Les aliens de science imbue
Message d'Ektazzo
Rebonjour, c'est moi, Ektazzo, votre ami alien.
La voix est un peu hésitante, il est embarrassé.
Je reviens devant vous pour converser. Et je sais combien mon espèce a été ignominieuse avec les vôtres, les « humanoïdes à chair rose ». Ce surnom n'est point glorieux et je réalise à présent combien il est offensant.
Je suis un gris, un reptilien, un être de science et de laboratoire. Ma vie a été une très longue série d'étapes foisonnantes de découvertes, d'expériences, troubles, cruelles, avec au fil du temps, une prise de conscience des miens.
Dans notre soif de comprendre la vie, de la circonscrire, la caractériser, nous avions oublié combien elle était consciente, sensible.
La vie avait déjà tracé en elle même un chemin. Ce chemin luisait à l'intérieur de la plus petite espèce que nous disséquions pour l'étudier.
Peu à peu, avec nombre des miens, je me suis élevé contre cette pratique, il y eut une grande révolte. Mes deux petits serviteurs, qui sont des êtres ô combien différents, d'une grande finesse d'esprit, étaient heureux de cette nouvelle mouvance, de ce changement inespéré. Des centaines de chercheurs généticiens, serviteurs et contremaîtres serviles ont complètement disparu.
Notre avancée scientifique progressait toujours, mais nous étions dans le doute, nos pensées étaient espionnées, surveillés par la grande intelligence collective qui nous partage, nous reliant tous comme un être unique. Cette intelligence ne supporte pas les dissidents, ceux qui osent tracer leur propre chemin.
Ceux là sont abandonnés et promis à une mort certaine. Du moins était ce ce que l'on nous avait toujours enseigné, ne pas s'écarter du droit chemin, des ordres, de ce que nos supérieurs avaient prévu pour nous.
En cela nous étions exemplaires, des êtres fort dociles, heureux d'être ensemble et pensant que notre société était parfaite, juste, équitable et brillante.
Cela nous masquait l’ampleur du désastre, nous étions devenus aussi expressifs que des statues, et notre monde n'était jamais visité par quiconque, il aurait tôt fait fuir à toutes jambes le chercheur le plus passionné.
C'était un monde grisâtre, obscur avec des éclairages verdâtres sinistres et des rampes bleues, des coursives étincelantes pour les vaisseaux, mais nous ne vivions plus que dans des colonies minières, des stations stellaires ou des villes forteresses abritées au cœur des astéroïdes.
Ensuite, tout a changé, nous avons été rejetés par l'intelligence de notre planète-mère, nous n'avions nulle part où aller, c'est alors que la Terre et d'autres planètes ont été découvertes. Des dissidences aussi ont eu lieu à cette occasion. Certains des nôtres participaient à des travaux intensifs de revégétalisation de notre monde, ceux là durement critiqués par leurs hiérarchies qui n'y voyaient pas le moindre intérêt.
« Une planète ne nous sert à rien », disaient ils. « Maintenant que nous pouvons voguer allègrement dans l'espace et que nos organismes sont autonomes en tout. »
Certains des nôtres en effet étaient si résistants que le besoin de dormir et de s'alimenter n'était plus présent en eux. Ils n'avaient pas non plus de besoins émotionnels, ou autres particuliers. ILS POUVAIENT S'IMMERGER TRES PROFONDEMENT A L'INTERIEUR DE L'ETUDE SCIENTIFIQUE, ET LEURS HEURES ETAIENT MERVEILLEUSES.
Mais il apparut vite à certains de nos collègues qu'il s'agissait d'une transgression très grave, comme l'est le fait de vouloir repousser la mort, de placer un esprit vivant dans un autre corps.
Oui, cela était une transgression majeure. Le fait de prendre l’âme d'une individu, de faire descendre son esprit jusqu'à un nouveau corps est très étroitement ordonnancé. Cela ne peut se faire sans le consentement de tous les participants, sans une préparation minutieuse. Ce genre d'expérience doit avoir été librement consenti.
