La renaissance (1/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

La renaissance (1/3)

Message du Professeur Zolmirel

 

 

 

En ce jour heureux, je reviens vers vous, mes chers enfants. C'est une joie intense de vous donner un nouveau message.

 

Il venait de nous arriver quelque chose de merveilleux en notre petite famille. Notre charmante Minel avait enfin choisi un prénom, et elle s'était ainsi révélée aux enfants fous de joie. Nerti et Zilner avaient ainsi pu retrouver leur mère.

 

Tout ceci peut paraître bien étrange, mais le fait qu'une âme choisisse un nouveau corps était un phénomène connu sur mon monde. Un époux, une épouse, un parent, revenait souvent prendre la forme d'un enfant nouveau né, ou d'un absent.

 

C'était la raison première qui faisait que les aliens « imparfaits » étaient soignés. Les guérisseurs avaient bon espoir de voir une âme réussir à prendre pied dans ces corps qui peinaient à s'exprimer.

 

L'émergence parfaite de l'esprit de Minel, venait à point nommé. Nombre de scientifiques curieux voulurent nous rendre visite, mais notre douce amie était encore très craintive.

 

Mon ami, le sage Amoni, veillait sur elle avec une dévotion de chaque instant.

 

  • Elle n'est pas encore en mesure de pleinement communiquer. Soyez un peu patients et laissez-lui le temps de se remettre, exposa-t-il à ses confrères.

 

Il en fut donc ainsi, et avec Zilmis, nous nous sommes affairés à la réfection de la bâtisse qui bordait notre jolie demeure. C'était un lieu un peu frisquet empli de courants d'air, à cause du toit, bâché de manière précaire.

 

 

Il se composait d'un vaste séjour, d'une cuisine et de deux ou trois chambres, en apparence, mais une exploration en règle, nous apprit qu'il s'agissait de bien davantage. Minel adorait se perdre en ce lieu, et c'était à moi, d'aller régulièrement la rechercher.

 

J'étais un peu effrayé, car ce logis ne présentait jamais la même allure. Les coloris des chambres, l'orientation des couloirs, tout cela variait et me perturbait grandement.

 

Un soir, le dos douloureux, à force de ramper dans le grenier sous le toit, je cherchais Minel, et cette fois, ce fut elle qui me ramena à notre logis chaleureux. Elle me servit une infusion et serra mes mains dans les siennes, afin de soulager mes douleurs.

 

J'en étais abasourdi. Ce fut à cet instant qu'une présence se manifesta.

 

  • Pourquoi n'avez-vous donc rien dit ? demanda une voix malicieuse. Quiconque possède chez lui un site polymorphe devrait être fou de joie !

  • Un quoi ? demandais-je à une Erazel allègre.

 

Erazel se tenait face à moi, le visage rieur. Elle avait perçu mes pensées décontenancées face à la vue d'un séjour poussiéreux, dont les chambres se prolongeaient bien au delà du possible.

 

  • Il en existe quelques uns sur ce monde, expliqua-t-elle. Les sites polymorphes sont à la frontière de différentes régions de l'espace-temps, voici pourquoi ils changent d'allure.

  • Vous faites là référence à quelque chose de rigoureusement impossible, répliquais-je avec quelque contrariété. Cette demeure n'est censée abriter au plus que quatre chambres, non pas une vingtaine.

  • Et pourtant, c'est ainsi qu'il en est, répondit Erazel. Vous devriez être habitué des passages subtils, depuis le temps que vous me connaissez.

  • C'est très différent, fis-je. Les passages subtils ont été conceptualisés et décrits par de nombreuses équations des Kolals. Ici, cela ressemble fort à un lieu fantasmagorique, un lieu de l'esprit, où il se plaît à divaguer.

  • Intéressant, exposa Erazel, en saisissant ma main, afin que je me dresse.

 

Elle sourit et ouvrit une belle porte blanche à petits croisillons qui n'était pas là un instant auparavant. Alors, s'offrit à notre regard la vue d'un jardin superbe. Minel poussa un long rire ravi, elle adorait les jardins.

  • Ce lieu fait-il donc partie de votre demeure ? s'amusa une Erazel impitoyable.

  • En aucune manière, c'est encore vous qui le faites apparaître avec vos tours, répondis-je avec quelque lassitude.

  • En ce cas, les jolies pièces subtiles qui peuplent votre second logis étrange ne devraient pas être de nature à vous effrayer, émit Erazel.

  • Contrairement à vous, nous ne sommes pas de nature à commander aux sites incertains. Imaginez que l'un de nous s'égare là dedans et qu'il reste coincé, parce que l'une des portes s'est refermée ? exposais-je en fixant Minel avec effroi.

  • C'est exact, répondit Erazel. J'irais donc explorer avec vous ce lieu demain. Nous verrons ainsi où il conduit et où il aboutit. C'est un lieu de l'esprit, ne l'oubliez pas.

 

J'étais à la fois épouvanté et aussi, rassuré. Si quelqu'un était en mesure de stabiliser cet endroit, il s'agissait bien d'Erazel.

 

Le matin venu, Zilmis, Amoni, Minel et moi-même étions parés, afin de lui prêter main forte. Les enfants, qui étaient retournés au Grand Institut, n'avaient point été mêlés à cette nouvelle exploration, par sécurité. Nous avions prévu des lampes, mais aussi, d'importantes provisions.

