Le passé d'Ektazzo

Publié le par Aurélia LEDOUX

Le passé d'Ektazzo

Message d'Ektazzo

 

Ektazzo revient pour me dicter un nouveau texte.

 

Je le vois mieux, il ressemble à un enfant, et je suis fascinée. Car bien sûr, son âge réel est immense.

 

  • Tu veux voir mon passé, tu veux savoir ce qu'il s'est produit ?

 

Ce n'est pas une question mais une affirmation. La connexion tire un peu. Cela vacille, son esprit va tellement vite !

 

Je vois un vaisseau spatial circulaire, il plane de façon menaçante, erratique dans l'espace. Le vaisseau fait une rentrée atmosphérique soudaine, en une vitesse folle, la manœuvre est vacillante, légère, mais sûre. Pourtant on a l'impression que le vaisseau va s'écraser, il n'en est rien. Il freine à une vitesse qui tuerait instantanément un humain. Les aliens présent à l'intérieur de la nef fléchissent légèrement les genoux, et ne ressentent nul heurt, nul mal être.

 

Le vaisseau se pose en une clairière dorée, et une enfant s'avance dans cette clairière. Le piège psychique est en place.

 

Les petits serviteurs l'entourent, trois êtres de 1m30 environ.

 

L'enfant est paralysée et amenée sur une table. Les aliens sont très satisfaits. Ektazzo, a de la peine à regarder, il se couvre les yeux, soudain, il ressent une douleur, un mal être inexplicable.

 

Deux petits serviteurs s'approchent mais n'osent lui manifester de compassion, de peur de le vexer. Il se relève et rajuste son grand manteau, il retourne en sa cabine et revient, quelque temps plus tard, lorsque l'enfant est « prête ».

 

L'alien perçoit autour de l'enfant anesthésiée, une masse cotonneuse et lumineuse fantastique, cette masse fait comme un corps subtil, elle ressemble un peu à une membrane blanche.

 

La créature s'approche et flotte au dessus de l'enfant endormie, son esprit d'alien s'est lentement dédoublé.

 

Il s’approche de sa tête, le contact se fait alors clairement, l'alien voit en un éclair accéléré, tout le passé de la fillette, sa vie avec ses parents, ses rêves, et il voit, son âme, il perçoit cela comme un éclair de pureté absolue. C'est une émotion immense, parfaite, il est plongé dans une sorte d'extase muette, fasciné par la perfection qu'il a pu trouver chez cette espèce, dite inférieure.

 

Il est heureux à un point inouï d'avoir trouvé une enfant si parfaite.

 

Un petit laborantin malingre s'approche de l'enfant endormie, il voit lui aussi ses pensées, en un globe fantastique qui l'entourent. Le jeune être pousse un petit gémissement de compassion, ses supérieurs le rabrouent férocement et le font sortir de la salle.

 

Ektazzo est séduit par ce contact.

 

Il se présente à la fillette par voie psychique, apparaissant comme un sage, en cette clairière.

 

  • Qui es-tu ? demande l'enfant humain. D'où viens tu ? De Saturne ?

Ektazzo n'est guère surpris par ces questions, il y répond de son mieux, Saturne étant la planète la plus connue des humanoïdes à sang chaud, mais aussi l'une des plus lointaines de la Terre.

 

Il a affaire à un spécimen vraiment différent cette fois. Il veut en savoir plus, il se risque à sonder les vies antérieures de cette enfant et réalise ce qu'elle est : la réincarnation d'un jeune alien.

 

Il ressent un choc affreux, une vague de dégoût immense le submerge. Ainsi, les leurs, leurs petits serviteurs sont devenus cela, des enfants humains !!!

 

Il est horrifié, scandalisé. Il donne l'ordre que l'expérience cesse aussitôt, que l'enfant soit soignée et relâchée sans délai !

 

Les autres aliens obéissent craintivement, mais les généticiens qui se trouvent à bord de la nef, au nombre de quatre êtres, sont très mécontents. Ils se méfient de lui.

 

Les mois passent et Ektazzo participe de moins en moins aux expériences, il est écœuré, dégoûté de ces cris, de cette souffrance. Il ne supporte plus les cris des êtres humains.

 

  • Les êtres humains n'ont pas comme nous la faculté d'inhiber la douleur, explique t-il à de jeunes laborantins et d'autres généticiens plus âgés. Il faut les endormir avant d'effectuer des prélèvements, est-ce-que c'est compris ?

 

Les autres aliens sont moins convaincus, surtout les plus âgés.

  • Et pourquoi devrions-nous agir de la sorte ?

  • Ces cris vont trahir notre présence, et de toutes manières, il sera impossible d'effacer cela totalement. Comment voulez vous effacer cela de la tête d'un humain ? Une telle souffrance ? C'est impossible !

