La chute des mondes (1/4)

Publié le par Aurélia LEDOUX

La chute des mondes (1/4)

Message du Guérisseur Lestrys

 

 

Je reviens à notre précédente aventure. Nous nous trouvions, mon cher petit Stency et moi-même, dans les méandres du monde intérieur, en compagnie de trois jeunes clones. Parmi eux, se trouvaient deux petits aliens de Kolménide, que vous appelez « petits gris », et un clone Denakh fort jeune.

 

Pourquoi des enfants me direz-vous ? Il en est bien souvent ainsi. C'est par ses descendants les plus jeunes que change une civilisation, non par ses ancêtres. De cette manière le génie perfide et ombrageux qui menait ces petits avait été dissout par sa propre vilenie.

 

Stency en avait été très choqué, car il avait senti la fin de ce scientifique des plus sinistres.

 

Nous nous trouvions à bord d'un petit transport poussif qui ne marchait plus et que j'avais pu extraire des décombres par l'esprit. C'était d'ailleurs tout ce que nous avions trouvé de la glorieuse cité de nos amis, qui s'était disloquée au bas de la falaise et je devinais combien les enfants devaient être épouvantés.

 

Nous venions de dormir dans le vaisseau et je fixais la caverne toute illuminée qui nous entourait. Une pensée légère, à peine perceptible, en vint à effleurer la mienne, puis s'évanouit. J'avais entrevu par l'esprit un être allègre un peu évanescent.

 

Il fallait nous remettre en route, cela était bien certain. Je sentais un péril qui se rapprochait, ainsi que des grondements. La Terre n'aime pas être dérangée en ces profondeurs, et le fait d'avoir ainsi bâti une citadelle au bord d'une faille, afin d'en capter les énergies telluriques était un bien grand forfait pour ces êtres qui n'offraient rien en retour.

 

Je fixais les enfants. Le petit Denakh blessé vivait à peine et dormait toujours, une chose normale pour un enfant si éprouvé. Stency lui donnait à boire et lui parlait pour le rassurer. J'avais réussi à soigner sa jambe et à en rapprocher les os aussi précisément que possible. J'étais content d'avoir réussi, car cela peut ressembler à un puzzle délicat lorsqu'il s'agit de si jeunes enfants. Malgré sa petite taille, Stency m'aida à déplacer le petit être et à le sangler à bord du vaisseau.

 

Les deux petits clones de Kolménide s'affairaient déjà devant les câblages. Notre esquif ressemblait à une épave, mais je me contentais d'espérer. De plus, de tels enfants ne se laissent pas facilement impressionner par le travail. Ils essaient une chose, puis encore une autre si cela ne marche pas. Ils essaient, jusqu'à ce que cela fonctionne au final. J'étais admiratif de leur patience pour extraire des morceaux de câbles filiformes, faire des épissures pour les allonger, puis les relier à d'autres en un travail méticuleux.

 

Devant l'assurance de leurs gestes précis et rapides, je saisis plusieurs flacons, et descendis en contrebas de la grotte, afin de les remplir d'eau mystérieuse. Je pénétrais dans une caverne superbe, toute peuplée de minuscules cristaux de calcite blanche. Je me laissais aller en contrebas de la falaise et glissais en un gouffre obscur. Des cristaux géants de calcite poussaient en travers de ce lieu fantastique. Juste à mes pieds, des sommités s'élevaient en fleurs régulières. Je compris qu'elles rejoindraient bientôt le plafond. Une eau tiède et sulfureuse jaillissait du sol en un flot régulier.

 

Je formulais une prière de guérison et pris le précieux liquide. Le visage inquiet de Stency me regardait évoluer dix mètres plus haut. Je me plaçais sur la falaise et fis agir mon fluide pour la remonter. Stency me tira bien vite hors de ce lieu et m'étreignit. Il poussa des sanglots. Je m'employais à le rassurer, ému de sa tendresse. Il est vrai que ces cavernes peuvent receler des pièges, et je me promis intérieurement de ne plus autant m'éloigner des enfants.

Nous avons émergé parmi les éboulis, Stency faisant tomber la poussière de ses habits.

 

Je m'approchais des deux petits mécaniciens. L'un d'entre eux soudait un panneau et l'autre achevait de faire rentrer l'ensemble des câbles dans un boîtier protecteur.

 

  • Tu as tellement travaillé. Veux-tu un peu d'eau mon enfant ? demandais-je.

 

Le petit être me fixa avec surprise de ses grands yeux de nuit un peu surpris. J'y décelais une lueur nouvelle et vulnérable.

 

  • Nous ne sommes pas habitués à boire, émit sa pensée craintive. Cela n'est pas nécessaire. Nous devons travailler sans rien attendre en retour.

  • Je comprends mon cher petit. Essaie donc d'en prendre un peu, je suis certain que cela te fera du bien.

  • Cela peut-il m'aider à trouver pourquoi ce vaisseau ne marche pas ?

  • C'est bien possible, assurais-je.

 

Alors, le petit être prit une bonne rasade d'eau mystérieuse, son frère également. Les enfants se figèrent un court instant, leur visage exprimant un parfait contentement, puis, leurs membres se relâchèrent. Ils durent s'asseoir.

