Le jour le plus attendu (1/5)
Message du Professeur Zolmirel
Chers amis de la Terre bleue, je viens en ce jour nouveau vous parler de mon monde.
Nous étions de retour en notre charmant petit village, et Amoni se sentait parfois dépassé par les torrents d'énergie qui l'entouraient.
Mais je percevais son bonheur, un bonheur bien plus grand que celui prodigué par l'étude. Notre esprit possède une soif de connaissances bien plus vive que le vôtre, et souvent nous entrons en ces sortes d'extases silencieuses dues à nos merveilleuses découvertes.
Très versés dans l'art de comprendre les plantes, Amoni et moi-même nous complétions parfaitement. Et à présent, en plus de la pensée si précieuse de mon grand ami, je percevais celle de sa douce compagne.
C'était une pensée incroyablement virevoltante et allègre, un peu comme celle d'une enfant. Elle s'étonnait de tout.
Ce matin là, je la rejoignis alors qu'elle se promenait dans le jardin. Elle poussa un son léger comme le gazouillis d'un oiseau en m'apercevant. Je pris place sur un siège et commençais à dessiner une très grosse araignée rose dans sa toile. L'araignée se nourrissait de gouttes de nectar qu'elle trouvait dans une fleur de couleur exacte à la sienne. Elle buvait aussi les gouttes de rosée présentes sur sa toile. Lorsqu'il en restait, elle transportait ces gouttes sur son dos à l'aide des soies qui recouvraient son corps. Elle les déposait dans les fleurs pour préparer son prochain repas, récoltant au passage un peu de pollen. La plante produisait à son attention les phéromones les plus attirantes pour la remercier.
C'était un exemple de communion parfaite entre la vie animale et végétale comme il en existait beaucoup sur mon monde. Mon amie me fixait de ses yeux d'un bleu presque blanc, alors que je traçais ces lignes. Elle semblait profondément intriguée. Elle tendit les mains et poussa un soupir triste.
Je compris qu'elle désirait apprendre à écrire.
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Avant d'écrire, il faut pouvoir parler, exposais-je gravement. Mais cela viendra.
Curieux, je lui tendis une feuille, et elle commença à dessiner. Pas de doute possible, elle possédait un très grand talent. Elle dessina avec soin un vaste navire, et j'en fus bien impressionné. Ensuite, elle traça deux signes juste en dessous.
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Quelle merveille ! C'est vraiment magnifique. Seriez-vous donc une experte en propulsion sidérale ? interrogeais-je.
Elle sourit et baissa modestement les yeux, très contente d'elle. Puis, elle se leva d'une traite et alla gambader au jardin en chantonnant de nouveau d'un air absent.
J'étais tout à fait enchanté, car ces éclairs de lucidité se produisaient de plus en plus souvent. Sa guérison avançait, de toute évidence.
Je saisis la précieuse représentation du vaisseau immense et rejoignis Zilmis, occupé à poser différents dispositifs antigravité secondaires sur notre navire. C'était lui l'expert absolu en matière d'esquifs et il confirma ma première impression.
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Un croiseur Denakh de vaste taille, fort bien proportionné. Les lignes sont très élégantes et la voilure atteste d'un modèle de tri 800 000 ans, confirma-t-il. C'est un navire d'exploration minière.
Zilmis blêmit subitement, il venait de voir l'inscription en Denakh. Un nom semblait résonner dans sa conscience. Je pressentis que ce vaisseau recelait une immense importance.
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Néonora, traduisit Zilmis avec peine.
Cette fois, ce fut moi qui blêmit. Le Néonora était précisément ce vaisseau qui s'était abîmé près d'un astéroïde. C'était précisément celui où Amoni avait été envoyé 7 ans plus tôt...
Nous n'en parlions jamais, car tout ceci était terrible à évoquer pour les enfants et pour Amoni. Zilmis ne pouvait être au courant, bien sûr. Je lui exposais brièvement la situation par télépathie.
