Les activités sur mon monde (4/4)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Les activités sur mon monde (4/4)

Message du Professeur Zolmirel (suite et fin)

 

 

Je me levais, et descendis peu après sans bruit, rejoignant mon père sur la terrasse. Il lisait, et parut radieux en me voyant. Il me serra près de lui, tout à fait rayonnant.

 

Il me servit une collation, et une infusion. Puis, je décidais de lui conter mon rêve.

 

  • Cela me semble très bienvenu, dit-il mystérieusement.

  • Zilmis a deux sœurs, exposais-je. Elles sont craintives et effacées. Pour les aliens des montagnes, les femelles doivent servir les mâles toute leur vie durant. Elles ne travaillent qu'aux tâches domestiques. Les mâles craignent leur intelligence, leur liberté de penser. Ils n'ont cure de leurs rêves. Cela est très cruel.

  • Lorsque l'on dort, les fils de l’esprit tissent pour nous les scènes que l'on aimerait voir apparaître. Ils agissent pour ce faire, et notre foi fait advenir des futurs meilleurs.

  • Alors ces visions ne sont pas vaines ? m'étonnais-je.

  • Bien sûr que non, assura mon père avec sagesse. La vision conditionne la renaissance. Cet endroit n'était pas bien glorieux par le passé. Erazel m'a aidé à le métamorphoser comme il convient. Il en est de même pour la relation de défiance entre Zilmis et son père. Il n'a connu de lui que mépris, dédain. Son père fait partie des familles qui ont eu la chance de voir naître un petit androgyne, aux talents nombreux, et il ne voit pas cette chance inouïe d'accueillir un tel enfant. Au fil des millénaires, les nôtres ont su porter leur regard en avant, loin au delà de la méfiance, que faisait advenir un tel événement. Beaucoup des anciens qui veillent notre monde sont plus ou moins androgynes. Ils veillent sur nous et nous les aimons.

  • Le père de Zilmis peut-il changer ?

  • Tout peut changer. Une chose est certaine, il est venu tenter de reprendre son enfant...

  • Juste pour le voir effectuer des tâches ménagères ingrates, déplorais-je.

  • Je n'en suis pas sûr, philosopha mon père. Certains parents du peuple des montagnes déguisent leur attachement pour leur famille sous ces liens de coercition séculaire. Malgré tout, ils tiennent à eux. Le père de Zilmis est en train de réaliser qu'il lui manque.

 

J'étais assez dubitatif, mais je décidais d'accorder une chance à ce miracle. Les êtres de montagnes n'étaient point aussi prompts à livrer leurs émotions que les nôtres. La télépathie ne se manifestait point aussi pleinement chez eux, en raison de la méfiance. Leur fluide psychique se déployait autour d'eux en cascades brutales, qui pouvaient refluer tels des torrents furieux, pour jaillir avec force, ou s'apaiser, l'instant d'après, comme un murmure. Ils étaient donc imprévisibles.

 

Notre peuple des marais était bien plus paisible, attaché à une certaine tranquillité, et à une vie joyeuse. Zilmis nous ressemblait beaucoup, il était très différent des siens.

 

Cependant, je réalisais mon erreur. Je ne savais presque rien de ses sœurs, de leurs aspirations. Tout comme il connaissait mon père, je réalisais à présent que je désirais mieux connaître sa famille. Ils ne pouvaient tous être aussi hargneux que ses parents et ses oncles au caractère bougon.

 

Peut-être était-ce là la signification de ce rêve ? Je fixais la jungle avec bonheur, et formulais une prière. Mon bonheur était déjà bien grand. Si nos deux familles pouvaient encore se rapprocher, quel bonheur ce serait alors ?

 

Nous entretenions déjà de cordiales relations avec la tante et l'oncle de Zilmis, des aliens éclairés et avenants. Tout pourrait changer.

 

L'humidité planant sur la jungle reflua peu à peu, les araignées s'empressant de boire les dernières gouttes de rosée. Le toit de la jolie demeure de mon père en vint à abriter un joyeux ballet de petits lézards et d'oiseaux, désireux de se chauffer au soleil.

 

Amoni et Minel apparurent, avec Orel et Dorian, qui semblaient parfaitement reposés.

