Le gouffre sans fond (2/3)
Message du Guérisseur Lestrys (suite)
Malgré notre état de décontraction apparente, Oktos et moi-même cherchions un lieu où passer la nuit. Nous l'avons découvert, 300 mètres plus bas. La falaise presque verticale du puits obscur allait grandement faciliter notre descente.
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Ce ne sera qu'une formalité, prévint Oktos. Il est une trajectoire rectiligne, fort aisée pour les nôtres. Et ensuite, nous pourrons nous reposer en un lieu douillet.
Je passais en premier, mais Stency ne voulait pas lâcher ma main.
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Il est encore en état de choc, exposais-je.
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En ce cas, encordez-vous avec lui, et laissez votre sac ici, conseilla Oktos.
Je m'exécutais, serrant près de moi le plus jeune des petits clones, toujours endormi, et Stency, dont les genoux s'entrechoquaient.
Je sautais dans le vide, un courant d'air infiniment agréable me redonnant toute mon énergie. Stency serrait très fort mon bras, contemplant une corniche assez importante qui se rapprochait peu à peu.
Nous nous sommes posés, et je prévins par l'esprit Oktos que tout était parfait. La chute étant rectiligne, il n'était pas nécessaire d'emmailloter nos compagnons dans des sacs de couchage. Il demanda à Henri de passer en premier, suivi des deux enfants, et des bagages, qu'il m'envoya en dernier.
Ensuite, Oktos se posa avec grâce près de moi.
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Je suis ravi de faire équipe avec vous, dit-il par l'esprit. Ce lieu est tout à fait appréciable pour y dormir.
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Je suis moi de même vraiment heureux de notre collaboration. Ces petits s'en tirent bien, dis-je en observant les enfants qui buvaient un peu d'eau mystérieuse.
Chacun de nous s'approcha au plus près de la paroi pour y passer la nuit, et s'endormit en peu de temps.
Il me parut que ce sommeil dura un temps très court. Au matin, Stency m'éveilla d'un air surexcité.
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Il revient à lui, dit-il en montrant le petit clone fort jeune qui ouvrait les yeux.
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C'est une très bonne nouvelle ! assurais-je à un Stency radieux.
Et, mon cher petit s'empressa de lui donner un peu d'eau mystérieuse. Je croisais le regard d'Oktos, et nos pensées se rejoignirent un court instant. Les petits immatures sont très fragiles à cet âge, et si le petit blessé voyait le vide terrifiant qui nous entourait, il allait certainement se mettre à hurler de peur, trahissant notre présence. Heureusement, il se rendormit, et il ne fut pas nécessaire de lui faire prendre un breuvage. Par précautions, et pour le ménager, Oktos lui banda les yeux.
Notre descente reprit, elle sembla durer un temps infini. Elle dura en tout cinq jours, et nous éprouva au plus profond de nous mêmes. Il nous fallut, à un moment donné, éviter des eaux brûlantes qui se déversaient de la paroi. Cela compliqua notre progression, mais nous avons redoublé d'efforts, percevant le fond de ce gigantesque gouffre en nos esprits de voyageurs.
Le recours à l'antigravité devint le seul moyen de franchir la paroi abrupte, composée maintenant d'éboulis et de rochers très instables. Plus lourd que nous, Henri dérangea un gros bloc énorme qui dégringola en faisant un fracas assourdissant. Je posais le pied sur le surplomb et il m'arriva la même mésaventure. Notre descente devint peu à peu très pénible, un vent glacé cinglant montait des profondeurs, une brume dense nous empêchait de nous voir.
Heureusement, nos sens d'aliens nous permettaient de continuer à descendre, mes compagnons nous vouant une confiance infinie, en se laissant choir comme nous les y invitions. Oktos partageait mon point de vue, ce qui adoucit considérablement son caractère autrefois habité de vivacité et d'aigreur.
Nous étions parvenus à une vaste arête rocheuse balayée de vents incessants. Il nous restait une dernière hauteur de 700 mètres environ à franchir. Exténué, mais toujours vaillant, Oktos fit transiter nos compagnons, puis les bagages. Nous étions couverts de boue et de poussière. Nos mains terreuses auraient eu grand besoin de soins, et nos souliers également. Nous avons fait une pause, afin de reprendre des forces, mais le vent glacé commençait à nous engourdir.
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Ne restons pas là, fit Henri, avec une présence d'esprit admirable. Il faut vous lever.
Oktos et moi-même nous sommes exécutés. Hélas, mes mains gelées peinaient à projeter le moindre fluide. Henri le comprit très bien et réchauffa mes paumes glacées dans les siennes, puis agit de même pour Oktos.
