Le bonheur simple (3/3)
Message du Professeur Zolmirel (suite et fin)
Le matin suivant, j'ouvris la fenêtre et observais les abords du centre de soins. Celui-ci était bâti à proximité d'un centre de réception de foudre, au sommet d'un piton rocheux.
Pour l'instant, il y régnait une vive activité. Un croiseur suborbital géant apparut en un son sourd qui résonna un peu comme un gong. Le croiseur faisait environ 5 kilomètres de long, estimais-je.
Je le détaillais d'un œil impressionné. La hauteur de l'esquif était d'environ 500 mètres. D'une habileté confondante, le pilote le manœuvra en douceur.
Il s'immobilisa au-dessus des hangars de recharge. De nombreux équipements furent déchargés, comme des engins agricoles, des presses, des génératrices, ainsi que des vaisseaux de toutes les tailles. Ces équipements transitaient par une sorte de rampe magnétique invisible qui avait été aménagée au sommet du toit, jusqu'aux soutes immenses du convoyeur.
Ensuite, le toit du hangar se referma, et le croiseur se déplaça au dessus d'un deuxième hangar. D'autres vaisseaux, et appareillages rechargés à point jaillirent vers le ciel en un ballet harmonieux. Un sifflement bref se fit entendre. Le croiseur refermait sa soute. Il y eu un bruit sourd, puis l'esquif se déporta plus haut en altitude. Il activa ses réacteurs et disparut en une seconde.
Je sortis de ma songerie, comme de quelque rêve éveillé d'une rare beauté.
Un petit rire me fit me retourner. Erazel se tenait devant moi.
-
Je vous vois bien là à rêvasser, tandis que notre amie se trouve en une période délicate, s'amusa-t-elle.
À la pensée de Minel, mes larmes d'émoi jaillirent.
-
Il nous est défendu de la voir, soupirais-je. Que pouvons-nous donc faire pour l'aider ?
Erazel me serra près d'elle pour me réconforter, de même que Zilmis.
-
Je vous taquine mes amis, répondit-elle paisiblement. Minel est en train de passer les tests suivants et tout se déroule à merveille.
-
Mais pourquoi y en a-t-il autant ? demanda Zilmis d'un ton chagrin.
-
Les experts sont comblés d'avoir affaire à un esprit aussi brillant. Étudier ses réactions permettra d'améliorer les soins aux imparfaits.
-
En ce cas, qu'attendent-ils pour faire revenir Amoni ? demandais-je. Lorsque l'on s'aime autant, il est douloureux d'être séparé de sa moitié.
-
Cela est prévu, rassurez-vous, émit Erazel en prenant place sur une petite table. Amoni doit réussir à prouver sa moralité. Les experts lui posent les mêmes questions qu'à Minel. Ils doivent vérifier qu'il n'a pas usé de son influence pour séduire une patiente. Ils doivent aussi vérifier si la thérapie fonctionne. Il a été très affecté lors de notre dernier voyage.
Pour nous apaiser, elle fit apparaître des boissons chaudes et des petits beignets. Erazel savait toujours se manifester lorsque nous avions besoin d'elle. Elle nous expliqua qu'Amoni referait son apparition dans la matinée.
Un peu plus tard, le petit Ilstirr timide et l'experte Tarethos frappèrent à notre porte.
-
Je viens vous annoncer que votre amie a réussi tous les tests, lança-t-elle. Elle a même réussi au delà de tous nos espoirs. Elle vous sera rendue bientôt. L'interrogatoire de son bien aimé a révélé un comportement intègre, qui fait honneur à tous les guérisseurs. Amoni est aussi un proche collaborateur, nous nous devions d'être impartiaux, souligna-t-elle. Nous vous remercions pour votre patience, nous savons que l'attente a été longue.
Nous avons poussé un grand soupir de soulagement, et nous sommes tous étreints en riant de bonheur. Un grand poids venait de nous être ôté. Enfin, Amoni et Minel allaient pouvoir être heureux !
Pour l'heure, Minel se trouvait en une salle de sondage, avec des experts en soins de la matière grise qui tournaient autour d'elle. Tout son cerveau avait été minutieusement examiné. Il était en parfaite santé. Un petit alien au teint grisâtre étalait un cicatrisant doré sur sa nuque, là où avait été pratiquée son injection céphalique voici quelques mois. Il ne restait plus qu'une discrète marque rosée, qui disparaîtrait bientôt.
