La grande cérémonie Kolal (3/3)
Message du Professeur Zolmirel (suite et fin)
C'était maintenant le moment des bénédictions. Il était toujours très émouvant. Chacun de nous avait apporté avec lui un texte pour remercier Amoni et Minel des précieux instants passés en leur compagnie et bénir leur union. Il fallait dire ce texte à voix haute, en essayant de ne pas verser trop de larmes. Les parents, puis les grands-parents d'Amoni parlèrent en premier, disant combien ils étaient fiers de leur fils, et de leur presque belle-fille. Vint mon tour et celui de Zilmis, encore plus émotif que moi.
Il avait été décidé d'un commun accord que ce serait moi qui parlerait.
« Cela fait très longtemps que l'on se connaît, vous avez toujours été ce bel esprit brillant, un grand scientifique, un guérisseur courageux, qui n'hésite pas à risquer sa vie pour en sauver d'autres. Longtemps nous avons vécu ensemble, et ce sont de belles années de recherches, avec nos deux savoirs complémentaires, vous en remèdes à base de plantes et moi en botanique. Vous êtes toujours ce compagnon agréable avec lequel il est bon de discuter pendant des heures. La venue de Nerti et Zilner, puis maintenant de Minel, sont un bonheur encore plus grand ! J'ai toujours été impressionné de voir à quel point elle vous est si remarquablement complémentaire. Notre famille compte maintenant une nouvelle alien exceptionnelle, une qui a su affronter son passé avec beaucoup de vaillance et regagner une assurance digne des grands explorateurs de l'espace. Merci pour ces précieux moments passés ensemble. »
Ma voix se tut, et je fondis en larmes, Amoni et Minel m'étreignant. Je rejoignis Zilmis occupé à s'éponger les yeux. Vinrent les bénédictions des enfants, très émouvantes.
Ils rejoignirent Ilnelys, un parent de Minel avec lequel ils s'entendaient fort bien. Ilnelys était aussi un Denakh, et un Hashher. Ils possédaient donc tous deux le même lignage génétique. Il adressa des bénédictions touchantes à Minel, qu'il considérait à la fois comme une fille et une jeune sœur.
Je le rejoignis à la table, et une conversation plaisante s'engagea, sur la réfection d'un navire héroïque, l'Heskudden, abrité pour l'heure dans le hangar spatial souterrain du Grand institut.
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Les parements externes fragilisés ont tous pu être déposés, expliqua le sage alien en clignant de ses grands yeux noirs brillants. Les experts ont pu remédier à renforcer toutes les poutrelles internes.
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Et nous avons visité la salle des machines dont une partie a été rénovée. Tous les sondoscopes de calcul de poussée antique ont été remplacés par des modèles bien plus précis, expliqua fièrement le petit Nerti.
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C'est vrai, assura Ilnelys. Les experts de votre monde ont fait un travail remarquable en collaborant avec les ingénieurs Denakhs. Ils ont créé des consoles de sondoscopes sur mesure, avec les emblèmes de notre monde. Cela a beaucoup touché les équipes.
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Alors ensuite, tu vas retourner sur ta planète ? demanda Zilner, un peu inquiet de cette perspective.
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Non, je resterai ici, exposa Ilnelys. Ils ont besoin de moi pour améliorer les contacts avec les ingénieurs Denakhs. Et puis, je n'ai jamais été sur Thamnoth, elle est bien trop loin, fit-il avec bonté en le serrant près de lui.
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Comment est-elle ? demanda Nerti fort curieux.
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Aride, froide, venteuse et glaciale, assura-t-il en servant les enfants en gelée de fruits.
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C'est vrai, reprit Dorian, pendant que chacun se régalait. Mais il y existe un peu de vie, une vie biominérale qui résiste tant bien que mal.
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Pourrais-tu nous montrer cette vie ? s'enquit le petit Zilner. C'est notre planète originelle, je suis triste de ne jamais l'avoir vue.
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Oui, bien sûr, nous pourrons la voir après la fin du repas, assura Orel. Et pourquoi pas, aller y faire un tour ? fit-il avec un clin d’œil à l'attention des enfants.
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Tu veux dire que tu peux y aller avec ton vaisseau ? fit un Nerti abasourdi. Elle se trouve dans une autre galaxie...
