La création des futurs (3/4)

Publié le par Aurélia LEDOUX

La création des futurs (3/4)

Message du Professeur Zolmirel (suite)

 

 

Nerti est fou de joie, il se sent infiniment léger, aérien, et empli de bonheur. Soudain, un cri retentit, les autres enfants le perçoivent aussi. Ils voguent à toute allure dans le noir de l'espace empli d'étoiles.

 

La scène se précise. Une cuisine jaunâtre et verdâtre, maculée de détritus apparaît. Un petit clone est occupé à brosser un parement, avec deux autres enfants très jeunes. L'enfant est terrifié, il vient de passer la serpillière dans le couloir. Il se produit un incident.

 

Un valet Denakh pressé file vers ses appartements et dérape subitement. Le généticien hargneux fait un vol plané sur le sol glissant grisâtre et atterrit dans la cuisine contre un placard. Les enfants étouffent leurs rires avec peine.

 

Hors de lui, couvert de mousse et d'épluchures, le valet se redresse en massant sa tête énorme. Il secoue ses habits et se met à protester avec vigueur.

 

  • Qu'est-ce que cela veut dire ?!! Petit avorton incapable ! Tu l'as fait exprès ! vocifère-t-il en empoignant le petit clone. Tu imagines peut-être que je suis censé me trouver dans une cuisine ?!! hurle-t-il comme un dément.

  • Il n'était point dans mon souhait de vous faire chuter, noble maître, implore le petit alien. Mes excuses ne seront jamais assez grandes pour...

 

Le valet ne le laisse pas parler, il le secoue et le frappe sans discontinuer avec une casserole. La scène est insoutenable. Puis, il empoigne le petit clone à demi inconscient et le traîne dans le couloir, le menant vers le centre d'exemplarité. Il est bien tard, et tous les chercheurs sont allés se coucher en cette heure. On n’entend que les pleurs de l'enfant dans le vaisseau quasi désert. Le valet courroucé pousse une porte. Un lézard somnolent est accoudé à son bureau. Il se lève aussitôt au garde à vous.

 

  • Que puis-je faire pour vous, ô noble seigneur ? demande-t-il.

  • Un clone désobéissant ! Il a agi pour me faire tomber et j'imagine pour lui la punition la plus effroyable ! Ce dernier mérite que l'on s'occupe de lui ! Et je demande aussi qu'il soit reconditionné sur le champ ! Cette lignée semble défaillante, siffle le valet avec fureur.

  • Très bien, assure le lézard, il en sera fait ainsi.

  • Je demande qu'il parte aussitôt sur les navires miniers, grince le valet avec hargne. Ils manquent de main d’œuvre dans l'espace.

  • Je comprends, expose l'immense lézard en s'inclinant. Êtes-vous blessé ? Souhaitez-vous... recevoir des soins ? propose le lézard en avisant une bosse bleue sur son crâne et ses habits couverts de mousse.

  • En aucune manière ! fulmine le généticien ombrageux. Je sais très bien agir par moi-même pour pourvoir à l'entretien de ma garde-robe !

 

Sur ce, il quitte la salle en claquant la porte.

 

Le lézard immense de deux mètres de haut se lève et prend la main du petit clone tremblant de peur. Le pauvre tient à peine sur ses jambes. Il est couvert de griffures et de meurtrissures. Le lézard le fait passer dans un petit cabinet empli de flacons et le prie de retirer ses habits. Le clone est intrigué, mais s'exécute. Le lézard promène un étrange appareil au dessus de sa silhouette. L'intérieur du corps de l'enfant apparaît. Il possède plusieurs côtes fêlées, et des contusions nombreuses. Le lézard inspecte son bras droit. Ce dernier est brisé. Devant la gravité de ses lésions, les lézard est très inquiet. Il lui fait alors respirer un gaz anesthésiant. Peu à peu, le petit clone s'endort.

 

Le soigneur peut alors réduire ses fractures plus aisément, et injecter du plasma cicatrisant au niveau de ses épanchements.

 

Bien plus tard, le petit rescapé ouvre les yeux. Il est allongé et quelqu'un a bandé ses blessures. On l'a revêtu d'habits neufs. Cela le surprend grandement.

 

  • Que s'est-il donc passé, mon enfant ? demande le lézard avec bonté.

 

Mort de peur, le petit clone est incapable de parler. Un pansement couvre son crâne. Il a échappé à une fin imminente.

 

Le lézard poursuit ses efforts, tentant de le décrisper. Il lui apporte de la lecture.

 

 

  • Veux-tu me raconter ? demande-t-il un peu plus tard.

  • J'ai nettoyé un couloir à l'heure appropriée, alors que tous les salons d'étude étaient vides. Il était bien indiqué que le sol glissait et ce chercheur marchait très vite, alors... il a dérapé, et il s'est retrouvé dans la cuisine, expose le petit clone d'une voix tremblante.

  • Bien très bien, tu es un enfant très courageux, expose le lézard.

  • Ne dois-je pas être puni ? s'inquiète l'enfant. Pourquoi m'avez-vous soigné ?

