L'apprentissage des petits aliens (10/14)

Publié le par Aurélia LEDOUX

L'apprentissage des petits aliens (10/14)

Message du Professeur Zolmirel

 

Le recyclage des composés

 

Notre navire arriva bientôt en une région semi désertique, dans le Nord de notre province, là où les neiges touchent la montagne de près. Le décor était pierreux et rocheux à souhait, et ce lieu était très sec. Devant nous, un ensemble immense de grands bacs couverts de bâches étanches et de rideaux de verre était surmonté de tuyaux. Je reconnus une méthanerie, qui collectait certainement toutes les épluchures des cuisines de cette région. Près de celle-ci, un autre bac était surmonté de tuyaux bien plus massifs. Un écriteau sur le bassin précisait que ce dernier était garni de fumier et de guano.

 

 

Notre monde comportait peu de lieux d'élevage d'animaux, mais ils y étaient bien traités. Les animaux les plus présents étaient de grands lézards très posés, qui nous servaient au transport, aux cérémonies et aussi aux travaux de reconstruction d'édifices. Certains de ces lézards volaient, d'autres marchaient sur deux ou quatre pattes. Ils étaient très affectueux, et d'une grande intelligence. D'autres lieux d'élevage comportaient de grands herbivores, proches des buffles, mais avec un lainage plus épais, et une propension plus forte à être apprivoisés. Il était également de nombreux lieux où les fermiers conversaient avec des oiseaux fort intelligents, proches des autruches par l'allure. Enfin, les êtres les plus vénérables avaient réussi à apprivoiser des fauves.

 

Évidemment, tous ces animaux étaient nos amis. Ils nous permettaient de prendre leurs lainages, leurs plumes, quand survenait la saison chaude. Ils n'étaient point enfermés dans des enclos, mais pouvaient se promener librement. Leurs œufs non éclos servaient aussi d'aliment. Nous récupérions toutes les bouses d'animaux et le guano, qui sont un engrais infiniment précieux.

 

J'insiste bien sur le fait qu'existait entre nous et ces animaux une belle harmonie. Il était impensable de les manger. Lorsque l'un d'entre eux dépérissait ou mourait, les fauves se chargeaient de le manger. Les reptiles volants eux, dévoraient les os restants. Il existe la même organisation sur votre monde. Les hyènes, les vautours et les mouches sont des animaux très utiles, qui évitent que votre sol ne soit infecté de germes dangereux. Sur notre monde, des animaux semblables à de gros papillons de nuit repéraient instantanément la moindre carcasse, leurs chenilles évitant la propagation de virus dangereux. Dans la jungle, il existait également nombre de serpents, très heureux de ce type de menu. Autrement, la plupart des serpents se nourrissaient d'algues, de lentilles d'eau, et même du nectar de certaines fleurs. Il existait fort peu d'animaux venimeux.

 

Notre vaisseau continua sa progression, entrant en une petite vallée. Le sage Zablinsk et les enfants nous attendaient sur un promontoire dédié à l'observation.

 

Nous étions tous fous de joie de revoir les enfants. Ils se ruèrent vers nous en riant de bonheur. Le sage Amoni réprima avec peine quelques larmes de joie. Zilmis leur offrit des pendentifs et des figurines qu'il avait créé lui-même dans la cire.

  • Vous nous avez tous beaucoup manqué, émit le petit Nerti en embrassant chacun de nous.

  • Vous aussi mes chéris, répondit Amoni, pleinement heureux de cet instant.

     

Le professeur Zablinsk nous mena vers une petite table et nous présenta sa charmante sœur. C'était une grande alien Denakh aux traits admirables et par le raffinement de sa conversation, elle nous plut aussitôt à tous. Les enfants furent comblés de sa prévenance et de sa grâce.

  • J'ai préparé tout ceci à votre intention, fit-elle en montrant des plats qui embaumaient. Mon frère m'y a aidé bien sûr ! lança t-elle en riant.

 

Chacun de nous fit honneur aux plats. Nous étions ravis de goûter des saveurs aussi nouvelles.

  • Ce sont des plats de chez nous, exposa t-elle. Mais notre peuple, chacun le sait, préfère d'ordinaire les recettes de cuisine à base d'insectes, souligna t-elle avec délicatesse. Il m'a fallu changer beaucoup d'ingrédients.

