La quête de la vie première (2/3)
Message du Professeur Zolmirel (suite)
Dans les jours qui suivirent, Limmel passa avec succès tous les tests de résistance au voyage spatial. Elle se consacra avec Zilmis et moi-même à la restauration de notre logis, très endommagé par l'humidité.
Zilmis remit en route la chaufferie, avec une merveilleuse aisance. Il avait apporté pour ce faire des pièces en métal qu'il avait recréés lui même sur mesure. Chacun de nous le félicita.
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Tu es un fin horloger ! exposais-je.
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Rien que quelques engrenages, et quelques tuyaux, répondit Zilmis en rosissant.
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Je ne savais pas que tu t'occupais des chaufferies antiques, s'amusa Limmel.
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La plupart des vaisseaux anciens comportent une machine incluant une chaufferie, pour l'eau des bains et des cuisines. Le fonctionnement est sensiblement identique, en plus grand, bien sûr, fit-il avec modestie.
Le soir vint, et nous étions plutôt silencieux. Notre départ serait apprêté le lendemain même. Chacun avait préparé ses effets personnels. Nous devions rejoindre une station orbitale, puis prendre un transport de fret vers l'astéroïde. Il était prévu que nous passerions tout au plus une semaine là bas, mais sait-on jamais ?
Chacun se leva à l'heure prévue. Amoni avait emporté une provision de livres certaine, comme à son accoutumée. De mon côté, j'emballais soigneusement les portraits de mes parents, et de ma famille. Il y avait maintenant un portrait avec le petit Xalol et ses parents. Limmel avait fort peu de choses, elle nous rejoignit avec un sac plutôt petit.
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Tout ira bien, émit Zilmis d'une voix apaisante.
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Vous faites partie des nôtres maintenant, ajouta Minel en l'étreignant.
Nous avons rejoint l'aire de décollage, où une Erazel surexcitée nous attendait près d'une nef majestueuse d'environ 9 mètres de diamètre. Le métal irisé brillait comme un miroir.
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Je l'ai astiqué ce matin ! lança t-elle en riant. N'est-il pas parfait ?
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Il est exceptionnel, exposais-je, car Erazel entretenait une relation assez intense avec ce navire en particulier.
Chacun de nous déposa ses effets pour les arrimer dans un coffre muni de sangles. Ensuite, nous nous sommes installés sur des sièges respectifs. Derrière nous, le cristal du vaisseau brillait de manière spasmodique, exactement comme peut jaillir la pensée d'un être vivant.
Erazel prit place aux commandes, devant le tableau de bord.
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Il nous portera loin, murmura-t-elle religieusement, en l'effleurant.
Alors, le vaisseau émit un son sourd plaisant et une série de bips légers.
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Tout le monde est paré ? s'enquit-elle.
Chacun répondit qu'il était bien installé et sanglé à son siège.
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A nous l'espace ! exulta Erazel avec un grand rire.
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A nous l'espace ! avons-nous répété, suivant la formule.
Il y eut soudain une poussée vertigineuse, et notre navire fusa vers le haut, en une trajectoire courbe, de plus en plus verticale. Une euphorie merveilleuse m'habita, tandis que plusieurs g s’abattaient sur nous.
Je vis la canopée nimbée de brumes, loin en dessous de nous s'éloigner de plus en plus vite. Je fixais le ciel dans le cockpit, d'un bleu de plus en plus outremer, d'une beauté si attirante. Il devint bleu nuit, puis, enfin, d'un noir d'encre sillonné d'étoiles. Chacun de nous souriait largement. Emue et ravie, Limmel s'essuyait les yeux.
Je me laissais aller à la rêverie. Un point brillant lumineux se rapprochait de plus en plus. La station orbitale était devant nous, formée de successions de dômes élégants avec des anneaux concentriques, des arches et des passerelles multiples.
C'était un très beau spectacle, et chacun se réjouit de la vue superbe.
Erazel se posa sur l'aire d'atterrissage, une immense plate-forme d'astrocéramique blanche, où des centaines de petits vaisseaux colorés étaient disposés en ordre. Il y régnait une grande activité.
Nous devions rester groupés, car des files de voyageurs pressés étaient visibles, avec des techniciens et des robots qui s'affairaient.
Un alien avenant vint pour nous accueillir, c'était un Denakh de haute taille. A ses côtés, se tenait un Galmol au teint vraiment particulier. Au lieu d'être saumon, comme celui du peuple des montagnes ou bleu vert, comme celui des marais, son teint était lavande, parfois bleuté au niveau du visage et parfois violet.
Il baissa les yeux avec embarras, face à nos regards étonnés. Je murmurais une prière, car c'était la première fois que je rencontrais un hybride. C'était de toute évidence un être qui faisait le pont entre nos deux contrées.
Je m'inclinais, de même que tous les autres, et l'alien en parut abasourdi.
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Voici Kalahar, il est expert dans les relations inter-mondes, il s'occupe aussi des vaisseaux à restaurer. Il connaît très bien Dersima. Avec lui, vous serez en sécurité, fit le grand alien courtois.
Chacun de nous se présenta. Limmel contemplait notre guide d'un air fort ému, elle n'avait, elle non plus, jamais rencontré d'hybride.
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Je vais vous escorter jusqu'à un salon de repos, vous pourrez y prendre une collation avant le départ, fit Kalahar d'une voix jeune avenante.
Minel s'approcha avec un chariot à lévitation, puis Erazel y déposa les nombreux bagages en quelques ondes antigravité.
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Le lieu où nous allons est-il périlleux ? s'enquit l'ancienne.
