Les dissidents (1/4)
Message du Guérisseur Lestrys
Je suis heureux de revenir vous parler. Je reviens vers vous pour vous conter la suite de nos aventures.
Voici quelque temps déjà, j'avais fait la connaissance du petit Stency. A cette époque, il était un petit servant soumis et craintif, qui devait obéir aux ordres et polir de nombreuses coursives.
Avec mon ami Eratsu, nous avions choisi de recueillir cet enfant si jeune, et déjà très meurtri. Il avait reçu beaucoup de soins et dormait paisiblement en ma bibliothèque, réaménagée à cette occasion en chambre improvisée.
Sur mon monde, les petits clones étaient très maltraités, et je m'en formalisais régulièrement. Il m'était déjà arrivé de m'élever contre de telles pratiques, et cela m'avait attiré pas mal d'ennuis. À cette époque il était très malvenu d'oser protester contre l'ordre multi-millénaire des castes.
Voici de nombreuses années, j'avais repéré un valet jeune et efficace, qui recevait là pas mal de moqueries. Eratsu était jeune et courageux. Il s'occupait alors de l'office et de tout ce qui a trait à la cuisine. En vérité, il était un serviteur, et apportait des collations aux généticiens-chercheurs aigres du niveau des laboratoires.
Cela dit, Eratsu était différent, et il possédait de longs filaments blancs épars sur son crâne. Il avait donc été dégradé au rang d'alien « imparfait » ou déviant. Les autres valets pompeux qui officiaient au niveau des recherches prenaient là un malin plaisir à le bousculer, et le railler, ce qui était vraiment injuste. Il en était peu qui le respectaient.
Aussi, j'avais osé formuler une requête, profitant du fait d'avoir été récompensé pour mes travaux. Je formulais le vœu qu'Eratsu nous rejoigne au laboratoire. Les premiers austères qui régentaient notre niveau, avaient lu de l'honnêteté en mon regard, lorsque je leur avais exposé qu'Eratsu était très habile de ses mains et consciencieux.
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C'est cette forme de pilosité qui nous dérange, mon ami, avait répondu un premier au caractère vif. Nous ne sommes point enclins à accepter les anomalies au sein de notre station de recherches.
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Il est dommage que votre regard ne voie point au delà, et nous prive bien certainement du concours d'un chercheur très brillant, avais-je répondu. Un être différent a forcément des idées nouvelles, qui s'aventurent en une direction que nous n'avons point songé à explorer jusqu'alors.
Ces propos hérétiques avaient déclenché un tonnerre de protestations, parmi les génies hâbleurs qui se querellèrent. Après un long débat, la plupart d'entre eux s'étaient rangés à mon avis. Les autres m'avaient définitivement relégué au rang des aliens dissidents, qui osaient donner la réplique aux anciens.
Depuis lors, j'étais considéré comme l'un de ces chercheurs prometteurs qui osaient défier l'ordre établi.
La venue de Stency au niveau des laboratoires déclencha pas mal d'hostilité au départ, en même temps qu'une sorte de curiosité à demi contenue.
Avec Eratsu, nous étions très excités à l'idée de le présenter aux plus anciens généticiens. Lorsque Stency s'éveilla, je l'habillais le mieux possible, et le menais au centre de soins.
Celui-ci était vide en cette heure matinale, et le jeune valet timide qui remplaçait pour l'heure le biologiste en chef, ne posa pas trop de questions. Il me demanda juste le nom de Stency, et détermina son âge et son jour de naissance en observant son système cellulaire avec un microscope surpuissant.
Stency eut droit à toutes sortes d'examens, et le soigneur découvrit beaucoup de lésions anciennes au niveau de ses jambes. Il retira ses bandages.
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Cet enfant n'aurait jamais dû commencer à travailler si tôt. Les clones fort jeunes peinent à rester en équilibre. Leurs jambes sont très faibles, et il est très pénible pour eux de besogner à l'entretien. Ils tombent et ont de multiples contusions, qui souvent guérissent mal, dit-il en examinant ses plaies qui avaient bien cicatrisé. Vous avez fait de l'excellent travail. Il demeure quelques foulures mineures qui vont guérir pleinement. J'espère que cet enfant sera bien plus épanoui à votre niveau, exposa-t-il avec compassion.
Agréablement surpris, je remerciais le jeune valet. Il avait pleinement compris mon entreprise, et je pris avec incrédulité le rapport médical, prouvant que Stency était sain et apte à entrer au niveau des laboratoires. Les superviseurs des laboratoires ne plaisantaient pas avec la sécurité bactériologique. Tous les nôtres devaient être en parfaite santé. Stency prit un fortifiant et alla rejoindre le niveau des aspirants.
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Les tests d'aptitude cognitive ont lieu dans cette pièce, lui exposais-je. Bonne chance !