 

Mon père avait prévu ce jour là de faire des confitures, et chacun s'affaira à ce travail allègre avec bonheur.

 

La matinée commençait, lorsqu'il y eut une surprise. Un vaisseau bleuté et argenté aux lignes blanches sur les ailes se posa au loin. Je reconnus le vaisseau d'Erazel. Mon père intrigué se leva.

 

  • Qui cela est-il donc ? s'étonna-t-il.

 

Chacun de nous sourit largement, en découvrant deux petits lutins joyeux. Les enfants étaient là ! Amoni et Minel se précipitèrent à leur rencontre pour les embrasser.

 

  • Je n'allais pas venir sans ces deux petits farceurs ! lança Erazel qui surgit de derrière la haie.

 

Nous lui avons fait bon accueil. Je fixais mon père, le visage quelque peu ému, qui découvrait les enfants pour la première fois.

 

  • Tu dois être Nerti, dit-il en s'approchant avec hésitations.

  • C'est bien moi, fit le petit alien avec joie.

  • Et toi, tu es Zilner ?

  • Oui, répondit timidement Zilner en rosissant.

     

Mon père les serra près de lui en les embrassant. Une larme coula de son œil gauche. Il était ému de les contempler pour la première fois. Bien sûr, Nerti et Zilner possédaient la frêle apparence des petits clones au teint de neige, mais mon père s'en souciait peu. Notre monde comportait très peu d'enfants. Je lui avais si longuement parlé d'eux, qu'il désirait inévitablement les connaître, comme Amoni, et toute sa famille.

 

Mon père fit visiter la maison aux enfants, qui en furent tout à fait ravis.

 

  • Ta maison est très ancienne ! lança un Nerti surexcité.

  • Oui, c'était une demeure en ruines, exposa mon père. Il y a eu pas mal de travail et de péripéties.

 

Les enfants entrèrent timidement dans la pièce qui leur avait été allouée. Ils découvrirent deux lits à leur taille, avec leurs couleurs favorites. Les lits avaient été sculptés en bois de champignons de repeuplement et restaurés habilement. Les murs en lambris peint en bleu lavande et en blanc, comportaient quelques photos de grottes fastueuses et de fleurs exceptionnelles.

 

  • C'est toi qui a fait cela pour nous ? demanda un Nerti très impressionné.

  • Oui, c'est pour que vous vous sentiez le mieux possible, répondit mon père très ému.

  • C'est vraiment très beau, assura Zilner. Merci beaucoup !

  • S'agit-il de clichés du monde de l'intérieur ? demanda le petit Nerti, toujours fort curieux.

  • Oui, émit mon père. Je les avais depuis longtemps.

 

Les enfants s'extasièrent sur la chambre, découvrant certains jeux et casse-têtes bien intrigants.

 

Amoni rejoignit mon père un peu plus tard.

 

  • Merci beaucoup, c'est très attentionné à vous, assura-t-il. Vous êtes très généreux de nous accueillir ainsi.

  • Ce n'est pas grand chose. Votre présence me comble de bonheur, exposa mon père, tout à fait ravi de voir les enfants gambader dans l'herbe en riant. Cette maison est bien grande, et je suis très heureux d'avoir un peu de visite.

 

Mon père alla mettre à cuire la confiture, et j'éprouvais une joie bien vive. Il avait fait de gros progrès en cuisine. Lorsqu'il reparut avec un plat de petits beignets, cela se confirma. La senteur d'un gâteau aux fruits emplissait la demeure d'une odeur délicieuse.

 

  • Est-elle venue ? questionnais-je, habité d'une vive espérance.

  • Oui, avoua mon père en rosissant quelque peu. C'est elle qui a aménagé cette pièce, fit-il en montrant le salon douillet agrémenté de fauteuils rebondis. Elle m'en a fait cadeau.

  • Et alors ? Qu'a-t-elle pensé du reste et du jardin ? Est-il toujours digne du palais de l'abandon ? demandais-je en m'esclaffant.

  • Oh non, non, répondit mon père, qui avait le triomphe modeste. Elle a dit que c'était très bien décoré, que les couleurs allaient fort bien au niveau des plantes. Elle a aimé le mobilier et l'ambiance différente de chaque pièce.

