Le vaisseau orbital (3/3)
Message du Professeur Zolmirel (suite)
Au matin, fort heureusement, son fluide énergétique si vif s'était stabilisé et il put marcher en ne semant sur son passage que quelques perles lumineuses. J'en fus vivement rassuré. Il pourrait encore demeurer parmi nous.
Le centre de soins me parut bien plus accueillant. L'aube dorée faisait miroiter le grand parc d'éclats radieux. Nous avons pris une petite collation, puis, peu après, sommes passés sur la terrasse admirer un spectacle étrange.
Un énorme cylindre argenté descendit lentement, planant juste au dessus du hangar de charge. C'était un vaisseau-mère géant de plus de deux kilomètres de long. Une onde plaisante me parcourut en un frisson, alors que le navire se stabilisait au dessus de l'à pic de la montagne. Là, des maîtres en gravité avaient installé deux faisceaux ascensionnels. L'un d'entre eux servait à vider le grand hangar de tous ses vaisseaux pleinement rechargés, et l'autre, permettait de descendre du nouveau matériel.
Je fixais les yeux ronds, toutes sortes de croiseurs légers qui flottaient avec grâce vers le cœur brillamment éclairé du superbe navire. Ensuite, un flot d'androïdes, d'aspirateurs et de cuves de réacteurs vides s'élevèrent à leur tour.
Puis, une quantité identique d'objets alla garnir le grand hangar, désormais vide. Quand tout fut terminé les faisceaux de chargement furent repliés. Il y eut un son plaisant presque imperceptible et la proue du vaisseau mère se redressa vers le ciel. Ensuite, une autre onde jaillit, graduellement et en à peine quelques secondes, il ne fut plus qu'un petit point.
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Incroyable ! commentais-je en sortant de ma rêverie. Je n'ai jamais vu cela !
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Ce n'est pas tout, exposa Erazel d'un air énigmatique.
Elle montra la grande esplanade du bâtiment. Là, une vingtaine d'esquifs étaient alignés de manière plaisante. Il était bien tôt et nul ne s'était encore approché.
Nous avons reconnu notre beau vaisseau tout étincelant. Je versais des larmes de gratitude en me précipitant.
Une Erazel ravie nous fixa d'un air allègre.
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C'est donc vous qui avez accompli cela ? devinais-je en songeant au déplacement subit des vaisseaux d'un lieu à l'autre.
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Oui, c'est exact. Il a fallu créer une porte suffisamment grande. Ils avaient besoin de quelqu'un pour vider ce hangar avant l'arrivée du long courrier. Je suis heureuse de ne pas m'être trompée, s'amusa-t-elle, face aux pilotes et à leurs familles rieuses qui s'extasiaient en approchant. Chaque navire que je devais déplacer a été marqué.
Zilmis s'approcha et découvrit une fort jolie plaque magnétique fixée au train avant. Elle était gravée dans du métal ciselé entouré de fleurs et du nom de notre monde. Il y avait un espace pour inscrire le nom du vaisseau, le nom de notre village et aussi celui de notre planète.
Comme Zilmis n'avait pas encore trouvé de nom à notre vaisseau, il demeurait une partie vide sur la plaque, mais c'était du très beau travail. Notre navire avait ainsi été homologué et pourrait désormais voguer dans l'espace. J'étais fou de joie !
Chacun de nous monta avec bonheur dans la cabine douillette, alors que les experts en soins nous saluaient avec chaleur. Notre douce amie s'avança vers un petit alien au teint vert feuillage et frôla lentement sa joue. C'était un génie Tarethos d'âge vénérable !
Elle venait ainsi de reconnaître celui qui l'avait soignée. Loin de s'offusquer, le génie s'inclina avec émotion. Amoni se précipita à son tour vers le génie en exprimant toute sa gratitude. Trop émus pour parler, nous nous sommes inclinés de même et je croisais le regard vermillon fascinant de ce maître en soins céphaliques.
Toute sa pensée m'apparut alors pleinement, l'éclair d'un instant. Il perçut tout de moi, mon effroi de me trouver en un tel lieu, mon dégoût absolu des méthodes de soins de l'encéphale, des salles où maturaient des cerveaux en quelques liquides poisseux. Il perçut ensuite le lien très fort qui nous unissait, Amoni et moi-même, ainsi que sa nouvelle compagne maintenant.
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Je n'ai fait que servir votre bien être, cher botaniste Zolmirel, énonça-t-il. Cela se fait de la même manière que vous. J'ai été littéralement emporté par votre description fastueuse de plusieurs planètes désertes, entièrement baignées de vie minérale. Vous décrivez un grand peuplement de cristaux, et je ressens à travers vos mots toute la joie que vous avez éprouvé en parcourant ces lieux magnifiques. Vous y discourez aussi beaucoup de la vie première. Pouvez-vous considérer qu'une telle vie se trouve à l'intérieur de l'encéphale ? Pouvez-vous songer à ces nodules cristallins en dormance que seul un courant énergétique pourra orchestrer et faire vibrer à l'unisson ? J'ai découvert que la vie première est présente précisément à l'intérieur des fluides cérébraux d'un nouveau né. C'est un miroir pour la conscience impalpable d'un être à peine éclot, qui se pose lentement en lui. Cela lui permet de ressentir, de concevoir, d'exprimer des émotions. Cette vie minérale symbiotique nous accompagne durant de nombreux siècles. Vous devez concevoir une telle forme de vie avec amour, car elle est aussi parfaite qu'une fleur épanouie. J’œuvre à réparer le tissu cérébral avec amour, de même qu'à retisser sa continuité au moyen de greffes parfaites d'un ou de plusieurs lobes. Les stimulateurs neurologiques nous aident à repositionner parfaitement chaque réseau neuronal. Il en est de même des soins de la moelle osseuse. J’œuvre ainsi, afin que des êtres malformés et rachitiques puissent croître à nouveau et marcher.
