A la croisée des mondes (1/5)

Publié le par Aurélia LEDOUX

A la croisée des mondes (1/5)

Message du Professeur Zolmirel

 

 

Une fois de plus, me voici devant vous, en cet instant décisif. Je reviens pour vous dicter la suite de nos aventures, dans les tréfonds dorés de nos mondes souterrains. Ma planète, comme celles de la plupart des habitants du cosmos, abondait en milieux douillets et accueillants, en son cœur.

 

 

Tout ceci pourrait vous paraître bien paradoxal, mais la vérité, est que les mondes sont creux et habités, le plus souvent.

 

 

Sur ma planète, il s'agissait évidemment d’êtres très purs, et luminescents, aliens, humanoïdes, lézards, et de nombreuses formes de vie infiniment variées, de toutes les formes et de toutes les couleurs possibles.

 

En ce lieu de chatoiement intense, j'avais retrouvé alors celui qui était cher à mon cœur. Mon père me contait par le détails toutes ses péripéties. Il avait gardé un œil sur ma famille et moi-même. J'avais reçu de sa part un accueil des plus aimants. Chose merveilleuse, il avait accepté Zilmis, comme un membre à part entière de notre famille. C'était au delà de tous mes espoirs, car mon compagnon était androgyne et de nature inverse. Son teint saumon et ses yeux bleu purs, ainsi que son caractère affable avaient joué en sa faveur.

 

  • Je craignais que son âge jeune ne puisse te heurter, exposais-je.

  • Mon enfant, très souvent, c'est l'amour qui nous trouve et donc, cette question de l'âge ne transparaît pas pleinement. Ta mère en est un parfait exemple, répondit mon parent.

 

Effectivement, mes deux parents avaient environ quatre siècles de différence d'âge. Cela était relativement courant sur mon monde où les êtres vivaient très vieux. Mes deux parents avaient déjà eu une moitié autrefois, chacun de leur côté. Ensuite, ils s'éteint rencontrés et avaient décidé de ne plus se quitter. Leurs patrimoines génétiques avaient été jugés très intéressants pour la vie de notre communauté. Il avaient donc été autorisés à avoir une famille de quatre enfants au maximum, et avaient choisi de n'en avoir que trois. Malgré sa rancœur, suite au départ de mon père, ma mère n'avait point pris de nouvel époux, et je fus radieux de songer qu'il en était de même pour lui.

 

La sagesse d'Ektamirel m'impressionnait toujours. Il possédait un caractère serein, alors que ma mère avait une personnalité bien plus vive. J'étais bien certain de tenir de lui son amour des livres, de l'aventure et de la connaissance.

 

Je lui posais la question qui me tenait le plus à cœur.

  • Pourquoi n'être point revenu...

  • Mon enfant, les portes du monde d'en bas,... ou d'en haut, ne s'ouvrent qu'en de rares occasions en la vie d'un alien. Oui, je voulais revenir, mais j'étais heureux comme jamais en ce bas monde. Combien j'ai espéré ce moment de nos retrouvailles. Il me fallait cependant être certain de pouvoir revenir ici. A présent, cela est chose possible, et bien sûr, je vais donc m'en retourner avec toi. Tu me présenteras ainsi cet ami si fameux dont tu m'as beaucoup parlé.

 

Je souris largement, illuminé de bonheur à cette annonce. Évidemment, je lui avais beaucoup parlé d'Amoni et des enfants. Le soir venu, notre départ fut orchestré de manière merveilleuse par les êtres de l'intérieur, qui nous ravirent d'un concert improvisé. Mon père chargeait avec allégresse une quantité considérable de livres dans notre petit transport, Erazel lui demandant même en plaisantant si elle serait en mesure de se glisser devant les commandes. Mon père lui fit un clin d’œil, car alors qu'ils riaient avec une joie contagieuse, notre petite chenille en vint à s'allonger de manière parfaitement à propos, afin de loger un membre de plus dans notre expédition.

 

Je songeais avec bonheur aux enfants et à Amoni bien sûr. Très bientôt, nous nous reverrions. Comme tout cela était incroyable ! Nous avions une vision du temps biaisée, et évidemment, je songeais que notre famille devait avoir bien changé.

