Le choix des époux (3/4)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Le choix des époux (3/4)

Message du Guérisseur Lestrys

 

 

Nous arrivions chez le superviseur, et chacun de nous retrouva sa contenance. Un clone adulte servile nous invita à entrer dans ses appartements.

 

Il s'agissait d'un lieu très faiblement éclairé, empli de livres et d'appareils, avec de hautes tentures violet foncé, et des portraits d'aliens sinistres.

 

  • Qu'est-ce donc ? bougonna une voix impatiente.

 

Un premier immensément âgé était assis à un bureau, son visage couvert de rides était dissimulé sous une coiffe fastueuse qui cachait son visage à moitié.

 

  • Noble seigneur qui veille notre cité, je suis venu quérir votre conseil, car je souffre de troubles énergétiques, osa formuler Levinsworth.

  • Très bien, assieds-toi, ordonna sèchement l'ancien. Qu'on nous laisse seuls, pria-t-il en m'invitant à sortir.

 

Je m'exécutais aussitôt et filais dans l'antichambre où il m'ordonna d'attendre.

 

L'entretien m'apparut cependant clairement, car j'avais l'ouïe très fine et les deux aliens possédaient des voix sifflantes.

 

  • Prends donc un de ces hors d’œuvre, pria l'ancêtre bien plus cordialement, en offrant à Levinsworth quelques friandises. Je connais ce type de pathologie. Je l'ai éprouvée avant de prendre épouse, et cela a bien vite disparu, sitôt que notre amour a pu jaillir.

  • Qu'est-ce donc que l'amour, noble vénérable ? demanda Levinsworth.

  • C'est un fluide ordinairement invisible, qui se manifeste de manière énergétique pour les nôtres, lorsque nos pensées sont tournées vers notre moitié, ou vers un enfant également. C'est un fluide protecteur, rayonnant. Il est méconnu, mais très puissant. Lorsque ton épouse et toi-même aurez pris soin l'un de l'autre, cette énergie vous habitera de manière plus discrète, mais fort satisfaisante. Ainsi, vous serez tous deux en parfaite santé, et rajeunis, je pense. J'ai accordé un répit également à Elamide, le temps que son fluide se stabilise. Ensuite, le vaisseau sera paré, et vous pourrez plonger vers l'espace.

  • Combien de temps ces pertes d'énergie seront-elles visibles ? Ces éclairs peuvent endommager le vaisseau, s'inquiéta Levinsworth.

  • En principe, il faut quelques semaines pour qu'elles disparaissent totalement. Votre fluide sera examiné d'ici peu de temps, et si tout est en ordre, vous pourrez appareiller.

 

L'ancien conclut l'entrevue, et serra la main de Levinsworth. M'apercevant, il me salua également de la même manière, avec une grande courtoisie. J'en étais tout à fait ému.

 

  • Veuillez conduire Levinsworth à bord du vaisseau, me pria-t-il. Il existe des appartements isolés qui ont été aménagés à son attention.

 

Je m'exécutais, et invitais un Levinsworth vacillant à emprunter une grande passerelle de verre et de métal. La vue plongeante révélait l’astéroïde vertigineux en contrebas, avec une vision du clair obscur qui m'émerveilla. Rien que des cratères et des montagnes héroïques à perte de vue... Le sol était d'un brillant éclatant, avec des ombres immensément étirées, en raison de deux étoiles proches.

 

Plié en deux et le souffle coupé, Levinsworth s'interrompit à trois reprises pour franchir la passerelle. Il s'en excusa, mais je le priais de ménager son souffle et l'invitais à prendre son temps. Ces pauses me permirent d'admirer la vue tout à loisir.

 

Enfin, nous sommes parvenus à bord de l'immense vaisseau de métal brillant. Clones et valets refluèrent en désordre dans les couloirs, s'écartant d'un Levinsworth saturé d'éclairs. Je le menais jusqu'à une suite aux murs obsidienne, puis de verre brillant. Il n'existait pas ou peu d'objets métalliques et tous les appareils sensibles avaient été abrités dans des bulles protectrices. Les murs agréables étaient oranges, rosés ou vermillon. Une boisson fraîche avait été apportée sur une petite table et Levinsworth prit place en s'écroulant sur le fauteuil. Il prit le breuvage et me remercia.

 

Je pris congé, certain que la dame Elamide ferait là sûrement bien vite son apparition. Si l'union du couple était faste et leur entente joyeuse, ils pourraient se fiancer très bientôt, puis se marier plus tard, à une date choisie par les prêtres.

 

J'étais habité des pensées les plus joyeuses les concernant, et mon esprit revint à la présence du petit clone malingre, que je revis à bord de la base. Le pauvre lavait le sol d'un couloir et je fus saisi de pitié face à la vue de ses mains filiformes. J'estimais qu'il avait environ un an, voire un an et demi, et cela était bien jeune pour un enfant.

 

 

Heureusement, le destin allait se révéler meilleur que prévu pour ce petit.

 

Durant les jours suivants, bien malgré moi, je repassais régulièrement par les couloirs de la grande esplanade qui donnaient sur les élévateurs et les escaliers. Il était là une vingtaine de niveaux vertigineux, et ces clones vaillants devaient polir les escaliers en un brillant impeccable, sans oublier les rampes, les tapis, et les objets d'art nombreux qui décoraient ce lieu. Ils devaient également veiller au nettoyage des couloirs infinis de cette cité, et aussi des cuisines. Les lieux des bains étaient nettoyés par des clones plus grands munis de combinaisons protectrices. Les nôtres, quoique très propres, ne sommes guère en mesure de prendre des bains, à part dans une eau extrêmement chaude. Aussi, nous prenons soin de nous avec des linges tièdes imbibés de mousse parfumée. Mais le niveau des bains était indispensable pour l'accueil des congrégations de chercheurs d'autres espèces stellaires.