  • Cela est plutôt approprié, reprit Zablinsk. Les aliens de notre monde mangent bien trop d'insectes à mes yeux ! Quelle horreur ! Je ne pourrai jamais y retourner ! dit-il en riant.

 

Les enfants rirent longuement de cette déclaration, et chacun de nous s'en amusa. Il était vrai que les Denakhs cultivaient nombre de vers très prisés, ainsi que des larves, à des fins gastronomiques. Chez nous, il était impensable de manger des animaux et les enfants étaient bien d'accord sur ce point.

Mille questions nous habitaient face au panorama superbe, révélant une gigantesque tour phosphorescente.

 

  • C'est le grand convertisseur delta, expliqua Xillia, notre hôte. Voulez-vous le visiter ?

     

Chacun de nous assura qu'il en serait enchanté. Peu après le repas, Xillia nous escorta donc vers un petit vaisseau de maintenance. Elle nous présenta à plusieurs petits jeunes hommes élancés aux longs cheveux blancs.

 

  • Ce sont nos amis de la planète Mistra. Ils activent le convertisseur pour les phases de décorrélation de la matière. Ceux-là sont des gracieux, il s'agit de hauts scientifiques, mais il existe aussi des humanoïdes. Et en voici un autre moins âgé, fit-elle en nous montrant un homme brun de haute stature. Leur population a connu une mutation génétique inattendue. Ils ont développé des connaissances exceptionnelles et ont décidé de nous en faire don.

     

Les habitants de Mistra étaient fort agréables, leur langue un peu chantante nous plut beaucoup. Xillia mena le vaisseau à la verticale de l'immense vallée où couraient de multiples tuyaux de métal, en réalité, des tapis roulants se trouvaient à l'intérieur. Des opérateurs déversaient le contenu de différents containers. Les matériaux à recycler se dirigeaient tous vers un étage spécifique du convertisseur. Le métal transitait vers le plus haut point, le point de fusion. Les autres composés, étaient dirigés vers un étage servant à les fissurer en une poudre fine, en particulier, la pierre, les matériaux de construction.

 

Le son qui s'échappait nous fit un peu mal aux oreilles au début, c'était un son sourd, vibrant. Xillia referma avec bonté le petit vaisseau, et le bruit disparut.

 

  • L'unité de dislocation sonique peut générer de légers vertiges, expliqua t-elle. La poudre fine atteint ce niveau et descend dans ce convoi, qui sera bientôt en partance. Elle atterrira ensuite dans une unité de fabrication de mortier et de parements en pierre reconstituée. La poudre sert également à faire des dallages, des vases, elle est aussi mélangée à différents pigments afin de restaurer d'anciens palais. Il existe des différences de densité évidentes dans chacun de ces grains de matière. Ils sont triés de manière très précise afin de former des ciments de qualité variable, de reconstituer des pierres plus ou moins lourdes. Nous pouvons modifier avec un très grand degré de précision leurs propriétés.

  • C'est tout simplement merveilleux ! Si je comprends bien, vous obtenez de nouveau des blocs de pierre ?

  • Oui, bien sûr ! assura Xillia. Les ingénieurs ont mis au jour certaines propriétés de la matière. Ils travaillent sur un procédé permettant de reconstituer un bloc de pierre parfait après sa fissuration et son broyage, par simple application de champs électrolytiques. Les pierres les plus grosses ne sont pas broyées, évidemment, nous les retaillons, mais la poudre et les gravillons doivent l'être, par commodité. Le bois subit un traitement identique. Les fragments de bois sont broyés et cette fois, les ingénieurs ont créé une chaîne automatique qui reconstitue une poutre neuve à partir de poudre. Leur appareillage est si parfait que le veinage exact du bois désiré est obtenu. Voulez-vous voir ce prodige ?