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Oui, c'est possible pour nous, assura Orel. Il faut pouvoir « passer », transiter sous une forme énergétique pour que le voyage soit le plus rapide possible. Les émissaires Denakhs discutent en ce moment avec les nôtres et les vôtres pour mettre au point une expédition.
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Ils souhaitent développer des plantes qui pourront croître sur Thamnoth ? demandais-je.
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Oui, il en est bien ainsi. Ils souhaitent aussi aider les Gzokis qui sont les habitants originels. Certains ont fui le régime impérialiste, déclara Orel. Mais il faut des mois de voyage pour pouvoir les ramener pour l'instant.
Mon esprit en vint à s'évader fort loin. J'avais toujours été fasciné par la lointaine Thamnoth. Cette planète désolée était paraît-il très endommagée par les polluants. Autrefois prospères, les aliens Denakhs avaient connu de terribles guerres. Leur planète avait été gravement endommagée, l'atmosphère s'échappant dans l'espace, les radionucléides et l'usage de produits polluants avaient précipité leur chute avec l'anéantissement de leur patrimoine génétique originel.
Les Denakhs avaient dû avoir recours au clonage pour subsister. Les Gzokis, le peuple originel, comprenait beaucoup de généticiens au savoir très étendu.
Notre repas de déroula très allègrement. Je pus converser joyeusement avec mon vénérable ancêtre Oralecto. Chacun se servit en excellentes pâtisseries, en nectar de fruits et en gelée de champignon. Il y avait des mets de toutes les provinces, chose agréable. Les prêtres aussi ne furent pas oubliés, avec l'orchestre.
La nuit commença à tomber, et nous avons regagné une vaste demeure toute illuminée, qui avait été mise entièrement à notre disposition.
Elle était ceinturée d'une grande balustrade, là où les fauves éventuels ne pouvaient approcher. Nous nous sommes réunis au salon, Minel contant une histoire aux enfants sur le passé de Thamnoth. Par commodité, elle parlait en Denakh, toutefois chacun de nous comprit.
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Autrefois, Thamnoth était verte, heureuse et très prospère, comme ici. Il y avait de très nombreux temples de pierre. Les habitants vivaient alors sur Halendrum, un astéroïde. Ils ressemblaient aux humanoïdes et avaient un peu de cheveux. Thamnoth était le centre religieux, et Halendrum, la cité mère d'où tout se faisait. Des villes immenses y furent érigées. Puis, il y eut des guerres terribles, les deux mondes furent ravagés. Une partie des habitants put se réfugier sur Thamnoth, il s'agissait de chercheurs, de brillants esprits, les Gzokis. Les polluants avaient endommagé le patrimoine génétique des nôtres. Alors, les Gzokis eurent l'idée de créer des serviteurs, les valets et les petits clones. Les valets étaient grands et très robustes, en bien meilleure santé que les premiers, la caste noble originelle. Les clones étaient petits avec très peu de besoins énergétiques, ils étaient très soumis, d'une efficacité sans faille. Une partie des Denakhs a fui dans l'espace, à bord des héroïques croiseurs des anciens temps. Puis, cela a duré des milliers et des milliers d'années. Les chercheurs ont pris conscience qu'ils s'étaient écartés du principe originel de la vie, du cœur, des émotions. Ils avaient créé des êtres très intelligents, mais figés, glacés. La planète demeurait ce lieu froid et triste, les Gzokis s'étant réfugiés dans les profondeurs. Depuis, les révoltes silencieuses commencent à se produire un peu partout. Maintenant, est venu le moment de l'espoir.
Dorian avait émaillé ce récit poignant de nombreuses images de Thamnoth, « la belle oubliée ». Un ensemble de montagnes fastueuses couronnées de givre apparut, avec des sommets acérés et un ciel grisâtre à faire froid dans le dos. On percevait quelques brumes éparses au fond de certains vallons, où s'ouvraient des gouffres béants ponctués de ruines. De la lave tourmentée s'était figée en d'improbables statues, rappelant de manière troublante la silhouette de ceux qui avaient vécu là voici des millions d'années.
Les enfants avaient sans doute bien des questions à poser, mais le sommeil les submergeait. Chacun de nous alla se coucher, heureux de cette journée magnifique.
Le voyage vers Thamnoth devrait attendre encore, même si avec les êtres de Lumière, tout était possible.
Je vous remercie d'avoir suivi ce récit, chers amis de la Terre bleue. Recevez toute ma gratitude !
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