  • Eh bien, il voulait que je m'occupe de toi, expose le lézard d'un air amusé, c'est donc ce que j'ai fait.

  • Vous n'êtes pas censé me guérir, expose le petit alien gravement, mais me frapper.

  • Je n'ai jamais frappé le moindre enfant, c'est une chose abominable ! proteste le lézard avec vigueur. C'est ce chercheur qui mérité d'être corrigé ! Mais je ne suis pas là pour ça... Mon but est tout autre. Dis-moi, mon enfant, aspires-tu à une vie meilleure, une vie heureuse, sans esclavage ?

  • Oh oui, ce serait merveilleux, mais une telle vie n'existe pas, répond le petit blessé en clignant de ses grand yeux noirs.

 

Pour seule réponse, le lézard sourit mystérieusement. Son regard brillant est habité d'une immense mélancolie teintée d'un fol espoir. Il prend la main de l'enfant et l'amène vers le centre de reconditionnement. Il se penche et le regarde longuement de ses yeux bleus intenses.

 

  • Il ne tient qu'à toi de croire, entend le petit alien dans sa tête. Tes frères sont aussi là pour t'aider.

 

Nerti frémit, il voit cette scène depuis le plafond d'une haute salle lumineuse. Il fixe le petit alien, et ce dernier observe son corps d'être à demi éthéré d'un œil incrédule. Il le voit !

 

Le petit clone blessé est interrompu dans sa songerie. Un alien grand et efflanqué saisit son poignet et l'entrave à un chariot, puis, le chariot démarre. Ils plongent vers un vaste réseau de galeries, et le petit être observe les coursives immenses du navire géant, qui luisent faiblement sous les différents balcons. Une quarantaine de niveaux est discernable dans cette ville sous la ville.

 

Ils parviennent à destination, et là, le clone meurtri doit enfiler des souliers rouges, des souliers de conditionnement mental. Il rejoint les autres enfants, dont le regard vide est totalement soumis.

 

  • En rang deux par deux, scande un valet sévère. Maintenant courez ! ordonne-t-il.

 

Les petits clones autour de lui se mettent à courir, ils ont l'air de trouver cela très amusant. Leurs visages joyeux sont ravis de cet exercice matinal. Le petit alien meurtri imite leurs mouvements, mais il a très mal au niveau de ses fractures. Il repousse courageusement la douleur. Une énergie parasite envahit peu à peu son esprit, peu à peu, il ne ressent plus rien, son cerveau s'engourdit, sa volonté s'amenuise.

 

  • Plus vite ! ordonne le contremaître.

 

Le petit clone tente d'aller plus vite, l'ordre résonne longuement, comme une mise en abyme. Mais l'enfant entend une autre voix, et bien d'autres pensées aimantes.

 

  • Tu dois résister ! Courage ! lance le petit Nerti.

  • Tu n'es pas un esclave, ils n'ont pas le droit de te frapper.

  • Si tu n'as pas envie de courir, tu es libre de refuser !

  • Nous sommes des clones Denakhs comme toi et nous sommes libres, la liberté existe.

  • Il existe beaucoup d'autres mondes, des mondes de lumière. Ce passage se tient aussi en toi ! Tu dois résister !

 

Intrigué, le petit clone regarde autour de lui, puis au dessus. Les silhouettes éthérées et lumineuses des enfants sont à peine perceptibles, mais il sent leurs présences bienveillantes. Il résiste de toutes ses forces au dispositif de coercition mentale. Ses souliers rouges cessent de briller et s'éteignent, il a réussi !

 

Alors, il quitte le groupe et bondit à toute allure, s'enfuyant ventre à terre vers une coursive.

 

  • Un dissident ! hurle le contremaître. Arrêtez-le !

 

Le petit alien est terrifié, il sait que la fuite équivaut à un ordre de mort. Il court de plus en plus vite, échappant aisément aux lézards de garde herculéens, qui tentent de l'entraver de leurs bras énormes.

 

Nerti, Zilner et les autres enfants filent à ses côtés, et ressentent les possibles s'ouvrir devant eux. Quelle est la probabilité pour que le petit clone puisse s'échapper ? Comment faire pour qu'il soit sain et sauf ?

 

Le fugitif se trouve sur le balcon supérieur de l'immense vaisseau. Des arpenteurs, des aliens de course très longilignes extrêmement rapides, se rapprochent de lui, ils tirent en envoyant des rayons paralysants. Il sait qu'il va bientôt être capturé.

Cependant, il existe un possible heureux, différent, juste sous ses pieds.

 

  • Vas-y, maintenant, plonge, l'encourage le sage Zablinsk en désignant un petit transport qui vient de quitter son emplacement, cinq niveaux plus bas. Nous sommes avec toi !

 

Le petit clone hésite un instant, puis prend son élan et saute dans le vide. Le sage Zablinsk et les enfants font agir leur fluide pour ralentir l'impact et il se rétablit avec légèreté sur le toit du petit vaisseau.

 

Le petit navire prend de l'allure. Le pompeux prélat qui l'occupe n'a rien remarqué. L'enfant s'assied sagement et se fait discret. Puis, le vaisseau ralentit à une intersection.

