Les explorateurs de l'espace (1/2)
Message du Professeur Zolmirel
C’est un nouveau message de votre ami à tous, le professeur Zolmirel !
Oui, je suis en joie, le printemps s’en vient, enfin !
Avec mes petits compagnons, nous effectuons de joyeuses excursions. Tout cela est excellent pour nos plus jeunes convalescents. Il en est ainsi pour les aider à remarcher, à se stabiliser sur leurs jambes frêles.
Je ne considère pas cela comme un travail, mais comme une activité plaisante, que d’emmener autant d’enfants en promenade. Nous agissons ainsi à bord de vaisseaux-lumière, à l’environnement superbe, propre à stimuler les êtres les plus affaiblis. Chacun de ces paysages est une féérie de couleurs, de cascades d’eau souriante, de papillons, de nuages de fleurs et de chants d’oiseaux.
Il y existe dans l’atmosphère, les senteurs les plus exquises, et les champignons les plus délicats se trouvent sur notre chemin.
Les enfants adorent m’aider dans mes récoltes quotidiennes de mousses et de moisissures. Les miens cuisinent aussi beaucoup de plantes, de soupes de légumes et de beignets de céréales.
A chaque fois que je prends un ou deux petits, pour explorer une nouvelle partie de ces jardins du vaisseau, c’est une joyeuse aventure qui commence.
Je suis certains jours, accompagné d’autres amis botanistes et de physiciens très sympathiques. Eux ont exploré de nombreuses portions de l’espace. Et bien sûr, lors de petits goûters sur l’herbe, ils ont plaisir à conter le récit de leurs aventures aux enfants.
Il me faut vous parler d’une aventure bien périlleuse, celle où je n’étais encore qu’un tout petit alien, ma première aventure. (!)
En ce temps, je vivais confortablement avec ma famille et mes trois parents les plus proches. Ils avaient fort à faire pour s’occuper de moi, car j’étais alors un petit alien très remuant. J’étais toujours à gambader, à courir partout et cela fatiguait quelque peu mes parents et ma sœur, bien plus âgée que moi.
Chez les nôtres, existent de petites maisons au bord de l’eau. Et, bien sûr, y habiter est un grand bonheur pour un tout jeune enfant, car le marais grouille de vie. Il fut donc décidé de me confier à un ancien, l’un de mes grands pères, pour calmer mon agitation. En vérité, le mot arrière doit venir devant cinq ou six fois pour que cela soit juste, car chez nous les anciens vivent vraiment très vieux.
Ils se retirent souvent dans des temples ou des sortes de monastères, pour méditer en présence des grands arbres, ou choisissent de demeurer avec nous pour veiller sur les enfants.
La compagnie de mon grand père, Oralecto, fut une grande source d’apaisement, de féérie.
Il m’emmenait dans les marais au petit matin, avec une barque qu’il poussait aisément parmi les algues au moyen de son esprit brillant. J’étais encore un petit alien très jeune et je croyais avec candeur que la barque comprenait nos intentions, qu’elle se mouvait toute seule.
Mon grand-père était un alien assez grand, très tranquille et pour tout dire assez silencieux, mais jamais il ne se lassait de mes facéties, de mes questions. Il me répondait avec cette lueur d’amusement dans le regard qu’ont les vrais sages, qui ressentent le bien à l’intérieur des choses, des êtres, mieux que quiconque.
Il me disait ceci « Mon petit Zolmirel, tu vas devenir un très grand explorateur ! », en riant doucement.
Je ne comprenais pas ces mots.
Nous sommes partis un matin de bonne heure. Il faisait encore très froid, surtout pour un enfant. Mon grand-père m’entoura d’une série de chandails trop grands pour moi, et monta dans la barque. Il nous emmena au cœur du grand marais, là où se tiennent les plus grands arbres argentés, qui ont les pieds dans l’eau et qui murmurent sur notre passage.
Mon grand-père regardait chaque arbre et le saluait par voie télépathique. Je le questionnais sur le but de notre voyage. Et il m’indiqua que nous allions récolter des mousses étoilées et des variétés d’algues de rivage, qui sont comme une sorte de salade pour nous.
