La promesse de la lumière (3/3)
Message du Professeur Zolmirel (fin)
Le lendemain, nous nous sommes éveillés bien plus dispos. Le teint de Zilmis, d'un saumon des plus épanouis, avait retrouvé sa couleur habituelle. Sa voix douce s'était transformée, elle était maintenant bien plus délicate, et légère, mais toujours mélodieuse. De même, son allure avait changé, elle trahissait à présent bien plus nettement sa nature d'androgyne féminin. Zilmis s'en inquiétait, mais je lui assurai qu'il en était très bien ainsi et que tout était pour le mieux. De même, Amoni s'employa à l'apaiser, avec sa sagacité habituelle pour déceler les émotions des autres.
Orel et Dorian apparurent lentement, en traversant le plafond de notre séjour douillet, chose qui nous amusa grandement.
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Vous reléguez l'usage de l'élévateur au rang des antiquités ! déclarais-je en riant de bonheur.
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Il est habituel pour nous de traverser sols et plafonds, fit remarquer Orel avec un air espiègle. Avez-vous réalisé que vous êtes attendus ?
Nous nous sommes levés, avisant le grand vaisseau lumière, en cours de manœuvre dans notre jardin. Il faisait une taille prodigieuse et Amoni s'inquiéta pour ses plantations, mais nos amis êtres de Lumière avait tout comme nous un grand respect de la vie végétale. Une pluie de perles de lumière se déversa sur les jardins alentours. Arbres et buissons se mirent alors à resplendir d'éclats colorés du plus bel effet.
Nous avons apprêté quelques bagages et Orel et Dorian nous tendirent la main. Nous nous sommes élevés alors vers le fantastique géant, ne pesant pas plus que des grains de pollen. Nous avons pris pied sur une passerelle, éblouis de voir notre jolie demeure d'en haut.
Les aliens des demeures alentours nous firent des signes joyeux, les enfants bondissant après les lumières fugaces qui sinuaient dans le sillage du géant. Rosissant et ému, j'entrais avec Zilmis à l'intérieur du vaisseau. Amoni était en grande conversation avec Dorian, sur l'anatomie humaine.
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Vous êtes bien curieux, amis, fit ce dernier en riant. Ce jour est particulier et je tiens à vous présenter quelqu'un de très important.
Nous avons suivi Orel et Dorian, jusqu'à leurs appartements. C'était la première fois que nous y avions accès. Tels des frères jumeaux, ils partageaient tout, leurs deux existences parfaitement complémentaires les plongeaient dans une félicité intense. Ils s'amusaient souvent de tout, ne se prenant jamais au sérieux, et cette légèreté, faisait d'eux des compagnons de voyage des plus agréables. Leur chambre était une pièce inondée de soleil en cette heure, avec un lit à même le sol composé d'une sorte de matelas d'un bleu intense. D'ailleurs, tout dans cette pièce était un dégradé de bleu. Les murs, le sol, les livres, tout semblait vivant. Le mobilier était fait d'une sorte de verre cristallin, avec des paillettes d'or qui circulaient à l'intérieur. Chaque élément du mobilier était arrondi, et plaisant au regard, même les portes, qui apparaissaient ou disparaissaient à notre approche.
Nous sommes entrés dans un vaste bureau garni d'instruments d'observation du ciel, de cartographie, et aussi, de vastes étagements de livres de l'esprit et d'holodisques sur les civilisations stellaires, en particulier les aliens et les reptiles. Juste à côté, de nombreux portraits de familles d'aliens et de lézards affables étaient affichés, et je fus touché de constater que nous y figurions en nombre d'endroits avec les enfants. De toute évidence, Orel et Dorian avaient beaucoup voyagé, et je fus ému de contempler ces visages de nos amis de l'espace, dont chacun exprimait une forme de bonté différente.
Nous sommes passés dans une autre pièce, qui ressemblait elle, à un salon garni de fleurs, et de formes de vie biominérales des plus exceptionnelles. Ensuite, vint la vaste pièce orange de forme ovale que nous connaissions déjà. Là, un homme était assis, et il resplendissait d'une telle lumière, que chacun de nous se mit à pleurer.
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Venez donc, je vous attendais, nous dit-il. Votre venue sur ce vaisseau est très importante.
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Vraiment ? Parvint à articuler Amoni. Nous ne sommes pourtant que d'humbles explorateurs.
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Nos deux mondes ont pu se rapprocher grâce à vous et vous avez permis de rouvrir les portes du monde d'en bas, afin que les habitants de l'intérieur foulent les pieds de votre sol. Il s'ensuit un bienfait immense pour votre planète. Vous ne réalisez pas encore la portée immense de votre geste.
