Le pèlerinage (2/2)
Message du Guérisseur Lestrys (suite et fin)
Le matin venu, une surprise nous attendait.
J'avisais un très gros lézard d'allure féroce à la mâchoire garnie de dents effilées. L'animal s'approcha de notre petit transport d'une démarche lente. Il avait l'air plus intrigué que menaçant. Célia s'avança vers le reptile, et je vis avec effroi l'animal de quatre mètres de haut se pencher vers elle. Ma bien aimée caressa la tête de l'immense saurien, qui poussa un grondement ravi. Il brouta l'herbe alentours, puis, il s'en fut, d'une démarche impressionnante.
Célia se tourna vers moi, et éclata de rire. Je devais être aussi blanc que la nappe disposée par Eratsu.
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Tu serais bien prévenante de ne plus m'infliger de telles frayeurs avant le petit déjeuner, soupirais-je.
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Cet animal est devenu herbivore, assura Eratsu avec bienveillance. Autrement, je ne serais pas resté là ainsi à ne rien faire, dit-il en riant.
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Autrement, ce lézard aurait eu droit à une sieste paisible, émit ma bien aimée en m'embrassant.
Je rosis considérablement, et Eratsu, quoique d'un naturel très timide eut droit lui aussi à une étreinte. Il en bégaya de joie. Encouragés par notre exemple, les enfants se précipitèrent vers nous en poussant des cris joyaux.
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Que voilà une aimable assemblée, s'extasia Darsimen en apportant un plateau garni de petits beignets moelleux. Les petits blessés dorment encore, autrement, nous les aurions conviés à notre table !
Nous avons fait là un excellent repas, grisés par l'air des sommets. Une pensée allègre traversa mon esprit. Nous n'étions pas là par hasard. Le grand lieu du pèlerinage était sûrement visité par de très nombreux aliens. J'étais quelque peu impatient de rencontrer les êtres de lumière des sommets, et d'entendre les paroles des sages qui peuplaient ce lieu de légende.
Notre avancée reprit, Darsimen pilotant le véhicule avec expertise, pour ne pas troubler le sommeil des enfants.
Ils émergèrent en début d'après-midi, et nous les avons installés au soleil. Cette fois, aucun d'entre eux ne protesta. Nous nous sommes réunis tous ensemble, tentant de leur faire prendre quelques menus morceaux. Ils refusèrent de manger, mais parurent assoiffés.
Cela était normal me rassura Célia, qui semblait en savoir bien plus long que moi sur les convalescents. Elle m'expliqua par la pensée que pour l'instant, les petits blessés redécouvraient un nouveau monde, qu'ils avaient besoin d'être apaisés et rassurés. Elle berça le plus jeune, qui parvint à gazouiller quelques syllabes. Les autres parurent très impressionnés des éclats de lumière colorés qui fusaient de ma bien aimée.
Darsimen conta une histoire aux enfants, il était si habile, que chacun de nous l'écouta jusqu'au bout. Même le petit gris totalement inerte semblait avoir une nouvelle lueur en son regard fixe. Le plus jeune des enfants intriguait beaucoup Stency, qui lui montra sa poupée alien, une miniature de vaisseau spatial et plusieurs livres. Le petit être tendit timidement la main pour bercer la poupée. Stency, qui était très généreux, le laissa agir. C'était plutôt exceptionnel. L'enfant minuscule saisit un ouvrage avec des photos de vaisseaux stellaires en accélération. Comme il était trop faible pour tenir le livre, Stency l'aida de son mieux.
Nous avions noté des changements encourageants chez tous les enfants. L'air d'altitude leur faisait du bien, et le paysage qui défilait offrait un décor éblouissant. Au bout de trois jours, ils parvinrent à se dresser. Le petit Gris était si assoiffé, qu'il fallut lui donner à boire deux fois par heure. Avec sa patience habituelle, Célia s'y employa.
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Je ne comprends absolument pas où passe toute cette eau, soupirais-je d'un air abasourdi. Les Gris n'ont pas de système rénal. Leurs voies respiratoires et leur peau n'exsudent que fort peu d'humidité.