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C'est là qu'Amoni a découvert les enfants. Ils étaient presque entièrement gelés. Il y avait une grande alien près d'eux, et nous pensons qu'elle s'est sacrifiée pour les sauver en les abritant dans une alcôve. Elle a ensuite été rendue à l'astéroïde par son peuple. Le vaisseau a été remorqué et restitué à nos amis de la délégation Denakh.
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Pourquoi les enfants sont-ils demeurés ici ? s'étonna Zilmis.
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Ils ont fait le choix de ne plus être esclaves, ils voulaient rester ici avec Amoni. Sur leur monde, les petits clones doivent travailler durement.
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Les Denakhs n'en ont-ils pas été offensés ? s'étonna Zilmis.
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Les émissaires Denakhs avec lesquels nous communiquons sont contre la soumission des petits clones. Ils trouvent cela très injuste, et ils se sont profondément réjouis.
A cet instant, notre amie nous fixa avec une intensité troublante. Tout comme moi, Zilmis venait de voir un autre signe.
A cet instant, Amoni apparut avec un plateau contenant des breuvages et un cake aux légumes qui sortait précisément du four. Il était d'une humeur des plus radieuses. Chacun de nous s'assied et sirota son breuvage en se restaurant.
Nous ne pouvions croire aux implications de tout ceci, et pourtant, Amoni devait apprendre la vérité. Il était lui même un grand expert en hiéroglyphes. Zilmis entraîna notre charmante amie vers la cuisine, alors que je menais Amoni vers une partie du jardin dégagée, où sa foudre subite ne pourrait causer nul dégât.
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Quels sont ces airs de mystère ? s'étonna-t-il. Parlerez-vous ?
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Avec joie, répondis-je. C'est l'émotion qui m'en empêche, mon cher ami.
Je montrais le dessin du fastueux croiseur Denakh à Amoni, et il en fut bouleversé. Il s'assied sur une pierre plate du jardin et je l'imitais.
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Pouvez-vous lire ces mots ? lui demandais-je après un instant.
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Oui, il est écrit Néonora... et... c'est à peine croyable...
Amoni dut s'interrompre pour sécher ses larmes.
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Vous êtes sûr et certain qu'elle ne sait pas écrire ? exposais-je.
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Oui, les experts sont formels là dessus. Son esprit est celui d'une enfant d'à peine quelques années. C'est donc une langue prénatale...
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Et quel est donc ce mot ? questionnais-je avec intensité.
Ma curiosité était à son sommet en cet instant.
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Il est écrit de manière accolée Nerti et Zilner... parvint à répondre Amoni avant de sangloter.
Je le réconfortais de mon mieux, car Amoni, ces derniers temps, manifestait une émotivité très vive. Bien sûr, en cet instant, il s'agissait de larmes de joie.
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Vous avez conversé avec les enfants, pas vrai ? interrogeais-je. Ils se souviennent certainement du nom de leur mère ? osais-je demander.
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Oui, ils l'ont vu, quand ils ont été emmenés sur l'astéroïde avec le professeur Zablinsk pour lui rendre hommage une dernière fois. Leur mère était chargée de la timonerie, elle s'occupait du phasage des réacteurs et surveillait l'activité de la cuve à fusion. Elle se nommait Minel Haschher...
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Excellent, répondis-je, très ému à mon tour. Minel, c'est là un ravissant prénom Denakh.
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Il se peut qu'elle décide de choisir un autre prénom, ajouta précipitamment Amoni. Parfois, une âme choisit de renaître sous une autre identité, et il faut respecter cela. Nous devons la laisser choisir son prénom, comme la coutume l'exige.
Nous sommes tombés d'accord sur ce fait et je me plus à imaginer quel prénom Minel choisirait. Sans doute celui de quelque fleur précieuse, comme il en existe sur mon monde. Nous avons devisé de manière plaisante à ce propos.
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