  • Nos effaceurs stéréoscopiques fonctionnent très bien... , palabre un vieil alien austère

  • Bien sûr que non, reprend un plus jeune, l'âme, l'esprit de humains, voit lorsqu'ils sont endormis ils nous voient, nous et ils savent tout de nous ! Peu à peu... , des récits ont fleuri aux quatre coins du monde alors que nous devions rester incognito. Les accords avec l'armée et les dirigeants terrestres ont été découverts !

 

En effet, le vaisseau s'élève et il repart vers les cieux, là un bâtiment de grande taille sinistre et noir, bien brillant attend, il est empli de petites lumières blanches, bleues et de rais dorés. Une énergie très dense l'entoure, mais le petit vaisseau se faufile entre les mailles de ce bouclier. Il entre en son intérieur, froid, métallique, bleu noir et angoissant. Le disque argenté traverse plusieurs couches de gaz ionisés pour être décontaminé et progresse sur une rampe d'appontement. Les professeurs zélés et les petits laborantins descendent une rampe en métal gris brillant. Il existe des quartiers avec des militaires Terriens sur ce vaisseau.

 

Ils parviennent à une salle très haute de plafond, entièrement en métal gris, qui ressemble un peu à une cuisine, à cause de l'inox, mais qui rappelle plutôt une chambre froide. Elle est glaciale, en effet, à cause de tous les échantillons de vie gelée conservés un peu partout.

 

Les créatures passent ensuite en une autre pièce, où des cuves de verre abritent des embryons flottant dans un liquide clair. Ces embryons sont rattachés à une membrane utérine reconstituée à partir de culture d'échantillons. Les éclairages sont blancs, froids et tristes.

 

Évidemment, chaque membrane utérine est compatible uniquement avec un enfant issu de la même femme. Les êtres prélèvent donc des œufs et des cellules de la mère en grande quantité. Tout cela est fait à partir de jeunes filles ou de fillettes.

 

Ektazzo est particulièrement mal à l'aise, il en vient à avoir honte de ces expériences qu'il juge immorales et inutiles, malgré sa fascination pour le clonage.

 

Il se rend en ses appartements pour y lire et effectuer une activité qui le détendra un peu : du calcul astronomique. Les aliens ont découvert que la maturation des ovocytes était déclenchée plus favorablement lors de certaines lunaisons. Il en est de même pour la pousse des végétaux.

 

La journée de travail, d'environ vingt heures, s'achève. Ektazzo est épuisé de son séjour sur Terre. Son corps malingre est dévitalisé. Il prend un peu de poudre reconstituante et s'endort. Peu de rêves viennent peupler son bref sommeil d'environ trois heures. Les jours sont faits pour durer environ 27 heures dans l'espace, les aliens « petits gris » ont seulement deux heures à eux par jour, cinq heures de sommeil et vingt heures de travail. Certains n'ont pas besoin de sommeil, alors ils se consacrent à leurs travaux.

 

Au matin les coursives du vaisseau grouillent d'activité. Le navire approche de la grande arche stellaire où vit la famille impériale et les très hauts généticiens, le conseil des génies et les commandeurs suprêmes en charge de l'exploitation des mondes.

 

Ektazzo avance dans un couloir blanc crème métallique et brutalement, deux lézards de garde géants se saisissent de lui.

 

Il est interrogé par le service de surveillance des contacts avec les hors-monde.

 

-Qu'avez-vous révélé ? demande le chef, une créature autoritaire

 

Ektazzo montre les images de tunnels à gravité avec des véhicules à répulsion magnétique brillants noirs et éclairés de vert qui fusent à une vitesse folle. Il avoue avoir accidentellement montré une partie de certaines cités minières et des hangars à vaisseaux.

 

  • Cela n'est point un problème puisque la mémoire des enfants a été effacée, puisque les humains ne peuvent guère aller plus loin que la Lune... plaide t-il

 

Mais l'alien est très mécontent, il n'est pas satisfait du tout.

  • Vous deviez parler de la Terre, de son passé, à ces enfants, vous deviez leur donner envie de prendre soin de ce monde, de leur monde … Vous avez désobéi. Vous avez créé un tunnel psychique entre notre monde, qui devait rester caché, et le leur ! Vous êtes un traître ! Les traîtres au régime sont supprimés !

 

La créature furieuse gesticule avec colère. Le génie Ektazzo est emmené avec célérité. Le vaisseau rétrocède brutalement. On voit sur un écran, une ville entièrement en métal, qui rappelle un peu un mélange entre une aciérie et une raffinerie de pétrole, néanmoins, les tours s'en élèvent avec une certaine élégance. La ville est entourée de brumes et de lueurs verdâtres.

