Les cités de lumière du monde intérieur (3/3)
Message du Professeur Zolmirel
Mon père me posa mille et une questions sur ma vie, sur ce lien si fort avec Amoni et sa famille, et aussi, sur la rencontre avec les êtres de Lumière, Orel et Dorian, qui nous avaient fait découvrir nombre de nouveaux mondes. Il était aussi émerveillé de moi et de mes nouveaux compagnons, que je pouvais l'être de lui-même.
Il se montra à plus d'un titre ravi de ces communications si nettes, que nous échangions avec les enfants. Et lorsque ces derniers s'approchèrent de notre espace télépathique, une joie encore plus grande nous saisit.
Nerti et Zilner m'adressèrent toutes leurs félicitations pour avoir retrouvé mon père. La vision des deux petits aliens devint plus nette. Ils se trouvaient avec mon ami, le sage Amoni, au centre de soins. Leur père leur avait montré ce jour le jardin réservé aux jeunes convalescents. Plusieurs nouveaux-nés, de jeunes lézards et quelques petits immatures aliens et humains étaient veillés par des soigneurs attentifs.
Amoni, grâce à l'enseignement d'Orel et surtout de Dorian, avait fait de rapides progrès pour soigner les obstructions des humaines. Une obstruction survenait lorsqu'un œuf refusait de sortir du corps d'une future mère. Mais lorsque le nouveau né n'était protégé d'aucune coquille, la naissance devenait beaucoup plus délicate. Afin de résoudre en partie ces risques, et aussi pour faciliter les naissances, beaucoup de peuples stellaires abrégeaient volontairement les grossesses. L'espèce humaine n'échappait pas à cette règle.
Sur mon monde, la manière dont les enfants naissaient par chez vous, serait jugée absolument inacceptable, à la fois trop douloureuse et aussi bien trop périlleuse, pour la mère et l'enfant. En ce lieu de soins, vivre une délivrance était merveilleusement agréable, on donnait ensuite une sorte de fête, une cérémonie à laquelle tous les membres de la famille participaient. Chaque enfant ou alien naissait dans la douceur et dans la joie.
Nerti et Zilner étaient assis sur les bancs d'une vaste promenade. Ils regardaient un petit film montrant comment les experts en antigravité pouvaient officier en un lieu de soins. On y voyait des soigneurs extraire l'enfant du corps d'une future mère, rien que par la puissance de leur esprit.
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Pourquoi abrège-t-on les naissances des petits humanoïdes ? s'étonna Nerti
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Parce que la plupart des êtres humains ont évolué au stade où leur crâne est devenu trop gros par rapport à la largeur du bassin. Il est préférable d'extraire l'enfant avant terme, afin que la croissance du crâne soit plus libre et que le traumatisme de la naissance soit absent. Beaucoup de mères redoutent ce moment, et il nous est apparu que cela était mieux ainsi, exposa Amoni.
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N'est-il pas contre nature de provoquer une naissance ? demanda le petit Zilner. Normalement, ce sont les grandes convections planétaires, les marées cosmiques favorables qui préludent à la venue d'un enfant au monde.
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Tu as parfaitement raison, lorsqu'une âme choisit d’habiter définitivement un corps physique, le moment cosmique doit être le plus parfait qui soit. C'est pourquoi, des experts en naissances et des astronomes, provoquent la naissance aux moments les plus fastes. Certains humanoïdes sont extrêmement habiles, les mères parviennent elles-mêmes à engendrer la naissance et l'enfant vient au monde de la manière la plus aisée qui soit. Il en est également fait ainsi avec certains grands animaux. N'oubliez pas que l'esprit-mère de notre planète est infiniment bienveillant et intelligent, il aspire à ce que toutes les créatures vivent dans l'harmonie la plus parfaite. Pourquoi certaines espèces devraient-elles mettre une minute pour pondre un œuf et d'autres, se débattre pendant des heures dans la souffrance face à une nouvelle vie à venir ?
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Je suis absolument d'accord, répond le petit Zilner. Les œufs sont le privilège des nôtres, et ceux qui en sont dépourvus peuvent développer d'autres capacités pour les aider et protéger leurs enfants.
