La transmutation des êtres (1/2)
Message du Professeur Zolmirel
Bonjour à tous,
C'est de nouveau le professeur Zolmirel. Combien je suis joyeux de cette nouvelle transmission. Je sens vos pensées, toutes les pensées des enfants de la Terre qui s'élèvent, au firmament. Votre monde s'éveille de plus en plus. Tant de questions vous posez vous sur votre monde, il s’agit d'heureuses interrogations.
Sur mon monde, qui a ascensionné depuis, les choses se sont faites très rapidement. Votre planète est en phase d'appel, aussi, vous ressentez ce moment pressant, cet instant parfait, où votre âme va rejoindre l'étincelle divine originelle placée au fond de vous pour se transmuter totalement.
C'est ce qui est arrivé, suite à mon dernier message, au petit Nerti.
Nous étions tous tellement inquiets pour ce petit. Même moi, et son état me préoccupait tellement que je cédais à la demande de mon ami, le sage Amoni pour aller le visiter sur la face ardente de notre astre.
Combien ce chemin était-il redoutable, je songeai là que je m'engageais dans le péril avec trop de hâte. Et je m'en fus méditer suivant mon habitude dans la verte forêt profonde.
J'enjambais avec joie les troncs des arbres anciens laissés là, que la vie première recolonisait, et je me faufilais jusqu'à un lieu fort moussu, paré malgré tout des plus belles fleurs. Assis en une clairière, mon vénérable ancêtre Oralecto semblait m'attendre. Je me précipitais à sa rencontre, comblé de joie de le retrouver.
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Cher enfant, as-tu fais bon voyage ? me demanda mon grand-père en riant
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Oui, il en est bien ainsi, et je suis heureux de retrouver la verdure.
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C'est un grand destin que le tien, confirma mon grand-père. Celui d'aller peupler de nouvelles terres glacées. Oui, cela est très noble de franchir tant de barrières, de méandres spatiaux. Sans oublier les débris.
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Rien qu'Erazel n'ait pu détecter à temps.
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Je te sens troublé, émit Oralecto en souriant. Ce jeune va s'en tirer. Sois sans crainte, le lieu ardent est un passage difficile mais nécessaire.
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Me faudra t-il revêtir un scaphandre ? demandais-je
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Non, fit mon grand-père, mais juste boire beaucoup. Et prendre des voiles pour te protéger de l'incandescence. L'exposition est redoutable en ce lieu.
Je soupirais, résigné à cette nécessité. Nous avons marché en forêt, nous ravissant du spectacle des premières fleurs qui s'ouvraient à la promesse de l'aube.
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Grand-père, pourquoi le lieu ardent a t-il été laissé en un état aussi aride ? Voilà qui n'est point souriant pour notre monde, pour la vie.
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Une certaine vie, tu oublies que certains animaux s’accommodent très bien des lieux de vie arides. Ils aiment l'exposition, la chaleur. Les plantes elles-mêmes ont développé des caractéristiques exceptionnelles. Et puis, pour que la pluie arrose en abondance nos forêts, notre planète sait qu'il est bon de laisser certaines terres à l'état de désert. Oublies-tu les grands observatoires ?
Je souris, en effet, le sage Amoni nous avait fait promesse de visiter le grand observatoire planétaire installé en un lieu montagneux très aride, sur un plateau élevé. Cela venait compenser ma peine et ma crainte à l'idée de subir autant de mal-être.
Je quittais mon vénérable ancêtre avec le sourire et revins vers notre petite tour. Comme cela était à prévoir, le sage Amoni avait apprêté tous les bagages. Le petit Zilner était un peu apeuré et il le berça près de lui pour l'apaiser. Nos amis, Orel et Dorian vinrent ensuite nous rendre visite. Ils se proposèrent tout naturellement de nous accompagner. Même si leur prescience leur permettait de voir à distance ce qui advenait, il leur tenait à cœur de rendre visite à Nerti.
Notre départ était prévu au milieu de la nuit, nous devions embarquer à bord d'un vaisseau pendulaire. Ce type de nef flottante utilise la poussée du vent pour se déplacer, il effectue des oscillations parfois, un peu comme les parapentes. Un générateur antigravité et un dispositif de guidage magnétique lui permet de croiser à belle allure. Lorsque le vaisseau va à contrevent, la voile est repliée.
