Le petit Kolal (1/4)
Message du Professeur Zolmirel
Ce texte a été très particulier et bien agréable à recevoir. Une fois de plus, les êtres subtils se sont manifestés avec éclat, je les remercie de tout coeur. La pensée du professeur Zolmirel, qui relate cette scène, était emplie d'une grande émotion, cela m'a fait venir les larmes aux yeux. Comme c'est un petit être très fragile qui vient au monde, ils doivent prendre toutes les précautions pour que cela ait lieu le mieux possible.
J'ai essayé de relater cela le mieux possible, en particulier à quel point l'enfant est précoce, sensible et si attachant, à quel point la famille est présente et vient soutenir la maman.
Je reviens vers vous en ces temps précieux de repos, de renouveau.
Notre vie paisible se poursuivait dans la joie la plus parfaite. La sœur de mon ami, le sage Amoni, allait bientôt donner le jour à un petit alien. Aussi, nos cœurs se gonflaient de bonheur à cette simple pensée.
Nous avons découvert avec beaucoup d'émotion les premiers clichés montrant la silhouette minuscule du petit être.
Limmel, la jeune sœur de Zilmis, qui séjournait à présent parmi nous, n'en croyait pas ses yeux.
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Votre magie peut donc révéler la silhouette de l'enfant qui est caché, s'étonna-t-elle ?
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Oh oui, fit Amoni avec courtoisie, cela est très aisé pour les nôtres. Il n'y a rien de magique là dedans. La mère de l'enfant possède des cellules qui émettent un certain champ vibratoire, un certain rythme. L'enfant vibre beaucoup plus, sa circulation sanguine est bien plus rapide. Les senseurs détectent ces différences et on peut estimer précisément la forme de l'enfant à naître à l'intérieur de son œuf. Les experts en naissances s'en servent pour savoir s'il va bien. Évidemment, ils s'assurent que la mère ne souffre de nul inconfort.
Un peu soucieux, Amoni prit place sur un siège. Sa sœur, comme tous les Kolals, portait un œuf de taille impressionnante. Elle était affaiblie, elle devait se déplacer avec précautions, et c'était donc dangereux de la laisser ainsi. Les experts avaient consulté des astrologues, afin de faire sortir l’œuf avant terme au moment propice. Il fallait que certaines marées planétaires, certaines énergies soient les plus favorables.
Amoni, avec sa prévenance habituelle, lui rendait visite ou conversait avec elle chaque jour.
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La naissance aura lieu bientôt, nous dit-il en blêmissant. Ce sera un gros soulagement. Ma sœur ne peut presque plus bouger.
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Vous avez très bien fait, ami, lui répondis-je. Mangez un peu de cette tarte aux fruits, Zilmis l'a préparée spécialement pour vous. Vous êtes parti à l'aube et n'avez pris nul en cas.
Chacun de nous redoubla d'attentions, Minel entourant tendrement son bien aimé. Nous avons proposé d'accompagner Amoni, et il nous informa que nous étions tous les bienvenus. Sa famille serait réunie au complet pour la naissance qui approchait.
Ce jour là, je me rendis avec Minel au site de fouilles archéologiques. Un orage spectaculaire avait permis d'excaver les fondations sur lesquelles nous travaillions depuis fort longtemps de manière très à propos. Nous avons devisé longuement sur les plantes représentées sur des carreaux de porcelaine, intacts malgré les siècles. Limmel se révéla d'une aide précieuse.
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Ce sont des plantes de la province des montagnes, nous dit-elle avec une joie communicative. Voilà pourquoi les botanistes ne les ont pas répertoriées.
Chacun de nous l'écouta avec soin, un petit attroupement se forma. Peu habituée à se faire remarquer, la timide Limmel nomma chaque espèce en indiquant ses propriétés médicinales. Elle fut félicitée par de nombreux experts pour son érudition. Cela me fit éprouver un grand contentement. Au milieu de l'après-midi, nous avons quitté la zone de fouilles.