 

Ektazzo est emmené dans les cellules du vaisseau, chemin faisant, on voit des dizaines d'aliens qui marchent d'un air affairé. Nul ne lui accorde un regard, à part deux jeunes clones, qui sont ses petits serviteurs et qui sont fous d'inquiétude.

 

Il est jeté dans une prison. Celle-ci est simplement une chambre munie d'une planche matelassée pour dormir, sans éclairage et sans fenêtre.

 

Un temps infiniment long s'écoule, un jour, peut-être deux, et la porte s'ouvre. Ektazzo aperçoit ses deux jeunes serviteurs, qui viennent d'étourdir le garde avec sa perche électrique. Il leur jette un regard atterré, au lieu de sortir de la cellule, il ne bouge pas. Il est abasourdi de ce comportement.

 

  • Qu'avez-vous fait là, c'est défendu ! murmure t-il avec effroi

  • Venez donc maître ! Ils vont vous faire du mal, implore l'un des petits clones

Il finit par sortir de la cellule avec difficultés, des alarmes se mettent à résonner. Ils se mettent à courir et sont contraints de se cacher dans une grande armoire frigorifique emplie d'organes congelés.

 

Quelques minutes plus tard, ils peuvent en sortir, en se mouvant avec peine, et gagnent le hangar du grand vaisseau. Là, ils montent discrètement dans une nef et s'enfuient à la vitesse maximale.

 

Cette manœuvre est suivie d'un tir de barrage redoutable qui désintègre le gouvernail. La petite nef tangue de façon menaçante. L'atmosphère commence à s'échapper par la paroi endommagée. Les petits clones agissent avec une extraordinaire rapidité pour colmater la brèche, mais un autre tir blesse gravement l'un d'entre eux.

 

Il se produit quelque chose d'inexplicable, un voile lumineux entoure la nef et celle ci est aspirée par un champ magnétique inconnu. Une chaleur douce entoure le petit transport, l'atmosphère cesse de s'échapper. La nef fuse soudain dans l'espace à folle allure et disparaît en quelques secondes hors de portée du vaisseau menaçant.

 

Les aliens observent alentours et ne voient d'abord rien, puis, un majestueux cylindre blanc paré de fenêtres, de décorations légères, semblable à du marbre brillant, se matérialise lentement. Les deux aliens réalisent qu'une porte s'est ouverte sur la coque du géant de lumière. Leur nef minuscule se pose avec grâce dans un grand hall brillant.

 

Un peu secoué, Ektazzo descend en portant le petit clone affreusement meurtri. Le pauvre vit à peine. L'autre clone se cache derrière lui, ébloui par la vive clarté.

 

Les êtres de lumière leur font des signes amicaux et leur désignent un petit transport flottant, où des aliens étrangement luminescents les attendent. Ils les saluent avec hésitations.

 

Une dame alien très gracieuse les invite à monter et stabilise rapidement le petit blessé au moyen d'équipement lumineux inconnus. Des cristaux sont suspendus au dessus du petit blessé.

 

En la voyant agir, une larme coule de l’œil d'Ektazzo qui s'en étonne. C'est la première fois. Peu après, incommodé par la haute radiance, il perd connaissance.

 

Il ouvre les yeux, alors que la charmante alien se tient près de lui.

  • Pourquoi m'avez-vous aidé ? demande t-il en constatant qu'il est incapable de se lever

  • Nous aidons tous les êtres en demande, voyageur Ektazzo, expose t-elle

  • Mais je n'ai formulé nulle demande.

  • Il s'agissait d'une demande de votre cœur. Vous avez officié à des tâches cruelles, contre votre volonté. Lorsqu'il en est ainsi et que des êtres désirent changer, nous leur venons toujours en aide. Le flux d'amour de la Source jaillit dans tout l'univers, jamais, il ne se tarit, il est toujours abondant pour ceux qui désirent s'y abreuver et alors changent de chemin. Votre allégeance a changé et nous en sommes fiers, et vous aussi, vous devez en être fier. Il vous faut vous reposer à présent, le changement viendra sur vous naturellement, lorsqu'il sera temps. Vos enfants n'ont rien, mais il était temps pour l'un d'entre eux.

 

Ektazzo ne dit mot, il contemple les deux petits aliens allongés dans un lit près du sien, l'un d'entre eux est couvert de bandages, mais il guérira. Ses yeux luisent de gratitude. Les deux enfants dorment et la pièce est baignée d'une paix, d'une lueur inexplicablement apaisante. Il admire le motif délicat de la soierie blanche qui orne la courtepointe sur le lit des enfants, il n'a jamais ressenti une telle paix. Il s'endort paisiblement.

 

Une nouvelle vie commence pour lui.

 

 

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