Empli de ressources, il alluma pour nous un petit calorigène et disposa un déflecteur. Une chaleur douillette nous gagna bientôt, ranimant toutes nos forces.
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C'est le dernier saut mes amis, dis-je en désignant le sol, environ 300 mètres sous nos pas.
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Allez-y, fit Oktos, je résiste mieux au froid que vous.
Je m'exécutais, réussissant à me poser sans trop de heurts avec Stency. Henri fut le premier à me rejoindre, parmi un amoncellement de pierraille grise, et d'éboulis gigantesques, sur lequel il dérapa. J'immobilisais sa chute et me confondis en excuses. Nous occupions à présent le sol d'une très vaste grotte. Pour une raison inconnue, je sentais qu'il fallait faire vite. Henri réchauffa mes paumes glacées et m'encouragea avec une grande bonté. Sa bravoure était très grande, et c'était le plus alerte d'entre nous, malgré le froid environnant.
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Allez-y, courage, vous allez y arriver, me dit-il alors que je posais avec hésitations le clone le plus grand parmi les éboulis.
Henri tendit les bras et rattrapa le petit alien, qui poussa un murmure de gratitude. Il en fut de même pour le plus jeune, puis pour les bagages. J'étais à bout de forces et me laissais tomber sur un rocher.
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Elil ! Il faut partir ! lança Stency, qui avait pressenti le danger.
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Fuyez ! ordonna Henri aux enfants, en désignant une caverne plus claire qui brillait devant nous. Nous vous rejoignons.
Les deux petits êtres transis se mirent à courir, se retournant pour voir si nous les suivions. Stency me tira de toutes ses forces, mais ce fut Henri qui parvint à soulever mon poids. Il se chargea de mon bagage et du sien et me traîna à moitié dans les éboulis. Oktos nous rejoignit bientôt et lui prêta main forte. Les enfants s'étaient figés pour nous attendre.
Face à nous un voile lumineux bleuté et doré occupait toute la largeur du vaste boyau, formant un ovale admirable.
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Allez-y, dis-je dans un souffle, c'est par là.
Ensuite, ce fut le trou noir, je perdis connaissance. Ce fut Henri qui me porta alors, il était d'une grande vigueur, et vraiment d'une bravoure peu ordinaire en pareil instant. Stency se chargea se traîner mon sac dans la poussière et Oktos portait les bagages restants.
Un grondement formidable secoua toute la caverne, des pierrailles légères se détachant du plafond.
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Vas-y, fonce petit ! lança Henri en voyant Stency qui était presque arrivé.
Mes compagnons franchirent la porte de lumière et osèrent alors se retourner. Un mur d'eau bouillonnant se précipita dans leur direction. Henri serra près de lui Stency et Oktos, se préparant au choc, mais l'eau s’abattit contre le voile lumineux et rebondit dessus.
Ce fut à cet instant que je pus entrouvrir faiblement les yeux. Un certain nombre de choses incompréhensibles m'apparurent alors. Nous étions secs, et l'eau se déversait paisiblement derrière le voile lumineux. Nos habits maculés de boue étaient redevenus étincelants, et nous étions frais et dispos, comme au sortir d'un bon bain parfumé.
Enfin, les deux petits gris si vaillants revenaient vers nous à bord de notre petit vaisseau à répulsion, que nous avions délaissé voici des jours. Il avait réapparu mystérieusement et s'était agrandi, offrant tout le confort pour notre nouvel ami Terrien.
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Sans vous, je ne m'en sortais pas, avouais-je à Henri. Merci à vous tous mes amis, soyez bénis, dis-je alors qu'Oktos me hissait par l'esprit à bord du petit vaisseau.
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Il serait impensable d'abandonner celui qui nous a permis de franchir ce gouffre sans fond. Votre talent en antigravité est très au-dessus de ce qui se fait de mieux, je n'ai jamais pu porter à peine plus que mon propre poids, assura Oktos d'un air radieux.
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Cela fait de vous un expert, croyez-le bien, assurais-je.
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Allons-y mes petits, faites-nous quitter ce lieu au plus vite, exposa Oktos aux enfants, qui inspectèrent les commandes du petit vaisseau. Cette eau est calme et contenue par ce voile de lumière pour l'instant, mais ne sait-on jamais.
Les enfants abaissèrent la coupole de notre petit navire, pour nous protéger des gouttes qui tombaient du plafond, puis lui firent faire un demi tour aisé. Nous avons alors vogué en une galerie dorée très agréable. Je sombrais peu à peu en un sommeil béni. Mon esprit s'échappa hors de mon corps exténué, et je vis celle qui occupait mes pensée chaque jour.
Célia se tenait face à moi et un fluide très brillant unissait nos mains. Stency nous rejoignit peu après et ensemble nous avons plongé dans le même rêve paisible.
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