Le gouffre sans fond (1/3)
Message du Guérisseur Lestrys
Je me tiens devant vous, me voici de nouveau pour vous conter la suite de notre périple parmi les méandres tortueux de votre monde.
Nous nous trouvions loin sous la terre, mes compagnons et moi même, en un tunnel brutalement interrompu par une cheminée verticale, en vérité un puits sans fond, qui s'ouvrait sous nos pas.
Il y avait le sage Oktos, trois jeunes clones, puis Henri, notre compagnon de la Terre, et enfin Stency et moi-même.
Nous étions tous impressionnés par la profondeur de ce puits immense, habité d'une superbe clarté blanche et jaune pâle à perte de vue.
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Comment allons-nous donc faire pour descendre par là ? bougonna Oktos. Nous n'aurons jamais assez de cordage !
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Cela est possible, exposais-je. Il suffit de faire étape sur certaines de ces corniches plus bas.Vous oubliez que nous maîtrisons l'antigravité tous les deux.
Nous nous sommes encordés aussitôt. Je descendis en bas le premier, aidé de mon fluide, j'atteignis bientôt la première corniche. Je fixais mes compagnons, restés loin en hauteur, anticipant toute chute. Malgré sa peur du vide, Stency progressait avec une agilité déconcertante. Il advint cependant un passage délicat, et il resta là, les jambes tremblantes, paralysé par la peur. Il se mit bientôt à sangloter, et j'avisais aussitôt mes compagnons, qui s'immobilisèrent. Je m'élevais alors pour l'aider, le détachant de la corde et l'emportant dans mes bras.
Une fois que Stency se trouva en sécurité sur le surplomb abrupt, mes compagnons reprirent leur descente. Lorsque Oktos se laissa tomber auprès de nous, exténué, il nous apparut clairement que cette solution n'était pas la bonne. Les enfants eux aussi étaient très affaiblis par cet effort. Henri nous rejoignit, les genoux flageolants. Il avait là déployé un courage exceptionnel. Mais Oktos tressaillit et tout le monde le fixa avec un effroi mêlé d'une sorte de fascination. Sa main saignait.
Je m'approchais aussitôt pour le soigner en désinfectant la plaie.
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Cela va être difficile pour moi de continuer, prévint Henri.
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N'ayez crainte, exposais-je. Nous allons progresser différemment. Remettez-vous et prenez de ces biscuits. Nous avons aussi de l’élixir des meilleurs fruits.
Chacun de nous se restaura, puis notre progression reprit. Oktos et moi-même avions idée de progresser à l'aide d'un vecteur. Nous avons commencé nos essais à l'aide d'un sac modeste. Le but était que le sac aboutisse en bas, sans heurter la paroi. Oktos lançait le sac, de manière précise, et je ralentissais sa chute en douceur. Nous avons effectué trois essais concluants, à l'aide de divers bagages. Ce moyen de progression était très rapide, mais un peu risqué pour chacun de nos compagnons. Chacun des enfants fut coiffé de bonnets et enfila des gants. Ensuite, Oktos entoura l'aîné des enfants dans un sac de couchage.
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Tout ira bien, dit-il au jeune clone effrayé. Si tu as peur, nous pouvons te bander les yeux.
Mais il refusa. Nous avions choisi à dessein l'un des petits gris, car leur ossature très souple est extrêmement résistante.
Oktos saisit l'enfant dans les bras, et l'amena à la verticale de la falaise. Je me concentrais, projetant mon fluide de toutes mes forces, non pas pour ralentir sa chute, mais l'orienter précisément en cas de besoin. Oktos faisait de même. Il perçut mon signal et lâcha le petit clone.
Et le petit être tomba, tomba, tourbillonnant dans le gouffre étroit. La vitesse de sa chute accéléra, puis je la stabilisais, ralentissant peu à peu sa course dès qu'il fut à portée, c'est à dire une vingtaine de mètres au dessus de moi. Il atterrit à mes côtés, surpris et ravi.
