Le choix des époux (1/4)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Le choix des époux (1/4)

Message du Guérisseur Lestrys

 

 

Me revoici, pour discourir de mon monde, de nouveau.

Nous étions revenus à notre petite tour, et je goûtais à un repos bien mérité avec ma famille. Nos récentes péripéties dans le monde intérieur nous avaient bien éprouvés. J'étais très heureux de revoir Célia ma bien aimée, le petit Lokhaïl, mon ami le sage Eratsu et bien sûr le vénérable Darsimen.

 

En ce nouveau matin inondé de soleil, je songeais combien ma joie était grande d'avoir une famille aimante. Sur mon ancien monde, il n'en était bien sûr pas toujours ainsi. Notre société était fragmentée, composée de castes successives.

 

Le système implacable des lois scientifiques et matrimoniales régissait alors chaque aspect de notre vie. Il en était ainsi bien sûr de même lorsqu'un chercheur méritant se voyait « offrir » une épouse pour être récompensé de ses travaux.

La vérité était tout autre, car bien sûr, c'étaient les épouses qui nous choisissaient et pas l'inverse. Pour mon espèce si énergétique, les rapprochements peuvent être dangereux si un couple est mal assorti. Il est résulte des désordres énergétiques intenses et l'un des deux époux se flétrit, vieillit en quelques mois.

 

Pour cette raison, il avait été décidé de parfaire les unions d'une autre manière. La cérémonie des époux, au départ solennelle, puis ensuite bien plus joyeuse, avait lieu dans un endroit agréable, une bibliothèque agrémentée d'un salon de lecture, un réfectoire garni d'une salle de danse, ou tout autre lieu propice à la détente.

Il me fut donné d'y assister certaines fois, toujours en qualité d'invité. Mes idées réformatrices, voire hérétiques sur le clonage, n'avaient guère arrangé mon cas, mais je m'en moquais bien à l'époque.

 

Nous devions ce jour là, assister à la cérémonie de l'union, afin d'accompagner l'un de nos maîtres. Il s'agissait d'un pompeux généticien que je nommerais ici Levinsworth par commodité. Il était hélas frappé d'une humeur plutôt orageuse, qui nuit à la sérénité d'un couple.

 

Eratsu et moi étions occupés à deviser à l'étage supérieur, composé d'un balcon vitré entièrement insoupçonnable, pour ne point troubler les dames aliens. Nous étions ravis de ce moment de détente, qui nous permettait d'échanger en philosophant sur nos vies et nos travaux respectifs. Des boissons agréables nous furent apportées, et je remarquais un jeune clone fort menu, qui tenait à peine sur ses jambes. Cela me fit l'effet d'un choc bouleversant, car cet enfant était bien trop jeune pour travailler. Quelle honte ! J'étais parfaitement scandalisé, mais à cette époque, il n'était point avisé de perturber l'ordre établi.

 

  • Ce petit est bien trop jeune, il est à peine capable de marcher, protestais-je à la vue du clone malhabile, qui servait des boissons tant bien que mal.

  • Je suis parfaitement d'accord, ajouta Eratsu. Il faudrait voir si l'on peut faire quelque chose à son sujet.

 

À cet instant, chacun de nous cessa de parler, et les clones se retirèrent, car la cérémonie commença.

Un silence prolongé gagna toute la salle en contrebas. Pour l'instant, elle n'était composée que de mâles, chacun assis à une petite table ronde, pour attendre sa promise. Des boissons avaient été disposées, et les généticiens qui avaient été promus resplendissaient dans leurs plus beaux habits.

 

Levinsworth, malgré la sombre humeur qui le caractérisait, arborait fièrement une parure écarlate, avec un habit de velours recouvert de distinctions et de pierreries. Une fraise ornée de dentelles entourait son visage d'alien âgé, et il était très à son avantage ainsi. Autour de lui, des valets plus jeunes et bien plus joyeux, étaient vêtus de livrées rose pâle, mauve, ou bordeaux. La couleur était avant tout assortie au teint et à la personnalité de chacun d'entre eux. Le noir et surtout le rouge étant réservé aux meilleurs généticiens, souvent les plus âgés.