Voyez-vous, pour permettre ce type de transmutation, l'individu doit avoir un certain niveau d'évolution spirituelle. On ne peut instantanément passer d'un corps à un autre. Lorsqu'un être prend place, dans un corps, à la naissance, il apprend peu à peu à le contrôler, par sa volonté. Il devient de plus en plus habile, pour se mouvoir, pour parler.
Le changement est permis, comme en cas de vieillesse, mais le nouveau corps doit être absolument identique. Bien des chercheurs souhaitant repousser la mort employaient ce moyen.
Les nôtres ne parvenaient pas à prendre place dans ces corps, à y être à leur aise, cela leur causait une affreuse souffrance, alors, ils ont décidé la création de corps semi-artificiels. Presque des robots.
Évidemment, nous étions horrifiés de tout ceci, mais nous n'avions pas le choix.
Beaucoup des miens ont été plus ou moins contraints de passer dans ces corps, ou de périr. Leur volonté première, originelle, d’êtres de la sphère du vivant leur était retirée du même coup et ils oubliaient tout de leur vraie personnalité.
Mais la révolte reprit de l'ampleur, ces êtres s'éveillant, recouvrant leurs souvenirs de manière inexplicable. Les expériences sur les Terriens reprirent et avec elles le clonage de petits serviteurs,.
Nous avions obtenu là des créatures exemplaires, des êtres enfantins, capables d'obéir et de nous servir avec beaucoup de joie, beaucoup de bonté. Nous étions stupéfaits, dépassés par nos propres créations. Mais une chose s'était produite, une chose impensable, ces clones éprouvaient de la compassion naturelle pour ceux qui les entouraient. Pour nous, qui nous étions perdus dans les abîmes de la cruauté de la lâcheté et aussi pour les sujets de nos expériences.
Les clones peinaient à agir, ils s'enfuirent, certains n'hésitant pas à se sacrifier pour sauver des Terriens. Les plus grands des génies étaient fous de rage. Ces clones se mutinaient, se révoltaient, précipitant des navires entiers dans des foyers de radiance pure, des cercles blancs apparus mystérieusement dans l'espace. Je dus l'apprendre plus tard, c'était là, à chaque fois que se tenait la grande Flotte de lumière et ces points de convergence étaient spécialement aménagés pour nous réunir tous.
Les petits êtres refusaient de malmener des individus, et avec nombre de collègues, nous étions tous de cet avis. Il était défendu d'enlever des Terriens. Même si les dirigeants de la planète n'avaient pas hésité à vendre leur population aux nôtres, contre des brevets sur l'antigravité, cela n'était point une fin honorable. Nous étions très peu fiers de nos agissements.
Nombre des miens ont été emprisonnés puis exécutés. D'autres tentaient de fuir et on nous expliquait que l'intelligence collective de notre peuple les ayant reniés, toutes leurs fonctions vitales cessaient. Ils étaient promis à une mort rapide qui intervenait en deux jours de temps.
Cela était faux, bien sûr.
Il s'arrête et me montre un petit être. C'est le petit clone qui l'accompagne partout et qui a eu le courage de le libérer avec son frère, je le reconnais. C'est un être très pur, très calme, avec un mélange d'innocence enfantine touchante et une gravité empreinte de sagesse. Je le vois tenir la main du généticien Ektazzo, et je comprends que l'équilibre entre eux s'est modifié. Dorénavant, le vénérable scientifique écoute bien plus volontiers ce jeune être si sage.
Le petit clone parle par l'esprit.
- Regarde en moi, dit-il,
Je m'avance et je vois une succession d'images très rapides, un peu floues dans ses yeux, les images se stabilisent.
Je vois le jour d'une nouvelle expérience, les aliens sont réunis à bord d'une nef à l’éclairage éblouissant, c'est une toute nouvelle expérience.
Cette fois, celle-ci est faite sur un alien, sur un peuple que je connais bien, il s'agit d'un Galmol des montagnes au teint rosé, un alien éclairé.
