Voyage sur la planète gazeuse (1/4)
Message du professeur Zolmirel
Chers amis de ce temps, je suis là devant vous pour vous parler de la suite de nos péripéties.C'est Zolmirel qui vous parle et c'est une joie de vous retrouver.
En ces temps reculés sur ma planète était venue l'époque de la Grande Union, celle des cœurs, des esprits et des peuples.
Je venais moi-même de rencontrer un être improbable, en vérité, un autre Galmol parfaitement complémentaire à moi-même et cette époque fut très heureuse.
Mon nouvel ami était aussi passionné par les vaisseaux que moi, le sage Amoni lui fit bon accueil, de même que son frère Esvar et sa belle-sœur, Minvela.
Zilmis était venu me rejoindre avec une épave, bravant la distance vertigineuse qui nous séparait, un véritable exploit. Il était arrivé à l'aube et sans surprise, sa famille toute entière se posa en milieu d'après midi dans un majestueux cylindre vert. Il se fit rabrouer sévèrement par sa mère, ses oncles, son père et ses frères et sœurs pour être parti sans les avoir prévenus.
Je compris que mon ami était toujours plus ou moins soumis aux exigences de sa famille et qu'il en avait vraiment assez de cette situation. C'était un alien fort jeune, timide, extrêmement courtois, mais il n'avait jamais fait de voyage spatial. Il rêvait alors de s'envoler.
Sa famille, faisant comme s'il n'avait point son mot à dire, avait projeté de le ramener chez eux de gré ou de force. Mon ami me fixa avec une peine infinie. Je décidais de parler. Il m'aurait été insupportable de le perdre une deuxième fois.
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Il faut que tu reviennes de suite, tu t'es déjà perdu trois fois ce mois-ci ! ordonna son oncle.
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Ce ne sera guère possible, dis-je avec un calme absolu.
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Et pourquoi donc ? questionna sa mère d'un ton impérieux.
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Nous avons besoin d'un expert en ingénierie spatiale et Zilmis est idéal pour ce faire, exposais-je avec le plus grand sérieux.
Il y eut de longs rires moqueurs, mais voyant que je ne plaisantais point, tous se figèrent.
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Avez-vous si mauvaise opinion de lui ? demandais-je d'un ton chagrin.
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Nullement, se récria sa mère avec embarras. Mais il est encore fort jeune, trop jeune pour quitter le nid.
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Notre plus jeune compagnon avait à peine quatre années lors de notre précédente mission assurais-je.
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Zilmis est d'un naturel rêveur, assez évanescent, pas du tout fait pour ce genre de choses, assura son oncle.
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Bien sûr que si, émit le sage Amoni. Il faut de grandes compétences pour remiser un tel esquif et le faire voler ! Ce n'est pas l’œuvre d'un esprit ordinaire.
La discussion qui suivit fut assez longue, et je dois dire, peu agréable.
Les miens sommes d'un naturel plutôt tranquille et aimons à voir un enfant évoluer à son rythme. Mais les Galmols des montagnes étaient d'une autre trempe et ils couvaient leur progéniture avec beaucoup de fermeté. Je réalisais que ce peuple brave et accueillant possédait aussi des membres manifestant un farouche attachement aux traditions.
Il fut décidé finalement que Zilmis avait son mot à dire. Évidemment, il était d'accord pour aller voyager dans l'espace, malgré le danger !
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C'est folie qu'entreprendre tout cela ! se hérissa sa mère. Ils t’entraînent dans leur croisade insensée et tu choisis de les suivre aveuglément !
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J'ai toujours rêvé d'aller dans l'espace et vous m'en avez toujours empêché, protesta le jeune Galmol.
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C'est parce que tu n'es pas fait pour cela, tu te perds sans arrêt dans les montagnes ! répliqua son oncle. Alors te retrouver dans l'espace, ce sera bien pire !
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Votre fils ne sera pas navigateur, mais ingénieur, il n'y a donc pas lieu de vous inquiéter, émit Amoni avec patience.
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Et quel sera le but de cette mission ? questionna âprement son oncle.
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Une mission de sauvetage, émit Amoni avec un sourire.
Les Galmols se regardèrent avec hésitation, ils ne s'attendaient pas à cela. D'autres palabres suivirent, ils désiraient que l'un des leurs reste pour surveiller Zilmis. Je devinais que je n'entrais pas du tout dans leurs grâces, de même que mes compagnons. Pour eux, nous étions des aventuriers de l'espace, une chose un peu impensable pour ces êtres.