Une musique douce fort allègre résonna bientôt. La salle décorée fastueusement de statues, de motifs ciselés sur les murs et de nombreux vases s'illumina. Un éclat très vif fut projeté sur la scène. Et lentement, un duo de deux magnifiques aliens femelles fit son apparition. Elles étaient vêtues de pagnes brodés et arboraient de nombreux bijoux. L'une d'entre elles, une dame de qualité, portait une tiare ciselée dans le cuivre le plus pur. D'autres dames aliens firent leur entrée, vêtues de mauve, de rose, de bleu pastel ou de blanc. Nerveuses et vivement émues, elles déambulaient lentement dans la salle, par groupes de deux ou trois.

 

Pour les nôtres, la séduction est extrêmement subtile, elle passe avant tout par le regard, et surtout, par la pensée. Nous sommes un peuple de chercheurs, et une adéquation parfaite est nécessaire entre deux époux, pour que la relation soit la plus bénéfique possible. Les aliens femelles contemplèrent intensément les mâles, ressentant instantanément leurs pensées, leurs intentions, et leurs personnalités. Elles marchaient de plus en plus lentement. Deux d'entre elles avaient fait leur choix et prirent place aussitôt à la table de jeunes valets souriants. Leurs regards ne quittaient pas ceux de leurs prétendants. Mutuellement captivés, les couples se formèrent. La salle comportait une quarantaine de mâles et un nombre équivalent de femelles. La plupart d'entre elles prirent place face à un mâle, qu'il s'agisse d'un premier, souvent âgé, ou d'un valet.

 

Il ne resta plus qu'une dizaine de femelles à parcourir la salle, elles s'esquivèrent prestement, n'ayant pas trouvé l'élu de leur cœur. Alors, d'autres femelles entrèrent à leur tour. Avec Eratsu, j'échangeais un sourire complice. Notre maître si colérique n'avait point encore trouvé de promise, ainsi qu'un autre alien, qui avait l'air encore plus bougon que lui, si c'est possible.

 

Notre attention se posa sur les couples nouvellement formés qui devisaient joyeusement. Certains riaient de bon cœur, et les agents de surveillance postés sur le balcon leur jetèrent des regards désapprobateurs. Une alien femelle vêtue d'un élégant corsage écarlate attirait l'attention, il s'agissait à n'en pas douter d'une capitaine de vaisseau. Elle avait choisi un valet de taille identique à la sienne, qui semblait pourvu d'une personnalité noble et aventureuse. Il était de coutume que l'épouse rejoigne son conjoint. Seulement, parfois, il en était autrement.

 

Une alien méritante pouvait devenir ingénieure de vol, et occuper ensuite un poste à responsabilité, à la timonerie. Il était fréquent que de telles aliens, souvent plus vaillantes et habiles que les mâles concernant la prescience, en viennent à commander un bâtiment tout entier. Lorsqu'il en était ainsi, elles pouvaient être promues capitaine de vaisseau, et se voir offrir nos meilleurs navires longs courriers. Elles étaient également récompensées et avaient le droit de choisir un époux. L'heureux élu, était censé les rejoindre à bord du vaisseau.

 

En assistant à la conversation entre les deux époux, j'en conclus que le valet dont il était question paraissait enchanté à l'idée de voyager dans l'espace. Eratsu et moi-même avons échangé une plaisanterie.

 

  • Il est heureux que notre maître n'ait point été choisi par cette dame, s'amusa Eratsu. Il est atteint de verdissement à la seule idée de voyager !

 

J'étouffais un rire subit, car le verdissement est ce qui trahit le mal de l'espace chez les nôtres. On nous jeta des regards surpris et chacun de nous retourna à ses boissons.

 

 

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