Je cessais mon bavardage car le marais venait de s’illuminer de dizaines de rayons d’or, qui faisaient comme des voiles superbes. Mon grand-père abordait une petite roselière garnie de lentilles d’eau. Chez nous ces marais sont un lieu très dense de succession de petits étangs et de lacs reliés entre eux. On peut y évoluer durant des jours et des jours.
La barque filait entre les nénuphars et les algues, évitant de manière étrangement à propos, des rochers invisibles qui auraient pu l’endommager. Mon grand-père connaissait tous les récifs, et percevait tout ce qu’il ne connaissait point encore, directement sous l’eau, grâce à sa prescience.
Il en fut ainsi lorsque nous sommes entrés dans un étang habité d’une variété de poisson carnivore de grande taille, semblable aux requins et aux barracudas. Ces derniers peuvent bondir hors de l’eau et nous blesser gravement.
Mon grand père m’invita à rester sagement au milieu de la barque et celle-ci sinua étrangement en des virages serrés que je ne comprenais point. Mon ancêtre sentait les poissons impatients de bondir hors de l’eau, il détournait l’embarcation à chaque fois, pour les empêcher de nous atteindre. Il y eut de nombreux poissons carnivores qui jaillirent devant mes yeux éblouis, mais aucun ne parvint à aborder notre barque.
J’étais absolument ravi de ce spectacle, alors que j’aurais du en être terrifié. Certains poissons étaient tout tachetés, de vert, de bleu et de jaune et d’autres, tout marbrés de rouge. Je les trouvais magnifiques !
- Encore, encore ! dis-je à mon grand père, car nous sortions de l’étang pour entrer dans un autre, plus calme
Il me pria de rester tranquille, en m’expliquant que ces animaux ne sautaient pas ainsi hors de l’eau pour faire notre bonheur.
Notre barque suivit des rapides et parvint à une rivière en contrebas. Mon grand-père était si habile dans l’art de pousser un esquif, qu’il lui était possible de naviguer sur n’importe quel cours d’eau. Descendre ou remonter des rapides était la chose que je préférais. C’était grisant de vitesse. Cela m’emportait en un rêve éveillé empli de frissons !
Nous sommes enfin descendus sur une bande de terre garnie de très hautes herbes vert tendre, et plus loin de bosquets de petits arbres serrés. Nous avons effectué notre récolte de mousses et de feuillages variés. Nos paniers étaient pleins à ras bord. Il faut dire que j’étais bien habile, très rapide pour ce genre de tâche.
Nous étions sur le point de repartir.
Mais un grand trait orangé zébra le ciel et je désignais ce point à mon grand-père.
Il en parut très surpris. Il garda le silence, puis m’expliqua qu’il fallait aller voir de quoi il s’agissait.
Il prit ma petite main et nous avons marché parmi le marécage, malgré son âge immense, il se déplaçait lestement. Oralecto avait conservé toute son énergie. Il rit bien fort lorsque je trébuchais dans une mare et me tira hors de l’eau. Ensuite, il me retira mes souliers pour les vider de la boue et les nettoyer, puis il les mit dans son sac et me porta.
Nous sommes sortis de la fondrière et avons rejoint une coulée empruntée par des animaux sauvages. Une bâtisse à moitié délabrée se tenait là et un jardin en pleine floraison l’entourait.
Trois aliens extrêmement âgés entourés d’enfants étaient assis sur une petite terrasse, plongés dans une heureuse conversation. Deux dames aliens de caractère et un jeune alien de haute taille lustraient un vaisseau spatial dernier cri.
Des petits aliens entourés de cordages restauraient le toit d’une jolie villa, qui devait comporter plus de vides que de pleins. D’autres habitants s’affairaient aux plantations.
Une alien joviale vint à nous. Mon grand père la connaissait bien. Avec son jeune frère, ils nous invitèrent à monter dans une petite plate-forme à répulsion pour voir l’impact qu’ils avaient repéré.
