Le grand temple d'altitude (3/3)

Publié le 13 août 2024 par Aurélia LEDOUX

Message du Guérisseur Lestrys (suite et fin)

Parmi les enfants, des soigneurs venaient refaire leurs bandages, leur servir des mets et des boissons, ou simplement discuter avec eux. C'était un très bel endroit, et je versais quelques larmes d'émotion en apercevant le dernier petit blessé occupé à construire un vaisseau miniature avec un autre convalescent. De longs rires d'enfants ravis résonnaient.

C'est la vie qu'ils devraient tous avoir, exposais-je en voyant les petits clones s'amuser entre eux. Je me demande si Stency et Lokhaïl pourraient venir en ce lieu ?
Bien sûr qu'ils le pourront, assura gracieusement l'être de Lumière. Ils ont aussi besoin de terminer leur guérison. Vous leur avez offert une vie bien plus agréable. Au départ, ces petits ne sont censés être que des esclaves.
C'est une triste vérité, exposais-je. Leur vaillance a permis d'anéantir le système immonde des castes.
En ce cas, vous apprécierez de voir le niveau suivant. La plupart de ces servants ont été recueillis dans l'espace par des vaisseaux de secours. Leurs pensées de détresse ont été captées. Certains ont été éjectés, suite à des avaries, alors qu'ils travaillaient et qu'ils étaient sortis dans l'espace. Il nous faut maintenant quelques minutes pour les localiser, mais cela est encore trop. C'est très dangereux, les clones désarrimés peuvent heurter une poutrelle, ou pire... Aussi, des patrouilles de surveillance se tiennent prêtes à intervenir aux abords des vaisseaux qui emploient encore des esclaves. Certains ont passé plusieurs heures, voire plusieurs jours dans l'espace, alors qu'ils étaient inconscients. Leurs pensées sont des plus faibles, nous faisons le maximum pour leur venir en aide.

Nous sommes entrés au niveau suivant. Des clones portant parfois des bandages impressionnants étaient réunis dans une petite salle, qui ressemblait à une serre géante. Assis à des tables, ils réparaient de nombreux équipements, leurs grands yeux luisants de joie exprimant un plaisir manifeste. Certains, en effet, arboraient des plaies violacées dues au froid de l'espace. D'autres enfants étaient présents, de jeunes humanoïdes, des petits lézards, et d'autres formes de vie très variées.

J'aperçus ensuite un autre jardin. L'ambiance y était très douce. Des petits immatures aux grands yeux rieurs faisaient leurs premiers pas, aidés d'un adulte, parfois ému aux larmes. Des familles marchaient en ce lieu, fixant les enfants avec le même espoir fragile. J'aperçus également des groupes de chercheurs, qui venaient adopter les enfants plus âgés.

Je cherche un petit mécanicien stellaire, exposa un premier affable à un être de lumière. Notre navire a besoin de ses talents. Nous avons déjà un vaillant petit à notre bord, fit-il en entourant un jeune clone timide. Il aimerait avoir un compagnon de jeux. Et avec deux enfants, il y aurait bien moins de travail.
C'est très compréhensible, fit un être de Lumière. Quelles compétences recherchez-vous chez cet enfant ?
Un clone spécialisé dans le réglage des systèmes de poussée serait bienvenu. Cela échappe à mon entendement. Nous sommes un navire d'exploration scientifique, mes collègues sont spécialisés dans l'étude des pollens et des moisissures.

Le premier fixa avec bonté quatre aliens, et deux autres petits clones. Je devinais qu'ils étaient employés autrefois dans le même laboratoire, et qu'ils avaient choisi de demeurer ensemble. Sans le savoir, ils formaient déjà une famille.

Nous laissons les liens se mettre en place de manière naturelle, fit l'être de Lumière. Les clones plus âgés sont plus méfiants. Ils faut qu'ils se sentent parfaitement à l'aise avec leur future famille.

J'observais avec beaucoup de bonheur la complicité naissante de deux premiers un peu raides, avec un jeune valet aux jambes encore tremblantes.

Ce sont encore des convalescents ? m'étonnais-je.
Le processus d'adoption réussit mieux, quand la future famille est impliquée dans la guérison des enfants. Ils sont plus vulnérables, mais aussi plus réceptifs. N'oubliez pas que les émotions de la plupart des servants ont été volontairement inhibées par le conditionnement. Ils ont été conçus génétiquement pour aider autrui. Il leur est donc très difficile de concevoir qu'eux-mêmes puissent avoir besoin d'aide à leur tour. La plupart ont généré une barrière mentale presque infranchissable sur leurs anciens souvenirs, dont la séparation brutale avec leur mère. Cela est donc un processus douloureux au départ d'envisager la vie dans une nouvelle famille.
C'est bien vrai, exposais-je. Leur esprit a refoulé cela pour qu'ils puissent continuer à avancer. Au début, Stency n'arrêtait pas de pleurer. C'était un clone de ménage.
Vous êtes bon, très bon, chercheur Lestrys, d'avoir recueilli cet enfant. Vous avez su entrevoir la brillance qui demeurait en lui et lui avez redonné espoir.

Je remerciais mon interlocuteur si agréable. L'adoption de Stency s'était faite très naturellement. A l'époque, j'étais déjà profondément révolté par la dureté de vie imposée aux équipes de nettoyage. Stency était bien trop jeune lorsqu'il avait rejoint le monde du travail. Il ne cessait de tomber et de se meurtrir. Un beau jour, j'avais décidé de lui venir en aide, et l'avais emmené dans mes appartements pour le soigner. Au départ, Stency avait eu très peur. J'avais reçu l'aide de mon fidèle ami Eratsu, et d'autres aliens courageux pour le dissimuler le temps nécessaire.

Je songeais que peu de recherches seraient effectuées pour retrouver un clone de ménage qui manquait à l'appel.

Au fil du temps, j'avais trouvé le moyen de légitimer Stency en notre laboratoire, et il s'y était épanoui, échappant à une vie de labeur.

Je contemplais chacun des enfants présents dans la grande serre et formulais le même vœu à leur égard.

Nous avons continué notre visite du grand Temple. Il me fut donné d'assister à des guérisons exceptionnelles. Les maîtres guérisseurs de ce lieu refermaient des plaies affreuses, ressoudaient les os, ou retiraient des grosseurs rien qu'avec leurs mains.

Célia m'avait déjà parlé des soins de lumière effectués par les peuples plus énergétiques et c'était un privilège d'y assister, de voir l'énergie colorée s'échapper de leurs mains pour agir en profondeur.

Cette énergie était dorée, blanche, vert pâle, ou au contraire rosée, suivant le soigneur, et suivant l'être à guérir, le type de plaie. Je me sentis en peu d'instants au sommet de la brillance, et formidablement heureux comme frappé d'une révélation pleine et entière.

Je vous souhaite de connaître les mêmes instants de félicité, la même illumination en vos vies pleines de rebondissements. Recevez mes plus grandes pensées de joie, de bien être, que la grâce vienne se poser sur vous et tous ceux qui vous sont chers.

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