Je devinais qu'ils étaient très désireux de confier Zilmis à une personne bien plus appropriée que moi. J'étais botaniste à cette époque et j'avais déjà écrit quelques ouvrages, mais mon âge demeurait un obstacle pour cette famille. J'avais déjà environ six siècles pour les vôtres. Mais sur mon monde, l'âge, le genre, ne sont point un obstacle lorsque deux âmes se reconnaissent, en temps ordinaire.
Ici, il en était tout autrement, la famille de Zilmis souhaitait le voir rencontrer un être qui lui soit semblable, c'est à dire un autre androgyne, exactement du même âge. Des larmes pointèrent sous ses yeux, sans réfléchir, il prit ma main, se mit à courir à folle allure et m'entraîna vers un précipice d'où il sauta.
Notre chute merveilleuse dura longuement, nous rions et pleurions en même temps. Nous avons atterri avec légèreté dans la jungle mystérieuse, en cette heure, les fauves dormaient, une promenade était donc toute indiquée.
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Que se serait-il passé, demandais-je, si je n'avais point été un expert en antigravité ?
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Je savais qu'il en était ainsi, répondit religieusement mon ami.
Alors, nous nous sommes enfoncés dans la jungle en riant de bonheur.
Très déconfits, les membres de la famille de Zilmis restèrent figés au bord du précipice, ne sachant que dire.
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Je crois que son choix est fait, exposa Amoni avec douceur, en tirant près de lui le petit Zilner, très inquiet de notre chute vertigineuse.
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Son choix ? croassa sa mère. C'est notre plus jeune enfant ! Et il choisit de sauter dans le vide !
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Tout va bien, répondit Amoni. Ils sont en sécurité, les rassura t-il.
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Pourquoi a t-il fui de la sorte ? grommela son oncle avec vigueur.
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Si vous le laissiez respirer un peu et choisir son futur, il ne fuirait pas, assura posément Amoni. Si vous entravez un être, tôt ou tard, il finira par fuir, et ne reviendra pas.
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Je veux qu'il revienne ! répliqua sa mère. Si nous le surveillons sans cesse, c'est pour son propre bien. Zilmis n'est pas un enfant comme les autres.
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Zolmirel est mon ami depuis vraiment très longtemps. S'ils se sont reconnus ainsi, c'est que de très belles choses vont arriver à Zilmis, ils se sont certainement connus en une autre vie. Pourquoi êtes vous effrayés que l'âme de votre enfant ait reconnu sa moitié ?
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Zilmis est un androgyne, il est presque comme une adolescente. Il a toujours voulu voyager dans l'espace, cela nous effraie, exposa son père. Nous n'étions pas préparés à la venue d'un enfant si étrange.
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Les androgynes ont les deux polarités, émit Amoni avec compassion. Chez nous ils sont très respectés. Nous les aimons. Ils peuvent choisir un compagnon ou une compagne en fonction de leur intériorité.
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Zilmis a toujours voulu choisir un compagnon, peina à admettre sa mère. Il est de nature féminine, émit-elle honteusement.
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Oui, c'est évident fit Amoni. Je vous promets que les missions stellaires sont très étroitement surveillées par les anciens, votre enfant sera en sécurité. Vous devriez vous sentir fiers qu'il ait choisi de rejoindre un scientifique.
Mais nul ne semblait fier en cet instant. Ils étaient trop choqués pour parler et décidèrent de s'en aller. L'oncle de Zilmis prit mon vaisseau flambant neuf, en gage de compensation de la perte du sien et de son neveu.
Nous sommes revenus peu avant l'heure du soir et Amoni me montra là tout ce qui était advenu en notre absence par le biais de la télépathie. J’éprouvais un peu de peine que mon vaisseau ait ainsi été emmené, mais cela était bien peu de chose à côté de la joie immense d'avoir rencontré Zilmis. Je devinais que la vie allait dorénavant nous réserver les plus parfaites découvertes, et je ne me trompais point.
Le soir venu, Amoni, les enfants, Orel et Dorian cuisinèrent les mets les plus exceptionnels, chacun d'entre eux se réjouissant avec nous de notre bonheur. Je remerciais Amoni de son soutien, lui qui m'avait défendu avec tant d'ardeur face à la famille de Zilmis.
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Cela n'est que la vérité, et bien normal. Je n'ai pas eu trop d'efforts à déployer, mais je n'ai pu les empêcher de prendre votre vaisseau, ami.
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Peu importe, répondis-je.
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Oui, nous allons continuer les travaux sur l'épave, elle sera encore plus magnifique une fois achevée, répliqua Zilmis avec un fol entrain.
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