce qu'il s'agit de la volonté du capitaine Lomoenttu. Avec son épouse Nidal Krishayerth (?), il s'agit de deux aliens très aimés de leurs enfants. Leskart Fizalis est aussi leur parent, ils le considèrent comme leur oncle. Nous sommes heureux d'aider cette famille, conclut Dorian. Cela n'est pas un prodige, c'est naturel pour nous. C'est notre simple contribution à l'univers.

• Vous allez permettre à nos amis Denakhs de peut-être revoir leur monde, ce n'est pas un mince exploit, assura Erazel.

• Nous sommes heureux de donner du bonheur aux aliens denakhs, ils en ont si peu connu, exposa Orel avec un large sourire.

 

Notre petit groupe embarqua. Nous avons été encore une fois émerveillés par l'intérieur du navire. Tout était magnifique. Les êtres de lumière avaient laissé les aménagements exactement comme avant, mais en embellissant chaque décor encore plus. Le métal terni avait retrouvé tout son éclat sur les poutrelles. Les cadres des tableaux brillaient doucement autour des portraits des enfants.

 

Très excités, ils gambadaient dans tout le navire. Même la salle de collusion atomique, et celle réservée au phasage des réacteurs, avaient retrouvé un côté un peu plus chaleureux.

 

Le petit Astort adressa un long regard brillant à Orel et Dorian.

 

• Sans vous, navire disloqué, parvint-il à formuler, en fixant Erazel.

• Cela aurait été une bien triste chose, et nous ne l'aurions pas permis, fit l'ancienne en l'étreignant.

• Il y avait très peu de chance pour que nous puissions songer atteindre Dersima, assura le capitaine Lomoenttu. Merci mes amis ! Nous vous devons tellement. Comment vous remercier ?

• Vous n'avez pas besoin de le faire, répondit Dorian. Votre joie est notre récompense ! Néanmoins, il me semble que quelqu'un est très désireux de voir Thamnoth, mais n'ose le formuler, fit-il en se tournant vers Minel.

 

Emplie d'un bonheur presque douloureux, Minel nous contempla avec émoi.

 

• Bien sûr ! Vous serez tous conviés à bord si nous obtenons le « passage » vers Thamnoth ! Ce sera un bonheur et un honneur de vous transporter ! fit joyeusement le capitaine.

 

Il me sembla que mon cœur allait s'envoler, tant notre bonheur était grand. Le navire devait entrer parfaitement en une très haute translation dimensionnelle, pour pouvoir suivre nos amis êtres de lumière vers Thamnoth.

 

C'était un bien long et fabuleux voyage qui se profilait déjà. Les enfants devraient passer des tests, puis seraient autorisés à nous accompagner.

 

Nous avons regagné nos cabines, puis, résonna le signal du départ imminent.

 

Je me sanglais à mon siège, le breuvage d'Amoni faisant son effet peu à peu. La pensée radieuse de mes proches m'entoura comme un cocon douillet.

 

Ensuite, mon esprit s'échappa hors de mon corps, comme cela arrivait souvent.

 

 

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