 

 

Chacun de nous accepta joyeusement. Le petit vaisseau se posa et un son nous parvint, celui que pourrait produire le sifflement de l'air dans les réacteurs d'un vaisseau, mais en bien plus harmonieux. Nous sommes entrés en une pièce comportant une vaste ouverture en son plafond. Un petit jeune homme avenant, portant une ample robe cuivrée nous sourit. Il surveillait un assemblage extraordinaire. Devant nos yeux, une poutre de belle apparence poussait lentement. Effectivement, le veinage du bois était si parfait, que cet ouvrage d'une qualité sans nom, paraissait provenir d'un arbre. Une pâte jaune pâle tombait du plafond, puis passait devant plusieurs champs et faisceaux de lumière, elle était pressée dans un gabarit lui donnant une forme carrée ou arrondie, ensuite, la pâte était comprimée, sa couleur jaune s'estompait, la résine en trop tombait dans un circuit de récupération placé au dessous, et le produit s'évaporait presque instantanément. Le bois prenait une teinte bien plus foncée, chaleureuse et agréable. Le jeune homme habile interrompit la machine pour former une nouvelle poutre. Devant nos yeux, il créa une dizaine de poutres.

 

  • Il en faut trente cinq, expliqua Xillia. Ces poutres sont fabriquées à la demande pour restaurer ou édifier de nouvelles demeures. Cette unité comporte aussi en contrebas, une installation de silicification de bois pourri.

 

C'était la vérité, évidemment. Les nôtres aimaient particulièrement les teintes pourpres ou bleutées du bois en cours de pourriture. Ce bois était recueilli, et employé exclusivement, afin de préserver les arbres que nous chérissions. Un procédé que nous avions découvert, permettait de figer la moisissure sur le bois et de le rendre aussi résistant que la pierre. Nous en faisions des portes, des dallages et des panneaux de boiseries somptueuses.

 

Xillia nous montra un autre dispositif dans une pièce attenante, servant à collecter les déchets venus d'autres mondes. Certains de ces déchets comme les résidus de fumées, les différents mâchefers obtenus dans certaines usines métallurgiques et les débris d'incendies, recevaient un traitement spécial. D'autres rampes accueillaient des déchets issus de réacteurs à fission nucléaire en fin de vie, c'est à dire faiblement radioactifs. Elles étaient entourées de lumières et de champs de force ionisés. L'installation était autogène et nul être vivant ne pouvait s'en approcher.

 

  • Ce lieu est très dangereux fit Xillia. Même si ce sont des matériaux faiblement radioactifs. Nous ne faisons que décharger et recueillir. D'autres peuples stellaires, qui ne sont pas autant affectés par les radiations que nous, œuvrent à sa maintenance quand le système tombe en panne. Les installations servant au retraitement du corium, sont, elles, installées exclusivement dans l'espace. Ces déchets sont issus du retraitement du plutonium employé avant la grande Transgression. A chaque fois qu'une épave est découverte, les ferrailleurs font appel à nous pour ce travail. Ici, le tapis roulant amène des parois de blindage détruites faiblement radioactives. Les ions de radionucléides actifs sont ôtés du métal, qui peut ensuite être réutilisé. Une fois que le collecteur d'ions radioactifs est plein, l'installation s'arrête automatiquement. Des experts en radioactivité le transportent dans l'espace pour recréer des matrices d'uranium naturel. Cet uranium sert ensuite à améliorer la formation des jeunes astéroïdes instables.

     

  • Votre ingénierie est très grande, fit le sage Amoni. Les uranides (pechblendes) ont un grand rôle pour ce qui est de la naissance de la gravité en un astre en mouvement. Ensuite leur lente décomposition fournit un rayonnement très vif propice à l'épanouissement de toute forme de vie.

  • Les uranides sont très étudiés dans les régions où ils abondent naturellement, expliqua le professeur Zablinsk. Les Grands Anciens parmi les Galmols, nous ont toujours fait recommandation de ne point troubler ces pierres qu'ils nomment « pierres de vie » ou « pierres de feu sacré ». Les plantes poussent étrangement plus vite à proximité de ces gisements. Aussi les experts en biologie ont-ils découvert que les lieux riches en radioactivité naturelle étaient favorables à la croissance cellulaire. Il semble de même que les uranides aient un grand rôle à jouer lors de l'émergence de la vie sur un astéroïde non répertorié.

  • C'est absolument vrai, souligna Amoni. Les plus récentes études montrent que les mutations intraspécifiques sont accélérées par les uranides. Les mutations interspécifiques sont, elles, possibles, avec des vecteurs de temps immenses. Mais bien sûr, nous améliorons cela. Notre implantation de la vie sur des sphères arides vise à accélérer ce processus.

 

 

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