Nous avons pris place dans notre petite plate forme flottante et avons gagné l'aire de décollage. Le pilote, un tout jeune alien un peu nerveux, nous fit bon accueil. Il fixait avec quelque effroi le vent qui faisait tanguer l’aérostat de manière vacillante. Seule la traction magnétique permettait de maintenir l'engin au sol, autrement, il aurait été emporté.
Cet engin était composé d'un réservoir métallique d'hélium et d'un réservoir cylindrique, placé dans une voile étirable en forme d'ogive, avec une série d'ailettes effilées tout autour. Les deux réservoirs communiquaient et en faisant varier la quantité de gaz, on s'élevait, ou on redescendait. Cette voilure était impressionnante et de belle apparence, car l'alien y avait crée des motifs de couleurs vives parés d'inscriptions calligraphiques. J'y reconnus des formules de bénédictions et de prières en plusieurs langues.
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Le vaisseau est prêt, je suis Esrir, nous fit le jeune alien. Nous serons au pays ensoleillé une fois que l'aube paraîtra. Le centre de soins n'est point situé sur le rebord du monde, mais au cœur de la zone ardente, expliqua t-il
Je montais dans le navire élancé avec quelque effroi. Ainsi, nous allions nous rendre précisément au milieu de la zone interdite ! Je dus blêmir, car Dorian me murmura des encouragements.
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Je veillerai à votre sécurité, dit-il. Songez plutôt à la chance qui est vôtre, vous allez voir des terres que bien peu de Galmols ont contemplées avant vous.
J'en convins avec quelque angoisse, me fiant à mon ami. Le bip de départ résonna et je fis une prière. Pourvu que le petit Nerti guérisse, et aussi, pourvu que nous puissions revenir sans encombres.
Je ne me serais jamais douté qu'il m'eut été plus difficile d'aller croiser sur les terres ardentes de mon propre monde plutôt que de m'envoler vers les confins de l'univers connu ! Voilà qui mettait un frein à mon enthousiasme ordinaire. Je devais revoir mes ambitions à la baisse, peut-être me serait-il impossible de pourvoir à l'étude de ce milieu riche en plantes inconnues ?
L'aérostat s'éleva avec vaillance dans le ciel chargé de bourrasques, il trembla et le verrou magnétique corrigea la trajectoire, le navire acquérant peu à peu une poussée confortable et régulière, exempte de turbulences. Je dois admettre que je n'étais point habitué aux tremblements dans la direction. D'ordinaire, nos navires ne connaissent nul heurt.
Le pilote installé aux commandes se détendit, il brancha des dispositifs de guidage et de surveillance. Il envoya un message serein dans son transpondeur. Orel le questionna sur ses missions passées, ce qui sembla le ravir.
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Je croise depuis cinq années seulement, et je suis l'un des seuls à gagner la zone ardente, les autres n'osent pas s'y risquer, expliqua t-il.
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Et pourquoi cela ? s'enquit Orel
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A cause des lacunes magnétiques bien sûr, il existe sur plusieurs centaines de kilomètres, des zones de « vide », sur lesquelles les sustentateurs magnétiques sont déréglés, et où le risque d'écrasement est élevé. Il faut piloter « au vent ». Seul l'hélium peut nous permettre de passer .
Je ne dis mot, mais écoutais avec soin, le sage Amoni, intrigué de même par ces zones de décrochage, qu'il était plutôt tabou d'évoquer en notre monde. Bien sûr, nous en avions connaissance, mais il était impossible de franchir ces contrées à basse altitude. Seuls des transports par voie de terre, ou des ballons parvenaient à traverser ces pays. Depuis, pour cette raison, cette zone située en plein vortex, avait été déclarée, « zone interdite », par mesure de précautions.
Le navire s'éleva encore, nous planions maintenant à une allure et une vitesse fort confortable.
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Il faut prendre de l'élan pour passer, expliqua le pilote. La vitesse que nous avons acquise va nous permettre d'employer ce vecteur dans la zone où la poussée sera lacunaire.
En effet, au bout de quelques heures, les instruments émirent des sifflements. Les générateurs magnétiques toussèrent, puis s'interrompirent. Le pilote les désactiva pour les ménager, et notre navire se mit à tanguer. Le vent nous portait !
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C'est extraordinaire ! s'exclama le sage Amoni. Je ne sens plus le sol sous nos pieds, … je ne sens plus rien !