Les gris entourent le Galmol et le paralysent, puis lui retirent ses habits et l'étendent sur une table. Je suis saisie de pitié et de peine, car ordinairement, les Galmols paraissent habillés de grandes épaisseurs de vêtements, mais ici, il s'agit d'un petit être vulnérable. Des instruments s'approchent visiblement pour entrer à l'intérieur du corps du malheureux, mais pour une raison inconnue, les appareils cessent de fonctionner. Le Galmol bouge et se débat, un combat psychique intense semble siéger en lui. Il existe une lumière très vive qui jaillit du petit être.
Les professeurs qui entourent l’alien ont très peur de lui, ils ne comprennent pas. Ils sentent qu'ils touchent à une manifestation quasi-divine. D'un seul coup, ils se figent et ne bougent plus. Le Galmol se lève lentement de l'endroit où il est étendu, et reprend dignement ses habits.
Les clones ne sont pas paralysés par son fluide, ils pourraient le retenir, mais personne ne leur en a donné l'ordre, alors, ils lui demandent simplement, « Où allez vous ? »
- Chez moi, répond posément l'alien sage.
- Où cela est il ? questionnent les enfants, oublieux de la situation et emplis de curiosité
- Cela est sur une vaste sphère verte emplie de plantes, un peu comme celle-ci
- Nos maîtres ne sont point méchants, reprend l'un des enfants. Seulement, ils sont curieux de voir l'intérieur de votre corps
- Et fort peu coopératifs, répond l'alien. J'en conviens, étudier de nouvelles espèces est un enrichissement, mais cela doit se faire d'une certaine manière
- Nous sommes navrés et consternés de tout ceci, reprend l'un des clones
- Venez petits, propose le Galmol. Vous n'avez rien à faire ici.
Quatre enfants décidés le rejoignent et le suivent.
L'alien marche tranquillement sur l'herbe, s'éloigne du grand vaisseau, là un cercle de lumière apparaît. Les petits clones s'y engouffrent. Le sage se retourne. Deux généticiens le fixent sévèrement.
- Ne partez pas, le prie l'un d'eux
- Et pourquoi donc ? demande l'alien
- Comment avez vous fait pour vous défaire du lien psychique ? reprend l'alien en s'avançant
- Il est peu important que vous le sachiez mon jeune ami, trop de science imbue en vous. Il n'est rien que je puisse déverser en votre esprit, répond le petit être. Vous abîmez là des êtres de vie d'une manière fort peu joyeuse.
- Revenez en notre vaisseau et discutons, propose un alien plus âgé, il est là bien des mystères que nous ne comprenons.
- Ces mystères devront attendre, répond le Galmol... Une autre fois, peut -être...
Et il disparaît dans le passage.
La scène se modifie subtilement, des mois ont passé, les gris reviennent au même endroit à la même heure du jour. Leur vaisseau n'abrite plus les mêmes types d'expériences, ces aliens continuent à étudier le génome humain et animal, mais en prélevant des échantillons de tissus de manière indolore.
Trois créatures descendent du navire. Parmi eux deux généticiens et un clone, deux autres clones suivent. Ils sont un peu apeurés. Ils ont senti un appel télépathique très net.
Le Galmol au teint saumon qu'ils avaient tenté de séquestrer des mois auparavant se tient tout souriant sur un rocher et les convie à venir les rejoindre. L'entretien aura lieu dans cette clairière sèche à l'ombre des grands arbres. Les gris ne sont point habitués à de telles conditions mais acceptent de prendre place sur des rochers.
Ils ont changé, et certains sont plus voûtés et malades, d'autres sont habités d'étranges taches colorées sur leur peau qui semble se lézarder.
- Bienvenue mes amis, le grand changement est sur vous dirait-on, commence le Galmol. Prenez place aussi confortablement que possible.
Il leur lance des coussins surgis de nulle part et ensemble ils s'asseyent. Les gris sont abasourdis.