J’étais surexcité. Le petit transport que nous empruntions était un engin de transport de marchandises à répulsion magnétique. Un appareil banal, mais pour moi, fascinant. Mon grand-père me remit mes souliers. On me sangla sur un siège et je tombais dans une rêverie merveilleuse, face aux panaches verts ondoyants de la végétation, qui se mit à filer devant nous. Le vent soufflait sur notre visage avec force, et chaque colline était un enchantement de verdure humide parée de fleurs.
Nous avons dépassé la zone du marais pour aboutir dans les terres sèches. Les terres désertiques sont une zone de notre monde, où nous n’allons que très rarement. Car le sol est si brûlant et si dur que cela n’est point un lieu fort accueillant.
Le soleil, accompagné de son petit compagnon minuscule, cognait avec force au dessus de nous. Loin devant notre position, une trainée était visible. Un très gros rocher garni de vapeur encore brûlante avait atterri là. D’autres aliens étaient présents, notamment un alien chargé de l’administration des terres. Ce dernier était sorti de son navire, une flèche argentée, et prenait des dizaines de clichés de ce morceau de monde.
Bien sûr, les anciens avaient pressenti l’arrivée de ce météore et une dizaine de géologues avertis étaient venu voir le prodigieux rocher bordeaux marbré de vert.
J’étais très ému de songer que ce jeune astéroïde avait du se fracasser et avait été, il y a fort longtemps, une petite planète.
- D’où vient ce rocher ? demandais-je à mon grand-père
- De bien loin au delà de notre système et encore au delà. Tu vois, il a du voyager pendant vraiment très longtemps.
- Pourquoi n’y a t-il pas de cratère ? En tombant, il aurait du faire un très grand trou.
- Parce que les sages l’ont pressenti, il a été détecté et ralenti, pour éviter qu’il ne se désintègre et endommage cette région. Cela permet d’étudier les formes de vie qui se tiennent à sa surface et cela protège nos demeures.
J’observais le rocher, près duquel des savants follement joyeux préparaient leur matériel d’échantillonnage. Un léger creux attestait de sa chute, mais on eut dit qu’il avait été là depuis fort longtemps, en dehors de la vapeur argentée qui s’en échappait et de son odeur étrange.
Je n’avais d’yeux que pour le vaisseau scintillant dont je m’approchais prestement. Échappant à la vigilance de mon grand-père, je vins tout près de l’engin. J’en examinais les réacteurs, les turbines de refroidissement et le système de sustentation magnétique.
Un peu intimidé, je m’approchais du pilote, en habit spatial vert. C’était par chance un petit alien bavard très jovial. Je le saluais en m’inclinant avec crainte. Il s'agissait d'un être très mince et rapide, d'un autre peuple que le mien.
- Tu veux voir l’intérieur du vaisseau, petit ? demanda t-il aussitôt
- Oui, cela me ferait vraiment très plaisir…
Le jeune alien, à peine plus grand que moi, a saisi ma main d’enfant et m’a invité à monter.
Il m’a montré le poste de pilotage. Tout cela miroitait de couleurs et de voyants. Sur les parois du navire luisaient des cartes stellaires et des cartes de la région.
J’en étais tellement ému que j’entrais dans une sorte de contemplation religieuse.
Finalement, je suis ressorti et j’ai longuement remercié le petit alien.
Sur le trajet du retour, j’ai été tellement silencieux, que ce fut mon grand-père qui s’en étonna.
- As-tu été un voyageur de l’espace ? lui demandais-je soudain
- Absolument, j’ai fait de très nombreux voyages, a répondu mon sage ancêtre.
- Comment cela fait-il de voler tout là haut, de visiter des planètes inconnues ?
- C’est un enchantement ! a dit mon grand père. Nous avons visité surtout des mondes à naître, mon cher petit. Avec mon équipage, c’est ce que nous étions, des semeurs de mondes.
Il s’est soudain animé, les yeux brillants de joie, me contant par le détail l’un de ses voyages sur des sphères splendides.
Je ne l’avais jamais vu aussi heureux, aussi présent. Nous sommes revenus chez nous, les yeux emplis de pensées agréables.
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