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Il y a hélas parfois des incidents, même avec toutes ces infinies précautions, expose Amoni d'un ton posé. Certains peuples n'ont pas autant de possibilités. Je souhaiterai vous présenter quelqu'un d'important.
Intrigués, les deux enfants suivent leur père. Près du centre de soins se tient un petit temple. Ils parcourent un jardin splendide, qui ressemble un peu à ce qui existe au Japon. Le mariage entre chaque plante, chaque arbre, se décline en une infinité de verts, de bleus pastel, de roses harmonieux.
Nerti et Zilner avisent une grande silhouette au teint très pâle. Une grande alien Denakh est là, elle arrose chaque plante d'un air serein. Ils croisent son regard et sont un peu déstabilisés lorsque l'être recule et prend presque la fuite.
Nerti est très étonné.
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Voici une dame bien étrange. Que lui est-il donc arrivé ?
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C'est un trésor, expose Amoni avec un sourire. Les experts en cognition sont fascinés par cette alien. Ils tentent de nouer un lien télépathique avec elle, et très peu y parviennent. Elle ne communique pas comme nous. Nul ne connaît son passé. Cette alien vient d'une planète peuplée de généticiens, il s'agit à n'en pas douter d'une « imparfaite », dont l'esprit ne s'est pas accroché à la naissance. Normalement, elle aurait du périr, les généticiens ne tolèrent pas une telle « production ». Mais l'un d'entre eux a congelé cette alien et après un très long voyage et de nombreuses négociations, nous avons pu réussir à la faire venir ici.
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Tu veux dire qu'elle a voyagé endormie durant des décennies ? questionne le petit Zilner.
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Oui, absolument. C'est une âme exceptionnelle qui habite à n'en pas douter cette voyageuse. Et on ressent des pensées d'une pureté infinie s'échapper d'elle. A tel point que les prêtres la considèrent avec une sorte de mysticisme. Les êtres qui sont différents de nous, qui ne parlent ou ne s'expriment de la même manière ont accès à des pans du savoir initiatique, que nous ne saurions qu'effleurer en une seule vie. Ces êtres voyagent en des mondes spirituels de très haut niveau qui n’appartiennent qu'à eux. Il en existe très peu sur notre planète et ils sont tous abrités en des temples paisibles.
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Ils ont besoin que l'on prenne soin d'eux ? s'étonne Nerti.
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Certains s'habillent de manière un peu inattendue, ils ne savent pas cuisiner. Oui, ils ont besoin d'aide, expose Amoni. Cette alien est très craintive, mais elle est d'une grande bonté. Je l'ai surprise en train d'attirer des insectes et des oiseaux. Elle est si pure que les animaux ne la craignent pas. Je suis à peu près certain qu'elle aurait moins peur d'un fauve que de nous...
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Qu'est-ce qui pourrait l'effrayer en nous ? demande Zilner d'un ton intrigué.
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Les gestes brusques, je pense, les paroles aussi. Mais je crois qu'elle ne craindrait pas les enfants. Accepteriez-vous de participer à une expérience ?
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Oui, bien sûr, on va t'aider, répond aussitôt Nerti. Veux-tu que nous lui apportions à boire ?
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Voilà qui serait une très bonne chose pour commencer, afin qu'elle s'habitue à vous. Il est très probable qu'elle se sauvera, mais peut-être pas...
Et Nerti, toujours aussi énergique, accepte. Il prend un plateau et y dispose des boissons, ainsi que des gâteaux qui embaument, ceux là même employés pour amadouer les enfants les plus craintifs. Nerti a très envie de manger les gâteaux, mais tente de se concentrer, tout ceci est pour la dame mystérieuse.
Il grimpe un petit escalier, Zilner sur ses talons. La dame est assise à une terrasse, sous ce qui ressemble à un petit pavillon circulaire. Nerti marche à pas très lents, comme lui a conseillé son père. Il baisse les yeux, et avec une extrême lenteur, dispose les mets sur la table. La dame recule son siège, mais ne fuit pas. Le petit alien ose croiser son regard et y surprend des larmes. Saisi de compassion, il s'approche.