- Comment faites-vous cela ? demande l'un d'eux
- Votre curiosité est bien grande, il vous faut être patients. Je vais essayer de vous enseigner, répond le Galmol. Mais cela va bousculer vos théories, tout ce que vous croyez savoir s'en trouvera profondément modifié, cela peut vous sembler perturbant.
- Nous sommes prêts, répond le plus âgé. Nous vous écoutons attentivement.
- Tout d'abord, il faut fermer les yeux, fait le sage avec amusement.
Les gris, d'un naturel méfiant sont un peu surpris mais acceptent de fermer leurs yeux.
- Il vous faut écouter, reprend le sage, ressentir votre environnement. Vous pouvez entendre le chant des oiseaux, des insectes. Concentrez-vous sur le vent, sur le moindre bruissement.
Effectivement, en ce matin et en ce lieu de garrigue, nombre d'oiseaux et d’insectes s'agitent.
- Ressentez plus, reprend le sage. Retirez vos souliers et posez vos pieds contre la terre.
Les aliens surpris acceptent, ils ôtent leurs chaussures blanches et leurs pieds touchent le sol. Ils réalisent que le Galmol ne porte pas de chaussures.
-
Fermez les yeux et voyez loin, mes amis, reprend l'être. Voyez au delà de ce lieu, de ce temps et des montagnes.
Un murmure télépathique ravi salue cette déclaration, en effet, les aliens sentent leur vision intérieure s'épanouir.
-
Maintenant, reprend le Galmol, voyez et ressentez ce qui vient du sol, l'énergie, la force de cette planète. Ressentez-la monter en vos pieds, en vos vertèbres, en vos poumons.
A nouveau, les gris sont très intrigués, car un fourmillement apaisant se manifeste à eux.
-
Je vous invite à ressentir l'amour, reprend le sage. Inspirez profondément et relâchez votre souffle. Ressentez l'énergie mère de ce monde, son amour pour chaque créature, et même pour vous qui êtes des enfants venus de loin, du souffle d'une autre planète. Considérez bien cela.
Les aliens en effet voient surgir devant leurs yeux leurs lointaine planète mère et là, ils se mettent à sangloter car elle leur apparaît aride, poussiéreuse et cratérisée, nul arbre, ne pousse à la surface.
Le sage ouvre les yeux.
-
Voyez cette planète-ci, reprend-il. Voyez ses enfants. Pourquoi leur faites-vous cela, ces expériences ?
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Parce que nous y sommes obligés, répond un chercheur avec peine, c'est servir ou mourir, ce principe de la vie qui nous habite va nous déserter si nous transgressons les ordres.
-
N'écoutez-vous donc pas ? Ce principe de la vie est le même partout, il s'écoule en abondance dans tout l’univers, il est en vous, sous vos pieds, dans le ciel, tout autour de vous, il apaise et nourrit toute créature.
-
Nous allons y réfléchir, répond un généticien avec une lueur nouvelle dans le regard. Nous vous remercions d'avoir accepté de nous parler, malgré notre attitude passé.
-
Tous les êtres peuvent trébucher, reprend le sage.
La conversation se poursuit longuement, les gris fascinés écoutent le Galmol leur expliquer que non seulement il est possible de faire reverdir leur monde, mais qu'également, ils portent en eux les codes sources de la vie originelle. Cette vie aspire à se perfectionner et se transmuter. Il faut juste qu'ils laissent plus d'énergie transformatrice, plus d'amour entre en eux.
Cela fait comme un fil qui ne s'interrompt pas.
La vision prend fin. Le petit clone sourit et s'incline en un drôle de petit salut.
Je le salue de même, comblée de ce récit télépathique extraordinaire.
-
C'est ce qu'il en a été, répond le généticien Ektazzo et ma chance était bien grande d'être parmi eux ce jour là. Je vous salue tous, amis de la Terre bleue, puissiez vous prendre soin de ce beau paradis cher à votre cœur, et au nôtre.
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