Le sage prit mes mains dans les siennes et je sentis une énergie merveilleuse. Cet être était infiniment bon, aimant, et d'une simplicité absolue. Il me bénit, ainsi que tout notre groupe. Comme je m'étais trompé alors ! Et comme ce sage avait su ouvrir mes yeux effrayés. Bien sûr, Amoni avait conversé longuement avec moi, à propos des soins des « imparfaits » à la naissance.
Nous étions un monde très avancé et réformer le génome corrompu de nombreuses espèces stellaires était pour lui une activité merveilleuse, en particulier lorsqu'il s'agissait de nouveaux nés. Nombre de jeunes aliens clonés sans soins souffraient d'horribles malformations. Leurs corps se développaient de manière dissymétrique, ils étaient affreusement maigres et dépérissaient peu à peu. Bien sûr, Amoni trouvait cela inacceptable. Il agissait pour sauver ces petits avec dévotion et les rendre à leurs parents incrédules.
Je tentais de songer au nombre d'enfants, de patients, que mon ami avait soigné au cours de sa très nombreuse vie, et ne parvins pas à le concevoir. Pas de doute, il était parfait et la méritait pleinement, songeais-je avec force. Amoni croisa mon regard brillant de petit alien tenace et versa une larme émue.
Il était l'un des plus grands sur mon monde, mais demeurait discret et effacé. Au fil des siècles, les méthodes de soin avaient grandement été améliorées. Les différents centres de reconstitution de créatures, abritaient à présent plusieurs ailes accueillant des hors mondes. Des chercheurs passionnés se consacraient de même aux soins des animaux, des végétaux, et aussi, des minéraux.
Je montais à bord du vaisseau et le fis décoller. J'étais quelque peu évanescent, et ma maîtrise de la gravité compensa mes hésitations de ce jour. Peu avant l'heure de midi, nous étions de retour en notre jolie bourgade. Notre vaisseau fastueux suscita une vive admiration.
Notre période de repos semi mensuelle devait prendre fin, et je fus donc de retour au chantier archéologique, tandis que Zilmis se rendait au centre de réfection d'engins stellaires.
Amoni et sa bien aimée s'étaient vu octroyer une période de régénération supplémentaire. Ils avaient décidé ce jour là d'aller se promener dans la jungle.
Tout était donc bienvenu et chacun de nous se retrouva le soir, afin de converser.
Amoni était affairé en cuisine, sa compagne lui tendant divers condiments avec une remarquable efficacité. Il me rejoignit un peu plus tard, après le dîner, alors que je contemplais la voûte céleste.
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Il est heureux d'avoir un ami sur lequel compter, commença-t-il. Il est heureux aussi que vous ayez pu dissiper mes doutes.
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Toute impression d'indignité doit vous déserter. Vous avez tellement donné pour ce monde. Il vous faut laisser couler cette énergie magnifique sans la retenir, vers celle qui occupe vos pensées. Alors, son énergie vous habitera de même et vous vous sentirez bien mieux, assurais-je.
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Pourquoi cela est-il si intense ? s'enquit Amoni avec quelque hésitations.
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Il en est toujours ainsi. Nous sommes une espèce habituée des livres, et vous aussi. Chez nous, l'amour frappe très fort quand nous reconnaissons une moitié. Il est des plus bienvenus que cette alien vous ait choisi. J'ai toujours eu l'espoir que vous pourriez trouver celle qui manque à votre cœur. Me voici à présent comblé !
Amoni ne souffla mot, lisant dans mes yeux un bonheur semblable au sien. Par chance, son fluide s'était stabilisé. Il allait donc pouvoir demeurer encore avec nous. Une gratitude supplémentaire m'habita.
Orel, Dorian et Zilmis nous rejoignirent bientôt avec notre charmante amie. Très bientôt, elle choisirait un prénom. Je fixais les cieux et nommais les étoiles, songeant qu'à mes yeux, elle en était déjà une bien grande. J'étais fasciné par sa finesse d'esprit, sa sensibilité et sa bienveillance. Elle était de taille parfaitement identique à celle d'Amoni. Quoique plus menue que lui, leurs proportions étaient presque exactement identiques, à tel point qu'ils pourraient aisément échanger leurs souliers et leurs manteaux !
Je formulais ma pensée et chacun rit de bon cœur.
Je vous salue avec beaucoup d'affection, chers amis de la Terre bleue ! Je souhaite qu'un bonheur semblable vous habite. Soyez comblés en toutes choses en ces temps présents. Notre grâce protectrice vous accompagne.
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