Les royaumes intérieurs de Mars (1/2)
Les amis de Mars
J'en étais resté à ce moment ô combien enchanteur, où nous avions retrouvé nos amis Vénusiens dans la magnifique cité de lumière, située au cœur de Mars. Bien sûr, tous les rescapés étaient là eux aussi.
Le petit clone Andezza avait pu être soigné de l'exposition aux radionucléides. Son visage avait retrouvé en quelques jours son allure ordinaire et ses yeux brillaient avec bien davantage de clarté. A l'occasion de cette périlleuse mission, mon petit Stency avait fait preuve d'un courage tout à fait exemplaire.
Il avait été le premier à converser avec Istigrit, la mère posée du petit Andezza, mais aussi l'ombrageux physicien Sizris et l'ancienne d'une trempe peu ordinaire, Semna, qui protégeait tout leur groupe.
Le minuscule Schin n'avait pas été oublié lui aussi. La grande Istigrit était ravie de voir qu'il pouvait marcher presque parfaitement tout seul.
Nos amis de la planète Arétha étaient comblés, les réparations avançaient bon train.
Et tout naturellement, ils nous firent visiter l'intérieur de leur vaisseau, nous conviant même à une petite séance de projection.
Ils souhaitaient nous présenter leur monde, la planète Arétha, elle aussi en phase d'émergence.
Tout notre petit groupe se rendit donc bien volontiers en salle de projection, mené par la vénérable Semna.
Le petit Lokhaïl, Nimlin, Paul, Laïev, mais aussi Eratsu, Darsimen, Issaltir et Mellkit étaient présents, en plus de Célia et de moi-même.
Chacun de nous prit place et la séance de projection télépathique, accessible également aux enfants, commença.
C'était un prodigieux spectacle et je me sentis décoller fort aisément de mon siège, par le truchement de l'esprit, et ce, alors que mon corps demeurait confortablement assis dans la salle.
Une ample sphère bleu vert s'offrit à mon regard. Il s'agissait d'une planète d'eau et de rocs abrupts, d'une sereine beauté. Les nôtres ne sommes point très à l'aise avec l'élément liquide, mais je ne pus m'empêcher d'admirer ce monde splendide.
Il était surtout constitué de paysages semblables à de hautes falaises, avec à leur sommet d'immenses cités abritant des laboratoires dernier cri.
Les Tarethos vivaient aussi à des latitudes plus agréables, sur des lagons bleus, où cette fois, ils avaient pris soin d'édifier des bâtiments entièrement en bois sculpté.
Je l'ai dit déjà, les Tarethos, étaient de petits aliens au crâne énorme, plus large que haut, au teint verdâtre et aux grands yeux pourpres. Leur physiologie était proche de celle des amphibiens et des reptiles, mais ils aimaient se déplacer sur la terre ferme. Leur peau légèrement plus dure que la nôtre, était très lisse, ils s’accommodaient fort bien de la chaleur, et pouvaient rester sans boire longtemps. Leur monde ami abritait également des Denakhs, tout comme les nôtres, ainsi que des habitants d'autres systèmes.
Durant des millénaires et des millénaires, (des millions d'années) la planète Arétha avait cru en beauté et en magnificence. Les génies de laboratoire Tarethos œuvrant toujours plus loin pour reconstituer des organes blessés ou malades, parfois des corps entiers. Cette planète s'était spécialisée dans la thérapie génique, le clonage et le soin de blessés, de maladies très graves. Les Tarethos savaient également pratiquer certaines greffes céphaliques, un exploit. Mais des dérives avaient parfois eu lieu, certains faisant alliance avec les Gris, et n'hésitant pas à mettre au point des expérimentations cruelles pour accélérer l'avancée de la science.
Des dissensions avaient eu lieu, reléguant au loin tout commerce avec les Gris, les échanges ne concernant plus que des missions d'exploration sur des astéroïdes déserts. Les génies ayant œuvré en contradiction avec les préceptes des anciens avaient été bannis.
