Les passages entre les mondes (1/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Les passages entre les mondes (1/3)

Message du Professeur Zolmirel

 

 

Je reviens vers vous en cet instant, je suis très heureux de pouvoir communiquer de nouveau.

 

Nous nous trouvions tous réunis et sains et saufs à bord de notre vaste navire d'exploration.

 

Celui-ci avait fait ses preuves, au delà des attentes de tous les ingénieurs. Le dispositif de camouflage avait parfaitement fonctionné au moment opportun. Nos opérations de semis s'étaient fort bien déroulées.

 

Nous étions en orbite basse depuis plus d'une semaine, ce qui était déjà beaucoup. Très bientôt, notre vaisseau devrait repartir, laissant les jeunes plants que nous avions apportés faire leurs preuves. Les ingénieurs surveillaient les différents lacs acides. Les algues que nous y avions déversées croissaient bien, et les animaux trouvaient là de quoi subsister davantage.

 

Très bientôt, nous partirions, un esquif ne pouvait rester en orbite qu'un temps relativement court. À cette époque, il était de quelques semaines, pas plus. Autrement, les réserves en énergie s'épuisaient et la chaufferie, puis les différentes installations de brassage de l'air tomberaient en arrêt les unes après les autres.

 

Les experts avaient estimé notre séjour à 15 jours. Par précautions, il devait être réduit, nous partirions le lendemain même.

 

  • Je me demande ce qui va arriver à cette planète, demandais-je à Erazel. La vie est incomplètement implantée sur cet astre. Je sens que tout n'est pas encore fini. Une autre visite est-elle prévue, d'autres êtres, qui veilleront à aider la vie animale ?

  • Vous pensez bien, répondit Erazel. Les chercheurs croient au début que la vie végétale s'implante, puis la vie animale. En réalité, c'est plus complexe. Il semble que nos amis êtres de Lumière aient choisi d'implanter les deux au départ. Puis, une partie de la végétation a dépéri. C'est alors que nous avons été appelés. Maintenant que nous avons pu aider la végétation, les êtres de Lumière pourront s'occuper des animaux.

  • Il faudra un peu de temps pour que la végétation croisse, fis-je observer.

  • Soyez rassuré, des animaux très petits seront implantés au départ, il en est toujours ainsi.

  • Le vaisseau du père de Dorian n'était pas là par hasard, dis-je.

  • Oui, en effet. Les êtres de Lumière vont faire de cette sphère un petit paradis, répondit-elle joyeusement. La vie animale, végétale et minérale forme un cercle parfait, souvenez-vous.

 

Rassuré par ces propos, je me dirigeais vers les tâches qui nous attendaient ce jour. J'avais été affecté à une armoire de câblage, et le petit Zilner, aux soins envers des jeunes plants. Une erreur s'était produite, manifestement. Mes mains aux doigts trop larges auraient bien eu de la peine à effectuer pareil ouvrage. Nous avons échangé nos places en riant, et je me dirigeais vers la serre.

 

Une paix infinie m'habita, alors que je contemplais plusieurs jeunes arbres et arbustes bien vigoureux. Ils devaient être abrités dans des alvéoles spéciales lors du voyage de retour. Les plus petits seraient immergés dans un gel nourricier, pour protéger les feuillages fragiles. Je m'occupais de transplanter certains sujets dans un terreau mieux adapté et Zilner me rejoignit peu après.

 

  • Tu as déjà terminé ? m'étonnais-je.

  • Oui, ces armoires étaient en parfait état. Autrefois, je devais vérifier des centaines de relais avec Nerti. Je constate que tu aimes bien la terre, se moqua-t-il. Mais Zilmis ne va pas être ravi.

     

En effet, mes mains étaient noires de terre, et Zilmis, qui faisait partie du peuple des montagnes, ne comprenait pas cette habitude. J'avais tenté de lui expliquer qu'une énergie apaisante et bienfaisante y circulait. Je nettoyais mes mains terreuses entièrement, conscient d'une certaine promesse. J'avais promis de faire plus attention et de présenter un peu meilleure allure. J'avais dans l'ensemble tenu parole.

 

Un Dorian allègre remédia à la situation. Mes manches dans un état préoccupant retrouvèrent toute leur netteté.

 

  • Votre dévotion envers ces plants est excellente, me dit-il en avisant les arbustes bien enveloppés dans leurs cocons de lumière. Ces maillages vont réagir à la pression gravitationnelle.

  • Et pour la salle environnementale ? Je me suis toujours demandé comment elle réagissait à l'accélération, exposais-je.

  • Elle est décorrélée, un court instant, au moment des accélérations critiques. La végétation et les animaux ne sont ainsi pas affectés par la pression, assura-t-il en marchant d'un pas joyeux. Une infinité de G peut s'abattre sur eux sans le moindre souci.

