Le passé des enfants (1/3)
Message du Professeur Zolmirel,
La pensée qui s'exprime, une fois de plus est celle du sage Zolmirel. Ces événements ont eu lieu voici environ 200 ans sur son monde, lorsque sa planète était en phase d'ascension, comme l'est la nôtre aujourd'hui. Cela dit semble seulement dater d'hier lorsque ces messages merveilleux me parviennent. Tout ceci me dépasse à dire vrai, et si vous n'avez pas encore lu les chapitres qui précèdent, vous pouvez retrouver ses messages juste ici. Tout est publié par ordre d'apparition.
Me voici de nouveau, mes chers amis. Que de joie en ce moment de nous retrouver ! Avec mes proches, nous sommes comblés que vous ayez autant à cœur de suivre les péripéties de nos enfants, Nerti et Zilner.
Nous l'avons dit déjà, chez nous, chaque enfant était suivi, escorté et protégé, par plusieurs professeurs avec lesquels il nouait des liens très forts. Nerti et Zilner étaient revenus un court instant en notre petite demeure, en compagnie de leur père, le sage Amoni, et d'Orel et Dorian, deux êtres de Lumière en visite sur notre monde.
Orel et Dorian ne se départissaient jamais d'un certain amusement, et il leur plaisait de jouer avec les enfants. Ils étaient tous deux extrêmement sportifs et évidemment, très désireux d'aller faire un tour dans la jungle. Le petit Nerti, plus alerte que jamais, avait bien grandi, aussi, tout naturellement, Orel se proposa pour le mener dans la jungle afin de récolter les fruits les plus savoureux, présents au sommet des plus grands arbres. Partagé entre une certaine appréhension et la perspective de faire plaisir à son fils, ainsi que d'obtenir les fruits les plus rares, Amoni hésitait. Pour le convaincre, le petit Nerti se précipita sur la terrasse, afin d'exécuter de multiples folles cabrioles.
Amoni donna finalement sa permission, constatant que le petit alien possédait effectivement l'agilité d'un jeune singe. Les compétences d'Orel en antigravité en cas de chute n'étaient plus à démontrer.
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Soyez prudents, leur dit-il cependant. Il est un grand nombre de fauves et de serpents qui sont aux aguets en certains lieux.
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Je le saurai, exposa paisiblement Orel avec un large sourire.
Dorian et Amoni les regardèrent partir d'un œil plus confiant. Le petit Zilner, plus jeune, était un peu chagriné, mais la perspective de cuisiner avec son père lui rendit sa gaieté ordinaire. Il me faut préciser qu'Amoni était un expert absolu dans la confection de certains cakes aux légumes, de gratins, de tartes et de mousselines de champignons d'un goût incomparable. Et vous pouvez me croire, je suis très qualifié pour dire ces mots ! Le petit Zilner constata bientôt que son père avait effectivement à cœur de lui transmettre tout son savoir faire.
La pensée du petit alien, d'Amoni et de Dorian s'estompa quelque peu, faisant place à une scène stupéfiante, visible du sommet de la canopée. Le petit Nerti, fou de joie, était parvenu au sommet d'un arbre géant. En un bond invraisemblable, il atteignit les branches les plus fines, lançant des fruits mûrs à point à Orel, visible plus bas, qui les rangea dans un sac. Aussi intrépide, Orel passait de branche en branche avec une merveilleuse virtuosité, sans déranger la moindre feuille. Il récolta des mousses et plusieurs espèces de champignons rares qui ne poussent que sur les plus hauts et les plus vieux troncs. Tout à fait émerveillé et follement ému, Nerti tentait de le poursuivre. A bout de souffle, il finit par s'arrêter et les deux explorateurs prirent alors place sur une très grosse branche pour déguster des baies orange vif au goût merveilleux.
La vision cessa puis se replia. A demi évanescent, je revins à la réalité. Avec Zilmis et Erazel, nous progressions en ce jour en un boyau très obscur. Les pensées joyeuses des enfants me parvenaient pleinement malgré la distance, elles venaient se poser sur nous, comme la promesse certaine de nous trouver bientôt réunis avec notre famille. Je sentais que très bientôt, des choses encore plus exceptionnelles allaient nous advenir.