Un grand changement, nouveau, et plus subtil, avait commencé à se faire jour sur cette planète.
En effet, expliquait la superbe vidéo, des fontaines de lumière avaient jailli un peu partout à sa surface. Les Tarethos en avaient été très impressionnés. Puis, ils avaient été appelés par l'esprit de leur planète. Ils avaient commencé à défiler en processions et à traverser ces rais de lumière de plus en plus ionisants.
D'autres images apparurent et je vis des dizaines de Tarethos en habit de cérémonie, se laisser tomber dans des gouffres insondables d'où s'échappait cette radiance. Le monde de l'Intérieur les appelait, ils y étaient attendus et accueillis dans l'allégresse.
Toute planète possédait un intérieur et un extérieur, expliquait ce film brillant. La séance s'arrêta, et chacun de nous regagna sa conscience ordinaire.
J'étais dans un état de léger flottement, les enfants aussi.
La sage Semna s'approcha de nous et nous fit part de sa pensée.
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Mes amis, songez à ma surprise, j'ai visionné ce film juste avant notre voyage. Je ne me doutais pas un seul instant que nous entrerions en contact avec les colonies souriantes du dessous de Mars !
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En effet, répondit Eratsu. J'en vois là toute la profondeur. Rien n'arrive par hasard, conclut-il avec un sourire énigmatique.
Nous avons pris congé de nos hôtes, regagnant la cité de lumière emplie de senteurs florales en cette heure de l'après midi. Ulphéniel, notre ami de Vénus, apparut et nous adressa un sourire amusé.
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Je vois bien là que votre curiosité n'est pas encore satisfaite, nous dit-il. Suivez-moi donc, nous allons effectuer une petite promenade.
Nous l'avons aussitôt suivi, et avons enfilé des souliers à crampons, comme il nous y invitait. Chacun de nous fut en un instant entouré d'un voile de lumière irisé, du plus bel éclat.
Je sentis une chaleur douillette, ainsi qu'un cocon protecteur invisible m'entourer. Les souliers étaient parfaitement ajustés à chacun de nous et c'était là assurément un moyen très sécurisant d'explorer Mars.
Ulphéniel nous mena vers un inextricable ensemble de couloirs de pierre rosée. Il désigna une galerie plus claire et s'y engouffra sans hésiter. Une porte d'énergie apparut à mi parcours, chacun de nous la franchit avec bonheur.
Le boyau remontait en pente douce, et au bout, une lueur aveuglante nous parvint : le jour martien. Eratsu, Darsimen et moi-même, nous sommes regardés, tout excités.
Le boyau menait à l'air libre, je vis une admirable roche couleur ocre sur la paroi, qui était proche du veinage du grès rose. Au delà, mes yeux sensibles discernèrent un paysage de désert sec, garni de maigres plantes en forme d'arceaux, de montagnes aux versants sablonneux. Les plantes étaient de couleur blanche et légères, très sensibles au vent. Elles étaient toutes tournées du même côté. Je perçus différents buissons épineux, aux feuilles minuscules. Les plantes étaient en mauvaise santé, à cause de la très faible quantité d'eau et aussi, d'une pollution métallique présente dans le sous sol. Nous avons marché, nos pieds s'enfonçant agréablement dans le sable.
Darsimen et Eratsu prenaient de nombreux clichés, et sondaient chaque organisme avec une folle curiosité.
Notre guide nous mena à un ensemble de pierres millénaires, partiellement écroulé. Les murs avaient conservé par endroits toute leur solidité. La roche grise parfaitement polie, brillait doucement. J'observais les ajustements soigneux de blocs, taillés parfois en une dizaine d'angles, finement emboîtés. Des armes effroyables avaient pulvérisé les remparts de cette citadelle, et de nombreux blocs de diorite noire avaient éclaté en fragments épars, profondément enfoncés dans le sol sous l'effet de leur poids considérable.
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Les géants de l'Ancien monde ont construit cette citadelle. A présent, elle est la demeure des lézards et des rongeurs. Mais voyez cet ajustement parfait de blocs parasismiques.