 

Nous sommes tous arrivés sur le pont principal du vaisseau, avec face à nous la superbe planète brun roux, posée sur le dais de velours de l'espace. Le moment était venu de la saluer.

 

Chacun de nous a pris place à une petite table, et a prié, à sa manière. Nerti et Zilner sanglotaient, Amoni les réconfortant de son mieux avec Minel et moi-même.

 

  • Nous allons retrouver notre jolie demeure, dis-je aux enfants. Et vous reverrez le sage Zablinsk et tous vos amis. La cérémonie va bientôt avoir lieu, exposais-je.

 

La cérémonie visait à bénir la planète et tous ses habitants. Bien sûr, chacun était libre d'y venir ou non. Erazel, Zilmis et moi-même nous sommes dirigés vers la grande salle du vaisseau.

 

Une esplanade avait été dressée, et les prêtres, issus de peuples variés murmuraient entre eux, pour disposer diverses statues sur l'autel, avec également, un certain nombre de plantes que nous avions semées. Un large écran représentait la belle de nuit entourée de fins nuages, les images bougeaient en accéléré, entrecoupées de plans climatologiques en fausses couleurs, et de panoramas de la surface.

 

La foi était importante pour mon monde à cette époque. Sinon, comment aurions-nous pu songer à semer quoi que ce soit ?

 

Chacun prit place et la pénombre s'installa, entrecoupée simplement de lueurs dorées de lampes à plasma assourdies. Les prêtres commencèrent les invocations, remerciant la planète à tour de rôle. Ensuite, ils invoquèrent les esprits de nos grands ancêtres voyageurs, les priant de se concentrer sur cette sphère et d'y parfaire la croissance de la vie à venir. Chacun murmura des prières en s'essuyant les yeux, cette cérémonie fut très émouvante. Elle fut ponctuée de très beaux chants, et s'acheva par un chant brillant d'amour. Puis, tout le monde s'étreignit et s'embrassa.

 

Nous sommes sortis de la grande salle un peu chancelants, mais soulagés et heureux. Nous nous trouvions dans un couloir, lorsqu'un grondement sourd nous impressionna. Le vaisseau trembla légèrement.

  • Ils ont rallumé les moteurs auxiliaires, et ils font chauffer les réacteurs principaux, exposa Erazel. Nous partons ce soir.

  • Ce n'est pas normal, émit Zilmis. Notre départ était prévu demain !? Quelque chose a été détecté.

 

Un peu alarmés, nous avons rejoint nos compagnons. En effet, un court instant plus tard, la capitaine du vaisseau s'adressa à tous les passagers.

 

  • Mes amis, nous partons, nous devons partir plus vite que prévu. Je sais que cela peinera certains, mais il en va de notre sécurité. Une tempête de plasma interstellaire est en approche, elle va couper notre future route, et nous risquons d'être paralysés plusieurs jours. Il serait trop long de la contourner. Pour éviter cela, nous avons décidé de partir plus tôt. Nous avons besoin de volontaires à la timonerie et en salle des marchandises. Vous avez deux heures pour vous préparer. Bonne chance !

     

Le message s'acheva et une série de rectangles bleus apparut sur les écrans, le compte à rebours commençait. Amoni, Minel et les enfants commencèrent à ranger nos appartements. Avec Zilmis, nous avons décidé de nous rendre à la timonerie et en salle des marchandises sans plus attendre. Les êtres de lumière nous accompagnèrent.

 

Dorian m'accompagna en salle des marchandises. L'annonce de notre départ dans la soirée, avait rendu celle-ci pratiquement déserte. Un bon millier de drones chargés de semis avaient besoin d'être inspectés. Ils s'étaient posés en désordre sur le sol. D'autres drones, les derniers, arrivaient les uns après les autres.

 

Je saisis le premier drone d'un air résolu et le brossais méthodiquement avec un tube d'aspiration.

 

  • Laissez cela, ami, me dit Dorian. Je vais les nettoyer. Occupez-vous donc de les ranger dans les compartiments, me dit-il.

     

Dorian se concentra en fixant une vingtaine de drones épars, puis des nuages de poussière s'envolèrent docilement pour aller rejoindre le tube d'aspiration.

 

Avec plusieurs Kolals et Galmols, nous les avons fait flotter pour les ranger dans les armoires de protection. Un officier apparut, et nous regarda faire d'un œil atterré. La salle d'embarquement se vidait peu à peu des drones restants. Ceux qui arrivaient avaient un peu plus d'espace pour se poser.