Un peu inquiet, Stency entra d'un pas mal assuré dans une salle bleu cobalt au plafond d'un bleu plus clair mêlé de rose. Des plantes grimpantes montaient jusqu'au plafond et une dame alien avenante accueillait les petits clones effarouchés pour les rassurer avant les épreuves. Ils furent regroupés sur des sièges, autour de petites tables.
En contemplant ces enfants si jeunes, je ne pus m'empêcher de larmoyer, tant j'étais ému. Je n'étais d'ailleurs pas le seul. J'aperçus avec surprise d'autres aliens de rangs très élevés, amener de jeunes valets et de jeunes clones pour les tests. Un premier fort gêné mena par la main une clone minuscule et lui souhaita de réussir, avec une grande bonté. Avisant ma présence, il fila et disparut dans une coursive.
Les tests commencèrent et Stency me conta ensuite par le menu détail leur déroulement.
La dame alien pria les enfants de la suivre et ils furent menés en une salle garnie d'alvéoles bleu hyacinthe. Là, se tenaient de grands fauteuils avec des écrans et des visualiseurs.
Stency prit place sur un siège qu'il escalada, et prit les écouteurs qu'il ajusta. Ensuite, le test commença. Il avait lieu directement par l'esprit. Une voix posait des questions à Stency dans les écouteurs et sa pensée devait fournir la bonne réponse. Il dut répondre à des calculs de plus en plus complexes, avec des multiplications à 7 ou 8 chiffres. Stency remporta haut la main cette épreuve, réussissant à calculer des opérations à 9 et même à 10 chiffres. Sa limite de calcul était très élevée pour un enfant si jeune. Il dut ensuite effectuer une épreuve de millimétrage, ce qui permet de distinguer la véritable taille d'un objet à distance, et dénouer des illusions d'optique. Là encore, sa vue, et sa capacité de projection furent jugées excellentes.
Ensuite, Stency eut droit à une phase de repos, où il fut invité à se détendre et écouter une musique agréable, puis vint l'épreuve la plus cruciale, celle des hautes connaissances. Ici, il s'agissait de questions sur la vie dans l'espace, la biologie, la physique et la technologie, principalement. Les connaissances de mon cher petit étaient très honorables et l'ordinateur central enregistra certaines lacunes, très normales à son âge, en vue de les combler la prochaine fois.
Fou de joie, Stency revint près de moi, et reçut de la dame alien un bracelet ciselé avec un identifiant et son nom gravé à l'intérieur. Ses empreintes digitales et sa voix furent enregistrées pour être reconnues du système de sécurité et lui permettre de circuler librement.
Il me montra le bracelet, empli de fierté et essuya ses larmes de joie.
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Je suis très fier de toi, tu as été si brave ! lui assurais-je.
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Et moi aussi, déclara Eratsu en serrant sa petite main. Je ne pouvais manquer cela, nous dit-il avec un clin d’œil.
La petite clone avait réussi les épreuves, elle aussi. Elle courut embrasser son « père », qui rosit de bonheur. Chacun de nous s'amusa de cette scène. Normalement, il était singulièrement défendu de manifester autant de joie. Cependant, nous avons salué le premier, et avons félicité l'enfant avec beaucoup de satisfaction. Le premier au manteau rouge et blanc nous adressa un regard de connivence absolue.
Nous avons compris, l'espace d'un court instant, qu'il était devenu lui aussi un dissident. Il arrivait régulièrement que des premiers qui œuvraient au rang de généticien, mêlent leur propre ADN aux filaments de vie qui étaient apprêtés pour engendrer de nouveaux clones.
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Pensez-vous qu'elle le soit ? me demanda Eratsu, qui avait perçu lui aussi l'affection singulière que la petite clone vouait au premier.
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Je pense que ce n'est pas très important, exposais-je par la pensée. Que cette enfant soit ou non sa fille biologique ne change rien à l'attachement de ces deux êtres.
Eratsu fixa Stency, puis m'adressa un long regard interrogateur.
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Non, il n'en est point ainsi, dis-je à mon ami par l'esprit. Je n'ai jamais transgressé cet interdit. Même si avoir une réplique fait partie de nos aspirations naturelles, bien entendu.
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Vous pourriez songer à prendre une épouse et à adopter un petit premier, osa affirmer mon ami.
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Oui, peut-être, mais les dames aliens ont été « offertes » à d'autres généticiens que moi. Je me suis attiré quelques ennuis, en osant réprouver l'ordre des castes.
Chacun de nous rit discrètement, car sur mon monde, c'étaient en réalité les femelles qui choisissaient leurs époux, par affinité télépathique et énergétique pour commencer. Ensuite, une relation très agréable pouvait naître peu à peu, si les deux moitiés s'entendaient bien.
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