 

Je marchais lentement dans une coursive ce jour là, et avisais le petit clone si frêle. Il peinait à rester droit et tremblait de faiblesse sur ses jambes minuscules. C'en était proprement révoltant. Lorsqu'il trébucha et faillit dégringoler d'un escalier fort raide, je me précipitais aussitôt, et projetais mon fluide à temps.

Le petit clone surpris agrippa les marches et resta là, à demi conscient, en proie à un vertige infini sous cet escalier translucide que peu peu d'entre nous auraient osé emprunté. Sous sa silhouette minuscule, une vingtaine de niveaux brillants étaient visibles.

 

Un clone un peu plus âgé lui lança une corde, mais le pauvre fut incapable de la saisir. Un robot de nettoyage flottant le saisit de son mieux et le traîna relativement lentement jusqu'en haut de cet escalier redoutable. J'étais saisi de vertige, mais je m'empressais de relever l'enfant.

Un clone adulte me regarda faire avec stupeur, mais n'osa protester lorsque j'emmenais le petit clone fou de terreur en indiquant qu'il avait besoin de soins. Il me contempla sans comprendre de ses grands yeux noirs innocents et réprima un sanglot.

 

- Ne sois pas inquiet, lui dis-je. Je souhaite juste te soigner.

 

Eratsu me vit revenir avec l'enfant qui peinait à avancer, à peine surpris.

 

  • C'est un clone de nettoyage ! s'écria-t-il avec épouvante. Vous ne pouvez l'amener ici dans nos appartements sans en référer à quiconque !!!

  • Il en sera référé, exposais-je avec quelque vigueur, une fois que cet enfant aura été soigné. Il est inacceptable de laisser ces petits peiner à un si dur labeur. Voulez-vous faire le guet ?

 

En ami fidèle, Eratsu s'exécuta de bonne grâce, déployant ses sens autour de nos quartiers. J'invitais l'enfant minuscule à entrer chez moi. Je fis asseoir le petit clone meurtri sur une table et examinais ses jambes couvertes de plaies, dont des griffures et des coupures. Il tremblait de peur.

 

L'enfant était trop choqué pour proférer un son. Je soignais ses jambes avec un désinfectant doux, puis étalais de la résine pour refermer toutes ses plaies. Je posais un bandage et il parut un peu rassuré. Ensuite, je sortis une toge blanche scintillante et un pantalon assorti, réservés d'ordinaire aux clones des laboratoires.

 

  • On dirait que vous avez tout prévu, exposa Eratsu avec quelque inquiétude un peu plus tard.

 

Surpris de ne plus avoir à arborer ses habits grisâtres et informes, l'enfant parut bien étonné. Je nettoyais son visage et soignais ses mains couvertes de meurtrissures. Cela prit un temps considérable, tant il y avait d'échardes et de coupures anciennes. Il me fixa avec anxiété, repoussant vaillamment la douleur, malgré mes gestes aussi doux que possible.

 

Eratsu prit un livre, continuant de faire le guet tandis que j'aidais le petit clone effrayé à se vêtir. Je le remerciais longuement.

 

  • Cela ne marchera pas, on voit tout de suite qu'il est bien jeune, exposa-t-il. Et on voit qu'il ne fait pas partie du niveau scientifique.

  • Il suffit de lui demander. Mon cher enfant, demandais-je avec un sourire. Veux-tu nous rejoindre au laboratoire ? Tu seras assis la plupart du temps, et tu n'auras plus à besogner si dur. Il faudra nettoyer des fioles en verre, des plans de travail, entretenir des microscopes et ranger de nombreux échantillons. Tu verras que ce travail sera bien plus intéressant.

 

Le petit clone acquiesça lentement, peinant à croire à cette possibilité. Il tenta de parler, et parvint à dire quelques mots, ce qui était un grand effort pour lui.

 

  • Pourquoi moi ? demanda-t-il d'une voix implorante.

  • Parce que tu es un enfant bien courageux, c'est pour cela que je veux t'aider. Et je sens que tu seras bien plus heureux ainsi. Tu es tellement jeune, tu n'aurais jamais dû travailler si tôt.

  • Lani... gémit le malheureux, qui cherchait désespérément sa mère.

  • Je ne sais pas où est ta mère, je regrette. Mais si tu travailles avec nous au laboratoire, plus personne ne te fera de mal. Les généticiens les plus âgés sont un peu vifs, mais ils ne frapperaient jamais un enfant. Je veillerai sur toi, ainsi qu'Eratsu. Quel est ton nom ? demandais-je avec émoi.

  • Steeen... cy... couina le petit être en versant des torrents de larmes.

  • C'est très bien Stency, tu es avec nous maintenant, répondis-je. Nous allons aller voir quelqu'un de très important, il se nomme Levinsworth. Il faudra lui faire bonne impression, c'est lui qui dirige nos travaux.

 

Le petit clone acquiesça alors que j'essuyais ses yeux. Il s'apaisa et me suivit d'un pas tremblant. Je marchais lentement pour lui permettre de me suivre, hélas, il trébucha. Alors, je le soulevais avec précautions en l'emportais bien vite en le cachant à moitié sous mon manteau.

 

Cela n'était pas du tout protocolaire, bien entendu, et je risquais pas mal d'ennuis. Mais les chercheurs pressés que nous avons croisé, songeaient là à quelque plante en pot sensible à la lumière. Très avisé, Stency ne bougea, ni n'émit aucun son, sans doute soulagé d'échapper aux regards.

 

Vous pouvez reproduire ce texte et en donner copie aux conditions suivantes : 

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  • que vous fassiez référence à notre blog : http://www.unepetitelumierepourchacun.com

 

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