La vie première (3/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

La vie première (3/3)

Message du Professeur Zolmirel (fin)

 

 

 

Nous avons suivi le chemin du retour, bien plus facile. Il nous fut aisé de descendre la falaise abrupte d'une cinquantaine de mètres en trois bonds légers. Erazel chantonnait et les enfants gambadaient à ses côtés. Nous avons serré les rangs en approchant du gouffre obscur qui annonçait la sortie. Brutalement, je sentis une force me tirer subitement en arrière. Je fis agir mon fluide pour me rattraper, et réalisais que l'un des prêtres derrière moi était tombé dans une crevasse. La corde avait retenu son poids, de même que nos fluides respectifs. Il s'agissait d'un grand Kolal au teint de neige. En cet instant, il flottait au dessus du vide. Le pauvre poussa des hurlements de peur en avisant le gouffre sans fond sous ses pieds.

 

Dorian, qui n'était pas encordé et n'en avait pas besoin, se précipita pour le hisser à la surface. Le Kolal le remercia longuement. Hélas, il n'avait pas bonne mine. Son bras avait heurté le roc au niveau du coude, et sa combinaison perdait de l'air. En un réflexe remarquable, Zilner plaqua ses mains sur la fuite. Pendant ce temps, Erazel chercha un rouleau adhésif spécial dans sa poche. Avec un bel ensemble, Zilner écarta ses mains et Erazel recolla la combinaison de notre ami.

Malgré tout, le froid avait fait son office. Le jeune Kolal ne pouvait plus bouger son bras, et repoussait vaillamment la douleur. Dorian se chargea du blessé, et nous invita à regagner le vaisseau au plus vite. Peu après, une chute de pierres se produisit en effet, tout autour de nous. Nous avons jailli du gouffre de nuit à vive allure, notre ami peinait à respirer dans sa combinaison. Nous nous sommes posés au sommet de la falaise, et chacun lui offrit un peu de son air, à l'exception des enfants.

 

  • Moi aussi je veux lui donner de l'air, émit le petit Nerti avec bonté.

  • C'est très bien mon enfant, tu es très généreux, mais ce ne sera pas nécessaire. Il va s'en tirer, dit-elle en fixant une de ses réserves d'air sur la combinaison du Kolal blessé. Maintenant, rentrons, dit-elle en avisant tout notre groupe réuni.

 

Notre ascension reprit. Nous avons regagné le vaisseau avec soulagement, évitant les dernières pierres. Anticipant notre arrivée, Orel avait déjà préparé des remèdes contre les gelures pour soigner le jeune prêtre.

 

De mon côté, j'aidais les enfants à retirer leur équipement, puis, Erazel prit le relais. Je me dirigeais vers la salle de pilotage. Un Dorian souriant m'attendait.

 

  • À vous l'honneur, dit-il en riant, en me désignant le siège du copilote.

  • Je ne suis pas sûr, dis-je en prenant place avec hésitations.

  • Nous devons quitter ce lieu, exposa Dorian et j'ai besoin d'un copilote, fit-il en avisant Orel qui soignait le blessé.

  • Très bien, répondis-je. En ce cas, cap vers le haut du terminateur de ce monde, hésitais-je en consultant les instruments de navigation.

  • Excellent cap, s'amusa Dorian en décollant avec promptitude. Un peu improvisé...

  • Certes oui, je ne suis pas un expert avec les chiffres, dis-je en consultant les gyroscopes, et les senseurs. Notre vaisseau est cependant dans cette direction.

 

Dorian m'aida à me familiariser avec la console d'astroguidage de ce navire. Je n'avais toujours piloté que des croiseurs atmosphériques.

 

  • L'étoile donne le plan d'inclinaison, le champ de gravitation des planètes apparaît ici, avec l'axe, dit-il en montrant une carte. Nous devons nous déplacer sur cet axe principal pour croiser au plus court. Suivant les systèmes, le champ n'est pas le même. Il y a des variations par rapport à l'axe galactique. Les senseurs du vaisseau indiquent la position des différentes marées, les champs des lunes et de leurs planètes mères, que nous devons éviter avec soin. Vous devez m'informer de la présence de ces champs éventuels et surtout d'astéroïdes visibles sur ce panneau.

 

Je m'exécutais, lisant à Dorian la position de quatre astéroïdes proches. Il corrigea subtilement l'inclinaison du navire, et verrouilla la direction. Notre trajectoire apparut en orange sur la carte. Le vaisseau bipa d'un air satisfait.

 

Notre vitesse s'accrut, et j'éprouvais un vif soulagement en quittant cette lune sépulcrale.