Pourtant, devant nous, le boyau devenait de plus en plus obscur. Je m'étonnais. Quel pouvait bien être ce lieu, décidément ? Malgré nos yeux perçants dans la pénombre, nous ne pouvions plus rien discerner. De toute évidence, quelque chose avait parcouru ces galeries, car nous pouvions percevoir des empreintes d'animaux énormes à la faible lueur des phares du véhicule. Le vaisseau flottait au dessus d'une route sinueuse, juste en bordure d'une falaise. Avec une prescience stupéfiante, Erazel plongea vers la falaise, notre transport échappant à un animal immense de plus de 15 mètres de haut, qui prévoyait de nous happer. Je ne vis que deux yeux jaunes emplis de folie et une mâchoire hérissée de dents.
Erazel, un peu secouée, nous fixa gravement.
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Des formes de vie inverses, rien de trop étonnant en ce lieu obscur. Ces galeries de notre sphère sont désertées par l'amour, la compassion, dit-elle.
A demi morts de peur, nous étions occupés à fixer la corniche où des silhouettes massives se devinaient, d'un mélange peu engageant entre un loup géant et un alligator. Malgré leur férocité, ces animaux se déplaçaient souplement et possédaient une très belle fourrure.
Notre route se poursuivit, les loups furtifs nous donnant la chasse, malgré la distance, sur la corniche de droite.
Bientôt, face à nous, se révéla un étonnant spectacle. Une cité oubliée fantastique se dressait fièrement. Lézardée de toutes parts, elle avait conservé, intacte, sa beauté. Il s'agissait d'une construction garnie de frises, de moulures abondantes avec une partie en pierre sculptée, formant de hautes murailles. Au delà des soubassements en pierre, s'élevaient de hautes tour de métal et de cristal, d'un ensemble industriel qui faisait un peu froid dans le dos. Erazel posa notre petit vaisseau sur la terrasse d'une tour éventrée de plus de 200 mètres de haut. Nous étions, à dire vrai, terrifiés.
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Et pourquoi nous aventurer en ce lieu ? demandais-je, interdit.
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Parce que c'est là notre chemin, notre destin, aussi. Vous n'êtes pas obligés de m'accompagner, bien sûr, si vous avez trop peur, répliqua tranquillement Erazel en ouvrant la verrière du petit transport avec un calme ahurissant.
Chacun de nous se refusant à demeurer sans elle malgré le péril, protesta avec véhémence.
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Il vaut mieux ne pas nous séparer, formulais-je avec autant de bravoure que je pouvais. Cherchons-nous des ouvrages ?
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Oui, assurément. Il s'agissait d'une brillante civilisation souterraine, les Rezer, dont parlent les légendes, leur ville a été détruite par un séisme, et sûrement par l'arrivée d'animaux assez gloutons à l’appétit certain, expliqua Erazel. Les anciens ne sont pas parvenus à nouer une relation heureuse avec ce peuple trop méfiant.
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Sommes-nous censés servir de menu de dégustation à ces monstres ? demandais-je en montrant la falaise où des silhouettes massives de prédateurs évoluaient.
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En aucune manière, soyez certains que je ne le permettrai aucunement, assura Erazel avec un large sourire paisible, restez près de moi.
Notre petit groupe descendit plusieurs escaliers, dont un certain nombre de marches manquaient par instants et qui, juste au dessous, révélait des vides béants. Je dus réprimer un intense vertige. Zilmis ne valait guère mieux, le teint presque blanc, son déjeuner se rappelant à lui de manière douloureuse, il faillit faire un malaise.
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Cela va aller, fit simplement Erazel en lui faisant respirer un parfum apaisant. Reposons-nous un instant.
Zilmis et moi-même nous sommes abrités dans une crevasse, alors qu'Erazel observait avec une joie intense une stèle gravée représentant des aliens d'un genre inconnu, accompagnés d'enfants, visiblement.
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Je trouve cette scène admirable de fraîcheur, nous confia-t-elle avec un calme absolu, comme si elle se trouvait au musée.
Incapable de garder mon sérieux, j'éclatais de rire, Zilmis m'imita bientôt.
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Je vous trouve extraordinaire, lui confiais-je. Vous êtes là à discourir de plaisante manière, alors que des monstres sont en train de nous encercler.
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C'est exact, fit joyeusement Erazel. Nous n'avons rien à craindre d'eux pour l'instant, alors en avant ! lança-t-elle en prenant nos deux mains.
En un éclair, une émotion puissante m'envahit. L'énergie immense de l'ancienne m'habita entièrement, chassant tout semblant de peur au loin. J'étais redevenu ce courageux petit alien intrépide, impatient d'explorer la jungle et les contrées stellaires les plus hostiles. Je vis au visage de Zilmis que son énergie première était revenue également.
