Le vaisseau orbital (2/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

Le vaisseau orbital (2/3)

Message du Professeur Zolmirel (suite)

 

Nous nous sommes élevés au dessus de la jungle, le navire était merveilleusement plaisant à piloter, et je me laissais aller à frôler la cime des plus hautes montagnes pour en admirer toute la verdure. Il y avait quelque chose de différent, de très différent.

 

Auparavant le vaisseau n'était qu'une simple machine, et à présent, je pouvais en ressentir les moindres oscillations. Erazel lisait mon émoi et ne soufflait mot, ressentant elle aussi sans nul doute avec acuité la conscience étonnée du navire, comme les prescients savent si bien le faire.

 

Le hangar de charge fut bientôt en vue, entouré de hautes tours, et de mâts nombreux disposés en forme d'étoiles, les fameux capteurs de foudre.

Le transpondeur afficha un signal jaune sur un écran, il n'y avait nul danger à se trouver là, pour l'instant.

 

La vaste porte coulissa à notre approche, révélant une très grande quantité d'appareils d'un âge ancien. Je reconnus plusieurs modèles de vaisseaux issus des hors monde. Le sol était très particulier, composé de rails qui pouvaient bouger en de multiples positions.

 

J'aperçus des appareils antiques, semblables à ceux qui peuvent orner un intérieur d'époque. Il y avait plusieurs gros aspirateurs anciens, des générateurs domestiques, mais aussi de très hautes armoires, composées de génératrices propres à alimenter d'immenses réseaux d'ordinateurs neuronaux. Enfin, certains générateurs semblaient si puissants qu'ils devaient provenir d'anciennes stations d'oblitération plasmique. Mon monde s'était fait une spécialité de reconvertir les armements lourds en matériel inoffensif, comme par exemple, le chauffage des serres d'altitude dans les provinces peu ensoleillées.

 

Nous sommes descendus en enjambant les rails avec soin et un alien Denakh nous invita à entrer dans une petite salle attenante, entièrement blindée, dont il verrouilla la porte.

 

  • Bienvenue, amis, nous dit-il. Les experts en vol m'ont déjà informé de votre visite.

 

Nous avons remercié cet alien si courtois, et Zilmis regarda une dernière fois le vaisseau. Deux clones graciles l'avaient déjà arrimé dans le fond avec les autres bâtiments, en connectant un dispositif de charge à la cuve à une vitesse ahurissante.

 

  • Pourrons-nous assister à l'éclair ? demanda-t-il.

  • Oh non. Je suis navré, visiteurs, mais aucun être vivant n'a le droit de demeurer longtemps en ce lieu.

 

Les deux clones apparurent à ses côtés et il les serra près de lui avec affection.

  • Pardonnez-moi, émit Zilmis avec courtoisie. Mais n'êtes-vous pas des êtres vivants ?

 

L'alien eut un doux rire amusé.

  • Oui, en effet. Nous sommes vivants, presque comme vous. Mais nous sommes une forme de vie pleinement électrique lorsque cela est nécessaire. Lorsque la foudre approche, nous devons partir, tout comme vous. Si cela vous fait plaisir, je serai heureux de vous donner un film de l'éclair lorsqu'il se produira.

 

L'alien si aimable nous escorta près d'un tunnel étrange. Et là, il nous fit prendre place dans un petit transport en forme de cylindre. Nous avons salué notre bienfaiteur et le transport se mit aussitôt à accélérer.

 

Nous sommes entrés dans le grand tunnel de verre et avons pu passer près des gigantesques installations servant à recueillir la foudre. Des pylônes immenses garnis de câbles énormes étaient entourés de déflecteurs, afin de protéger la végétation et les animaux alentours. Au niveau du sol, du sable avait été répandu sur une large surface, avec par dessus, de la pâte de verre pure. Des cercles de pierre harmonieux dessinaient la « limite végétale » au niveau du sol. C'était la limite au delà de laquelle la végétation avait accepté de ne pas empiéter, d'un commun accord.

 

Les experts en décoration d'ouvrages technologiques avaient tenté de donner aux pylônes la forme la plus agréable possible. Certains rappelaient un peu des arbres, et d'autres possédaient des protubérances en forme de feuillage vert, pour s'intégrer harmonieusement au paysage. Enfin, l'un d'eux figurait un vaste champignon d'un réalisme absolu, dont le chapeau creux était à dessein surmonté d'une nappe d'eau.

 

Il était fréquent que le domaine de l'art soit très sollicité par l'industrie sur mon monde. Je le réalisais encore plus lorsque notre transport a approché de la superbe bâtisse blanche en forme de dôme qui abritait le centre de soins.

 

Nous sommes descendus près du centre et le petit transport vide s'est éloigné, faisant demi tour. La façade de l'édifice était toute blanche et vitrée et le toit élégamment incurvé, comme peuvent l'être les coquillages.

 

L'expert Ilstirr en soins de la matière grise nous fit bon accueil, devisant avec un collègue Tarethos.

 

  • Votre charmante amie est au jardin en compagnie de votre famille, nous lança-t-il. De l'orage est annoncé en soirée. Il vous faudra rentrer, dès que le signal retentira.