L'homme souriant se leva, et chacun de nous réprima un frisson, car son fluide était tel que nous étions transportés en une extase silencieuse, que bien peu de mots pourraient transcrire. Un océan d'amour déferla en moi, tandis qu'il serra mes mains dans les siennes et qu'il s'agenouillait pour me serrer près de lui. Il me sembla qu'une force gigantesque venait se poser en moi, tandis que le son de sa voix parvenait en mon esprit. Avec cet homme, tout était possible, tout devenait facile et merveilleusement plaisant. Les mondes sépulcraux refleurissaient, les astéroïdes couronnés de glace pouvaient accueillir la vie première. Je le reconnus alors.
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Vous êtes un Créateur de mondes, exposais-je par l'esprit.
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Oui, dit-il simplement. Je suis Antaniel, le père de Dorian.
Sa pensée, douce et fraîche comme celle d'un enfant, possédait en elle-même l'indicible sagesse et la bonté des êtres millénaires, qui arrosent de leur dons abondants toute la création, tels des arbres généreux. Sa chevelure d'or resplendissait de santé, et ses mains, en tout point proches de celles de Dorian, étaient habitées d'une énergie merveilleuse.
Je vis que Dorian ne soufflait mot, trop ému pour parler. Son visage exprimait un amour intense, indéfectible, pour son parent. Je fus comblé de voir que le même amour se lisait sur le visage d'Orel.
Nous nous sommes attablés tous, abasourdis de voir que des sièges confortables avaient jailli du sol et que des mets nous attendaient. Que dire de la cuisine des êtres de Lumière ? Si ce n'est qu'elle surpasse en saveur et en légèreté tout ce qui se fait de mieux sur notre monde.
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Vous pouvez enfin marcher à nos côtés, annonça le père de Dorian, parce que la radiance qui siège en vous s'est élevée. Votre taux vibratoire vous permet à présent de demeurer sans risque près de nos vaisseaux. Le fait de vous voir est un bienfait. Nous assistons avec un bonheur croissant à chacune de vos expéditions. Votre peuple, les semeurs de mondes, est un grand peuple. Votre monde est maintenant ceinturé de multiples vaisseaux lumière.
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Et pourquoi cela ? s'enquit Amoni.
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Parce que le passage est proche. Quand le Grand Passage s'ouvre, des vaisseaux indésirables le détectent et cherchent à s'y engouffrer par tous les moyens. Voici pourquoi votre planète est surveillée. Les grands anciens le savent bien et nous travaillons avec eux pour ce faire. Nous sommes arrivés à ce moment très précis, où deux univers vont entrer en fusion. L'univers de la matière et l'univers de la lumière. Les lézards avides de gisements sont très mécontents que votre planète puisse échapper à leur contrôle. Ils la cherchent, depuis des millénaires, depuis le grand exode.
Chacun de nous frémit, car le grand exode était précisément le moment, où tous nos ancêtres avaient fait un choix, ils avaient préféré fuir, plutôt qu'obéir à un impérialisme aveugle.
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Vous avez grandi, reprit l'homme de lumière. Vous avez appris à voir à l'intérieur des êtres. Vos ancêtres ont été multipliés en laboratoire, donnant ces petits serviteurs dociles, ou ces maîtres, fiers et orgueilleux, pour la plupart. Il existe des exceptions. Vos enfants sont ceux de vos ancêtres, les Denakhs. Voici ce que je suis venu vous annoncer.
Chacun de nous se mit à verser des larmes de joie. Beaucoup d'aliens Denakhs dissidents étaient devenus nos amis. Le professeur Zablinsk était un alien très apprécié, sans parler des deux sœurs Seronar, qui étaient considérées telles des génies universelles de la pensée sur nombre de mondes. Le fait d'avoir un lien de parenté, même insaisissable et étroit avec Nerti et Zilner, me fit éprouver une douce vague de chaleur. Que les Galmols et les Denakhs puissent sembler liés était impensable au premier abord, mais il en était bien ainsi. Notre espèce était plus proche des tortues et des grenouilles, mais la nature agit parfois d'une manière imprévue pour redistribuer autrement les cartes de la génétique.
L'homme de lumière reprit, s'adressant cette fois à Amoni.
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Vous et votre peuple, les Kolals, êtes les cousins lointains des Grands Gris de B Orion. Votre peuple a effectué lui aussi un brillant chemin de la pensée, de l'acceptation, vers un monde de douceur et d'harmonie absolue. Vous avez reconnu votre reine et j'en suis des plus heureux pour vous.
Je vis qu'Amoni était au bord des larmes. L'image de la belle apparition, à l'esprit hélas défaillant, n'avait guère quitté ses pensées. Jusqu'en cet instant, nous avions de grands doutes quant à sa guérison, mais d'un seul coup, tout ceci venait d'être balayé par la foi ardente de l'homme de lumière.
