Le pèlerinage (1/2)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Le pèlerinage (1/2)

Message du Guérisseur Lestrys

 

 

Je reviens vers vous, chers amis Terriens. Vous êtes des voyageurs du temps et de l'espace, tout comme nous.

 

Nous étions de nouveau de retour en notre jolie demeure, au cœur de votre Terre. J'y avais retrouvé mes compagnons, notamment Célia, l'adorable petit Lokhaïl, Eratsu, et le sage Darsimen.

 

Nos compagnons Terriens nous avaient quittés, pour mener une nouvelle vie et nous éprouvions une intense joie au cœur, mêlée de quelque tristesse.

 

Je continuais à officier en plusieurs lieux de guérison, accessibles très aisément par des « fenêtres », comme les plus brillants êtres de Lumière savent en ménager.

 

De telles fenêtres menaient instantanément en des provinces éloignées du cœur de la Terre, où des blessés attendaient des bons soins.

 

Une sorte de pèlerinage devait être organisé bientôt, afin de permettre à certains petits blessés de guérir plus rapidement.

 

Stency était toujours très chagrin lorsque je devais me rendre au centre de soins, et le laisser en arrière. C'était encore un enfant très jeune qui avait subi beaucoup d'épreuves.

 

Le sage Darsimen prenait soin de lui, et ses crises de larmes s'espacèrent. Son passé était remonté brutalement, comme parfois cela advient lorsque l'esprit commence à guérir. Stency aurait dû faire partie des équipes de petits clones dociles qui nettoient l'intérieur des vaisseaux stellaires, vérifient la chaufferie, les équipements hydrauliques, tout ce qui a trait au recyclage de l'air, entre autres. Il avait mémorisé par cœur des plans entiers de vaisseaux immenses.

 

La nuit, il lui arrivait de s'éveiller en larmes, et je veillais à le consoler, en lui faisant boire des remèdes apaisants, élaborés avec les plantes des montagnes.

 

Je travaillais depuis peu en un centre de soins avec plusieurs enfants en phase de convalescence. Ils ressemblaient beaucoup à Stency. Hélas, ils n'avaient plus de joie, plus rien ne venait illuminer leur regard. Il avait été décidé qu'ils devraient effectuer le grand pèlerinage, pour pouvoir recouvrer leur bien être, grâce à l'air des sommets. C'était un long voyage de trois jours environ, pensais-je. En réalité, ce voyage était bien plus long. Les enfants étaient fragiles et devraient être acclimatés peu à peu à l'air des sommets.

 

 

Stency était incapable de demeurer sans moi si longtemps. Les experts du centre de soins le comprirent très bien. De toutes manières, nous ne serions pas trop de quatre adultes et deux enfants pour nous occuper des quatre blessés et piloter notre esquif.

 

De bon matin, nous avons gagné le grand centre de soins. Un Darsimen très joyeux avisa notre transport, un véhicule à répulsion semi flottant, pour franchir les pierriers et les vallées les plus profondes. Il était entouré d'un écran climatique, qui se réglait en finesse pour filtrer les vents, la pluie, et nous protéger de certains animaux hostiles.

 

J'espérais de tout cœur que ce voyage allait rendre leur gaieté aux quatre petits êtres affaiblis. Je portais le premier petit blessé à bord du transport, un clone d'une maigreur épouvantable, dont les mains peinaient à se mouvoir. Célia lui adressa un long regard empli de compassion, et saisit le deuxième petit blessé. Il s'agissait aussi d'un petit clone un peu plus âgé aux yeux noir très vifs. Il semblait assez curieux, mais peinait à s'exprimer. Ses jambes refusaient toujours de le porter.

 

L'enfant fixa Célia avec stupeur, très ému de sa présence si énergétique. Elle l'installa avec beaucoup de douceur en chantonnant de paisibles paroles. Son teint blafard se colora de quelques lueurs un peu plus rosées ! Le troisième enfant était un petit Gris complètement inerte, d'une très grande faiblesse. Il grattait ses bras constellés de perles de lumière. Le petit Lokhaïl s'approcha de lui, en lui murmurant quelques mots. L'enfant blessé contempla le teint argenté de Lokhaïl avec ébahissement.