Minel fixa le petit alien avec surprise. Il s'agissait d'un tout jeune clone de Kolménide, dont le corps était parcouru de marques argentées.
Un généticien portant un ample manteau rouge parla :
- Cet enfant est encore très jeune, dit-il. Son changement est progressif. Il doit se ménager, exposa-t-il aimablement.
Les aliens sortirent de la pièce en couvant le plus jeune du regard. Mon monde comportait très peu d'aliens de Kolménide, mais ceux qui y venaient étaient les bienvenus. Il s'agissait de dissidents qui fuyaient le régime impérialiste, un monde glacé et technologique à faire froid dans le dos. Comme ils venaient de la dimension matérielle, la hausse énergétique menaçait de les dissoudre, et ils faisaient l'objet de soins nombreux.
Nous nous sommes précipités dans la salle, pour étreindre Minel. Elle nous choya et nous embrassa tous pour nous remercier.
-
Vous avez été si brillante, exposais-je, comme toujours !
-
Vos pensées aimantes me sont parvenues, et celles d'Amoni également. Durant les tests, je voyais son visage, c'est cela qui m'a aidée, exposa-t-elle en sa langue.
-
Venez donc, nous dit Erazel. Allons donc accueillir Amoni comme il se doit.
Nous sommes revenus vers le grand couloir noir et blanc. Mais il y avait une surprise ! Tous les guérisseurs du centre de soins qui n'étaient pas occupés, s'étaient réunis dans les galeries.
Le grand hall brillant débordait d'activité, chacun riant en plaisantant avec son voisin. Minel fut accueillie avec beaucoup de bonté. Elle eut droit à de nombreux compliments.
Un peu émue, mais très heureuse malgré tout, elle fixa le couloir. Enfin, une forme claire apparut. Paré de son plus bel habit bleu élégant, Amoni resplendissait. Ils se précipitèrent l'un vers l'autre et une pluie d'énergie les entoura.
L'assistance lança une grande ovation. Tous se réjouissaient de voir ces deux êtres se retrouver. De mon côté, j'essuyais mes larmes de bonheur. Amoni fut assailli de félicitations de toutes parts. Il rosit de joie, serrant Minel dans ses bras.
Nous nous en sommes retournés vers notre petit vaisseau, pleinement heureux de cette issue. Je fis décoller notre engin, les guérisseurs saluant notre envolée avec de grands signes de la main.
Derrière nous, Minel et Amoni s'essuyaient les yeux, se lançant des regards de plus en plus enflammés.
-
Je suis si touché que vous soyez tous venus, fit Amoni. J'ai hâte de convier mon frère et le reste de ma famille pour leur annoncer cette grande nouvelle. Les enfants vont aussi être fous de joie.
-
Nous sommes tous radieux pour vous, lança Erazel en lui faisant un clin d’œil. Et puis, vous êtes si parfaitement assortis, vous avez eu bien du courage pour triompher de cette situation ! Je vous souhaite d'être les plus parfaitement heureux, mes chers enfants.
Notre esquif se posa en peu de temps dans le jardin. Comprenant que Minel et Amoni voulaient être seuls, nous nous sommes rendus avec Erazel dans la maison qui bordait notre petite tour.
De taille modeste et un peu délabrée, elle était plus petite que notre demeure. Mais cela pouvait tromper, puisqu'un mystérieux passage se dressait à l'intérieur, conduisant à de multiples chambres colorées.
Nous nous sommes affairés, afin de ranger un peu ce lieu, et de le nettoyer. Erazel s'occupa de la salle de bains, tandis que Zilmis nettoyait la cuisine. Je l'aidais à ranger tous les ustensiles à leur place. Il y avait une quantité considérable de poussière en ce lieu abandonné. Nous avions pour objectif d'en faire une maison pour nos invités.