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Voici là enfin une science des vôtres qui sera reconnue à sa juste valeur exposais-je. Il est remarquable que ces plantes aident à soigner les enfants affaiblis ou blessés.
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Les femelles des montagnes les emploient depuis des millénaires, exposa humblement Limmel. Cela est connu par chez nous pour prendre soin des malades.
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Femelles des montagnes veillent blessés, très braves, assura gravement Minel. Mais votre dévotion jamais louée, jamais personne pour prendre soin de vous en échange. Cela très injuste, émit-elle avec une lucidité touchante.
Limmel croisa ses yeux brillants et parut assez déstabilisée. Elle commençait à prendre conscience du système patriarcal tyrannique qui régnait en sa province.
En cette région, les femelles et les androgynes étaient oppressés. En effet, lorsqu'ils tombaient malades, jamais personne ne voulait prendre soin d'eux, ni accomplir leurs tâches. Alors que quand les mâles devaient rester au lit, c'étaient aux femelles de les soigner et de veiller aux tâches agricoles à leur place.
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Il est logique qu'il en soit ainsi, tenta d'expliquer Limmel. Le maintien des cultures est vital.
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La préparation des repas et les soins envers les enfants le sont tout autant, assurais-je. Vous avez été habituée à penser dans le sens que l'on vous imposait. En notre province, un père de famille convenable doit pouvoir veiller sur toute sa famille, lorsque son épouse a besoin de repos. Les parents doivent pouvoir effectuer ensemble toutes les tâches que requiert une maison. L'époux de la sœur d'Amoni sait très bien que c'est à lui de prendre soin de son jeune fils tant que sa compagne ne peut bouger normalement. C'est à lui de tout préparer pour la venue au monde de l'enfant.
Limmel parut abasourdie. En sa province reculée des montagnes, les tâches dévolues aux femelles étaient immuables. Il aurait été très inconvenant qu'un mâle les accomplisse.
Nous sommes montés à bord de notre petit transport pour revenir chez nous. Limmel était encore très timide. Elle ne s'habituait pas aux regards curieux admiratifs. Beaucoup de ceux que nous croisions détaillaient ses yeux bleu pur étonnants, qui ressortaient sur son teint rose très pâle.
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Je dois sembler bien laide aux vôtres, s'inquiéta-t-elle.
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Bien au contraire, assurais-je, vous êtes d'une allure exceptionnelle. Les miens n'ont jamais vu d'alien des montagnes de si près. Pardonnez leur attitude. Ils sont heureux de votre venue, comme nous le sommes tous.
Elle parut admettre peu à peu qu'il en était bien ainsi. Je pris les commandes, tentant de l'amuser, en lui dépeignant l'attitude de certaines colonies aliens, où cette fois, c'étaient les mâles qui étaient sous la domination des femelles, plus vives et plus affirmées.
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Cela existe de tels endroits ?!! s'étonna Limmel. Et les mâles doivent tout nettoyer sans rien dire ?
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Oui, en effet, répondis-je en riant. En ces contrées de l'espace, il existe une civilisation alien à la technologie très grande. Les femelles sont plus dures, elles possèdent une attitude très autoritaire. Les mâles sont soumis et dociles, ils considèrent que le nettoyage leur incombe. Ils passent beaucoup de temps à frotter les coursives des vaisseaux stellaires, pour que tout soit impeccable. Ils sont considérés comme des serviteurs dès leur naissance. Ils reçoivent plus de respect de la part des femelles, que vous par les mâles en la province des montagnes. Ils ne sont pas brutalisés, et bénéficient de soins médicaux avec tout le confort. Mais cela est un écueil tout aussi grand que de séparer ainsi les deux moitiés d'un peuple. Mâles et femelles sont faits pour se comprendre et se soutenir en toutes choses. C'est cela le réel progrès d'un peuple qui mène à une civilisation brillante. Tous ses membres doivent être heureux et épanouis.
Limmel parut profondément interpellée par cet exemple. Je vis poindre en ses yeux brillants beaucoup de possibilités nouvelles.
