Le bonheur simple (1/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Le bonheur simple (1/3)

Message du Professeur Zolmirel

 

 

Chers amis de la Terre bleue, je vous salue bien chaleureusement !

 

Me revoici pour un nouveau message. Nous étions revenus en notre joli village suite à l'expédition de semis sur une lointaine planète aride.

 

Notre mission dans l'ensemble avait été un succès, même si nous avions croisé en une région très désordonnée de l'espace, hantée par de féroces pirates. Chose inhabituelle, nous avions secouru deux vaisseaux en péril. Cela était plutôt rare. D'ordinaire, les régions de l'espace sont bien plus paisibles.

 

Nous étions revenus à nos activités ordinaires. Ce matin là, reposé, et heureux, j'admirais la forêt humide alentours. C'était une vision sereine qui m'apaisais toujours.

 

Je me levais sans bruit et saisis un panier. Il était encore très tôt, l'heure était donc propice à la cueillette. Je descendis les marches et sortis dans le jardin, mais une ombre vive me rattrapa. Minel se proposait de m'accompagner.

 

J'acceptais avec bonheur, nous avons laissé un message rassurant à Amoni, et nous sommes enfoncés dans la forêt. Je marchais d'un bon pas, enjambant troncs, racines et crevasses. Minel me suivait sans aucune peine de sa démarche souple.

 

  • Les lieux que nous allons visiter sont un peu reculés, exposais-je en guise d'excuse.

     

Mais elle parut enchantée. Nous progressions en silence, soucieux de ne pas troubler la majesté des lieux. Des arbres centenaires aux troncs couverts de mousse apparurent. Et peu après, très émus, nous avons pu observer de jeunes faons un peu hésitants qui tentaient de faire leurs premiers pas sur leurs jambes fines.

 

Leur mère fixait les fourrés avec inquiétude, elle pouvait sentir notre présence, non nous voir.

 

Minel émit un son mélodieux léger, et elle se détendit aussitôt. Je la fixais avec émerveillement, elle était toujours en mesure de communier pleinement avec les animaux. Minel apparut lentement, les animaux la fixant avec une sorte de fascination.

 

Nous nous sommes éloignés, parvenant au bord d'un vaste étang. Une embarcation arrondie était stationnée près du rivage. Je priais Minel de s'y installer, et elle peina à cet exercice. L'esquif était minuscule, il n'avait pas été conçu pour des aliens de grande taille. Je projetais quelques ondes antigravité, et Minel put s'y installer confortablement. Je pris place à l'arrière de l'embarcation, fixant avec émoi les rivages argentés sillonnés de brume. Les premières lueurs de l'aube éclairaient le sommet des arbres.

 

Tout autour de nous, l'étang s'animait avec les acrobaties de centaines de grenouilles colorées. Un peu inquiète, Minel finit par s'apaiser. Elle étouffa un rire lorsque je fis avancer la barque par l'esprit. Elle semblait trouver tout cela très amusant.

 

Nous avons traversé plusieurs roselières habitées de fourrés épais, résonnant de chants d'oiseaux et de petits lézards. Un flamboiement or éclairait la surface de l'étang garnie de lentilles d'eau, de nénuphars, et d'autres plantes en forme de corolles vertes qui n'existent pas chez vous. Minel s'extasia à la vue des insectes, des grenouilles minuscules très curieuses firent des bonds tout près de nous.

 

C'était un moment simple et vrai au contact de la nature. Une zone herbeuse apparut, et j'expliquais à mon amie qu'il s'agissait d'une île assez large.

 

Nous sommes descendus et avons marché en empruntant des sillons tracés par les animaux sauvages. Nous sommes parvenus à une épaisse zone forestière. Là, des arbres imposants plongeaient leurs racines très profondément dans le sous sol spongieux. Il s'agissait d'arbres spécialement adaptés aux zones humides. À leur pied s'épanouissaient de fameux champignons bruns et tachetés de blanc que les miens apprécions par dessus tout. Nous avons rempli nos paniers, tout à fait ravis de sentir l'odeur de l'humus. Minel préleva les sujets les plus parfaits, laissant les jeunes ou les trop anciens. Elle avait parfaitement mémorisé nos recommandations à Amoni et moi-même.

 

Nous avons continué notre cueillette, récoltant un grand nombre de moisissures. Je prélevais quelques sujets vénéneux, destinés à élaborer des onguents contre certaines plaies délicates et les enveloppais dans un linge spécial.

 

Minel me regarda faire, très intriguée.

 

  • Pourquoi cueillir, si pas manger ? demanda-t-elle.

  • Ceux là servent à soigner des plaies actives, comme des boutons, des grosseurs. Amoni sait les préparer comme il convient.

 

Minel parut satisfaite. Nous sommes parvenus au sommet d'une colline et avons admiré un groupement de trois maisons. À l'écart on pouvait apercevoir des étangs de forme régulière, emplis d'une culture d'algues brun-rouge.

 

J'expliquais à Minel qu'il s'agissait de cultures très prisées en cette région. Nous sommes revenus chez nous un peu plus tard, le soleil éclairant la forêt encore brumeuse en cette heure. Je me figeais subitement, percevant un danger en contrebas. Un animal approchait. Nous nous sommes cachés et avons attendu.

 

Un énorme chat sauvage tacheté approchait en boitillant. Je ressentis d'âpres pensées de colère. L'animal était d'une maigreur épouvantable. Contraints désormais de manger des plantes en raison de l'augmentation de la radiance, les animaux carnivores dépérissaient sur mon monde. Ceux qui survivaient devaient se nourrir de charognes, ce qui les rendait encore plus féroces.

 

Minel, avec son bon cœur, voulait soigner l'animal blessé, mais je lui exposais que ce ne serait pas prudent. Seuls les anciens pouvaient approcher les fauves.

 

Nous sommes revenus à la cuisine, retrouvant Zilmis et Amoni. Ravi de les retrouver, je leur relatais notre petite escapade.

 

Minel voulait en savoir plus sur le chat sauvage, elle était d'une curiosité intarissable, telle une enfant qui découvre le monde.

 

  • Si ce chat a été laissé à son sort par les anciens, c'est qu'il ne désire pas être soigné, exposais-je.

  • En effet, assura Amoni. Les anciens aident tous les animaux à passer dans la dimension suivante. Ils ressentent leur détresse et sont chargés de les aider.

 

Nous avons apprêté plusieurs plats avec notre cueillette, Amoni tout à fait joyeux, malgré une ombre que je percevais en lui.

 

 

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