Les dissidents (4/4)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Les dissidents (4/4)

Message du Guérisseur Lestrys (suite et fin)

 

 

Le matin venu, chacun s'apprêta et se leva fort tôt pour le grand départ. J'enfilais à Stency un manteau plus chaud que d'ordinaire, et une écharpe rouge. Je lui remis une balise miniaturisée, et un pendentif en cristal, comme cela se fait lors des voyages stellaires. Ceci, afin de ne point le perdre.

 

  • Ceci est pour te protéger des radiations dangereuses. Ne le perd pas mon enfant, c'est très important.

 

Il sourit, un éclair intense animait ses yeux noirs si brillants, celui de l'aventure. Il saisit son sac et ouvrit la porte en gambadant. Il était paré !

 

Je le suivis aussitôt et retrouvais Eratsu en sa chambre vide. Il était très embarrassé, peinant à faire entrer tout un lot d'ouvrages en un énorme sac.

 

  • Je pensais qu'avec ce modèle, tous mes livres seraient à l'aise, exposa-t-il.

  • Ce n'est rien, dis-je en riant. Donnez m'en une partie, mon sac a encore de l'espace.

 

Mais, il s'avéra que les livres d'Eratsu refusaient de rentrer entièrement. Plein d'astuce, Stency fila dans un couloir de maintenance et revint avec un sac de tissu blanc stérilisé, destiné à la collecte du linge à nettoyer.

 

Eratsu put le garnir des ouvrages restants, et le chargea sur son dos.

 

  • Tu est vraiment un très bon petit, merci à toi ! Les bagages non emballés sont refusés. Vous n'avez rien oublié ?

 

Chacun de nous assura qu'il avait vérifié de nombreuses fois, et que tout était en ordre.

 

  • Et votre pantalon ? s'inquiéta Eratsu.

  • Il m'a été remis hier, par un expert en tissus. Il a pu restaurer la soie de manière parfaite.

  • Avez-vous encore des tiraillements ? s'enquit-il.

  • Nullement, la plaie a parfaitement guéri, répondis-je. Le soigneur a estimé hier que j'étais apte au voyage dans l'espace.

  • J'en suis très heureux, en ce cas, émit Eratsu. Je songe que ce chercheur perfide a eu l'intention de vous priver d'un tel départ.

 

Nous avons cheminé dans les couloirs, découvrant un petit chariot à répulsion, qui nous permit d'être soulagés de la montagne de livres d'Eratsu. Très fier, Stency se chargea des bagages. Lorsqu'il se fatigua, Eratsu prit le relais. Je saisis la main de Stency, très intimidé par le spectacle inouï qui s'offrait à nous.

 

L'immense vaisseau de métal bleuté luisait faiblement, tous ses ponts richement illuminés pour hâter notre départ. Des files de voyageurs pressés avec des petits chariots empruntaient des rampes d'embarquement. Nous devions prendre la rampe 414.

 

Le dernier fret était chargé à bord, et notamment tout ce qui est périssable, comme les aliments, ou fragile, comme les instruments d'optique et les sondoscopes. Des files de robots de maintenance poussaient de lourdes malles à répulsion antichocs en un incessant flot de marchandises.

 

Autour de moi, les voyageurs ouvraient de grands yeux, face à la vue du fier vaisseau, dont les premières rampes d'embarquement étaient retirées. Il faisait environ 800 mètres de long, il s'agissait d'un vaisseau d'exploration scientifique, embarquant les plus brillants chercheurs, sur les zones pionnières, en particulier la Terre, où existaient plusieurs colonies souterraines.

 

 

Durant la traversée, Levinsworth se tiendrait dans une autre aile, afin de seconder son épouse. Son laboratoire avait été positionné tout près de la timonerie. Il ne viendrait pas avec nous sur Terre, mais resterait avec elle, pour moissonner de nouvelles données scientifiques dans l'espace.

 

J'avais osé demander à Ouentsitu si les échantillons de vie première mis en culture allaient servir à repeupler de nouveaux astéroïdes, mais il m’exposa que les impérialistes étaient plutôt préoccupés par la maturation des pierreries, comme le cristal diamant.

 

Nous approchions de la rampe d'embarquement, le vaisseau brillait doucement, et les portes, minuscules et jaunes, se tenaient bien loin de nous. C'était un départ pour une nouvelle vie, je tremblais d'émoi, et je réalisais que Stency peinait à s'équilibrer lui aussi. Attentif à ne pas le perdre, je serrais très fort sa petite main.

 

Un océan de nuit piqueté d'étoiles et de zébrures colorées nous environnait. L'espace nous appelait à lui. Nous sommes enfin entrés à bord du vaste croiseur, et un valet aimable nous mena en nos quartiers. Il nous aida à déposer nos effets dans les compartiments prévus, et chacun de nous les referma. Nos bagages les plus lourds avaient déjà été amenés à bord voici des jours, et arrimés. Nous avons gagné un petit salon, et avons pris des boissons pour nous détendre avant le départ.

