Les villes souterraines (3/4)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Les villes souterraines (3/4)

Message du Guérisseur Lestrys

 

 

Le matin venu, le petit clone respirait bien mieux. Les plaies de son torse commençaient à cicatriser, de même que sa jambe. Nous sommes parvenus à lui faire boire une minuscule quantité d'eau mystérieuse. Il remua faiblement la main et agrippa un bref instant l'écharpe de Stency qui en fut bouleversé.

 

Mon cher petit voulut tenter de soulever l'enfant. Il m'aida à l'installer sur le tissu que je portais en travers du corps. Nous nous sommes assurés que sa jambe fragile soit bien positionnée dans l'attelle, puis nous sommes mis en route.

 

A l'heure du déjeuner, une surprise nous attendait. Les trois aliens avaient découvert une vaste falaise dont on ne voyait pas le haut. A son pied, une épave rouillée et éventrée gisait de travers. Le chef du petit groupe de rescapés vociférait de peu amènes paroles, mais les deux clones peinaient à redresser le vaisseau renversé.

 

Stency et moi-même avons émis des ondes télépathiques amicales. Hélas, les aliens ont pris peur et se sont cachés derrière l'épave. Nous avons décidé de camper dans la caverne voisine et d'attendre qu'ils soient mieux disposés à notre égard.

 

Ce petit vaisseau était providentiel. Le chef avait perçu nos présences et également, ma taille. Je n'étais guère costaud, comparé à un lézard, mais pour un alien de Kolménide, ma taille suffisait à impressionner.

 

Ce fut en soirée que la pensée du chef des rescapés se manifesta. Je perçus le masque froid et austère d'un chercheur gris aux grands yeux noirs. Comme ce regard était saisissant ! L'être désirait voir au tréfonds de mon esprit. Je m'employais à lui dépeindre mon monde et le lieu où je vivais désormais, et lui exposais que nous étions en mesure de l'aider, lui et ses deux petits assistants.

 

  • Nous vous cherchions, assurais-je.

  • Comment cela ? Personne ne nous cherche, savant Lestrys. Ce lieu est un lieu de mort ! Ses cavernes sont froides comme la nuit, dures et implacables ! Il ne règne qu'hostilité en ce lieu ! Les tourments de la mort ont déjà eu raison du plus jeune des nôtres !

  • Cet enfant va bien. J'ai pu le soigner. Il vous faut changer à présent, ou périr. Il n'est nulle hostilité en ce lieu, à part celle qui émane de vos cœurs. Ce sont vos peurs qui engendrent vos visions d'effroi. Détendez-vous un peu, et votre guérison sera possible.

  • Nous détendre ? Te moquerais-tu de moi ? Alors que ce lieu est menacé par des torrents de lave qui se pressent au dessus de nos têtes ?!!

  • Il n'est nul danger immédiat. Si vous le souhaitez, je pourrai vous mener en un lieu où vous serez en sécurité, vous et les vôtres. Nous avons déjà secouru beaucoup d'enfants de votre peuple, assurais-je.

  • Tout ceci ne me semble que perfidie déguisée sous des abords séduisants. Et ce ne sont pas nos enfants ! protesta le génie ombrageux empli de fureur. Ne vois-tu pas qu'ils diffèrent de notre race ?!!

 

Mais, en disant ces paroles, il tomba à genoux. Il se figea, et se transforma peu à peu en une statue de pierre. Puis, il s'effrita lentement, et seul un petit tas de sable blanc demeura.

 

Je frémis d'effroi, et Stency, ayant senti la fin de cet être redoutable, fondit en larmes. Je le serrais près de moi, afin de le consoler.

A présent, l'onde froide et glaciale qui nous oppressait régulièrement avait déserté la grotte. Seules nous parvenaient les pensées de crainte des deux petits êtres restants.

 

Nous étions adossés contre la haute paroi safran. Nous nous sommes approchés de la gigantesque caverne. Juste au dessus de nous, une arcade s'ouvrait, avec, à perte de vue, l'immense falaise lisse comme un miroir, dont le sommet demeurait indistinct, même pour nos yeux si sensibles.

 

Je devinais qu'une cité obscure se tenait au sommet de ce foyer de radiance tellurique, dont la vision stupéfiante était vertigineuse.

 

Stency et moi-même nous sommes avancés à pas mesurés des deux petits gris restants. Raides sur leurs longues jambes fines, ils étaient prêts à détaler. Mais la vision de leur compagnon que je portais sembla leur donner quelque espoir.

