L'union (1/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

L'union (1/3)

Message du Professeur Zolmirel

 

Me voici devant vous, de nouveau, pour la suite de nos aventures. Je suis bien aise de poursuivre le récit de nos nombreuses péripéties.

 

Nous étions revenus sur mon monde, à la surface de la belle Ellakhi, après notre plongée dans le monde intérieur. Et il était nombre de choses que je ne pouvais laisser de côté, en particulier la distance qui séparait Zilmis de sa famille bien aimée.

 

Très heureux de notre visite chez les Galmols des montagnes où la famille de Zilmis vivait en une vallée d'altitude, nous étions de retour chez nous.

 

La promesse de son oncle et de sa tante avait fait naître un bel espoir en nos cœurs. J'avais exprimé ma reconnaissance très vive à Amoni, qui avait si bien su me défendre, tout en invitant la famille de mon ami à se joindre à nous. C'était, vous vous en doutez bien, une belle fête qui se préparait.

 

Comme tous les matins, je fixais avec stupeur mon reflet à demi éveillé d'être de six siècles. J'étais bien abasourdi de ce qui m'arrivait, et follement heureux je dois dire. Étant plus jeune, je recherchais comme tous les miens la compagnie de dames aliens fort instruites, afin de converser allègrement. Le lien entre les nôtres est surtout d'ordre énergétique. Je m'imaginais bien sûr souvent en compagnie d'une scientifique, comme moi. J'aimais à regarder les mains des aliens et leurs visages admirables, plus délicats que ceux des mâles de mon espèce. Sans parler bien sûr de leur pensée charmante, de l'art avec lequel elles choisissaient chaque mot.

 

Le destin s'était chargé de moi, et j'avais rencontré Zilmis. Il présentait toutes les caractéristiques des apparitions les plus radieuses, et son esprit était de nature féminine. Comme il s'agissait d'un androgyne, ma famille y voyait là un honneur très grand de bénir notre union. Les choses sont un peu différentes sur mon monde et bien sûr, les androgynes sont les êtres les plus admirés qui soient. Non seulement parce que leur science télépathique, leur anticipation des possibles est infiniment puissante, mais aussi parce qu'ils agissent avec une prévenance absolue. Nombre des anciens qui veillaient au bien être de tous étaient des androgynes.

 

C'était grâce à eux que les demeures étaient déplacées à la saison des crues, mais aussi que certains arbres étaient soignés, que nombre de vaisseaux pirates étaient repoussés en d'autres méandres de l'espace-temps et atterrissaient subitement sur des astéroïdes déserts.

 

Les anciens veillaient à ce que les nôtres ne manquent de rien et captaient les messages de détresse avec une précision absolue. Ainsi, il aurait été impensable que sur mon monde un habitant ne puisse avoir un déjeuner convenable et un logis plaisant. Toute brutalité était bannie et bien entendue, la contrainte sur autrui était strictement défendue. Les très rares contrevenants étaient envoyés dans des centres de lumière, afin de suivre une cure de réformation psychique. C'était un moyen permettant de leur donner plus d'empathie.

 

Lorsqu'il s'agissait de jeunes, les professeurs se concertaient et les envoyaient très souvent dans des centres de soins, afin d'apprendre à guérir d'affreuses blessures, et aussi, d'apprendre la compassion.

 

Ces méthodes étaient grandement efficaces, et ma planète vivait dans la paix et la joie absolue depuis des millénaires.

Ce matin là, je me trouvais chez Erazel, occupé à converser avec elle en buvant une infusion.

 

Elle s'approcha et me tendit des petits cakes élaborés à base des mousses les plus fines.

 

  • Je vous vois là bien chagrin, ami. C'est une recette expérimentale qui a eu bien du succès chez mon époux. Et si vous me disiez ce qui tourmente votre esprit ?

     

Je lui avouais combien j'étais désarçonné par les mauvais traitements qui étaient perpétrés chez les aliens femelles dans la région des montagnes.

 

  • C'est un foyer résiduel, soupira Erazel. Et aussi l'un de nos plus ardents combats...

  • Mais nous n'avons assisté à nulle bataille, exposais-je.

  • Il s'agit d'une bataille de l'esprit, jeune aventurier, une bataille pour la liberté. Même si vous ne le voyez pas, toutes ont le choix. Les plus grands sages approchent chaque âme dans le tourment et lui demandent si elle ne souhaite pas habiter un lieu plus serein. Les aliens femelles se voient offrir là un havre de paix, mais beaucoup ont peur de nous suivre, d'abandonner leur famille. Elles ont été conditionnées pour dépendre des mâles, soupira-t-elle.

