L'union (2/3)
Message du Professeur Zolmirel (suite)
Je soupirais d'aise en savourant l'excellent déjeuner qui nous attendait. Peu après, avec Amoni, nous sommes revenus chez nous avec notre vaisseau rapiécé. Il y avait une visite en particulier qui me tenait très à cœur, et je l'exposais à ma famille.
Plongé dans une encyclopédie sur les plantes médicinales, Amoni me fit un sourire.
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Nous voilà seulement revenus de la province des montagnes et il vous faut encore songer à repartir ? s'étonna-t-il.
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Ce voyage-ci ne sera guère long, et le transport à répulsion suffira, répondis-je simplement.
Amoni ne répondit rien, comprenant ma requête, il se contenta de cligner des yeux avec un sourire énigmatique.
L'image saisissante d'une alien très pâle à la silhouette harmonieuse fusa de son esprit, puis s'éteignit. Amoni devint extrêmement confus, et tourna nerveusement les pages de son livre. Je notais à quel point les yeux de la belle apparition étaient évanescents.
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Voici une alien bien peu ordinaire. Vous songez à reconstruire la trame éthérique, puis physique de l'océan de fibres nerveuses qui entourent son esprit ? Ce dernier a été altéré, exposais-je avec douceur.
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Je sais que c'est là chose possible. Pour l'instant, les prêtres s'y opposent, car cette alien vient d'arriver. Ils la gardent pour les cérémonies. D'ici quelques mois, nous pourrons commencer à officier, cela a déjà été réussi, par plusieurs génies experts en reconstruction de l'encéphale, assura Amoni avec une foi inébranlable.
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S'il existe un guérisseur capable de retisser la trame nerveuse de cette alien dans son intégralité, c'est bien vous, exposais-je. J'ai déjà vu des cas de greffes céphaliques réussies sur de très jeunes enfants blessés. Il a fallu du temps pour qu'ils réapprennent à parler et à se mouvoir, mais tout a très bien fonctionné.
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Seuls les très grands opèrent de la sorte, et cela est bien par la voie de l'esprit, assura Amoni.
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Et vous l'êtes, vos facultés en antigravité sont merveilleuses. Nerti m'a bien expliqué que vous aviez recollé un bras la semaine précédente, de manière si parfaite, que les experts en sclérose épidermique ont eu fort peu de travail. Le blessé a pu bouger de nouveau les doigts le lendemain.
Amoni me lança un sourire reconnaissant et me remercia. Je préparais quelques effets, que j'emballais promptement et je sortis.
Il m'attendait, c'était bien certain.
Montant sur la petite plate forme à répulsion d'Amoni, je m'attachais et fis décoller l'engin, qui émit un bourdonnement agréable très léger. Je fis accélérer le petit esquif et pris de l'altitude. La forêt émeraude et azur resplendissait. Je pris conscience d'un fait essentiel, je ne savais pas où me diriger.
Une pensée bienveillante jaillit au bord de l'horizon, au delà de mon épaule gauche.
J'y dirigeais résolument le vaisseau, c'était la région des tourbières, ma préférée, et aussi, celle que je connaissais le moins.
La forêt se déployait sous mes yeux, avec des arbres à perte de vue, dans de riches vallons fertiles, parfois ennoyés, où la végétation lacustre se mêlait à l'eau avec harmonie. Une vapeur assez dense montait des étangs et des séries de marais doucement réchauffés par le soleil. Mon monde, il est vrai, est très humide et les forêts sont pour nous comme un endroit de paix magnifique où s'abriter de la chaleur.
Je perdis de l'altitude, reconnaissant un petit cours d'eau presque entièrement recouvert d'algues et de lentilles d'eau. Il s'agissait d'un spectacle fabuleux, et je souris en avisant un petit tertre près d'un étang. Je descendis et marchais sur le sol légèrement humide. Autour de moi, des grenouilles bondissaient allègrement, accompagnées de serpents d'eau et de nuées de papillons. Près de la rivière, s'épanouissaient d'immenses fleurs bleues, vertes, ou jaune d'or, dans lesquelles les petits lézards venaient s'abreuver. Plus haut, dans les arbres, des petits animaux à fourrure se saisissaient des fruits, accompagnés de nombreux oiseaux très bavards. Je m'engageais résolument dans la forêt, passant près des prés, où les cultivateurs récoltaient des céréales, mais aussi des algues et des plantes comestibles, dont les nôtres se nourrissent en abondance. Chaque champ était entouré de grands bouquets d'arbres, générant une ombre bienvenue. Je réalisais que cette province était habitée par les Kolals, qui eux n'ont aucun mal à s'exposer au soleil pour travailler la terre. Les miens préféraient moissonner les algues qui poussent dans les rivières, n'hésitant pas à plonger pieds nus dans l'eau boueuse, afin de récolter des lentilles d'eau.
J'avais toujours été intrigué par cette région, lorsque mon regard tomba sur une belle colonie de champignons présents au pied d'un vieil arbre. Je remplis mon panier, prenant soin de laisser les sujets trop jeunes ou trop vieux pour qu'ils puissent se multiplier à nouveau.
Je poursuivis mon avancée d'un pas joyeux, parvenant bientôt en une zone très touffue de la forêt. Les branches se courbaient en se rejoignant très haut au dessus de ma tête. Puis je me retrouvais en une petite zone peuplée de pins centenaires, et garnie de très grands herbages.
C'était là le marais, et mes sens d'alien me furent bien utiles pour franchir ce lieu sans encombres. Je traversais un petit pont et parvins ensuite auprès d'une prairie où des herbivores broutaient, il s'agissait d'une variété de cerf très sauvage de ces provinces. Mais sentant ma nature inoffensive, ils me jetèrent un bref regard avant de poursuivre leur repas.
Je plongeais de nouveau dans la forêt, et mon pas, amorti par des nuées de feuilles mortes, devint presque inaudible.
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