Le gouffre sans fond (3/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Le gouffre sans fond (3/3)

Message du Guérisseur Lestrys (suite)

 

 

Le matin venu, je m'éveillais avant mes compagnons. L’aîné des enfants pilotait toujours notre transport, nous emmenant bien au delà du gouffre. Un large tunnel clair, au sol sablonneux était visible. Henri veillait, tandis qu'Oktos sommeillait. Il était heureux d'avoir un nouveau compagnon de voyage. C'était aussi l'occasion de faire connaissance.

 

Je fixais le sol et aperçus loin devant nous une petite source. Nous avons refait les provisions d'eau sans éveiller nos compagnons et je montrais à Henri des empreintes de lézards caractéristiques, entourées de celles de petits immatures aux pieds bondissants.

 

Notre progression a repris et je questionnais mon compagnon.

 

  • Je me demande d'où vous venez, me questionna-t-il.

  • Je suis un lointain voyageur de l'espace. Autrefois, mon peuple vivait sur des cités stellaires, puis, j'ai été muté dans un centre de clonage, où nous avons œuvré sur Terre, dans le sous-sol. A cette époque nous étions hélas aux ordres de hauts dirigeants sans cœur. Ils n'appréciaient pas nos visées pour améliorer les lignées de jeunes clones. Les clones étaient autrefois chez nous de petits serviteurs. Les castes régnantes nous ont abandonnés, alors que la lave submergeait nos niveaux d'habitation. Heureusement, les Passeurs et les habitants de la Terre intérieure nous ont guidés avec mes compagnons.

  • Je suis intrigué par ce qui arrive à ces enfants, exposa Henri en avisant le poignet filiforme de l'un des petits gris, où une marbrure lumineuse s'étendait peu à peu en projetant un éclat mouvant. Le pauvre, ne peut-on rien faire ?

  • Ils sont en train de changer, d'être dissous, expliquais-je. Il n'est rien que nous ne puissions faire, nous devons juste veiller sur eux et les rassurer. Nous approchons des différents portails subtils qui entourent les niveaux de haute énergie de ce monde. En un tel lieu, les aliens de Kolménide doivent revêtir leur habit de lumière pour pouvoir subsister. Ils doivent se reconnecter avec le principe originel de la vie. Alors, ils pourront renaître et guérir spirituellement et émotionnellement.

 

J'avais parlé à voix basse, pour ne pas alarmer notre petit compagnon occupé à piloter le vaisseau. Mais je devinais qu'il était déjà au fait de tout ceci. Malgré leur jeune âge, les petits clones étaient très subtils. Épuisé des émotions des jours derniers, Stency dormait sur mes genoux. Le petit immature dormait dans un lit voisin à sa taille. Nous avons pu lui faire prendre un peu d'eau mystérieuse et de nectar de fruits dans la matinée. Il fixa le plafond jaune pâle où s'épanouissaient des forêts de chandelles millénaires, puis se rendormit d'un air serein.

 

  • Et vous ? Quel a été votre voyage ? demandais-je à Henri.

  • Je viens du passé, du passé de la Terre, exposa-t-il. J'ai été capturé dans les années 50, pour servir à des expériences, et aux fermes, soupira-t-il. Certains lézards étaient scandalisés, ils se sont opposés à tout ceci, et une révolte à éclaté. Il y a eu beaucoup de combats. Je les ai entendus de loin, la plupart du temps, j'étais profondément endormi. C'était une vie strictement végétative. Puis, un jour, des lézards m'ont libéré. Je suis très bavard et je leur posais mille questions. Ils étaient doux et patients, pour tout dire, assez intrigués, assura-t-il en riant. J'ai pu apprendre leur langue, un peu, et eux la mienne. Ils pouvaient aussi discuter par télépathie. Comme une partie de la cité avait été éventrée, à cause des combats, ils devaient la reconstruire. C'est à cette époque que s'est produit le schisme. Ils m'ont soigné avec un grand dévouement, ils agissaient par l'esprit pour guérir mon traumatisme, me rendre plus de sérénité. Mon corps a rejoint la dimension suivante, comme pour eux. Je pouvais me rendre dans les soubassements de la cité, pour étudier, et contempler les travaux en cours. Les lézards qui étaient restés dans l'inframonde ne me voyaient pas.