 

  • Maintenant, entend le petit clone blessé.

 

Cette fois, il saute de nouveau et atterrit dans un convoi aérien empli de bagages. Ces derniers amortissent sa chute. Il tremble de faiblesse sur ses jambes, et entre dans la cabine réservée aux passagers. Des aliens de toutes les tailles devisent ou sont occupés à des jeux de société. Nul ne remarque le petit clone gracile à la démarche hagarde. L'enfant tente courageusement d'avoir l'air affairé pour passer inaperçu. Puis, il gagne une section matelassée réservée aux bagages fragiles. Il se glisse entre deux énormes sacs et songe à s'endormir. Ainsi, il est pratiquement invisible.

 

Mais quelqu'un approche. L'être est à peine plus grand que lui. D'un œil émerveillé, il détaille une petite alien gracile bleu turquoise entièrement luminescente. La petite alien sourit largement, et ses yeux d'un bleu très clair sont habités d'une très grande bonté. Elle se glisse à ses côtés en un mouvement incroyablement souple.

 

  • Bonjour Xelin ! lance-t-elle joyeusement.

  • Comment connaissez-vous mon nom ? demande craintivement le petit clone au bord de l'évanouissement.

  • Je t'ai observé et attendu, expose la petite alien. Mon nom à moi est Senora, je suis gardienne. Nous avons peu de temps, expose-t-elle. Les Denakhs sont habiles à faire des projections, ils nous trouveront bientôt. Veux-tu vivre en un nouveau monde, un monde de lumière, où tu seras libre ?

  • Oui, j'aimerais vraiment, expose Xelin.

  • En ce cas, suis-moi, le prie Senora. Serre ma main très fort, et aie confiance.

 

Senora recule, s'approchant du vitrage, et lentement, la surface en verre diamanté s'étire et se transforme en une sorte de matériau souple. Elle serre très fort la main de Xelin. Ensemble, ils prennent leur élan et sautent.

 

La vitre a la consistance de l'eau fraîche. Elle se tend, puis cède, pour reprendre sa texture solide initiale. Ils chutent, et tombent, tombent alors très profondément. Xelin voit sous ses pieds se rapprocher un vide terrifiant de 300 mètres et les soutes du navire sous leurs deux silhouettes.

 

Mais Senora éclate d'un rire léger comme le cristal. Elle étend sa petite main brillante et un lieu doré magnifique se dessine subitement à travers une fenêtre. Ils franchissent le passage et leur chute est agréablement ralentie.

 

Xelin découvre alors un bel ensemble de parois toutes dorées. Ils se trouvent dans le grand hall magnifique d'un vaisseau lumière. Ébloui de tant de beauté, le petit clone fond en larmes. Des soigneurs se précipitent auprès de lui et l'emmènent bien vite au centre de soins.

 

  • Un clone éventré, expose un soigneur. Notre ami du dessous a fait ce qu'il pouvait. Apportez-nous une livre de plasma. Et il faudra aussi recoller de nouveau ses fractures.

 

Le petit Xelin est entouré d'aliens luminescents de toutes les couleurs et d'êtres de lumière. On s'affaire autour de lui, afin de le stabiliser rapidement. On loue son courage et on le félicite.

 

Senora est auprès de lui et le rassure. Elle tient toujours sa main crispée dans la sienne. Des êtres de lumière étendent leurs mains sur le ventre meurtri du jeune clone. Les lésions cicatrisent les unes après les autres.

 

  • Tout va bien aller maintenant, ils ont presque fini. Tu vas entrer en un très agréable sommeil, on se retrouvera ensuite, assure-t-elle.


Et Xelin s'endort, rassuré par l'éclat de ses yeux inondés de bonté.

 

Vous pouvez reproduire ce texte et en donner copie aux conditions suivantes : 

 

 

Publié dans Messages

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Comme cette histoire est triste ! Ou c'est moi qui ne supporte plus la violence...<br /> Merci Aurélia, pour ces aventures incroyables !
Répondre
A
Chère Pascale, <br /> <br /> Je suis très heureuse qu'elle vous plaise autant. C'est un récit sur l'un des premiers dissidents. Oui, peut-être est-ce un peu triste, mais depuis, beaucoup de peuples ont été libérés. Le sage Zolmirel fait référence au système des castes qui a été aboli sur nombre de mondes. La fin du message est plus réjouissante. Merci beaucoup pour vos bons encouragements. Passez une très belle soirée
K
Merci Aurelia pour ce moment de lecture magique
Répondre
A
Merci à toi, de tout cœur mon cher David ! C'était très fort, et du direct aussi ! Je ne sais jamais trop où le sage Zolmirel veut en venir. Leurs facultés psychiques sont stupéfiantes, tout comme les nôtres, même si sur ce monde, l'humanité l'a oublié. Je suis persuadée que la pensée des êtres humains bien concentrée dans une direction précise peut agir et aider beaucoup de monde. C'est aussi une forme de foi. <br /> Passe une excellente soirée.