  • Mais enfin, c'est absurde ! répondis-je. Vous êtes la preuve en action qu'une alien est parfaitement à même de diriger son existence toute entière, et même une frégate stellaire géante !

  • Oui, en effet, exposa calmement ma si sage amie. Mais en ces provinces reculées, il n'est point admis qu'une jeune alien apprenne le pilotage des nefs. Une bonne épouse doit avant tout savoir œuvrer en cuisine... La cuisine est considérée comme l'affaire des femelles, des inférieures...

  • L'un ne va pas sans l'autre, mais n'est pas indispensable. La préparation des mets à bord d'un esquif est une affaire délicate qui requiert bien du savoir faire, et un lézard cuisinier s'offenserait singulièrement de ces propos.

  • Ce sont des croyances, corrigea Erazel. Oui, en effet, en cette contrée comme sur la totalité de ce monde, la cuisine est vue comme un art délicat poussé à son sommet. Mais dans cette vallée des montagnes, où nous avons pu arracher des femelles à un avenir bien peu reluisant, il s'agit uniquement de servage. Sans parler bien sûr des mâles qui voulaient aussi officier en cuisine et qui ont été ôtés à temps de ce lieu étriqué.

 

Je faillis bondir de mon siège, tout à fait abasourdi de telles pratiques. Chaque alien, qu'il soit mâle ou femelle était heureux de cuisiner, et avait développé de génération en génération des recettes savoureuses, améliorées à chaque fois d'un soupçon d'épice incorporé au bon moment. Ma lignée possédait d'ailleurs une vénération quasi religieuse pour les champignons, et l'art de recevoir était bien sûr un plaisir de chaque instant.

 

Ce fut à cet instant qu'entra Amoni, déposant sur la table un gâteau qu'il avait confectionné avec un Zilmis fort joyeux.

 

  • Vous parliez de champignons ? s'interrogea Zilmis, toujours très curieux d'apprendre de nouvelles recettes.

  • Nous n'étions point en train de discourir sur leur préparation, mais de quelques sujets fort vénéneux qui résistent à la radiance de ce temps de manière fort inappropriée, répondis-je d'un ton contrarié.

  • Peut-être au moyen d'un bouillon, pour en extirper tout le jus ? suggéra innocemment Zilmis.

  • Il s'agit là de ceux de votre contrée, s'amusa Erazel, les esprit les plus obscurs qui suivent le chef qui a d'ailleurs été emmené ce matin.

  • Et pourquoi donc ? demandais-je.

  • Pour vilenie, abus d'autorité et forfaiture matrimoniale à caractère hautement coercitif, déclara Erazel.

  • N'est-il pas contraire à vos enseignements, que d'emmener un être ainsi contre son gré ? questionna Orel, apparaissant à son tour avec un gratin fraîchement cuisiné.

  • Bien sûr que si, fit l'ancienne. Mais nous avons anticipé la venue d'une révolte en ce village, avec une issue fatale concernant le chef et d'autres vies innocentes. Nous sommes opposés à toute forme de violence et travaillons à son éloignement progressif des contrées les plus inhospitalières, où chaque jour la radiance blanche gagne les individus. Ici, dans ce village, il ne s'agit que de 200 aliens environ, un petit nombre, compte tenu de l'immensité de cette planète. Mais bien sûr, nous n'allons pas rester les bras croisés quand tant d'êtres se font malmener. Nous avons déjà beaucoup emmené d'aliens mâles qui parlaient sans égards à leurs jeunes épouses et à leur famille. Ils ont du faire preuve de bien plus de bonté dans leur quotidien pour être autorisés à revenir. Nous leur avons appris la générosité, la bienveillance, la fraternité et à développer un esprit protecteur envers leurs semblables. L'un de ces aliens plus serein a été choisi pour devenir le chef de ce lieu. Nous espérons que beaucoup de bien en sortira et peut-être l'apparition d'un don chez les plus jeunes. Après tout, le rôle d'un chef, n'est il pas d'inspirer le meilleur chez autrui ? exposa Erazel en riant.

 

Nous avons tous bien ri à notre tour, certains que le petit alien grisâtre fort irascible que nous avions vu, devrait apprendre non seulement à cuisiner, mais aussi tous les bons soins que nécessite une demeure, comme le nettoyage, le soin du linge, la préparation des remèdes et des produits d'entretien.

 

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