     

  • Sirtalin a vraiment été d'une aide prodigieuse.

  • Oui, c'est grâce à elle si j'ai pu gagner en confiance. Au début, les lézards éclairés avaient très peur de me laisser aller dans les niveaux inférieurs. Ils m'escortaient, de crainte que je ne sois découvert. Mais les inhibiteurs de phéromones fonctionnent très bien.

  • Effectivement, confirmais-je. Je suis sevré, mais ce n'est pas le cas des autres. Ils vous apprécient beaucoup et seraient très chagrins de vous causer du tort.

  • Comment avez-vous pu... être sevré ? interrogea Henri.

  • C'est un choix, une grande conviction intérieure. Puis, c'est un escalier à gravir chaque jour. C'est très dur au début. On nous fournit du sang reconstitué à partir de cultures cellulaires, ensuite, on boit de plus en plus d'hémoglobine végétale, et le reste suit. Je souhaitais tellement pouvoir soigner des Terriens, que ce choix était naturel me concernant.

  • Pourquoi en est-il ainsi ? demanda Henri.

  • C'est une chose ancestrale, une fâcheuse habitude aussi. Contrairement au fait de manger des animaux, cela n'engendre pas la mort du sujet. Il nous faut très peu de sang, ou d'hémoglobine pour subsister. Autrefois, les nôtres étaient des prédateurs, des sauriens, sans doute, voici très longtemps. Ensuite, les premiers aliens pensants ont vu le jour. Ils étaient très proches du genre humain, mais plus longilignes. Il y a eu beaucoup d'hybridations. Puis, cette race d'humanoïdes a failli, polluant son monde, le condamnant à la nuit. Alors, les nôtres se sont enfoncés dans les cavernes de Thamnoth, les généticiens créant des répliques de plus en plus éloignées de la douceur, de l'émotion et de l'amour. Une partie des nôtres a souhaité être plus en harmonie avec le vivant, et a demandé la fin de ces expériences. Il s'est produit plusieurs révoltes silencieuses. Il y a eu beaucoup de désertions, d'abandons de navires par des dizaines de milliers d'aliens, qui souhaitaient fuir le régime des castes. Alors, nous avons fait connaissance avec les êtres de Lumière et ils nous ont permis de changer, graduellement. Ils nous ont appris que les nôtres pouvaient faire fi de tant d'instincts qui entravaient notre espèce et qu'ils pouvaient s'ouvrir à la dimension du cœur. Ma vie est bien plus satisfaisante à présent, j'accomplis vraiment ce qui me rend le plus heureux.

  • Escorter des voyageurs en péril ? s'amusa Henri.

  • Oui, entre autres, et les soigner. Ces enfants sont très importants, ainsi que le sage. Il est bienvenu que les aliens de Kolménide puissent suivre le même chemin que nous. Ils y ont droit, et nos compagnons ont montré une bravoure exceptionnelle.

 

 

Henri sourit largement, comblé de ces paroles. Je le trouvais vraiment très attachant. Notre conversation se poursuivit longuement, me plongeant en une heureuse songerie. Je sentais que nous touchions au but.

 

C'est alors qu'une voix très douce s'éleva, et qu'une phosphorescence rosée apparut sur la paroi à droite de notre navire :

 

  • Les rivages de lumière bientôt apparaîtront.

 

Henri me fixa avec émerveillement, et je sus qu'il avait entendu la voix, lui aussi. Pas de doute possible, il avait été choisi comme nous tous !

 

Nous avons alors continué notre route, progressant avec célérité dans ce vaste couloir lumineux.

 

Je vous remercie de suivre ainsi notre périple et vous dis à une prochaine fois. Soyez bénis d'habiter un si beau monde, chers habitants de la surface. Je vous envoie toute ma gratitude et tout mon amour.

 

 

Vous pouvez reproduire ce texte et en donner copie aux conditions suivantes : 

  • qu'il ne soit pas coupé

  • qu'il n'y ait aucune modification de contenu

  • que vous fassiez référence à notre blog : http://www.unepetitelumierepourchacun.com

 

 

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