  • Je m'inquiète de savoir où je pourrai loger, nous fit Ektamirel, un peu embarrassé. Je ne souhaite vous déranger en rien.

  • Il existe en forêt une masure à moitié délabrée dont personne ne veut et qui fera très bien l'affaire, assura Erazel. Mais je vous préviens, il y a beaucoup de travail pour en faire un lieu de vie convenable.

  • Ne vous en faites donc pas pour cela, c'est au delà de tout ce que j'espérais, assura mon père.

  • Elle était habitée par un très vieil alien, il étudiait le marais. Il s'en est allé en des eaux plaisantes voici une dizaine de saisons. Sa famille a tenté de rénover l'édifice, mais il n'était pas au goût des enfants, ils ont donc décidé de l'offrir. Les anciens l'ont laissé en bordure d'un petit bois, où il risquait moins de s’abîmer. Nous pourrons le déplacer si le lieu ne vous sied point.

 

Très heureux de pareille annonce, mon père était fort réjoui. Le don d'une maison pouvait faire sourire, et être considéré comme un immense cadeau, mais je préférais ne pas songer à la montagne de travaux qui attendaient mon père, pour être enfin chez lui.

Le matin suivant, je m'éveillais subitement et me levais, avant les autres. Un rai de lumière exceptionnel, bleu vert, jaillissait du sommet des arbres, et une clarté dorée magique se répandait sur la verdure environnante. Ce lieu me manquerait, avec ses petits escaliers, ses passerelles et les jolies demeures qui grimpaient au flanc de la montagne.

 

De bon matin, plus bas, les habitants s'affairaient aux plantations, avec leurs enfants, ou seuls et goûtaient aux premiers rayons matinaux. C'était un travail amusant, que de les voir planter, sarcler et biner, par la voie de l'esprit.

 

Erazel apparut et me sourit.

 

  • Nous partons ami, gravez bien ces sereins instants en votre esprit. Il est là, pour sûr, une vie douillette où l'exercice du travail physique est très modéré, mais où une vie spirituelle prend le pas.

  • Effectivement, répondis-je. Et je constate combien cela est ardu.

 

En effet, Zilmis et moi-même commencions à être affectés par la radiance intense de cet endroit. J'étais par instants saisi de vagues de chaleur et de torpeurs inexplicables, accompagnées d'une grande fatigue. Cela pouvait risquer de nous affecter gravement à long terme, entraînant un lent arrêt de toutes nos fonctions vitales. Je peinais parfois à respirer et mon fluide s'échappait spasmodiquement de mes mains. Zilmis était moins affecté, mais peinait tout de même à reprendre son souffle et souffrait de vertiges.

 

Je questionnais mon père sur l'acclimatation qu'il avait vécue.

 

  • Cela a été très dur au début, nous exposa t-il, mais je souhaitais absolument demeurer en ce lieu. Les vaisseaux sanguins de mes mains ont commencé à éclater, puis ceux de mes pieds et de mon visage. C'était très douloureux, mon corps a maigri, j'ai d'abord perdu beaucoup d'eau. Mais ma foi m'a aidé à passer ce cap délicat, nous confia-t-il. Je buvais l'eau de ce lieu et une énergie nouvelle m'habitait, je n'éprouvais alors plus le besoin de manger autant.

 

Nous sommes montés à bord de notre petit transport, flambant neuf, qu'Erazel avait remisé longuement. Une délégation d'êtres lumineux de l'intérieur nous accompagna dans deux splendides vaisseaux mauves et bleus, élégamment incurvés, en forme de raie.

 

Erazel prit place aux commandes, pendant que je m'interrogeais. Étant donné les couloirs étroits que nous avions franchi, comment ces deux fiers engins allaient-ils pouvoir passer ?

 

Le vaisseau de tête, d'environ 70 mètres de long décolla, et Erazel le suivit, notre petite chenille lourdement chargée s'élevant avec moins de fluidité. Elle jaillit soudain vers les cieux avec plus d'aisance, et je soupçonnais Erazel de lui avoir donné un peu « d'aide ».