Assis aux côtés de son père, le visage de Dorian rayonnait d'une joie intense. Nous avons continué notre repas dans la plus parfaite allégresse. D'autres êtres de lumière, et des aliens luminescents entrèrent et se joignirent à nous. Une alien turquoise prit place près de moi, serrant une main minuscule. Je surpris le visage intrigué d'une fillette alien, encore plus menue que le petit Zilner. Le père, d'un turquoise un peu plus clair se présenta, et nous parla avec une joie communicative.
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Mon épouse a eu une réplique, lança-t-il avec une folle allégresse. C'est absolument merveilleux !
Chacun de nous salua la petite alien et je m'extasiais face à son coloris d'un beau bleu azur. Nous avons murmuré des bénédictions et des prières. Pour notre peuple, la venue d'une réplique parfaite, issue d'un parent unique, était un fait des plus exceptionnels en soi. Je devinais que cette enfant n'était pas ordinaire, et cela se confirma.
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Je connais bien Esvar, et Minvela, exposa-t-elle d'une voix avenante, en fixant Amoni. Je sens qu'Esvar est ton frère. Votre pensée se déplace presque pareil ! lança-t-elle en riant.
Radieux, Amoni confirma les paroles de cette enfant minuscule, qui parlait avec une aisance parfaite.
Le beau vaisseau lumière avait pris de l'altitude. J'aidais Orel et Dorian à desservir, peu après notre repas. La vaisselle redevint éclatante de blancheur et alla se ranger docilement dans les tiroirs, accompagnée des tasses nombreuses de notre petite assemblée.
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Je n'ai jamais vu des assiettes se comporter ainsi ! lança Amoni d'un ton comique.
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Il va falloir vous attendre à certaines choses inattendues, répondit Orel en riant. Nous préférons de beaucoup converser avec vous, que passer du temps en cuisine à polir la vaisselle !
Peu après, nous avons gagné le salon, et nous sommes installés près de la fenêtre, comblés par la vue des jungles profondes, loin sous le vaisseau, qui avait accéléré prodigieusement.
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Je me demande bien de quoi vous êtes faits, questionna Amoni en se tournant vers Dorian. Votre corps est-il ainsi ? demanda-t-il en lui montrant des planches d'anatomie.
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Notre corps est éthérique, expliqua Dorian. Si vous voulez une image, il comprend de nombreux circuits très complexes, qui ont un lien étroit avec leur environnement. Nous pouvons agir directement sur les choses à naître. Voici qui pourrait illustrer en partie au mieux notre structure lumineuse interne, fit-il en montrant un schéma.
Fasciné, je m'approchais. Le schéma montrait l'océan de la trame de fibres nerveuses qui parcouraient un humanoïde.
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Bien sûr, ce n'est qu'une partie de ce que nous sommes, fit Dorian en riant. Notre corps n'obéit plus à des lois physiques comme le vôtre, respiration, digestion, circulation, réplication. Il obéît à des lois énergétiques. Nous absorbons directement l'énergie lumineuse qui nous entoure, et nous la rejetons. Elle rejaillit sur notre environnement, c'est ainsi que je puis guérir des êtres, surtout des enfants aliens, fit-il avec un sourire.
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Et pourquoi les nôtres, précisément ? s'étonna Amoni, dont la curiosité était grande.
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Simple question de vibrations, d'affinité personnelle aussi. Orel et moi-même sommes pour les nôtres des experts reconnus en communication avec les peuples reptiles. Nous éprouvons un amour immense pour les aliens, et cela nous comble de bonheur de pouvoir faire leur connaissance. Un peu de la même manière que vous excellez à découvrir et dupliquer de nouvelles moisissures ! fit-il en me lançant un regard complice.
C'était la vérité bien sûr. Á cette époque, j'avais déjà écrit plusieurs ouvrages, dont « Mousses et champignons de l'espace », où je répertoriais les espèces présentes sur les planètes que j'avais visitées. C'était une activité qui me procurait toujours le plus parfait contentement.
Le père de Dorian vint auprès de son fils et effleura sa chevelure d'or dans un geste empli de tendresse. Des perles de lumière s'échappèrent de leurs deux silhouettes étincelantes, ce qui nous emplit de bonheur.
Amoni et Zilmis étaient assis à mes côtés, et je songeais en cet instant où leurs deux énergies me parvenaient pleinement, que j'étais l'alien le plus heureux du monde.
Le grand vaisseau lumière poursuivait sa course dans nos cieux. De nouvelles aventures nous attendaient, immanquablement. Notre voyage ne faisait que commencer.
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