 

Ma mère qui était décoratrice d'intérieur, restaurait beaucoup d'antiquités. Elle adorait la confection des rideaux, des coussins et de tout ce qui orne une maison. Elle allait souvent en visite chez des familles, pour les aider à améliorer leur intérieur. Elle expliquait que le mariage des couleurs était très important et pouvait avoir un effet sur le bien être de chacun. Ses conseils étaient bons et Amoni l'aimait beaucoup. Ils ne s'étaient parlés qu'à peu d'occasions, aussi je songeais avec émotion à les réunir.

 

Mon père semblait transporté de bonheur de telles nouvelles. Mes parents demeuraient encore quelque peu méfiants l'un envers l'autre, mais les choses semblaient revenir en la bonne direction. Certain qu'ils s'aimaient toujours, je faisais tout mon possible pour améliorer leur entente.

 

  • Il faut laisser faire les choses, murmura Erazel doucement, alors que nous étions affairés en cuisine. Tout ira bien.

  • Il existe la rancœur du passé, et elle est tenace en ma mère, exposais-je par l'esprit. Elle a beaucoup souffert de son absence. Mon père a réussi à atteindre l'intérieur du monde, mais elle peine à lui pardonner ces années de solitude.

  • Elle sait pourquoi il l'a fait, assura Erazel. Les contacts avec les êtres de l'intérieur ont beaucoup progressé, certains peuvent à présent fouler le sol des régions les plus énergétiques de la forêt. Ils ont pu se rendre au niveau des anciens, et dans certains centres de soins, où ils officient. Tout est pour le mieux. Certains maillons énergétiques ont été réveillés, certains qui mènent à la province des montagnes. Tout est lié... exposa-t-elle avec un mystérieux sourire.

     

En quelques brèves pensées, je contais mon rêve à Erazel.

 

  • Cela m'est encore plus insupportable qu'à vous, de voir des aliens femelles recluses en cuisine, à des besognes peu gratifiantes, pendant que les mâles festoient et les traitent avec dureté. Je les expédierai bien vite au lavage des sols sur des croiseurs interstellaires géants pour leur apprendre le respect ! Mais cela ne serait pas une fin en soi. Cela doit venir d'elles. Ce qui est certain, c'est que l'exil des femelles progresse, et que la révolte gronde dans plusieurs villages des montagnes. Elles sont lasses de tant de vilenie, et certains de leurs époux et de leurs frères les accompagnent. Ces lieux sont étroitement surveillés, nous ne voulons pas de victimes, ni d'un côté, ni de l'autre, soupira Erazel. Vous devriez vous tranquilliser à ce propos. Votre vision me paraît tout à fait juste, et l'heure viendra, conclut-elle.

 

À nouveau émerveillé par la sagesse de notre vénérable ancienne, je décidais de lui faire confiance. Erazel avait l'art d'apaiser la fureur qui me saisissait parfois en songeant à de telles injustices.

 

Minel, qui avait saisi toute la profondeur de notre échange me fit un sourire rassurant. Elle aussi ne supportait pas que l'intelligence vive de nos sœurs de montagnes soit ainsi emprisonnée. Elle serait indubitablement une alliée précieuse pour les aider.

 

Je rejoignis ma famille pour le repas du midi, qui s'annonçait particulièrement allègre. Les enfants riaient en écoutant les plaisanteries contées par mon père. Ils semblaient fort bien s'entendre tous les trois. Je fixais Zilmis d'un long regard tendre. En quelques secondes, je lui fis don de mon rêve, et des sages paroles d'Erazel. Il en bégaya de gratitude.

 

Cette heure, son heure viendrait, pour qu'il soit reconnu par les siens, avec autant d'affection que ma famille lui en prodiguait en un tel instant.

 

Erazel nous fit un clin d’œil et s'amusa à faire exécuter une petite danse aux ustensiles posés sur la table. Les enfants rirent à perdre haleine, lorsque poivriers et cuillers exécutèrent toutes sortes de pirouettes improbables. Chacun de nous s'esclaffa en passant un très joyeux moment.

 

Je vous souhaite de vivre de pareils instants mémorables et précieux, à jamais gravés dans vos mémoires.

 

Vous pouvez reproduire ce texte et en donner copie aux conditions suivantes : 

 

 

 

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