L'enfant des étoiles (3/4)
Message du Professeur Zolmirel (suite)
Le signal code du départ, le troisième, retentit. Cette fois, nous partions pour l'espace lointain. Mon cœur se serra et le philtre apaisant d'Amoni commença son action. Une accélération très vive se produisit, elle devint extrêmement intense. Une force terrifiante me plaquait à mon siège, les G s'accumulant sur nos silhouettes impuissantes. Mais je ne ressentis aucune vague nauséeuse. En revanche, quelque chose tirait dans mes membres, et mon sang s'accumulait dans mes pieds et mes mains. Le sifflement des immenses réacteurs s'intensifia. Par le vitrage, les étoiles devinrent bientôt des traînées étincelantes. Tout accéléra pour atteindre son paroxysme, puis mon esprit se dilata étrangement, alors, je ne ressentis plus rien qu'une vague cotonneuse plaisante. Un sommeil sans rêves m'habita.
Longtemps, très longtemps plus tard, j'ouvris les yeux. Un Amoni soucieux me détachait de mon siège et promenait un senseur autour de moi.
Il prit place à mes côtés.
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Comment vous sentez-vous, ami ?
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Très bien, mais j'ai l'impression de dormir et d'être éveillé en même temps.
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Vous avez dormi 18 heures. L'accélération de ce vaisseau est plus intense. Nous n'avons jamais subi cela.
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Comment va Minel ? demandais-je aussitôt.
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Très bien, elle dort encore, mais n'a eu aucun épanchement. Son corps est très résistant, assura Amoni avec un sourire.
Je souris également, je ne pouvais pas en dire autant. Mes paumes et mes mains comportaient quelques marbrures légères.
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Rien de grave, assura Amoni, il n'y paraîtra plus d'ici quelques jours, fit-il en étalant gentiment un onguent sur mes paumes.
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Et les enfants ?
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Zilner a eu un épanchement à l'avant-bras. Je l'ai soigné, expliqua Amoni. C'est indolore et ce sera vite guéri. Il est normal qu'il en soit ainsi chez les jeunes.
J'éprouvais un vif soulagement en songeant que tout le monde allait bien. J'observais avec surprise Orel qui sommeillait contre l'épaule de Dorian. Ce dernier l'allongea sur son lit et nous sourit d'un air rassurant.
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Lui aussi est assez jeune, pour les nôtres, exposa-t-il en riant.
Je ris de même, je me sentais fort bien, mais mon corps refusait de se mouvoir. Je serrais les mains avec efforts et tentais de me dresser.
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Allez-y doucement, fit Amoni. Il est normal d'être encore engourdi.
Après une dizaine de tentatives, l'énergie recommença à affluer à mes membres. Je parvins à me dresser et Amoni servit un breuvage réénergisant à tous ceux qui étaient éveillés.
J'éprouvais une chaleur plaisante, mon engourdissement se dissipa, faisant place à une joie formidable. Erazel me fit un clin d’œil et sourit sans mot dire.
Nous étions dans l'espace ! Nous allions de nouveau découvrir un monde inconnu !
Chacun de nous se leva sans bruit. Dorian allait rester avec Orel, mais Amoni me pria de l'accompagner, ainsi qu'Erazel. Il devait aider d'autres passagers, qui n'avaient pas eu autant de chance que nous.
Nous avons perçu des pensées de désarroi issues d'une cabine voisine. Amoni frappa et s'annonça. La porte s'ouvrit et un grand alien inquiet, un Kolal comme lui, nous invita à entrer.
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Mon fils ne s'éveille pas, exposa-t-il avec effroi.
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Ce n'est pas trop grave, répondit Amoni, en consultant un senseur, un épanchement interne au niveau de l'abdomen, dit-il en promenant un appareil étrange sur la plaie violacée.
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Vous avez bien fait d'appeler, assura Erazel.
Amoni étala un cicatrisant sur la plaie et rassura les parents.
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Tout est en ordre pour ce petit, il va dormir un peu encore, puis, il s'éveillera bientôt.
Nous sommes sortis de la cabine, puis nous sommes ensuite rendus au centre de soins. C'était le seul endroit du vaisseau d'où émanaient des pensées inquiètes.
Amoni entra et s'approcha des soigneurs affairés à stabiliser plusieurs jeunes enfants. L'un d'entre eux avait été plus ou moins écrasé par la pression au niveau de l'abdomen. Son grand canal, empli de pierres, avait cédé. C'était un hors monde, un petit clone gracile qui avait été recueilli comme tant d'autres.
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Il s'agit d'un petit Denakh, créé sans soin par des généticiens pressés, soupira Amoni.
La mère de l'enfant, du moins celle qui l'avait recueilli, était un valet Denakh de grande taille assez fier. Pour l'instant, elle sanglotait de manière irrépressible.
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Nous avons toujours été ensemble, soupira-t-elle.
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Calmez-vous, mes amis sont très habiles, ils vont soigner votre enfant, exposais-je en la faisant sortir du centre de soins.