 

Nous nous sommes inclinés lentement en murmurant des bénédictions. Nos interlocuteurs parurent abasourdis.

Plus habile que moi à parler le langage commun des gris, grâce au petit Lokhaïl, Stency s'approcha.

 

  • Nous sommes ici pour vous, commença-t-il. Nous sommes très heureux de vous voir !

 

Les deux aliens se fixèrent avec incrédulité.

 

Le plus petit, moins timide que son « frère » s'étonna.

 

  • Nous sommes seuls ici. Nous ne comprenons pas ce qui a frappé notre maître. Notre existence sans lui, est vouée à l'échec, échec de la grande connaissance qu'il voulait nous livrer.

  • Vous n'êtes pas seuls, répondis-je en un vocable approximatif. Des êtres du monde intérieur attendent avec impatience de vous accueillir et de vous soigner.

  • Nous sommes juste affaiblis, reprit l'être. Nous aimerions retrouver notre vénérable. C'est un alien extrêmement âgé. Il connaît les méandres des tréfonds obscurs de ces caves. Il doit être ici, parmi les débris. Nous avons fait tout ce chemin pour gagner le fond de ce gouffre.

 

Assez émus par les propos des deux enfants, nous avons sondé les alentours. Hélas, à part des poutrelles de métal, de la rouille et des blocs de pierre géants, nulle forme de vie n'était détectable. Nos appareils n'ont pu découvrir qu'une vie importante au niveau du sol, comme des milles pattes, et quelques petites libellules.

 

Stency tentait d'approcher l'un des deux aliens, le plus timide, mais aussi, semblait-il, le plus mal en point. Le pauvre peinait à respirer. Quelque chose en ce lieu l'oppressait.

 

Je fis agir mon fluide afin de retourner le vaisseau. Stency poussa alors un grand rire ébloui, bien incongru dans cette sinistre caverne de granit.

 

Nous avons pris place à bord du vaisseau, déposant les deux blessés sur les sièges du mieux possible. Puis, je déployais une onde antigravité suffisamment puissante pour nous porter durant quelques kilomètres.

 

 

 

 

 

Nous nous sommes éloignés de ce lieu sinistre à souhait. Exténué, je déposais le vaisseau en une belle caverne saumon agréablement éclairée. Le petit clone blessé respirait avec peine, et Stency le fit boire, tandis que j'examinais l'autre blessé.

 

Hélas, tous les senseurs ne m'apprirent que peu de choses de cet organisme biominéral. Il s'agissait d'une créature fibreuse formée presque essentiellement de filaments de nanites autoréparants. Les nanoparticules de carbone, de silicium, de quartz, mais aussi, de calcium et de magnésium couraient dans tous ses tissus. Il s'agissait d'un organisme semi-artificiel imitant les fonctions vitales, boire, respirer, se mouvoir et penser. Cette créature très résistante n'avait besoin que d'une infime quantité de nutriments et d'énergie pour se mouvoir. Je sentais tout ce que les instruments ne pouvaient analyser. A savoir que cet être se vidait peu à peu de son énergie, et que seule une autre forme d'énergie, différente, pourrait l'emplir de vie.

 

  • Veux-tu changer, mon enfant ? lui demandais-je. Crois-tu qu'un autre monde, qu'une autre vie est possible ?

  • Oui, dit-il simplement. Je le pense vraiment. Je ne veux plus vivre une demi-vie.

 

Je fis appel à mes dons de guérisseur et posais ma main sur la peau grisâtre fripée du jeune alien, juste au niveau du cœur. Il frémit agréablement, puis ferma les yeux.

L'autre alien plus jeune gémit d'effroi et poussa une sorte de sanglot.

 

  • Mon père tente de le soigner, expliqua Stency, comme il a soigné Lokhaïl.

  • Qui est donc Lokhaïl ? demanda le petit alien avec curiosité.

  • C'est un alien de Kolménide, comme toi. Maintenant, il est devenu mon frère. Il a reçu la grâce de pouvoir habiter dans les hautes dimensions. C'est un très grand mécanicien, il est passé maître dans la réparation de tous les transports.

 

Les jeunes aliens étaient tous animés d'une curiosité presque intarissable et les aliens de Kolménide ne faisaient pas exception. Une longue et passionnante conversation télépathique commença.

 


 

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