 

Elle rit face à ma pensée, tandis que notre vaisseau filait vers le haut, maintenant presque à la verticale. Je fixais de mes yeux éblouis un globe fantastique, le soleil intérieur de notre monde, à dire vrai, éclatant de jaune d'or. Notre vaisseau fonçait vers ce dernier, et Erazel le fit alors accélérer en vitesse de pointe, jusqu'à ce que notre navire soit placé entièrement à la verticale. Cela aurait pu nous terrifier, mais je me sentais mieux que bien. Un chant mystique, superbe et léger comme le vent résonna. Le chant était entrecoupé de vibrations, cela faisait comme le chant d'une mère, si doux, si pur, si adorable que mes larmes coulèrent.

 

Il y eut une secousse, le soleil d'or mystérieux soufflant notre petit vaisseau au loin comme l'on souffle les graines d'un pissenlit. Cette force était immense, mais d'une extrême bienveillance. Nous avons continué de nous élever vers le haut, le chant magnifique accompagnant notre trajectoire de plus en plus incurvée. A présent, nous nous dirigions vers une étrange falaise de pierre brumeuse. Une montagne immense se trouvait juste en dessous de notre position, Celle-ci, à dire vrai sous le vaisseau, comme si nous étions retournés. Erazel tenait ferme les commandes, une expression intense sur son visage, mon père prononçait des bénédictions, Zilmis était aussi blanc que les neiges éternelles qui fusaient de temps à autre. Je tremblais quelque peu, mais mon attention fut aussitôt absorbée par un curieux spectacle. Un volcan de glace splendide crachait des torrents de lave rougeâtres, entrecoupées de vapeurs claires et de coulées de basalte noir.

 

Erazel retourna le vaisseau, me permettant d'observer le volcan plus à loisir. Une brume épaisse nous cachait le soleil, qui peinait à jaillir parmi les nuages. Je compris que nous approchions des régions du Sud, là où le souffle de notre planète s'échappe vers l'espace. Devant nous, le beau vaisseau hyacinthe et mauve s'éclaira de rouge et de rosé, le signal d'une translation dimensionnelle imminente. Il activa son déflecteur et fut bientôt entouré d'une aura dorée, verte et rosée à couper le souffle. Il en fut de même pour notre petit transport, tout illuminé de fuchsia.

 

Erazel se faufila entre deux immenses falaises de glace, dont des morceaux se détachaient avec fracas. Sous notre position, un vide éclatant et étincelant d'or se dessinait. J'en éprouvais un vertige intense et serrai très fort la main de Zilmis. Notre navire approchait de l'ouverture, qui me paraissait minuscule, et face à nous, une barrière bleutée irisée nous séparait du noir de l'espace. Il y eut une secousse assez forte, nous étions passés.

 

Le spectacle bien plus rassurant de notre monde vu de l'espace s'offrit à nos yeux éblouis. Chacun de nous s'essuya les yeux, à la vue des glaces éternelles du Sud baignées de nuit, puis plus bas, de l'écrin émeraude des jungles australes. Une haute chaîne de montagnes surgissait, séparant la contrée des grands lacs et des marais, de celle du désert, avec la zone interdite, suffocante, où les miens ne pouvaient guère s'aventurer.

 

Mon père la détailla avec curiosité et je lui racontais par le détail notre précédente incursion en ces lieux. Il se montra un auditeur plaisant et attentif.

Erazel amorça sa descente dans l'atmosphère. Elle prévoyait de poser notre navire au sommet d'une tour de la ville capitale, pour commencer, où nos amis du Royaume intérieur seraient reçus avec une grande courtoisie. Un peu craintif, je la fixais avec désarroi.

 

Une superbe tourelle de cristal artistiquement entrelacée sur elle même s'élevait vers le ciel. L'objet qui en rappelait le plus la forme était une mèche de perceuse, que mon ami Amoni utilisait pour aménager son intérieur et poser des cadres. Mais bien sûr, cet édifice était d'une beauté absolue.

 

A cet instant, la pensée de mon ami surgit avec une intensité éblouissante. Il sentait notre retour se profiler très précisément. Cet éclair d'énergie me donna le courage de sortir de notre petit transport, alors que Zilmis était occupé à vérifier que sa collection de poêles n'avait pas été endommagée par le voyage.

 

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