Elle accepta de me suivre, chose assez imprévue, car il s'agissait d'une très grande alien d'1m80.
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Il a toujours des pierres, soupira-t-elle. Ses fluides digestifs sont corrompus.
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Ce n'est pas un souci, assurais-je, il sera soigné à bord de ce vaisseau, et son génome sera redressé au besoin. Vous oubliez qu'il existe à bord les meilleurs spécialistes, toutes les installations sont opérationnelles
Je perçus la pensée de gratitude d'Amoni et un son caractéristique, le tintement des cristaux digestifs qui chutaient dans un bocal. J'avais fait sortir la mère juste à temps, Amoni et d'autres soigneurs opéraient l'enfant en urgence pour retirer tous les débris et reconstituer les organes lésés.
La mère était effondrée.
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Il ne subsistera aucune lésion, assurais-je. Mon ami a déjà agi pour soigner de nombreux enfants de votre monde.
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Nous n'aurions pas dû venir à bord de ce vaisseau, mais l'occasion était trop belle.
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Vous êtes des dissidents ? demandais-je avec une admiration mêlée de compassion.
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Oui, nous fuyons le régime perfide de l'empire insurgé. La station stellaire a accepté de nous accueillir, ils recherchaient des experts en assemblage spatial.
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Voici qui est très heureux, je suis ravi de vous connaître, exposais-je. Je me nomme Zolmirel et les enfants d'Amoni sont aussi des petits Denakhs. Nous n'allons pas vous laisser seule. Accepterez-vous de vous joindre à nous ? Une fois que votre fils sera hors de danger, bien sûr.
Elle fixa mon regard avec surprise de ses grands yeux de nuit qui avaient tellement voyagé. Certaine de n'y découvrir nul mensonge, elle accepta.
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Je me nomme Anzial Leferti, je suis experte en propulsion et en réacteurs à hydrogène.
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Tout cela est merveilleux, assurais-je, très impressionné. Je suis botaniste et mon ami Zilmis sera ravi de discuter avec vous. Il adore réparer d'anciens vaisseaux stellaires.
Anzial parut un peu plus sereine. Un jeune alien Kolal apparut et nous invita à entrer. Ikerti, le petit clone meurtri était allongé dans un lit et un bandage impressionnant recouvrait son thorax. Des écrans affichaient les paramètres internes de son corps. Le pronostic était bon, mais cet enfant si frêle avait perdu beaucoup de fluides.
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Nous avons compensé sa circulation avec du plasma neutre, exposa le jeune étudiant en biologie. Ses organes digestifs ont été purifiés et reconstitués sans difficultés. Il sera traité un peu plus tard en profondeur. Mes maîtres ont isolé un certain nombre de gènes mal encodés, qui nuisent à la formule de ses liquides digestifs. Votre fils mérite d'être en parfaite santé.
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Merci, merci de tout cœur d'avoir pris soin de mon enfant, lança la mère en tremblant sur ses jambes.
Elle voulut s'agenouiller aux pieds d'Amoni et des autres guérisseurs, mais ne réussit qu'à déraper au sol. Chacun de nous fit agir son fluide pour l'empêcher de trébucher.
Nous l'avons escortée dans un salon apaisant, où jaillissait une musique reposante.
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Nous avons agi comme d'ordinaire, de même que vous œuvrez à élaborer les vaisseaux les plus parfaits, assura Amoni.
Amoni se trouva enchanté de la venue d'Anzial parmi nous pour le repas du soir. Avec sa sagacité habituelle, il voulait en savoir plus.
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Tous les vaisseaux comprennent un examen obligatoire de dépistage avant d'embarquer pour un vol prolongé.
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Oui, exposa Anzial. L'examen a réussi pour moi, mais Ikerti devait être traité. Je lui ai fait absorber un remède, hélas, celui-ci a agi imparfaitement. Il restait quelques pierres, et par chance, elles n'ont pas été détectées.
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Des pierres en nombre insuffisant pour être détectées, et qui permettent quand même de passer, exposa Amoni. Il faudra affiner la précision des détecteurs. Et améliorer les soins des hors mondes qui envisagent de vivre chez nous. Tous doivent être soignés sans exception, en particulier les petits clones.
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Tout à fait, assura Erazel. C'est absolument inacceptable de laisser des enfants ainsi.
J'avais été le témoin involontaire de nombreuses pathologies affectant les êtres clonés avec précipitation, par des généticiens vils qui ne pensaient qu'à s'enrichir et recevoir des honneurs. Les principales étaient des malformations des os, des articulations, de la capacité respiratoire et des membres. Amoni avait accompli de nombreux soins sur ces petits innocents. J'aurais bien aimé les conter par le menu détail à notre nouvel amie, mais je compris que ce n'était pas une bonne idée.
Anzial se joignit à nous pour un dîner qui se révéla très plaisant. Ensuite, Amoni la mena vers les chambres et elle put voir Nerti et Zilner endormis, ainsi que Minel, tout près d'eux.
Elle en fut étrangement apaisée et s'en retourna auprès du centre de soins pour veiller l'adorable petit Ikerti.
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