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Nous sommes à 3000 mètres d'altitude, fit observer le pilote
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Amoni est un expert en antigravité, il veut dire que le sol n'émet plus d'énergie magnétique, expliquais-je
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En revanche, il émet une autre forme d'énergie que je ne parviens point à caractériser, ajouta mon ami
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C'est la radiance, fit Dorian, voilà pourquoi le centre de soins est érigé en ce lieu de vortex.
Nous étions installés dans le salon confortable du navire et chacun de nous lisait ou observait par la fenêtre. Le petit Zilner dessinait une carte stellaire suite à notre voyage. Bientôt, se fit jour une clarté très vive. Un paysage étonnant se révéla à nos yeux éblouis. Je n'avais jamais vu une telle lumière, dorée, souriante, elle nous accueillait.
Toutes mes peurs disparurent lorsque je vis le pays du levant, mes yeux de petit alien curieux fixés à la baie vitrée.
Les beaux monts d'or étaient surmontés de brumes légères, un vallon sableux aride s'ouvrait entre des montagnes brunes aux versants érodés.
La zone n'en finissait pas, et par endroits, on pouvait voir l'éclat de gemmes splendides qui parsemaient les accumulations d'éboulis.
Mais je le savais, l'énergie de ce lieu était redoutable, et les sauveteurs avaient fort à faire lorsque des pirates arrivaient par chance à entrer en ce désert. Les malheureux étaient aussitôt dissous par l'énergie, et ils n'avaient guère le temps d'atteindre leur position. C'étaient donc les anciens, les prescients immenses, qui se chargeaient de nettoyer les zones de crashs. Elles avaient été dépolluées. Ces zones étaient autrefois garnies d'épaves nombreuses et de squelettes. Mais les sages avaient transformé cet endroit. Eux seuls résistaient à la radiance, ils avaient décidé de garnir ces montagnes de plantations d'espèces rares. Des plantes épineuses parées de fleurs superbes au coloris vifs s'étendaient à présent. Au sol, une barrière magnétique avait été mise en place pour empêcher tout intrus de s'aventurer dans ce désert dangereux et d'y périr. Elle fonctionnait très bien, car tout esquif non autorisé était aussitôt détecté. Les contrevenants étaient très rares.
Tout à fait ravi, j'observais des animaux légers bondir au sommet des montagnes, ils ressemblaient à un mélange entre des lémuriens et des écureuils, et leur fourrure était entourée d'une belle énergie rosée et bleutée.
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Ces animaux ne sont pas affectés par la radiance ! m'étonnais-je
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Oui, ils sont très à leur aise en ce milieu, ajouta Dorian. Avez-vous déjà organisé des expéditions de minéralogie ?
Je répondis par l'esprit à mon compagnon lumineux, pour ne pas effaroucher le petit Zilner.
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Oui, cela a été tenté. Mes collègues et amis qui en faisaient partie, sont passés par voie de terre. Mais ils ont du rebrousser chemin. Ils ont été pris d'affreux malaises, leur énergie leur échappait. Ils ont croisé en chemin des êtres que les sages venaient aider. Hélas, ceux-ci n'étaient plus que des statues lorsqu'ils sont arrivés. Les sages leur ont dit que notre planète gardait ce lieu, elle ne voulait pas que ces gemmes soient déplacées, ni même étudiées car il y régnait un équilibre subtil. Depuis, nous avons respecté la volonté de notre planète. Nous avons envoyé des lézards volants qui résistent à la radiance de ce lieu, pour filmer les zones cristallines à bonne distance. Ces lézards sont très intelligents, ils nous ont bien aidé à comprendre la circulation énergétique qui y règne.
Je montrais à Dorian deux lézards volants qui s'approchèrent avec curiosité de notre engin. Ces animaux étaient proches des ptéranodons, mais de nature amicale. Ils suivirent notre étonnant transport en s'amusant à louvoyer entre les turbulences puis se laissèrent distancer. Notre aérostat commençait à ralentir, même si la vitesse accumulée était encore impressionnante.
Le pilote mit en route les réacteurs en les reliant à une petite cuve à fusion lente. Ces réacteurs étaient de petite taille, mais ils nous portèrent avec aisance. Jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent à leur tour, il y avait trop de turbulences magnétiques. J'admirais la polyvalence de notre guide qui connaissait parfaitement ces divers moyens de propulsion, et qui savait si bien manœuvrer la voilure du vaisseau. Le vent se leva et nous poussa hors de la zone montagneuse.
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