À peine arrivés à notre demeure, il y avait une surprise. Esvar, le frère d'Amoni, descendit de son beau vaisseau turquoise pour nous accueillir.
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La naissance va avoir lieu, nous prévint-il avec un mélange de joie et de vive appréhension.
Chacun de nous bondit à l'intérieur pour chercher les bagages que nous avions apprêtés des jours auparavant. Amoni était déjà parti auprès de sa sœur, sans rien emporter. Minel se saisit donc de leurs effets.
Esvar nous invita à monter à bord et décolla promptement. Un peu tendus, nul parmi nous ne soufflait mot. Je laissais aller ma pensée, fasciné par la matière de son navire, à l'intérieur sombre et mystérieux, qui ressemblait à de l'obsidienne bleue irisée. Le tableau de bord magnifique était constellé de cadrans lumineux surtout jaunes et orangés. Les sièges étaient si confortables que je faillis m'assoupir malgré ma nervosité.
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La surface est issue d'un cristal natif, exposa Esvar en pianotant avec virtuosité sur le tableau de bord. Ce navire est vraiment très agréable à piloter, même s'il est très ancien. Il provient de l'astéroïde où je vis. Les êtres de Lumière ont ménagé un passage pour nous aider, expliqua-t-il.
En effet, une porte apparut, juste devant nous. Il s'agissait d'un simple cercle de lumière jaune pâle. Le vaisseau s'y engouffra, et à peine une seconde plus tard, le ciel couvert et humide chargé de nuages, devint d'un bleu éclatant. Nous étions arrivés en la lointaine province où vivait la sœur d'Amoni, Lestidda.
Nous sommes parvenus auprès d'une haute montagne parée de fleurs et de verdure. L'air était vif et frais, malgré l'ensoleillement. Une jolie demeure de belle taille était abritée dans un creux de la prairie. Tout autour, seuls cinq vaisseaux étaient posés. Pour l'instant, du moins. Nous étions en avance. J'aperçus Erazel qui se précipita vers nous. Zilmis surgit, avec les enfants chargés de présents.
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Est-ce que le petit alien est né ? demanda un Nerti surexcité. Est-ce que nous pourrons le voir bientôt ?
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Bien sûr, bien sûr mon chéri, fit Esvar avec bonté. Mais pour l'instant, il faut attendre un peu. Il va arriver. Nous devons être silencieux, cela aidera Lestidda à ce que tout se passe bien.
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La venue de tant de personnes est heureuse, mais il faut respecter une certaine discrétion, exposa Erazel.
Chacun de nous s'attabla sur la terrasse, et je saluais des parents d'Amoni tous très avenants, leur présentant Limmel, Zilmis et Minel. Les enfants, fous de joie, retrouvèrent leurs deux cousins, deux petits aliens au teint bleuté qu'ils adoraient.
Un peu plus tard, on nous permit d'entrer par petits groupes. Je fus autorisé à assister à la naissance, m'exposa Amoni par la pensée.
C'était un grand privilège, on me recommanda de ne faire aucun bruit.
J'entrais en un petit couloir beige, on me mena à l'arrière de la maison, en un lieu douillet très silencieux. Je découvris des soieries roses décorées de fleurs brodées autour des portes et des fenêtres. Puis, je m'inclinais en entrant dans la chambre. Blanche et vert d'eau, elle comportait des boiseries sculptées. Elle était décorée de tapisseries rouges somptueuses, avec des paysages crépusculaires, des animaux, et des portraits disposés autour du grand lit. J'y retrouvais Amoni, un peu anxieux, aux côtés de prêtres. C'était un moment sacré, celui où une nouvelle vie venait au monde.
Sa jeune sœur Lestidda était livide. Même pour une Kolal, son teint nacré était très pâle. Je fus profondément heurté en découvrant son ventre à la taille immense. L’œuf était si imposant, qu'elle peinait à respirer.