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En effet, il existe quelques animaux hostiles, mais avec vous, il n'y a guère de soucis à se faire, fit observer Kalahar en riant.
Nous avons quitté la piste d'atterrissage, puis emprunté un élévateur d'une taille incroyable, qui nous amena 800 mètres plus haut, en une construction étagée en forme de corolle. Les bâtiments semblaient en cristal, et les décorateurs y faisaient jouer des lumières colorées. Le tout était entouré de verdure en parfaite santé, avec des œuvres d'art, afin que chacun se sente bien.
J'étais un peu surpris de l'affluence. Autour de nous, des extraterrestres de tous les teints possibles déambulaient, suivis d'androïdes, d'animaux, ou de bagages téléguidés. Il existait des humanoïdes, des êtres de lumière, des aliens aux coloris variés, et des êtres d'allure inhabituelle pour les miens. Certains étaient couverts de fourrure, d'autres ressemblaient à des formes de vie que l'on rencontre au fond des mers, ou à des créatures énergétiques, formées d'une silhouette vaporeuse. Il existait des êtres munis de scaphandres, de dispositifs spéciaux, leur permettant de respirer une atmosphère spécifique.
La plupart de ces êtres venaient pour recevoir des soins, plus rarement, pour rendre visite à des proches. Certains étaient en mission d'études, et d'autres, enfin étaient de simples voyageurs au long cours. Mais il existait aussi des êtres mal intentionnés, des voleurs, des brigands ou des mercenaires.
Il nous fut donné d'assister à une arrestation cinq étages plus bas. Des experts en sécurité entravèrent un homme de haute taille de manière fulgurante. Il fut emmené bien vite hors des regards.
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Ils ont détecté des pensées hostiles chez lui, fit Erazel, et également des matières dangereuses. Il n'est pas permis de faire du mal aux habitants de ce lieu. Venez donc.
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Que va-t-il donc lui arriver ? demanda Limmel d'un air impressionné.
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Il va être mené loin de ce système avec interdiction de revenir, répondit Kalahar. Les armes ne sont point tolérées ici. Un paralyseur peut passer, mais rien de plus. Il n'est pas permis de faire usage de violence. Les êtres les plus vils sont parfois amnésiés ou menés en la région des « mers ». C'est le seul moyen de protéger les habitants de cette planète, fit-il d'un ton posé.
Chacun de nous réprima un frisson à l'évocation de ce terrible châtiment. La région des mers était une zone de l'espace sans rien autour, un vide absolu. C'était là que les vaisseaux les plus belliqueux étaient menés, ceux que nous nommions les « spoliateurs de mondes ».
Ayant franchi plusieurs barrières de sécurité, constituées de pure lumière, nous avons abouti bien plus haut, en une zone beaucoup plus agréable.
Elle était formée de différents balcons, avec des lieux de repos, des restaurants, et de nombreux endroits pour lire, se promener ou se procurer tout ce qui est nécessaire à un voyage. Je m'y sentis aussitôt bien plus à l'aise.
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Il semble exister plusieurs niveaux dimensionnels ici, fit observer Amoni.
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Il en est bien ainsi, fit observer notre guide. Tous les voyageurs ne peuvent accéder à cette zone. Elle est réservée aux êtres paisibles. Vous vous y sentez mieux, car vous êtes habitués à cette vibration au quotidien. C'est aussi un passage subtil vers votre planète, le seul possible.
Il nous laissa nous reposer en un petit salon douillet, où nous avons dégusté un repas excellent. Limmel se régala, elle semblait avoir oublié sa peur.
Tout autour de nous des plantes épanouies s'élevaient en de grands bacs. Nous nous trouvions en une sorte de verrière décorée de motifs colorés en forme d'oiseaux ou de fleurs. Il aurait été difficile de croire que nous nous trouvions dans l'espace.
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Je n'aurais pas cru qu'il puisse exister des hybrides, exposa Zilmis. C'est vraiment exceptionnel d'en rencontrer un pour de vrai !
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Il en existe de plus en plus, fit observer Erazel. C'est une très bonne chose. Notre ami semble un alien attachant, au caractère affable.
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Il est bien courageux de travailler en un lieu pareil, assura Amoni. Le filtre à brigands a l'air au point, mais c'est une épreuve de voir la milice débarquer de manière imprévue en un lieu destiné au repos des voyageurs.
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Il faut bien que nous le fassions, fit observer Erazel. Il existe des êtres sans scrupules qui sont prêts à marchander tout ce qu'ils trouvent. Ils arrachent des animaux, des cristaux, à leur lieu d'origine, ils pillent tout ce qu'ils trouvent pour le revendre aux plus offrants, des œuvres, des vestiges. J'ai fait partie de la milice, il y a fort longtemps. Il a fallu arraisonner des navires de pillards qui se proposaient de venir saccager la région des temples. Autrefois, les portails subtils n'étaient pas aussi élaborés. Nous devions intercepter des vaisseaux avec des filets magnétiques. C'était très éprouvant.
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Sans vous, la région des temples et des palais anciens ne serait plus, fis-je observer.
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C'est exact, répondit Erazel. Nous étions nombreux dans ces missions. Il fallait neutraliser la propulsion et l'armement de navires très variés. Maintenant, les portails subtils qui entourent ce système agissent ainsi de manière naturelle. Les vaisseaux qui ont l'audace de vouloir piller notre monde sont aussitôt neutralisés, puis renvoyés au loin. Les chercheurs sont les bienvenus, non les pillards ou les esclavagistes.
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Avec vous, ils seront accueillis comme il faut si nous en rencontrons, fis-je observer en fixant Erazel, Minel et Amoni.
Chacun de nous éclata d'un grand rire.
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