L'alien étrange a un teint de porcelaine et des yeux bleu ciel emplis de pureté. Ses traits sont magnifiques. Zilner, juste derrière lui parvient à la même conclusion. Comment a-t-on pu songer à faire du mal à une alien si exceptionnelle ?
L'alien étrange penche le visage de côté et émet un son plaintif assez rauque. Elle tente de parler, mais n'y parvient pas. Elle tient quelque chose dans ses mains, la chose piaille et gesticule. Nerti reconnaît un oisillon à la patte cassée. Il adresse un regard abasourdi à la jeune alien qui lui tend l'oisillon. Comment peut-elle savoir ?
Le petit Nerti prend l'oiseau, et c'est Zilner qui doit le maintenir pendant que son frère tente de le soigner.
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Jusqu'à présent, je n'ai fait que quelques fractures de la main, soupire Nerti, en fixant la patte désarticulée de l’oiseau.
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Une patte d'oiseau, c'est à peu près pareil, assure le petit Zilner en maintenant l'infortuné et en lui parlant pour l'apaiser.
Le jardin autour d'eux rayonne de senteurs florales et de beauté. Tout est paisible, le temps est comme arrêté. On entend l'eau d'un petit bassin murmurer.
Le petit Nerti se concentre, bouleversé par l'oisillon et ému face à son regard empli de crainte. Il approche une main hésitante, agissant sur le système nerveux délicat si perturbé. Peu à peu, les cris de l'oiseau s'apaisent, il est à demi paralysé à présent et ne souffre plus. Nerti étend plus près sa main et sent, de manière parfaite son fluide s'étendre à l’intérieur du membre blessé. Peu à peu, sa répugnance pour les blessures et son écœurement laissent place à une fantastique euphorie. Il peut agir, et de manière parfaite. Il sent la disposition de la fracture et la voit en son esprit. Il rapproche les os minuscules avec une merveilleuse précision et reconstitue la patte de l'oisillon. Toute l'opération est fort aisée.
Zilner voit sous ses yeux la patte meurtrie se redresser parfaitement d'un air stupéfait. Le petit alien écarte ses mains, libérant l'oisillon. Celui-ci est bleu ciel, avec quelques traces de duvet blanc, il sautille avec surprise et penche la tête vers les deux enfants d'un air reconnaissant. Ses yeux noirs brillent de gratitude. Il pousse un petit cri joyeux et s'envole pour venir se poser sur le bras de la ravissante alien.
Celle-ci à son tour s'illumine de joie et cligne des yeux d'un air ravi en direction des enfants, puis elle exécute quelques pas de danse hésitants.
Nerti demande à la grande alien quel est son nom, mais il n'obtient qu'une réponse inintelligible. Les enfants saluent leur nouvelle amie et s'en retournent.
Leur père les attend, en bordure de la forêt.
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Vous êtes vraiment exceptionnels, félicite-t-il ses deux fils. Vous venez de me causer là une immense joie. Il est très délicat de soigner un oiseau aussi frêle. Je note un changement encourageant. Voici deux mois que cette alien est ici. Au départ, elle ne bougeait, ni ne se levait, les savants pensaient qu'elle était « vide ».
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Vide ? s'étonne Nerti.
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Ils pensaient que son âme s'était envolée loin de son corps, explique Amoni en réprimant un frisson. Cela arrive lorsqu'un être est né imparfait et que son corps ne répond pas aux sollicitations de son esprit. La cause peut-être neurologique ou fonctionnelle, ou alors, c'est une atteinte plus grave, une atteinte de toute la trame éthérique qui entoure un être, de ses corps subtils. Cela est très long à soigner, et il faut pour cela l'aide des plus sages anciens. Nos connaissances progressent en ce domaine, nous découvrons un peu plus chaque jour. Et bien sûr cette dame nous aide bien, nous aimerions pouvoir lui offrir la vie qu'elle mérite. Depuis son arrivée au temple, elle a changé, elle sort plus volontiers et adore le spectacle des insectes sur les fleurs.