Ses yeux débordèrent de larmes de gratitude, et je le libérais aussitôt du sac de couchage. Je devinais qu'il devait être merveilleusement grisant de voyager ainsi. Le plus jeune des enfants suivit, Stency, et enfin Henri. Pour ce faire, je renvoyai les sacs de couchage vers le haut du puits à Oktos, qui les réceptionna.
Nous avions soupesé le poids du Terrien, plus lourd et plus corpulent qu'un alien. Il fut cette fois emmailloté dans deux sacs de couchage, et une série de bonnets épais.
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Je ne risque pas de prendre froid ainsi, s'amusa-t-il. Est-il possible de ralentir la chute, s'il vous plaît ?
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La ralentir est possible, mais tire sur nos fluides, expliqua Oktos, avec plus de bonté que je ne l'aurais cru capable. Nous n'avons pas encore trouvé d'endroit pour passer la nuit. Il nous faut garder toutes nos forces. Cette corniche est trop étroite pour dormir, et celle du dessous aussi. Nous devons progresser plus vite, et pour cela, une chute rapide est idéale. Au pire, vous aurez quelques bleus. Nous allons faire de notre mieux. Vous serez en bas dans quelques dizaines de secondes, prévint-il. Préparez-vous.
Et Oktos positionna Henri au-dessus du gouffre en une onde antigravitationnelle assurée. Il relâcha son fluide le plus lentement possible. Positionné 100 mètres plus bas, je pris le relais. J'effectuais un rebond, pour maintenir son corps dans l'axe d'immenses chandelles de calcite qui incurvaient le puits. Il poussa un grand cri et parvient finalement sans heurts à mes côtés.
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Allez-vous bien ? demandais-je en avisant son visage blême.
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Oui, oui, tout va bien. Vous avez un immense pouvoir. Pardon d'avoir crié, je sais que ce n'est pas très avisé. Je ferais mieux, promit-il.
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Ne vous en faites pas, assurais-je en le libérant, nous sommes en mesure de parfaitement veiller sur vous. Je suis ravi que vous n'ayez eu nul heurt. Nous avons franchi l'un des goulots les plus délicats, assurais-je.
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Comment pouvez-vous le savoir ? questionna Henri stupéfait.
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Nous voyons la route à emprunter, exposais-je en berçant Stency près de moi. Cela n'est pas un exploit pour les nôtres. Nous pouvons visualiser très précisément notre espace environnant, les distances qui séparent chaque chose.
Oktos se posa ensuite près de nous avec aisance. Henri parut très impressionné. J'avais remarqué une étrange coloration de son visage, mais ne lui en soufflait mot. Oktos, qui était peu porté sur les particularités capillaires des Terriens s'en étonna.
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Quel est donc cet étrange mouchetis qui recouvre votre visage ? demanda l'ancien avec stupeur.
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Juste une barbe, s'amusa Henri.
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Voilà qui est bien curieux d'avoir une chevelure subite à cet endroit, s'amusa le sage. Cela vous permet sans doute d'être protégé des impacts, s'étonna-t-il.
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Je n'y avais jamais songé, répliqua Henri en riant. Je devine que vous avez rencontré très peu des miens.
Le enfants regroupés autour de nous fixaient avec curiosité ses mains et ses cheveux, effectivement. Henri prit leurs mains minuscules dans les siennes et leur permit de toucher ses cheveux. Les enfants parurent ravis de son énergie si vive et de sa chaleur, très élevée pour un alien.
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Lek toma si, bégaya l’aîné des enfants.
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Que dit-il donc ? S'étonna Henri.
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Aussi brillant qu'une étoile, approximativement. Ils sont attirés par votre chaleur, eux n'en irradient pas autant, exposais-je.
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Les vôtres êtes aussi très attirants. Une sorte d'électricité bénéfique vous entoure, une énergie très agréable également, répondit Henri. J'en oublie presque cette falaise immense. Vous ranimez tout mon courage.
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Vous leur avez fait beaucoup d'honneur, expliquais-je. La tête est considérée comme le siège de la pensée. Vous leur permettez de toucher votre visage, ce qui est une grande marque d'amitié pour les nôtres.
Henri parut favorablement impressionné de ces paroles. Nous étions assis tout près les uns des autres à présent, sur cette corniche étroite. Des liens puissants commençaient à nous unir.
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