En à peine un quart d'heure, elle fut vide, ce qui représentait un exploit. Un petit robot de ménage tatillon vint nettoyer, puis polir le sol, couvert de brindilles et de sable.

 

Il restait trois drones qui devaient arriver d'un instant à l'autre. Ils apparurent enfin sur l'écran des capteurs. Un faisceau ascendant leur permettait de rejoindre notre vaisseau, situé dans l'espace. Dorian s'en occupa, puis, chacun de nous put quitter ce lieu. J'étais soulagé à dire vrai.

 

Chacun de nous repassa par un sas de décontamination, puis, avec Dorian, nous avons été retrouver Zilmis à la timonerie.

 

C'était une pièce du vaisseau que je n'avais encore jamais vue. Basse de plafond et incurvée, elle offrait une perspective rassurante sur l'espace environnant. Une vingtaine de timoniers et d'experts en navigation discutaient en un murmure serein. La salle était très faiblement éclairée, juste assez pour voir les instruments, les cartes. Les différents capitaines du vaisseau, de jour et de nuit, s'y succédaient. Il y avait en tout cinq capitaines, dont une capitaine en chef. Pour l'instant, c'était elle qui dirigeait les opérations avec le second capitaine, un Kolal paisible. Les autres capitaines, qui officiaient la nuit, étaient allés se reposer.

 

Les timoniers étaient entièrement concentrés sur leur objectif, faire démarrer une turbine de poussée bloquée. Zilmis avait achevé d'inspecter une console, et conversait dans un communicateur.

 

Je reconnus sur un écran un spectacle qui me fit éprouver une vive anxiété. Trois petits clones menus progressaient sur une tourelle en astrocéramique blanche. Celle-ci menait au cœur de l'un des quatre réacteurs principaux du vaisseau.

 

  • Soyez les bienvenus, merci pour votre soutien, fit la capitaine du vaisseau. Nous avons un vérin grippé, dit-elle sans ambages. Nous pourrons partir, mais notre trajectoire sera ralentie, dit-elle en clignant de ses yeux d'obsidienne.

  • Pouvez-vous me montrer ce vérin ? demanda Dorian.

  • Il se trouve juste ici, exposa-t-elle en le désignant sur un écran. L'un des clones est entré dans le réacteur pour inspecter les rails.

     

L'écran montrait en effet un spectacle des plus impressionnants. On voyait depuis l'intérieur l'immense structure métallique. Le petit clone s'occupait de graisser des rouages. Il referma le panneau et ressortit du réacteur. Un autre clone en verrouilla la trappe de visite, puis les trois petits êtres battirent en retraite.

 

  • Ils ont fait tout ce qu'ils ont pu, émit Zilmis, qui nous lança un regard de connivence absolue.

  • Excellent, fit Dorian. Vous me permettez d'essayer ? demanda-t-il en souriant.

  • Oui, tout à fait, fit la capitaine.

 

Il s'approcha d'une console, et posa ses mains sous le pupitre. L'écran clignota légèrement, il effectuait là sans nul doute des opérations d'une bien grande complexité. Le réacteur émit un grondement qui résonna dans toute la structure du vaisseau, puis il s'illumina lentement.

 

  • Bravo, c'est merveilleux ! lança la grande Kolal. Vous avez là toute ma gratitude.

  • Le travail de ces clones a été déterminant, exposa Dorian. Leur courage est très grand.

  • Je m'en vais aussitôt les féliciter.

 

J'ouvris des yeux ronds, mais il en était bien ainsi sur mon monde. La capitaine se rendit dans un élévateur, et un instant plus tard, nous l'avons aperçue sur un écran. Tout tremblants sur leurs jambes, les clones étaient déséquipés par des adultes. Je vis avec satisfaction que leurs harnais comportaient deux câbles d'amarrage. Un soigneur leur apporta un breuvage et promena un senseur pour vérifier qu'ils n'avaient aucun dommage.

 

  • Nous savons bien tous les deux à quoi vous pensez, fit Dorian. Ces petits sont heureux de servir. Ici, au moins, ils sont bien traités.

 

En effet, notre capitaine serra les petites mains de tous les clones émus. Ils apprirent d'un air bouleversé qu'ils auraient droit à une récompense spéciale.

 

Peu après, nous sommes retournés en nos appartements, plutôt silencieux Orel était demeuré en retrait. Toujours impressionné par son brillant mentor, il commenta la remise en route du réacteur.

 

  • Comment as-tu fait cette fois ? s'enquit-il avec quelque amusement.

  • Il existe des coupe circuits, des micro-relais, il est nécessaire de doser l'énergie, l'amener progressivement là où il le faut. Ces enfants ont un bien grand courage d'oser entrer à l'intérieur de ces tubulures immenses.

 

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