Le passé des enfants (3/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Le passé des enfants (3/3)

Message du Professeur Zolmirel

 

 

Il était une époque bien lointaine, à dire vrai, où je n'aurais jamais espéré, ni même entrevu un court instant que des enfants puissent habiter sous mon toit.

 

En cette époque reculée, je vivais paisiblement avec Amoni, dans une bien vaste demeure, dont le mobilier ancien et poussiéreux abritait surtout une impressionnante quantité de livres. Je partageais mon temps entre la grande serre, dans laquelle je cultivais de nouvelles variétés de plantes étonnantes et mon bureau, où j'étais absorbé de longues heures durant par l'écriture de mes livres. Oui, il s'agissait là de moments précieux entre tous, de recueillement et de joie profonde. Jusqu'au jour où... des décennies plus tard, Amoni fut mandé en urgence pour veiller à extraire deux minuscules petits aliens gelés d'une épave.

 

Bien des mois plus tard, à la demande même des enfants, il invitait Nerti et Zilner dans notre demeure. Malgré la poussière des ans, et la présence d'un certain nombre de lézards et d'insectes, les enfants avaient aussitôt adoré la maison. Pourtant, il était fréquent que de petites troupes de lézards volants investissent le toit pour se réchauffer et faire leurs nids. Cela dit, Nerti et Zilner étaient certains d'une chose, ils avaient choisi Amoni pour père et désiraient habiter avec nous.

 

Un peu surpris de cette nouvelle, je m'en étais beaucoup étonné. Jusqu'à une visite impromptue d'Erazel.

 

  • Eh bien mes amis, qu'attendez-vous ? nous dit-elle. Il n'y a pas une minute à perdre !

  • Une minute pour quoi ? m'étonnais-je, occupé avec une loupe à poursuivre un mille patte assez long, qui gesticulait en tous sens en courant sur le mur, afin de le dessiner. Avez-vous découvert un nouveau spécimen d'arachnide ?

  • Il n'est plus temps pour les arachnides, je crois bien, fit Erazel, d'un ton désapprobateur, en apercevant Amoni qui vidait par la fenêtre un ensemble de soupières et de tasses de leur eau. N'avez-vous point assez étudié au fil des ans, des siècles ? Il me semble qu'il est devenu urgent de réparer le toit, exposa notre ancienne d'un ton amusé, en montrant un assemblage de seaux vacillants positionnés au dessus d'une série de bacs à fleurs débordants de champignons.

  • Si vous faites allusion à l'arrosage automatique de ces moisissures, il a été réglé tout en finesse, malgré les apparences, répondis-je en montrant un dispositif de goutte à goutte positionné au dessus d'un bouquet d'amanites rosées de belle taille.

  • Comme scientifiques, vous me semblez être des experts. Mais cette maison poussiéreuse a besoin d'être sérieusement rénovée, si vous souhaitez accueillir deux jeunes petits cœurs. Ne le croyez-vous pas ?

  • Les enfants seront très bien logés, expliqua Amoni, ils dormiront dans la bibliothèque.

  • Laquelle ? s'enquit notre vénérable ancêtre, car la maison comportait à dire vrai une dizaine de pièces entièrement remplies de livres.

  • Celle des livres d'exploration. C'est un lieu douillet, bien chauffé, exempt de courants d'air et d'insectes, assura Amoni.

  • Cher ami, je ne doute pas de votre grand cœur, ni du fait que vous prendrez bien soin des enfants, votre dévouement est exemplaire, mais ce lieu est trop humide. Votre demeure a besoin d'être intégralement vidée pour que les murs soient rénovés, il y a des morceaux de plâtre et d'enduit qui tombent un peu partout, et le toit est couvert de mousse. Je n'ose songer à l'état du grenier, qui doit être empli de nids de petits lézards... formula Erazel. Alors ?

 

 

Amoni, d'ordinaire si calme, était sur le point de fondre en larmes. Il aimait son intérieur, et devoir tout bouleverser pour effectuer des travaux, n'était pas dans ses habitudes. Mais Erazel, ainsi que mon vénérable grand père Oralecto, étaient d'une aide merveilleuse. Pour adoucir sa peine, ils rénovèrent chaque pièce, l'une après l'autre. Quant à moi, je m'employais à monter sur le toit, afin de balayer la mousse et les feuilles qui encombraient le bon écoulement de l'eau. Quant aux gouttières, celles qui étaient encore présentes, servaient désormais d'abreuvoir à de nombreux petits volatiles. Il me fallut déplacer de nombreux nids dans les arbres voisins.

 

Erazel et Oralecto me rejoignirent sur le toit en flottant. D'un simple geste de leurs mains merveilleuses, ils firent léviter tous les parements en ardoise et les disques de céramique, pour les empiler bien sagement. Les poutres du grenier apparurent, dont beaucoup avaient besoin de soins. Plusieurs experts vinrent dans la matinée, afin de procéder à un traitement psychique sur les structures porteuses, notamment par un procédé mental, permettant de faire durcir le bois le plus pourri, tout en lui redonnant une allure agréable. Erazel et Oralecto vidèrent le grenier d'une importante quantité de poussière, qu'ils firent voler jusqu'à une grande bassine, ils firent sortir un nombre important de malles et d'outils anciens. Puis, ils posèrent une sorte de couverture au niveau du faîtage, laquelle descendait jusqu'au bas de la structure et était parfaitement étanche.