 

Une exploration succincte de l'étage nous révéla qu'il était clos et de taille invariante. En revanche, les chambres du rez de chaussée semblaient se prolonger par une sorte de mise en abyme. Nous avons traversé une série de fort jolies chambres, vert d'eau, rose, pourpre, fuchsia, bleu lavande, jaune d'or, blanc pur, et bien d'autres coloris. Il y en avait en tout une cinquantaine, au moins.

 

Chacune d'entre elle possédait un lit de taille très variée, et nous étions abasourdis de songer à autant d'occupants aliens anciens et inconnus. Nous avons franchi plusieurs voiles énergétiques, et nous sommes retrouvés dans une chambre rose pâle, la dernière.

 

Celle-ci donnait sur un balcon ouvragé, menant à l'extérieur. Nous avons regardé la jungle alentours, d'un œil ébloui.

 

Sentant une présence, nous nous sommes retournés. Oralecto, mon si sage grand-père, me fit un clin d’œil.

 

  • Enfin vous êtes venus, nous dit-il. Il en a fallu du temps ! Maintenant, asseyez-vous donc.

 

Chacun de nous prit place en un joli salon douillet et ombragé.

 

  • Quel est donc ce lieu ? s'enquit Amoni.

  • C'est celui de la dimension suivante, celui du pas vers la foi, aussi. C'est un très vieux temple, qui a été relié à votre logis de manière fortuite. Vous me voyez bien navré de vous avoir effrayés. Le but bien sûr, est de réunir, de réconcilier, de relier et surtout, de guérir, murmura Oralecto.

 

Il nous servit une petite collation, et nous invita à le suivre. Nous avons abouti à un fort joli jardin, tout empli de fraîcheur et de pureté. Autour de nous, des étudiantes prenaient soin des massifs. Je constatais qu'il s'agissait presque essentiellement de Galmols des montagnes, au teint saumon, tout comme Zilmis. Il en reconnut d'ailleurs plusieurs qu'il salua, avec beaucoup d'émotion.

 

  • Mais quel est donc ce lieu ? demandais-je.

  • Il s'agit du Refuge, le lieu caché, où les aliens femelles persécutées peuvent venir si tel est leur souhait. Ici, toute alien des montagnes apprend qu'elle est la feuille du même arbre que celui des mâles, qu'elle peut devenir experte en botanique, chercheuse en neuroscience, exploratrice de mondes, ou ingénieure stellaire.

  • Qu'en pensez-vous ? demanda Erazel avec un rire.

  • C'est fantastique ! lançais-je, en voyant un vaste édifice garni de colonnes, tout immaculé.

 

Nous sommes entrés dans un vaste hall, avec plusieurs salles d'archives, mais aussi, des lieux d'étude du ciel, emplis d'instruments d'observation, puis des sites de maintenance, où des cargos énormes recevaient les soins de Galmols des montagnes aux mains habiles. Des aliens femelles démontaient des parements, soudaient des tubulures de métal, consultaient des plans de navires et assemblaient des réacteurs avec une belle assurance.

 

Un Zilmis bouleversé en pleurait de joie, tant il était ému.

 

  • Nous avions prévu de nous révéler à toi, émit Oralecto en riant. Mais tu as précédé tous nos espoirs en rejoignant un certain botaniste. Le nombre de femelles recluses qui ont gagné ce lieu ne cesse d'augmenter, et nous sommes tout à fait admiratifs. Elles ont été tellement méprisées par le monde qui les a vues naître, que la plupart d'entre elles ont développé des qualités de l'esprit hors normes.

 

Oralecto nous mena dans une autre salle, où cette fois les aliens femelles faisaient agir leur fluide pour déplacer des charges extrêmement lourdes. De cette manière, elle usinaient le bois, le métal, ainsi que la pierre. Un Zilmis tout à fait radieux examina une série de faitouts et de poêles d'un œil d'expert. De mon côté, je m'attardais sur des vases, mais aussi des petites maisons, afin d'accueillir les oiseaux, les insectes, et les lézards.

 

  • C'est du très beau travail, assura Amoni. Merci de nous montrer tout cela.

  • Nous sommes conscients que vous êtes sincères, assura Oralecto. Votre présence en ce lieu est essentielle.

  • Je ne comprends pas, assurais-je.

  • C'est pourtant simple. Vous pouvez mettre fin à la grande séparation.

 

Chacun de nous médita. L'enclavement de la région des montagnes durait depuis un temps certain. Nous, aliens des plaines et des montagnes étions tout prêts à accueillir nos voisins si farouches, mais un schisme religieux implacable avait fait du patriarcat de ce lieu, une barrière de l'esprit absolue. Et bien sûr, les gens des montagnes ne goûtaient pas notre joie à l'idée de voir naître en grand nombre des enfants androgynes en notre contrée. Ils considéraient ces êtres comme impurs, et inférieurs, alors que nous les acceptions avec tout l'amour du monde.

 

Il en était de même du commerce, dont nous avions banni l'existence, faisant de nos villes et de nos villages des lieux de joie et de libre échange, où chacun offrait le fruit de son travail, et où tous étaient prospères.

 

Nous avons continué de fixer avec un bonheur grandissant les aliens des montagnes, les femelles mais aussi les mâles, qui s'étaient enfuis, afin d'épouser l'élue de leur cœur, et qui partageaient cette aspiration à une vie paisible.

 

Nous sommes revenus, en soirée, en notre jolie demeure. Je pris place au salon, avec Amoni et ma famille. Nous sommes restés un temps certain à méditer. Nous étions tous très décontenancés.

 

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