On nous pria par gestes de nous asseoir. Les prêtres commencèrent les incantations, avec le père et son jeune fils, les parents et les grands parents d'Amoni. En tout, une cinquantaine d'aliens étaient présents, assis par terre ou sur des sièges. Ceux qui ne pouvaient entrer dans la chambre regardaient par la fenêtre. Certains fermaient les yeux pour mieux se concentrer, je perçus des prières. Je compris que leur rôle était déterminant. Il n'y eut plus un son, même les aliens présents au jardin avaient cessé leurs discussions.
Les incantations se poursuivirent, de longues minutes durant, puis, la grand-mère d'Amoni dit quelques mots et commença à chanter, en posant ses mains sur le ventre de la future mère. Celui-ci possédait une consistance étrange, un peu comme de la gelée. D'autres chants, émouvants et joyeux résonnèrent. Amoni et tous ceux qui étaient proches de la mère posèrent de même leurs mains. Lentement, la peau du ventre sembla s'étirer, puis s'illuminer entièrement. Un éclat éblouissant en jaillit, puis apparut un grand œuf rosé. Le père de l'enfant s'en saisit, ensuite, chacun abaissa ses mains. La luminosité décrut, alors, le ventre de Lestidda reprit une allure plus normale. Il était juste un peu enflé et gélatineux.
La famille émue s'embrassa autour de l’œuf. Le père et le jeune frère le mirent ensemble dans une couveuse.
Ensuite, chacun félicita Lestidda, qui semblait à bout de forces. La pièce se vida. Les prêtres et la plupart des visiteurs sortirent. Amoni resta avec des soigneurs, pour contrôler les paramètres vitaux de la mère et de l'enfant.
Il nous rejoignit au jardin. Nerti et Zilner, très impressionnés par cette naissance fabuleuse, avaient mille questions à poser.
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Comment va le petit alien ? demanda Nerti.
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Il va bien, le rassura Amoni en souriant.
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Pourquoi ne veut-il pas sortir ? Il a peur de nous ? questionna Zilner avec candeur.
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Cela prend du temps pour un petit Kolal, fit Amoni. Cela est nouveau pour lui, il a dû quitter un milieu chaud et accueillant. Il serait trop brutal qu'il brise sa coquille dans l'immédiat. Il est né avant terme pour que cela soit plus confortable pour Lestidda.
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Je ne comprends pas tout, répondit Zilner.
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Lorsqu'un œuf croît, il prend la substance vitale de son parent. Lorsque l’œuf devient trop grand, cela devient dangereux. La mère n'a alors plus assez de force pour le faire jaillir. Alors, la famille se réunit pour l'aider à provoquer la naissance, comme c'est le cas ici. Elle focalise son énergie vers l'enfant, pour aider l’œuf à sortir. Un court instant, le ventre de la mère prend une consistance lumineuse pour permettre cela. Lestidda vous est très reconnaissante à tous les deux, vous êtes de très braves enfants. Elle nous remercie tous, dit-il d'un air ému.
Je réalisais à son visage, combien il pouvait être soulagé. La naissance s'était bien déroulée, sa sœur était hors de danger. Le considérable nombre de vaisseaux qui avait envahi la pelouse décrut. Environ 150 aliens, proches et lointains parents et amis, étaient venus aider à la naissance.
Je fixais l'horizon où la lumière déclinait. Chargé de senteurs florales légères, l'air laissait planer encore quelque magie. Ma pensée dériva, je me laissais aller à la rêverie. Erazel nous rejoignit, et fit apparaître pour nous une petite collation.
Avec Esvar et Minvela, nous nous sommes affairés en soirée à préparer un repas pour tout le monde. En plus d'Amoni, un expert en naissances et deux apprentis guérisseurs étaient là. Chacun logerait à bord de son vaisseau, ou de petites maisons mobiles, qui avaient été déposées dans le jardin pour l'occasion.
Nous étions soucieux d'apporter notre aide, et de ne surtout pas troubler la famille. Une naissance pouvait générer ce genre de tension, lorsque tous les regards sont posés sur la future mère.
Les soigneurs devaient se relayer pour surveiller l’œuf durant la nuit. Comme pour les oiseaux, le petit alien commençait à respirer au travers des minuscules alvéoles ménagées à travers la coquille.
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