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Il doit y avoir un peu de gaz soporifique en ce lieu, expliqua Erazel. Les habitants devaient s'en servir pour éloigner les animaux et ces installations fonctionnent encore. C'est la raison de votre mal être dans ces escaliers. Nous avons franchi la barrière à présent, dit-elle en montrant une porte massive couverte d'inscriptions et de motifs en forme d'écailles.
A peine rentrés dans la pièce, nous avons réprimé un frisson. Une statue nous fixait dans l'ombre, celle d'un lézard en armure, très finement exécutée, et si hautement réaliste, que j'en fus empli d'admiration.
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On dirait qu'il est vivant, fis-je observer à Zilmis, cet artiste a beaucoup de talent.
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Il était vivant, il a été pétrifié par l'accélération vibratoire intense siégeant en ce lieu, expliqua calmement Erazel en inspectant une bibliothèque.
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Extraordinaire. Ils n'ont pas du faire le ménage depuis un temps certain, fit observer Zilmis d'un ton hésitant en enjambant un petit tas de poussière blanche.
Face à nos mines stupéfaites, Erazel secoua simplement la tête.
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Oblitéré. L'archiviste a eu moins de chance, dirait-on.
Incrédule, je fixais le sol et compris que le petit tas brillant avait été autrefois un alien. Je me penchais en récitant des prières et constatais qu'il en restait un sable très fin, brillant comme du cristal. Le pauvre n'avait rien du sentir, ce type de fin était très rapide. Seules les légendes nous en parlaient et nous étions très craintifs en ce lieu. Si nous avions pu trouver le courage de rester en cet endroit, cela était du, avant toute chose, à l'alien si sage d'une trempe exceptionnelle qui nous guidait sans faiblir. Malgré le péril, Erazel demeurait absolument imperturbable.
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Vous n'avez rien à redouter, nous dit-elle avec un calme exemplaire.
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Pourquoi demeurer en ce lieu de mort plus longtemps ? fis-je d'un ton inquiet en fixant le portrait d'un alien à la mine grincheuse suspendu au mur, que je trouvais singulièrement laid.
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Pour une excellente raison, soyez confiants, énonça Erazel avec douceur en empilant des volumes dans son sac.
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Et où sont donc partis les habitants de cette immense cité ? s'enquit Zilmis.
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Ils sont partis, plus bas, bien plus bas. Ils ont du changer, quelque peu, pour accomplir ce fabuleux voyage, exposa notre vénérable ancêtre.
A mon plus grand soulagement, nous avons finalement pu quitter la salle d'archives. Surpris, je perçus bientôt un bruit infime, comme causé par la course d'un petit rongeur. Nous nous sommes arrêtés pour mieux écouter. Et enfin, quelque chose jaillit de l'ombre, une forme claire, d'une maigreur effroyable, et d'une terrible rapidité. Erazel était prête, elle abaissa la main, repoussant la chose de notre petit groupe. Il y eut un cri étranglé, et je dévisageais le petit alien le plus maigre qui soit. Seulement, ce dernier montrait ses dents singulièrement effilés en poussant des cris comme un animal blessé. Erazel abaissa sa main, et l'être sauvage s'endormit.
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De quoi s'agit-il donc ? demandais-je, abasourdi, car je n'avais jamais vu de si vilain petit alien.
La créature couverte de meurtrissures, était d'une maigreur affreuse, et ses ongles terreux auraient bien eu besoin de soins. Son visage était habité de la plus noire méchanceté, et ses yeux étaient entourés de cernes.
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C'est un rebut, fit gravement Erazel. Le pauvre aura été jeté d'une falaise. Les êtres pratiquant le clonage voient parfois ce genre de créature naître. Comme ils ne sont pas en mesure de les soigner, ils s'en débarrassent.
Nous étions saisis d'effroi. Comment une telle chose était-elle possible. Pourquoi ce malheureux n'avait-il pas été changé par des soins génomiques adaptés, ou envoyé vers un monde pratiquant de tels soins ?
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Nous nous trouvons en une cité qui n'échange pas avec l'extérieur. Ce rebut est dangereux, il a tenté de nous attaquer, ne l'oubliez pas. Alors ne jugez pas trop sévèrement les habitants de cette cité, ajouta Erazel.