Cela nous occupa de longues heures. Le soir venu, nous sommes revenus chez nous. Un Amoni des plus allègres avait préparé à notre attention un succulent dîner. Je constatais qu'il portait quelques traces de griffures sur ses bras, mais nul ne le fit remarquer. Nous savions combien les Denakhs pouvaient faire des épouses passionnées. Par ailleurs, les experts avaient sondé entièrement Minel et Amoni. Ils avaient tous deux été déclarés en parfaite santé. Même s'ils venaient de deux peuples distincts, ils pouvaient s'unir sans danger. Seul leur fluide énergétique demeurait un obstacle. Ils devaient apprendre à le moduler, pour que leur énergie circule harmonieusement. Minel était extrêmement énergétique. Lorsqu'elle apparut avec un gâteau, elle alluma involontairement plusieurs lanternes à plasma. Chacun de nous rit de cet incident.
Nous avons disposé les plats, puis, à cet instant, on frappa plusieurs coups à la porte. Orel et Dorian entrèrent, arborant tous deux des habits bleus et dorés.
-
Un bonheur ne vient jamais seul ! assura Erazel en riant.
-
Nous sommes venus pour vous féliciter, assura Dorian et déposant un plat prometteur sur la table.
-
Vous avez eu raison de toujours y croire et de persévérer ! lança Orel. Bravo à tous les deux ! Votre action est déterminante.
-
Merci pour tout. Ce que nous avons fait était juste de défendre notre point de vue et nos idées, émit courtoisement Amoni.
-
Vous ne comprenez pas encore toute l'implication de ceci. Vous vivez tous deux sur un monde accéléré, qui vibre dans la dimension suivante, fit Dorian. Et vous êtes une Denakh, dit-il à Minel. Cela représente vraiment beaucoup pour vos frères.
-
Cela veut dire qu'il va y avoir de très nombreux dissidents, assura Orel. Nous pourrons aller recueillir de très nombreux servants. Nous pourrons en libérer bien plus !
-
Je ne comprends pas, émit humblement Minel. Je n'ai plus de lien avec mon ancien peuple.
-
Bien sûr que si, vous êtes liés en permanence. Leur ADN est le même que le vôtre, il vibre pareillement. Avant, il vibrait à la même intensité. Maintenant, il vibre bien plus haut. L'ADN possède sa propre intelligence, il aspire lui aussi à devenir pure lumière. Il sent qu'une autre possibilité nouvelle est désormais inscrite pour votre peuple. Les vôtres vont changer peu à peu. Ils vont vouloir partir habiter sur des mondes plus lumineux, exposa Dorian.
-
C'est bien vrai, émit Erazel. Tous les petits clones qui ont été recueillis étaient attirés par la lumière.
-
Nous sommes vos amis pensants du monde du dessus, nous veillons et protégeons vos pas, à vous tous, déclara Dorian avec force.
Chacun d'entre nous fut à cet instant parcouru d'une intense frisson bienveillant. La nuit tombait lentement sur la jungle. Nous étions réunis pour l'heure en notre petit salon douillet et notre bonheur était bien grand. Le lendemain, prévenus par la pensée joyeuse de leurs proches, nos familles, nos voisins et amis se manifesteraient pour offrir à Amoni et Minel nombre de présents, afin de leur porter bonheur.
Pour l'heure, je ressentais une paix sereine, le bonheur simple de voir mes proches deviser en riant autour de la table.
Une vague crainte m'habita par rapport à la famille de Zilmis, qui préparait quelque chose nous concernant. Je le sentais de plus en plus.
À cet instant, je perçus une flamme très vive dans les yeux de Minel. Elle me fit un clin d’œil, et sa pensée jaillit.
-
Je vous rendrai ce que vous m'avez offert, je serai là le moment venu pour vous deux, émit-elle avec une intensité absolue. Nul ne vous fera de mal.
Je fus alors traversé par son fluide intense d'alien noble. Son énergie immense et rassurante me parvint, tel un cocon douillet. La famille de Zilmis, qui avait désavoué notre union, avait intérêt à bien se tenir.
Je vous salue et vous exprime ma reconnaissance à vous tous pour suivre nos aventures.
Vous pouvez reproduire ce texte et en donner copie aux conditions suivantes :
-
qu'il ne soit pas coupé
-
qu'il n'y ait aucune modification de contenu
-
que vous fassiez référence à notre blog :http://www.unepetitelumierepourchacun.com