 

Amoni les vit reposer les disques de céramique et les ardoises, que les anciens avaient parfaitement rénovés. Ses larmes de joie coulèrent. Nos si sages experts agirent de même sur les joints des fenêtres, les volets et nombre de fissures légères visibles sur les parements de la façade entre les bacs à fleurs et les cultures de plantes aromatiques. En état de choc, Amoni entra à petits pas dans sa demeure méconnaissable. Les joints des dallages branlants présents au niveau du sol n'étaient plus qu'un mauvais souvenir. Un dallage neuf, brillant comme un miroir, luisait au dessus des lampes à plasma éclatantes. Les murs, autrefois fendillés, révélaient des moulures joliment ornées aux frises intactes.

 

Les bibliothèques munies d'étagères poussiéreuses, avaient fait place à de jolis meubles vitrés, plus faciles à entretenir. Quant à la cuisine, elle abritait désormais un four à plasma dernier cri, ainsi qu'un bac de maturation pour les moisissures les plus délicates, attenante à la grande serre. Avec sa grande prévenance, Erazel n'avait pas oublié d'y ajouter un humidificateur et un arrosage automatique parfaitement réglé sur toutes nos plantations. Il va de soi qu'aucune plante n'avait souffert de ces transformations.

 

Oralecto et moi-même, avions veillé à décorer nous mêmes la chambre des enfants. Plusieurs tapisseries représentaient des panoramas de jungle fleurie agréables, avec en arrière plan de vastes planètes brillantes auréolées d'étoiles visibles dans le couchant. Erazel s'était fait un plaisir d'y placer les lits des enfants, qu'Amoni avait assemblé lui même. Pour leur venue, ma mère avait tenu à leur offrir une armoire, ainsi que des habits qui leur iraient parfaitement.

 

Amoni, très ému, fondit en larmes et serra dans ses bras tous ceux qui se trouvaient là pour les remercier.

 

La venue des enfants était un événement assez exceptionnel en soi, et tout le monde à sa manière tenait à leur souhaiter la bienvenue. C'est à dire, tous les aliens habitant les maisons voisines. Sur mon monde, il existe en effet fort peu d'enfants. La raison en est simplement que les nôtres vivent extrêmement vieux et que les quotas de peuplement autorisés demeurent restreints. De plus, l'âge tendre des nôtres dure à peine dix années, après cela, nous sommes presque identiques en taille et en maturité psychique à celle des adultes.

 

Notre petit vallon n'était abrité que de scientifiques, surtout des botanistes. Mais ces derniers avaient le cœur grand et le soir venu, toute une collection de verrines, de friandises et de tartes s'alignaient sur la table de la cuisine.

 

Comme convenu, le lendemain, les enfants arrivèrent, tenant chacun un sac minuscule réunissant tous leurs effets, c'est à dire très peu de choses. Pour la première fois, Nerti et Zilner pénétrèrent dans la maison fraîchement rénovée et laissèrent rayonner leur joie.

 

  • Cela a un peu changé, fit timidement le petit Nerti, en montrant le sol brillant et les murs fraîchement rénovés. Vous avez enlevé un peu de livres ?

  • Non, répondis-je aussitôt. Nous les avons juste rangés de manière plus adaptée, ils prennent moins de place. Amoni aurait été incapable de se séparer du moindre volume, dis-je en fixant mon grand ami avec un rire.

 

Les enfants, en lecteurs assidus, rirent à leur tour. Ils se dirigèrent vers leur chambre et eurent les larmes aux yeux, tant l'endroit leur plaisait. Avec une grande bonté, Amoni avait choisi pour eux leurs couleurs favorites, en couvertures, en parures de lit et en tapis. Erazel surgit dans la cuisine, apportant aux enfants des présents. Chacun se vit offrir un petit spationaute alien et un vaisseau spatial miniature. Incapables de parler, Nerti et Zilner, versèrent des larmes de reconnaissance. C'était la première fois que l'on leur faisait des présents.

 

Pour les réconforter, je m'étais mis en cuisine de bon matin, afin de leur servir un joyeux repas. Ma mère, ma sœur, mes oncles et mes tantes, vinrent nous rejoindre, en plus de la famille d'Amoni, bien sûr, et d'Erazel. La maison se trouva bientôt animée de lueurs chaleureuses à la nuit tombée, tout le monde riant et festoyant.

 

Les deux petits aliens avaient trouvé une famille, et nous étions plus qu'heureux de les accueillir.

 

Je vous salue bien affectueusement, chers amis de la Terre bleue. Prenez bien soin de vos enfants si précieux, en leur lisant des histoires, en faisant des activités avec eux, cela restera pour toujours en leurs souvenirs.

 

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