 

Elles étaient essentielles et devaient nous permettre de nous immerger au delà de l'espace-temps sans dommages. Stency y eut droit lui, aussi, avec une dose plus modérée adaptée à sa silhouette minuscule.

 

Les bons soins qu'il avait reçus avaient eu un effet positif sur sa santé. Son système énergétique s'était stabilisé. J'avais contrôlé moi-même ses paramètres vitaux avant le départ, le premier Levinsworth nous apportant les meilleurs fortifiants. Les biologistes l'avaient finalement déclaré apte.

 

  • C'est de justesse, avait exposé à voix basse le valet qui nous avait déjà reçus. Il risque d'avoir des épanchements, faites attention.

 

Interrogé sur la possibilité d'épanchements, Stency avait assuré de tout cœur qu'il préférait prendre ce risque plutôt que de nous quitter, Eratsu et moi-même.

 

Il avait cependant encore des questions.

 

  • Le superviseur du service d'étage est venu, exposa-t-il avec quelque effroi. Il paraît qu'il a demandé où j'étais.

  • Il a été fort bien reçu, répondit Eratsu avec amusement. Levinsworth lui a réservé là l'accueil qu'il méritait. Tu fais partie du monde des chercheurs maintenant ! Tranquillise-toi et admire ce bel astéroïde. C'est comme s'il nous disait au revoir.

 

En effet, une douce brume miroitante montait de l'astre endormi, composée de paillettes de givre. Je fixais avec révérence les cratères à la beauté austère et majestueuse, espérant tout de même qu'un jour un peu de végétation parviendrait à croître sur ce monde.

 

 

  • Je me demande combien d'astéroïdes de ce type il faut pour faire une petite planète, s'étonna Stency.

  • Environ une cinquantaine, répondis-je. Lorsque la planète est constituée, la croûte s'échauffe. Elle devient sphérique, puis refroidit, donnant une atmosphère. Ensuite, de la vie peut commencer à s'épanouir.

  • Et le vaisseau ? Cela signifie qu'il existe peu de résistance ? s'enquit Stency.

  • Oui, c'est très juste, ce type d'endroit est idéal pour un lancement. La gravité extérieure est très faible.

 

 

Chacun de nous cessa de converser. Des sirènes retentirent. On recula les tourelles de chargement du fret et les rampes de maintenance. Il ne resta plus que trois rampes visibles. Des aliens retardataires filaient en toute hâte, poussant leurs bagages avec célérité.

 

Un son clair et profond résonna dans notre quartier. Nous avons débarrassé la table et rangé la vaisselle dans des tiroirs scellés. Chacun de nous gagna des sièges différents, plus allongés, avec les pieds placés le plus haut possible, par rapport au corps. Chacun s'installa et aida son voisin à se sangler solidement. Le compte à rebours commença, il était d'environ dix minutes. Un écran montrait un signal blanc, qui virait au jaune, puis au orange, sur une ligne continue.

 

Un grondement sourd résonna, faisant trembler tout le vaisseau, il devint peu à peu un sifflement aigu agréable. On démarrait les différents réacteurs. Les calculateurs de poussée étaient parés. Je devinais que les derniers voyageurs avaient pu gagner le bord. Il était interdit de s'approcher d'un vaisseau en activité sans équipement adapté.

 

Enfin, le signal de départ retentit. L'écran était une ligne rouge à présent. Il y eut une poussée immense, celle-ci s'abattant d'un coup sur nos silhouettes. Les G me firent entrer en un état second, et ma conscience dériva de manière plaisante.

 

Nous étions partis, je sentais la pensée de Stency et de mes compagnons près de la mienne. La poussée s'intensifia et la pression devint considérable. Tout le monde allait bien, j'exultais de joie.

 

En une vision fugace, je perçus l'intrépide Elamide, l'épouse de Levinsworth qui pilotait le vaisseau. Elle agrippait fermement la console de guidage, augmentant peu à peu la poussée lumière. Enfin, elle bascula sur son siège et s'effondra à son tour, inerte. Malgré son équipement protecteur, elle avait été entraînée à résister à des poussées fantastiques.

 

 

Éperdu d'admiration, j'entrais dans un sommeil paisible, apercevant le vaisseau immense tracer un superbe sillon d'or dans le noir de l'espace.

 

Je vous salue ici, chers amis Terriens et vous remercie de vos pensées si amicales nous concernant. Nous sommes tout près de vous par le cœur et par l'esprit, pour vous assister dans la transformation de votre monde et dans sa renaissance.

 

Vous pouvez reproduire ce texte et en donner copie aux conditions suivantes : 

 

Publié dans Messages

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