Le vaisseau arc-en-ciel (1/2)
Message du Professeur Zolmirel
Je reviens vers vous chers amis de ce temps, de ce royaume en transformation, pour vous conter la suite de notre voyage.
Avec Amoni, Célia, Nerti et Zilner, et bien sûr Zilmis, nous étions partis pour le voyage inaugural du nouveau vaisseau qui venait d'être assemblé dans l'espace.
Les deux moitiés de ce superbe esquif avaient patiemment été assemblées par de nombreux ingénieurs, des ouvriers habiles et tous se voyaient offrir cette croisière vers un nouveau monde.
Bien sûr, Orel et Dorian nous accompagnaient. Comme pour tout voyage, il était prévu que nous participions à des activités d'entraide.
Aussi, Zilmis rejoignit-il bientôt les équipes de la timonerie, afin d'effectuer de nombreuses vérifications, sur le rodage du bâtiment. Comme pour votre monde, une armée de chercheurs avait embarqué, et consultait les relevés d'un nombre infini de capteurs sur des écrans.
Le vol des vaisseaux, je l'ai dit déjà, était une science connue, mais la théorie butait sur des équations insolubles de la courbure de l'espace-temps, comme sur un iceberg.
Ainsi, de cette manière, le vol spatial pouvait être appréhendé, mais nos plus grands esprits Kolals demeuraient incapables de conceptualiser les équations. Il en était ainsi en raison de ce que votre monde nomme relativité, et que nous nommons courbure des champs d'inscription de l'espace temps.
Pour faire simple, le fait d'inverser la gravité, de la modifier, nous fait atterrir en d'autres trames du temps et aussi de l'espace.
Seuls les plus grands parmi les nôtres, et notamment les anciens, sont autorisés à voyager dans le temps, en qualité d'observateurs, ou afin d'aider les populations. Vous savez bien cela, parfois, il suffit de changer un petit rien, pour voir advenir une fin heureuse.
A quoi tiennent les choix, les décisions de certains êtres ? Justement à ce petit rien, qui est en fait la voix sage des anciens.
C'est en peu de mots, ce que me conta ce matin là Erazel, en voyant mon expression. Je contemplais en vérité par un hublot, les grandes arches stellaires. Il s'agit de filaments d'étoiles, tels que présentés dans vos films très justement, mais plus encore, au delà, de toute la gigantesque trame de l'univers qui est en mouvement et que nous voyons. Le vaisseau s'engouffre dans ces méandres, et pour un navigateur en action, une telle vue peut être déstabilisante.
J'abaissais finalement un cache sur le hublot.
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Sage décision, me dit Erazel. Vous êtes chagrin d'avoir vu Zilmis partir en salle de conversion, puis aux cuisines ?
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Certes non, il était très heureux de pouvoir officier aux cuisines, alors je me réjouis pour lui, exposais-je.
Nous nous sommes rendus en salle de culture, et je m'affairais à disposer des rangées de mycélium dans des bacs de terreau amendé à la bonne hygrométrie et la bonne température. Erazel fit agir son fluide en prodiguant de son énergie si vive aux filaments blancs mystérieux. Ensuite, elle passa à un autre bac, dont le contenu fut purifié par un faisceau prophylactique. La culture des moisissures était très délicate, et il fallait toujours que le terreau d'accueil soit exempt d'autres formes de vie en dormance. Ensuite, nous pouvions ensemencer ce milieu favorable et surveiller le jaillissement des nouveaux champignons. Des lampes spéciales, très douces, éclairaient cet endroit presque obscur à la senteur humide si agréable pour notre peuple.
Nous avons ensuite porté notre regard dans une autre salle, où des fruits murs à point attendaient d'être nettoyés et stockés.
Je pris place sur un siège, et saisis une corbeille de fruits. Cette activité plaisante était très agréable pour pouvoir discuter plus avant.
Erazel, qui se doutait de mon état intérieur, me questionna.
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Êtes-vous heureux, ami ? me demanda-t-elle.
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Bien sûr que oui ! répondis-je aussitôt. Je suis comblé que les enfants soient avec nous, je ne pourrais pas rêver de vie meilleure !
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J'en suis fort aise, assura Erazel.