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Vous avez affaire là à des phénomènes métaphysiques que même les plus grands soigneurs peinent à appréhender, exposa Eratsu. En ce royaume, nous savons juste que les Gris sont une forme de vie biomécanique qui aspire à être transmutée intégralement en lumière. L'eau est peut-être sublimée en vapeur, de manière invisible, cela dit...
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Cette eau est laiteuse, elle contient des minéraux. Les soigneurs nous ont dit de n'employer que celle-ci, exposais-je.
En scientifique intrigué, j'attendis que le petit Gris s'endorme et je disposais un senseur au niveau de ses bras meurtris, dont la peau grise et fripée se désagrégeait. Une nouvelle peau argentée, d'un bel aspect, poussait en dessous.
Un peu plus tard, je reliais la cellule photographique à un écran et grossis l'image. En effet, on apercevait au dessus de l'enfant endormi, des sortes de vagues énergétiques. Cela ressemblait un peu à des flammes, mais en plus lent. La peau de son bras se désagrégeait lentement, en milliers de minuscules fragments, qui disparaissaient aussitôt. Ce phénomène ne produisait nulle chaleur.
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Koraik lumek kita, elil ? demanda Lokhaïl intrigué.
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C'est son bras qui repousse, lui dis-je en agrandissant l'image. On voit là toutes les cellules qui reforment une nouvelle peau.
Mon cher petit parut émerveillé, et tout le monde vint auprès de moi, pour admirer la guérison de l'enfant endormi.
Un nouveau jour advint, et ce matin là, les enfants, plus alertes, purent dresser leurs têtes pour boire.
Un grand désert tout blanc se fit jour. Nous arrivions à la contrée des glaces, qui est en fait un immense glacier d'altitude. Eratsu et Darsimen, en habiles explorateurs, nous proposèrent de passer la nuit à l'abri dans une grotte.
Je n'en avais pas très envie, car la grotte en question était surmontée de chandelles de glace, mais Darsimen assura que le véhicule nous protégerait.
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Je sens quelque chose qui se rapproche, prévint Eratsu, dont les sens étaient très subtils.
Bien que l'air fut paisible et qu'il y eut plein soleil, nous avons aidé Darsimen à entrer le véhicule en une vaste caverne scintillante. Nous étions au beau milieu de l'après midi. Chacun de nous s'affaira, Stency aidant les enfants à boire et Célia et moi-même refaisant leurs bandages. Les petits blessés s'endormirent. Nous nous sommes attablés dehors, Lokhaïl disposant tables et chaises à l'extérieur de la grotte, pour profiter de la vue. Cependant, le vent forcit. Je pris vivement Lokhaïl par la main, pour le ramener dans la grotte. Le mobilier commença à s'envoler, et Darsimen fit agir son fluide pour le récupérer. Il déploya une barrière climatique devant la porte. Ce genre de barrière coupe le vent, laissant passer un mince filet d'air.
Nous nous sommes attablés, contemplant la brume qui montait peu à peu. En quelques minutes, le ciel se couvrit de gros nuages gris, et la neige commença à tomber. Bientôt, une véritable tempête de neige fut visible. Stency se précipita dans mes bras. Chacun de nous revint à bord de notre esquif, car il faisait vraiment trop froid dans la grotte. Soucieux de ne point éveiller les enfants nous avons pris une petite collation. Le bruit de la tempête était très assourdi dans la cuisine. Chacun retrouva toute sa gaieté, et une chaleur douillette monta du vieux calorigène.
Une fois de plus, Darsimen conta une histoire, nous émerveillant par sa sagesse. Ravi, je contemplais Stency endormi dans mes bras. Notre mission avait vraiment bien commencé. J'avais bon espoir de voir les petits convalescents se redresser, et peut-être parvenir à faire quelques pas dans les jours à venir. L'exemple souriant de mon cher petit, semblait leur donner des ailes. Sans parler de Lokhaïl qui gambadait dans notre transport, rangeant la cuisine, faisant cuire des tartes aux légumes, et abreuvant les blessés assoiffés.
J'ai été très heureux de délivrer ce message et vous souhaite de très belles fêtes de fin d'année ! Recevez toute ma gratitude, amis souriants du monde du dessus !
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