Elle fit léviter la petite silhouette de l'enfant vers une cabine de bains et le plongea dans un bassin. Il reparut méconnaissable. Je devinais que ce type de créature ne parlait pas. Pour certains professeurs, évidemment, qui étudiaient la cognition, ce type de malade était un véritable trésor. Je devinais aussitôt que le but de notre si sage ancienne en venant en cette citadelle horrifique était extrêmement louable. Après avoir essuyé la malheureux, nous avons pu lui trouver des habits convenables près de la chaufferie délabrée. Erazel fit léviter son corps devant nous.
A son approche du petit vaisseau, des dizaines de loups géants nous encerclèrent aussitôt. Erazel, d'un calme absolu, les balaya sans efforts de quelques gestes décidés. Une force invisible et implacable éjecta tous les animaux, qui mordirent la poussière et s'enfuirent en couinant, épouvantés par un tel pouvoir.
Nous avons pu reprendre notre route. Le soir vint et Erazel posa le vaisseau en une caverne bien plus accueillante, rose pâle, garnie de belles concrétions de calcite blanche. Une chaleur douillette l'habitait.
Le petit alien mystérieux ouvrit les yeux. Il commença à siffler de colère, très mécontent de devoir être attaché. Nous avons tenté de lui parler, mais il se contenta de grogner et de pousser des cris informes. Erazel le fixa et perçut en ses prunelles noires un éclair d'intelligence profondément enfouie sous la sauvagerie et les mauvais traitements dont il avait été victime. Elle toucha la main du petit alien meurtri couvert de plaies. Il se calma aussitôt, poussant des couinements étranglés, comme un animal craintif. Erazel lui fit prendre un peu d'eau laiteuse qui coulait de la paroi. Le petit alien parut apprécier cette boisson nouvelle, il nous regarda d'un œil très différent cette fois.
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Intéressante transformation. Qui es-tu ? demanda Erazel.
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Akhhhh gliiihh, couina l'alien entravé.
Notre si sage ancienne lui redonna à boire, lui expliquant qu'il serait détaché, sitôt que nous aurions pu le soigner de sa fureur. Le jeune alien filiforme s'endormit.
C'est alors que nous avons pu commencer nos soins. Son corps maladif était couvert de plaies nombreuses, de taille parfois inquiétante. Ses fontanelles ne s'étaient pas encore refermées, comme chez les tout jeunes clones. Nous avions encore un peu peur de lui, mais commencions à le trouver attachant. Il s'agissait après tout d'un carnivore.
Le matin arriva, et Erazel trouva préférable de laisser le petit alien attaché, car malgré son sommeil, il était très agité.
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Que va-t-il advenir de cet enfant ? demandais-je.
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J'ai bon espoir pour lui, exposa Erazel. Les rebuts sont très précieux, des savants de plusieurs mondes les étudient, il se trouve que l'un d'entre eux sera ravi de veiller au rétablissement de ce petit. De tels savants sont farouchement opposés aux lois sévères qui visent à éradiquer les imparfaits, cela va sans dire.
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Comment font-ils pour éviter d'être mordus ? m'étonnais-je.
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Les morsures sont liées à la soif, à la peur aussi. Ce type d'alien possède des instincts reptiliens très importants. Avec un redressage approprié, nous pouvons le faire évoluer et augmenter sa maturation cérébrale dans une direction heureuse. L'être apprendra à communiquer et devient beaucoup plus calme. Nous allons commencer par détacher ses bras, s'il se tient sage, nous pourrons détacher ses jambes, expliqua Erazel.
Je compris qu'il allait s'agir pour nous d'apprendre à apprivoiser un petit animal très féroce, mais aussi très craintif. Erazel commença à parler doucement au petit alien pour susciter son intérêt. Comme certains animaux, son regard était fixe, ne se posant que brièvement sur les ouvrages qu'elle lui montrait. Mais son visage trahissait des émotions intenses, il y avait un changement encourageant, certainement du aux belles cavernes rosées que nous traversions. Lorsque je m'approchais pour le soigner, il émit quelques cris d'effroi, mais se laissa faire, sous le fluide apaisant de l'ancienne.
Je compris que c'était un petit être de la nuit, considérablement gêné par la brillance des cavernes que nous traversions. En soirée, nous avions bien progressé, un peu las d'entendre les cris offensés du petit être sauvage à la moindre trépidation du vaisseau. Nous avons franchi plusieurs barrières énergétiques et la créature reptilienne s'effondra sur le siège, submergée par la radiance brillante de ce lieu. Je fus saisi de pitié. Pauvre petit être !
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