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Elle n'est pas vide, répond résolument le petit Nerti. Sa peine était sincère pour cet oiseau, elle pleurait.
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Voilà qui serait bien une première. Les experts, disent que d'habitude elle est complètement récalcitrante à toute forme de communication.
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Peut-être qu'elle préfère simplement la conversation des oiseaux à celle des experts, ajoute le petit Zilner d'un ton évident.
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Je pense que tu as tout à fait raison, cette alien aime à s'entretenir de choses plaisantes et agréables, comme il transparaît dans le chant des oiseaux. Je te remercie de me faire part de ton point de vue. Voilà qui va améliorer nos recherches, notre monde fourmille d'experts en oiseaux qui seront ravis de la rencontrer.
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Vous devriez plutôt essayer de lui faire rencontrer des musiciens, reprend Zilner. Elle a encore trop de mal à parler, mais peut-être que cela viendra.
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Il est difficile de faire entrer la science des sons et du verbiage lorsqu'un esprit a été décontextualisé à la naissance et qu'il n'a pas reçu l'amour d'une mère, d'une famille, expose Amoni d'un air attristé. Mais nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir. La science de l'esprit peut aussi servir à remédier à cela.
Réconfortés par ce premier succès, Nerti et Zilner reviennent dans le grand jardin du centre de soins. Là, le sage Amoni sort un petit sac, avec de délicieux gâteaux qu'il distribue à ses fils. Cette scène charmante s’éloigne, les enfants continuant d'écouter le murmure des oiseaux et des amphibiens qui chantent dans une petite mare.
C'est une journée paisible, merveilleuse et ordinaire, comme il s'en écoule beaucoup en ce petit paradis.
La vision de la surface du monde cesse, je me réjouis de la rencontre fascinante de mon si sage ami, qui cherche par tous les moyens à guérir cette jeune apparition de son passé. Je sens là des possibilités merveilleuses se faire jour. Après tout, ce type de créature absente est extrêmement rare et une telle rencontre est un événement pour les nôtres. Sur mon monde, il n'existe pas de lieu pour enfermer les êtres dits « fous ». Nous les considérons comme des êtres purs, et nous les soignons. Un très petit nombre ne peut l'être. Ceux qui sont désertés par la cognition ou le verbiage sont abrités en des temples et entourés d'une sorte de vénération. Ils y pratiquent des activités simples, tournées vers la nature et la méditation, qui suffisent à leur bonheur. Les soigneurs parviennent à les libérer de la peur, par des traitements énergétiques appropriés.
Je sortis de la transe télépathique brillante et éprouvais un infini contentement. Mon père avait accepté Zilmis, il aspirait à revenir en notre verte contrée pour revoir ma famille et parler du monde intérieur. Il m'avait offert de partager son esprit, son expédition, et tout ce qu'il avait découvert. Nous n'étions qu'au début de notre illumination en ce lieu magnifique.
Je me redressais et mon père me sourit d'un air rayonnant. Il avait été comblé par notre venue, et il s'entendait fort bien avec mes compagnons.
Le soir vint, et Erazel nous fit cadeau de sa présence au moment où nous étions occupés à installer la table. Elle prit place avec Zilmis, nous contant par le menu détail leur agréable exploration de ruines séculaires où se trouvaient des statues géantes absolument parfaites représentant de nombreux peuples stellaires. Erazel fit apparaître pour nous de délicieux petits beignets dont elle avait le secret. Mon père rit et fit apparaître à son tour une boisson semblable à quelque nectar capiteux, dont il suffit de boire une gorgée pour se sentir entrer en une grande féerie. Une conversation joyeuse débuta et se poursuivit une partie de la nuit durant, nous étions tous captivés par les images du monde intérieur que mon père projetait sur le mur clair au fil du récit de ses aventures.
J'ai été très heureux de pouvoir vous délivrer ce récit, chers habitants du monde bleu par delà les espaces ! Révérez votre planète, la Terre, qui s'embellit et qui renaît chaque jour, offrez-lui tout votre amour. Votre amour peut tout, il peut tellement ! Je vous dis à une prochaine fois et vous adresse toutes mes pensées de joie rayonnante.
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