 

Enfin, le dernier petit blessé, était un alien d'une espèce inconnue, au teint bleu nuit et violacé très beau. Il semblait habité d'une grande tristesse. J'avais déjà soigné des aliens de ce type, je crois me souvenir qu'ils habitaient des cavernes creusées dans la falaise. Plutôt méfiant, l'enfant se hérissa lorsque je voulus le saisir. Il tenta de se débattre avec effroi. Célia vint à mon secours, lui prodiguant son fluide apaisant.

 

Finalement, il s'assoupit, et nous avons pu l'installer confortablement à bord du véhicule. Nous étions parés. Darsimen salua les soigneurs présents en allumant toutes les lumières de notre véhicule, et le fit décoller, bondissant joyeusement sur le sentier.

 

Fascinés par le spectacle d'une jungle millénaire aux arbres fastueux, Lokhaïl et Stency avaient les yeux collés aux vitrages. Il faisait plutôt frais en ce matin. Nous avons activé le chauffage. Les petits blessés observaient le décor extérieur avec méfiance, plutôt inquiets de sentir les infimes cahots du véhicule.

 

Sur la défensive, ils regardaient autour d'eux avec crainte. Chacun comprit que ces servants n'avaient connu que la dureté et les mauvais traitements. Je refis le bandage du plus coopératif, découvrant une meurtrissure cruelle sur sa cheville, qui montait jusqu'en haut de sa jambe. Il poussa des couinements inintelligibles.

 

  • Que dit-il donc ? s'étonna Stency avec candeur en me tendant des remèdes.

  • C'est un enfant très jeune, il cherche sa voix, exposais-je. Les cordes vocales de certains clones sont vraiment atrophiées. Ils doivent persévérer pour formuler des sons. Beaucoup de ces enfants ont eu des maîtres cruels. Les équipes de recherches les ont retirés des décombres de plusieurs cités obscures. Ils ont eu de multiples fractures qui sont bien consolidées.

 

Stency fixa l'enfant inconnu un long moment, tout aussi intrigué, le petit être ne quittait pas son regard. Cela pouvait paraître inquiétant au premier abord, mais je savais que les clones possédaient une curiosité presque infinie.

 

Célia me sourit d'un air radieux.

 

  • Voilà qui est inattendu et bienvenu, dit-elle. C'est un très bon début.

 

Un peu embarrassé, Stency détourna son regard de celui de l'enfant qui poussa un cri implorant. Ils avaient tenté de partager leurs pensées, et les yeux de Stency furent habités d'une insondable tristesse.

 

Un peu plus tard, Darsimen proposa à Stency de piloter notre engin, ce qui lui rendit sa gaieté ordinaire.

 

  • J'ai vu... son passé, exposa-t-il au vieux sage. C'est terrible ce qui lui est arrivé. Il devait agrandir des galeries avec quelques autres. Il devait travailler sans relâche, et il avait à peine à manger ! Normalement, les clones de deux ans ne doivent pas travailler.

  • Tu as vécu cela toi aussi, fit le vieux sage. Tu as bien raison, tu as toi aussi pu être arraché à cette vie d'esclavage. Ici, ces enfants ont une chance de guérir. Ils en sont à la phase délicate où ils doivent accepter et purifier leurs anciens souvenirs. Laisse donc ces images terribles partir d'elles-mêmes, mon enfant, et vois ce beau paysage ! lança Darsimen, face à la vue d'arbres majestueux parés de fleurs jaunes et rosées.

 

Stency se révéla un pilote habile, négociant en souplesse un virage, et réactivant la poussée de notre transport qui devait à présent escalader un roc pierreux abrupt. Notre avancée suivait celle d'un cours d'eau sinueux, parsemé de cascades splendides. Stency activa les déflecteurs et le transport entra en phase d'apesanteur. Puis, il activa les réacteurs, et notre véhicule escalada un sommet avec aisance.

 

Nous sommes parvenus à un pierrier de grande taille. Eratsu conseilla à Stency de renforcer les déflecteurs avant, car disait-il, parfois, de gros blocs roulaient au bas de la montagne. C'est ce qui se produisit, et un bloc rocheux assez gros heurta notre esquif flottant. Il fut repoussé aisément, continuant sa course plus bas. Le transport trembla légèrement, ce qui inquiéta les petits blessés. D'autres chutes de pierres plus modestes se produisirent, et un son merveilleux jaillit alors.