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Amoni a toujours eu une grande bonté de cœur et d'âme. Il a pris soin de Nerti et Zilner, bien qu'ils soient nés très loin d'ici, sur un autre monde technologique et plutôt glacial. En plus, il m'a permis d'avoir une relation très agréable avec les enfants. Nous étions très surpris l'un et l'autre, lorsqu'ils ont insisté pour venir habiter avec nous. La maison alors, n'était pas très agréable. Nous étions deux savants perdus en une mer d'ouvrages sans fin !
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Oui, vous avez raison. Depuis, ces chers petits cœurs ont grandi, et ils sont bien près d'imaginer que leur père prendra Minel pour épouse.
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Amoni souhaite attendre que sa guérison soit pleinement achevée. Il est trop noble pour profiter de son avantage sur une patiente qui recouvre peu à peu la mémoire, exposais-je. Même s'il est bien certain que leur amour est très grand. Ils sont devenus inséparables, assurais-je joyeusement.
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Sa mémoire se stabilise, effectivement. Elle vous voit comme sa famille. Très bientôt, il ne sera plus nécessaire de veiller sur elle.
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Je pense même que ce sera l'inverse, dis-je à Erazel, en déposant un fruit juteux mûr à point dans un saladier. J'ai entrevu en elle une énergie, une force de pensée peu ordinaire. Son fluide semble éclatant, impressionnant de puissance et de majesté.
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Vous pensez bien, répondit aussitôt Erazel. Cette alien est tout à fait admirable. Elle a traversé de très grandes épreuves, et je sens une très belle personnalité en elle.
Nous avons achevé là notre travail, disposant les fruits dans deux types de saladiers, un réservé aux cuisines, pour les fruits mûrs, et un autre, aux passagers du bien vaste navire.
Nous avons amené les fruits aux niveau des cuisines, sur des petits chariots, et plusieurs aliens joyeux prirent le relais. Je risquais un œil par la porte, humant de délicieuses senteurs, mais n'aperçus point Zilmis.
La cuisine se révéla pleinement Au niveau de cette aile, elle était en bois, avec des lambris faits à partir de champignons géants. Cela créait un décor plaisant sur le mur, avec de superbes veinages. Des parements ivoire, ou dorés servaient à disposer de nombreux plats, qui circulaient sur des tapis roulants dans tout le navire.
Il existait de nombreuses tables dans cette cuisine, où des petits groupes d'aliens mélangeaient des ingrédients dans des bols, assaisonnaient, ou chantaient. La partie de la cuisine réservée à la zone chaude, comportait d'importantes souffleries, et un récupérateur de chaleur, qui aspirait l'air chaud des fourneaux. Chacun travaillait debout ou assis, à son propre rythme. Le but n'était pas de faire le plat le plus parfait en un temps record, mais de passer là un bon moment tout en confectionnant les meilleures spécialités. J'aperçus plusieurs aliens novices, qui recevaient les conseils avisés d'experts, sur les proportions, les mariages d'ingrédients.
En effet, nous étions très conscients que les bonnes pensées étaient importantes au sein d'une cuisine. Celles-ci passaient directement dans les aliments, en déterminant leur goût. Ressentir du plaisir était donc essentiel lors de la confection des plats. Chaque équipe d'apprentis était surveillée par un alien maître en saveurs, qui déversait là toute sa science.
Les apprentis étaient attentifs, curieux et plutôt impressionnés, et le maître en saveur parlait d'un ton passionné, afin de les encourager.
Je souris à Erazel, heureux que sur mon monde l'ambiance allègre des cuisines puisse exister jusque dans l'espace. Nous avons quitté ce lieu, et Erazel sourit d'un air radieux.
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La pensée est très puissante. Certes, nous sommes dans l'espace, loin de tout, mais une bonne pensée, allègre et sincère trouve toujours son chemin. Elle viendra forcément dans l'esprit de quelque être en souffrance pour éclairer son horizon.
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J'en suis heureux. Trop de fois ais je-revu tous ces malheureux petits clones sommés d'obéir à des maîtres sévères et insensibles, en ces lieux que les enfants ont pu visiter par l'esprit, exposais-je.
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Ne soyez pas chagrin, répondit Erazel. Au contraire, soyez confiant en leur libération. Les équipes des êtres de Lumière stationnés près de ces niveaux ont déjà pu recueillir deux autres dissidents. Ceux là étaient en bien meilleur état, ils sont parvenus à s'enfuir plus facilement. Les choses changent ! lança-t-elle avec une immense joie.
Son euphorie était communicative. Nous avons continué notre cheminement dans les coursives du gigantesque vaisseau.
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