Issaltir commenta allègrement cette déclaration. Avec Eratsu, ils tombèrent en arrêt devant une stèle couverte de hiéroglyphes et je ne pus m'empêcher de rire en voyant leur expression transportée de bonheur.
J'examinais plutôt le sable, la roche gréseuse de certains parements était dissoute en de nombreux endroits, par des pluies acides saisonnières, visiblement, et aussi par le sel, abondant en ce lieu. Plus bas, des traces de fragments de métal rouillé, attestaient d'un ancien massacre. On devinait de loin quelques ossements épars blanchis par les ans. Notre guide contourna ce lieu, par prévenance, et je l'en remerciait intérieurement en songeant aux enfants.
Il nous mena à l'intérieur d'une très jolie demeure de taille plus modeste, garnie de colonnes, et dont les murs possédaient encore des bas reliefs finement ciselés. Le dallage brillant était fissuré, mais un alien de ménage habile aurait pu en restaurer tout l'éclat en peu de temps. On devinait sous la poussière, des représentations très belles, de la végétation lacustre, des sortes de roseaux. La maison aurait pu être un mélange abouti entre l'art inca, égyptien et romain.
Les enfants en furent charmés. Je m'étonnais de ces arasements si nombreux.
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Je me demande bien pourquoi vous ne revenez pas peupler et restaurer ce lieu. Vous pourriez aisément agir sur le sol pour le remettre en état, exposais-je à notre guide.
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Cela a été fait déjà, mais d'une autre manière, expliqua Ulphéniel.
Intrigué, je ne le questionnais pas plus avant, certain qu'il nous montrerait encore d'autres lieux étonnants.
Le soir s'avançait, et la froidure gagna la grande plaine. Un flamboiement doré et orange illumina les collines pierreuses et les éboulis. Les buissons frémirent, se parant d'or à cette occasion, le crépuscule martien pouvait être splendide, de même que sur Terre. Un courant d'air glacé se mit à souffler, je frémis malgré mon équipement protecteur. Chacun de nous rappela les enfants, occupés à gambader parmi les ruines dans l'atmosphère rosée du soir. Il était temps de rentrer, nous l'avons exposé aux enfants. La froidure martienne tombait en à peine un quart d'heure, une fois l'heure du soir passée et le soleil couché, la température descendait d'environ 50 degrés. Il était donc très dangereux de sortir un petit alien en cette heure tardive.
Ulphéniel vérifia que tout notre groupe était au complet, puis nous sommes tous remontés vers le petit plateau rocailleux. La grotte s'ouvrit à notre approche, pour se refermer juste après notre passage. Une brillance dorée, jaillie de nulle part, illumina aussitôt les parois. Chacun de nous sourit largement sous la chaleur douillette. Nous avons franchi de nouveau le passage lumineux, et rejoint la haute cité de lumière. Un ballet de fines particules de lumière se produisit.
Il s'agissait en réalité d'animalcules qui tournoyaient joyeusement dans l'air. Ils se posèrent sur le front des enfants qui gazouillèrent de joie. Tout en ce lieu était harmonie et douceur infinie.
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Nous avons employé un accélérateur quantique pour rejoindre la surface, expliqua Ulphéniel. Il s'agit en réalité d'un passage subtil qui relie entre eux des couloirs, situés parfois à des milliers de kilomètres. Cette technologie est bien commode, si nous désirons arpenter la surface de Mars sans être vus, sans laisser de traces. Les couloirs subtils servent à parcourir en très peu de temps des distances infinies au cœur d'une planète. Cela est fait souvent en nos vaisseaux également. Nous pouvons connecter toutes sortes de lieux, de véhicules entre eux.
Il se dirigea vers une autre galerie, toute dorée, qui dégageait une énergie particulièrement apaisante. Je me sentis totalement illuminé de l'intérieur en la franchissant. J'avais l'impression qu'un voile d'énergie balayait chaque cellule de mon corps pour la régénérer.
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