 

  • Que nous arrive-t-il donc ? demanda l'aîné avec effroi.

  • C'est la grande transformation, exposais-je. Ayez confiance. Le principe de vie qui vous a si longtemps déserté, revient vous habiter. Ayez confiance, détendez-vous.

 

Les deux clones s'étendirent alors en tremblant, puis fermèrent les yeux.

 

  • Es-tu vraiment sûr que cette eau n'est pas trop forte pour eux ? s'inquiéta Stency.

  • C'est la grande mutation, mon enfant, exposais-je. Ils sont un peu plus âgés que Lokhaïl. Cela va être plus pénible pour eux. Peux-tu faire décoller cet engin ?

  • Moi ? demanda Stency abasourdi. Mais je ne suis pas pilote.

  • Oui, peut-être. Mais il faut aller au delà de ta programmation. N'es-tu pas d'accord ? C'est excitant d'explorer de nouvelles possibilités. Tu sais réparer toutes sortes de vaisseaux, tu dois donc savoir les piloter.

 

Stency me fixa d'un œil implorant, il semblait terrifié. Il ferma craintivement le panneau abritant les composants du vaisseau. Je montais à bord d'un air tranquille, y faisant flotter les deux petits gris, sur lesquels j'étendais un plaid. Je lui souris posément et j'attendis.

 

Stency prit place sur le siège du pilote, ses mains filiformes examinant les commandes.

 

  • Wakcha nou im, païhi, mutahin, traduisit-il en fixant une manette couverte de signes mécaniques.

  • Ascension vers la gauche ou vers la droite, décollage, stabilisation, exposais-je.

  • Je sais lire, tu sais traduire, s'amusa Stency.

  • Nous avons déjà travaillé avec toutes sortes de savants que nous invitions autrefois, et ils sont d'une grande aide, fis-je, en fixant les paupières entrouvertes du plus jeune des petits clones.

 

Stency inspecta un deuxième rang de manettes, dont une plus grande. Ses yeux clignaient intensément, et il faisait appel à toutes ses immenses ressources, pour analyser les différents vecteurs de poussée.

  • J'ai peur, elil, m'avoua-t-il. Ce n'est pas très opportun peut-être de décoller ainsi, alors qu'ils se sont trouvés mal. Avaient-ils terminé ? fit-il en fixant les deux clones à demi engourdis.

  • Oui, sois rassuré. Il me dit qu'ils ont fait tout ce qu'ils pensaient être possible. Il est très heureux de voir que tu connais ainsi toutes les commandes, et très curieux. Ils ne sont pas pilotes, juste des agents de maintenance. Il a confiance en toi et dit que tu es très courageux.

  • Tu es vraiment sûr qu'il pense tout cela ? demanda un Stency très impressionné. Bien, je vais faire de mon mieux.

  • Je vais t'aider, le rassurais-je en déployant mon fluide, pour anticiper tout risque.

 

Stency abaissa une manette, et un grondement sourd agréable, se propagea à toute la structure du vaisseau. Le tableau de bord s'illumina et une série de bips jaillirent. Tout ceci n'avait aucun sens pour nous, mais le clone blessé m'adressa une traduction télépathique des plus nettes.

 

  • Il dit qu'il faut corriger le phasage des systèmes de poussée, exposais-je à Stency. Voici un chiffre juste ici, il faut l'entrer dans l'ordinateur de vol. Le réacteur droit tourne à moitié, et cela permettra donc de progresser à vitesse réduite.

 

Stency fit le nécessaire et les bips cessèrent. Le grondement sourd du navire se modula, et il consentit à s'élever lorsqu'il souleva les commandes. Stency activa un cliquet et bloqua une poignée, alors que nous étions à 1 m 50 du sol. Je vis que ses jambes tremblaient, malgré tout, il fit pivoter le petit navire impeccablement et activa les turbines de poussée. Nous avons alors filé à une vitesse très honorable dans le boyau.

 

Empli de joie, Stency me fit un large sourire, alors qu'il négociait souplement un virage.

 

  • Tu es vraiment l'enfant le plus extraordinaire qui soit ! Je suis si fier de toi, lui exposais-je d'un air conquis.

  • Je suis si heureux, elil, lança Stency. Jamais je n'aurai cru possible de pouvoir faire décoller cet engin.

  • Cela est sûrement inscrit en tes mémoires. Tu étais un grand pilote et autrefois, tu as sans doute beaucoup voyagé de la sorte, fis-je d'un air triomphant. Les programmations restreintes ne sont pas parvenues à tout effacer.

 

Notre petit véhicule minier vola avec davantage de vitesse au bout de plusieurs minutes, sans doute parce que les réacteurs s'étaient débarrassés de la poussière. Le vaisseau tremblait un peu à chaque virage, mais une telle célérité nous faisait honneur.

 

Je soupirais de soulagement, car au dessus de nos têtes, il était là sans nul doute un important péril de lave qui s'éloignait de nous.

 

Bien entendu, j'avais agi de la sorte uniquement pour cacher la raison de ce départ précipité à mes jeunes compagnons, afin de ne pas les alarmer.

 

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