 

Je restais à surveiller les instruments, alors que Dorian se dirigeait vers le blessé. Le jeune Kolal semblait assez faible, mais raisonnablement bien portant. Orel avait étalé une pâte bleutée cicatrisante sur son bras violacé. Erazel, était occupée elle, à réconforter les enfants et les autres prêtres.

 

  • La plaie est impressionnante, mais sans gravité, exposa-t-elle. Il va se remettre.

 

Peu après, notre petit vaisseau regagna le hangar principal de notre croiseur.

 

Nous sommes descendus. Alors, Zilmis, Minel et Amoni se précipitèrent pour nous étreindre.

 

  • Nous avons appris qu'il y avait eu des blessés, émit Amoni.

  • Oui, un seul répondit Erazel. Mais rien de grave.

 

Amoni s'approcha du blessé et lui murmura quelques mots de réconfort. Il examina la plaie et exprima son admiration pour les soins qu'Orel lui avait prodigués.

 

  • Du travail excellent, cela va vite guérir, dit-il au blessé. Vous avez été là entre les mains d'un véritable maître, dit-il en avisant le remède.

 

Chacun de nous, soulagé, regagna ses quartiers. Les enfants, malgré l'anxiété des heures précédentes, gambadaient gaiement. Nous avons été déposer les équipements à la salle de remisage. Ils devaient tout être inspectés et la combinaison défectueuse serait réparée. Curieux, je fixais le petit alien Ilstirr qui la passa au scanner. On apercevait deux trous assez étroits, de quelques millimètres de large.

 

Assez pensif, j'interrogeais Zilner.

 

  • Ces trous ne se voient pas, dis-je lorsque nous nous sommes retrouvés seuls. Comment as-tu pu savoir où ils se trouvaient ?

  • Les clones sentent les fuites, répondit simplement Zilner. Autrefois, je devais sans cesse inspecter des dizaines de tuyaux, et détecter les fuites.

  • C'est exceptionnel, lui dis-je. Ce sera consigné dans le compte-rendu de notre expédition. Les misions d'exploration comporteront certainement bien plus d'experts en fuites tels que toi. Tu as évité à ce Kolal une blessure redoutable. Cela aurait pu être bien plus grave.

  • Erazel aussi était là, fit modestement le petit Zilner.

  • Je me demande, exposais-je par l'esprit, pourquoi vous n'avez pas reconstitué la combinaison de notre ami, dis-je à Erazel.

  • Très simple, s'amusa-t-elle. Je déviais la course des rocs situés plus haut, qui avaient envie de dégringoler sur nous avec nos amis êtres de lumière. Cette lune était instable, et je suis heureuse que nous soyons tous rentrés sains et saufs.

 

Le soir venu, Zilmis et moi-même sommes passés en cuisine avec Amoni et Minel pour confectionner les gâteaux préférés des enfants. Il y avait aussi des spécialités à base de fruits pour remercier Orel et Dorian.

 

Chacun de nous entra dans la salle de repas, apportant un gâteau différent. Les lumières de fête installées par Orel brillaient joyeusement.

 

Je servis Nerti et Zilner en pâtisseries.

 

  • Vous avez été si braves les complimentais-je. De très vaillants petits explorateurs.

  • C'est bien certain, fit Amoni, je suis très fier de vous. Votre action a permis à ces formes de vie première de pouvoir peupler tout un nouvel écrin stellaire.

  • Elil, sais-tu comment ces formes de vie voyagent d'un monde à l'autre ? demanda Zilner.

  • Eh bien, les experts pensent qu'elles transitent sous une phase minuscule, logées au cœur des météorites de glace. Elles sont ainsi bien protégées et peuvent espérer prendre pied en des eaux profondes, les filons hydrothermaux, puis ensuite en des grottes. Mais cela prend un temps infini.

  • Avec un vaisseau spatial, c'est bien plus rapide ! s'amusa Nerti.

 

Chacun de nous rit joyeusement, et j'éprouvais une intense félicité en contemplant mes compagnons. Ils étaient ma famille, malgré nos dissemblances de races, nous nous rejoignions tous en cet instant. En cette grotte si pure, j'avais perçu la même filiation entre la jeune fille de lumière, les animalcule fluorescents et les éminences. Celles-ci étaient tous leurs enfants.

 

Une très grande joie m'habita alors.

 

Chers amis de la Terre bleue, je vous souhaite de vivre pareillement cette communion infinie avec la nature, avec votre monde. Recevez toute ma gratitude.

 

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  • que vous fassiez référence à notre blog :http://www.unepetitelumierepourchacun.com 

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