 

Le plus jeune des enfants se mit à rire, il avait l'air de trouver cela très amusant ! En effet, notre vaisseau expulsait les rocs, qui ne faisaient que rebondir contre les déflecteurs.

 

Nous sommes parvenus au sommet du pierrier et je trouvais ces débuts très encourageants. Un paysage aride constellé de buissons secs avec de hauts cactus se fit jour. Notre petit transport poursuivit son avancée, avec plus de vitesse cette fois.

 

Avec Célia, nous nous sommes assurés que les blessés n'étaient pas incommodés par l'altitude. Il fallut les baigner en soirée et nettoyer leurs grands yeux larmoyants. Je consultais plusieurs ouvrages concernant le petit être au teint bleu nuit. Son métabolisme était presque comme le nôtre.Il apprécierait une eau à environ 40 degrés. Hélas, l'enfant n'avait pas du tout envie d'être baigné, contrairement aux trois autres qui avaient beaucoup apprécié.

 

Célia utilisa un linge tiède sans l'immerger pour nettoyer sa peau et ses plaies suintantes. Il accepta ce traitement. Alors, sa pensée jaillit :

 

  • Pourquoi me soignez-vous ainsi ?

  • Nous sommes là pour veiller sur toi, mon enfant, répondis-je. Tu n'as plus rien à craindre à présent. Tu es libre. Très bientôt, tu pourras avoir une nouvelle vie, si tu es prêt.

  • Je ne veux pas de nouvelle vie, je veux m'en aller dans la grande nuit. Nul ne se soucie de moi. Pourquoi ne me laissez-vous pas partir ?

 

Ses grands yeux bleu profond étaient habités d'un insondable désespoir, bien plus déchirant que des larmes.

 

  • Nous sommes contre l'esclavage des clones, exposa Célia. Tu as été libéré mon cher petit. Maintenant, tout sera très différent pour toi, et tu pourras être confié à des êtres qui prendront soin de toi, assura-t-elle avec douceur. Tu n'aurais plus à faire ton chemin seul. Tu seras aimé et accueilli comme tu le mérites.

  • Ce sont des promesses, soupira le petit clone. Pourquoi me faites-vous croire cela ?

  • Parce que c'est vrai, exposa la pensée du petit Lokhaïl. Stency et moi étions des esclaves comme toi, et maintenant, nous sommes bien plus heureux !

 

L'enfant étrange fixa le regard bleu nuit de Lokhaïl, n'y découvrant nul mensonge. Il parut désarçonné, et je compris qu'il réservait son jugement. Célia caressa très doucement des joues de petit clone effarouché. Il gémit quelque peu, bouleversé par son fluide.

 

Peu à peu, les quatre enfants s'endormirent. Nous avons décidé de nous arrêter, car le jour déclinait. Nous sommes sortis du véhicule, disposant une table et des chaises en cercle autour d'un imposant calorigène. Le vent soufflait assez fort. Mais Darsimen, avec toute son habileté avait déployé un auvent douillet autour de notre véhicule. Nous avons dîné en profitant du spectacle des premières étoiles

 

Bien sûr, nous savions qu'il n'en était rien, car ces étoiles étaient en réalité des cités de la Terre intérieure qui bénéficiaient de la face plus ardente de notre étrange soleil, loin, très loin de nous. Une douce pénombre rougeâtre baignait le firmament au ras de l'horizon. De notre côté, il ne fait jamais vraiment nuit. Notre soleil se déplace dans le ciel, en tournant sur lui même et en formant des cercles avec des variations gravitationnelles subtiles comme pour votre lune (la libration ?). De même, l'écorce terrestre tourne autour de ce dernier. De cette manière, surgit l'illusion du jour et de la pénombre pour les contrées situées à l'équateur, et au niveau des zones tempérées.

 

Célia et moi même nous sommes allongés, nous étreignant dans une alcôve douillette. Nos esprits omniscients avaient pris soin de vérifier à intervalles réguliers que les petits blessés respiraient bien. Stency, allongé près de nous dormait déjà, de même que Lokhaïl. Je plongeais dans un sommeil des plus agréables, la pensée de ma famille tout près de la mienne.

 

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