 

 

Nous avons donc déambulé entre des massifs de fleurs parfaites et différents buissons chargés de fruits. Orel, Dorian, Amoni et la radieuse alien nous attendaient en un lieu magnifique. Il s'agissait d'une jolie petite terrasse toute agrémentée d'arbustes d'un vert éclatant et de différentes formes de champignons bien épanouis. Amoni semblait planer sur quelque mer de nuages, sa charmante amie serrant sa main dans la sienne.

 

  • Nous sommes charmés de vous voir ! lança Zilmis avec soulagement. Notre vaisseau est en sommeil, il a été apprêté pour sa renaissance. Une fois que la matière-énergie du générateur aura été bien chargée, nous pourrons repartir. En attendant, j'ai bien peur qu'il nous faille passer la nuit ici, lança-t-il en réprimant un frisson.

     

Effectivement, un épais nuage de suie approchait de la région des montagnes, la sienne.

 

  • Ne soyez donc pas inquiets, émit Dorian. Ce lieu est très bien protégé. Et la venue d'un nuage est bon signe pour le vaisseau.

  • Il y a quelque chose dans l'orage qui aide les plantes à s'épanouir de manière merveilleuse ici. Avez-vous vu la taille de ces moisissures ? C'est exceptionnel, lançais-je en sortant un senseur pour examiner le champ énergétique du champignon situé derrière moi. Je pense à l'azote contenu dans les pluies d'orage.

  • Oui, l'azote est très bénéfique, ainsi que les radiations telluriques, et l'électricité atmosphérique. C'est aussi de cette manière que nous aidons un paysage à croître dans le hangar d'un vaisseau. La vie s'y épanouit de manière parfaite, exposa Dorian.

 

 

Peu de temps plus tard, le signal du rappel a retenti, comme le son cristallin de vases délicats, aussi, sommes-nous entrés prestement nous abriter à l'intérieur.

 

J'observais avec curiosité les aliens qui peuplaient le grand hall de repos, garni de fauteuils et de lecture. La quasi totalité portait un bandage au niveau de la nuque. Je réprimais un frisson, car les soins de l'encéphale faisaient partie d'une médecine, qui à dire vrai m'horrifiait.

 

Devinant mon mal être, Dorian tenta de m'aider à reprendre pied.

 

  • C'est une tâche très noble que de tenter de soigner l'esprit de ceux qui n'en ont plus.

  • Peut-être, mais je préfère de beaucoup votre manière de faire, exposais-je en frissonnant.

 

En effet, un généticien venait de sortir d'un petit cabinet et la vision d'une machine emplie de tiges m'épouvanta. Je savais que ces tiges étaient lentement enfoncées dans le cou et la nuque, entre autres, afin de reconformer les parties endommagées de l'encéphale.

 

  • Vous ne devez pas craindre ces machines, ami. Ni ces tiges. Ceux qui procèdent de la sorte sont vraiment très habiles. D'autres peuples pratiquent la trépanation et il en est bien mieux ainsi pour les patients. Je puis vous assurer qu'ils ne sentent absolument rien.

 

Je fixais avec effroi un Galmol dont la base du crâne était recouverte d'un énorme bandage. Étendu dans un fauteuil, il semblait totalement absent, et ne bougeait même pas.

 

  • Oui, on dirait bien. Celui-ci n'a plus l'air de sentir quoi que ce soit, répondis-je avec quelque vigueur.

  • Il vient de recevoir une greffe, expliqua Dorian. Il est donc normal qu'il en soit ainsi. Il faut que toutes les fibres nerveuses se reconnectent et cela prend du temps. Il existe des mécanismes protecteurs très puissants en l'esprit des vôtres. La mer de ses souvenirs doit jaillir progressivement en un flux régulier. Et puis vous oubliez que votre cerveau, votre mémoire est vraiment énorme. Il en est de même pour elle, exposa-t-il.

 

Dorian me servit un cordial et je respirais un peu plus à mon aise. Nous nous sommes dirigés vers les chambres que les soigneurs avaient mis à notre disposition, jusqu'à ce que notre vaisseau soit parfaitement prêt. Nous étions en tout six visiteurs, mais nul ne s'en offusqua. Je compris qu'une partie de l'édifice était dévolu à cet usage, car nous avons croisé dans les couloirs nombre de pilotes en partance avec leurs familles.

 

Nous avons rejoint une petite salle pour y dîner et les tintements étranges de la foudre sur les attracteurs ponctuèrent nos discours.

 

  • Il est heureux, exposa Dorian, que vous soyez arrivé à point. En cette région, les orages n'ont lieu que toutes les semaines.

  • En effet, assura Erazel. Et nos installations excellent à les attirer exactement où il faut.

  • Vous pourriez ouvrir un passage pour nous ramener chez nous malgré tout, émit Zilmis, en fixant l'ancienne.

  • Il est vrai que cela pourrait se faire. Mais vous êtes ici, parce que cela est une fin heureuse, émit l'ancienne mystérieusement, en fixant la douce alien qui mangeait quelques fruits avec des gestes ravissants.

  • J'espère qu'elle va bien, demanda Zilmis avec quelque crainte.

  • Oui, la consolidation est bonne, répondit Amoni. Son cerveau se structure vite, et elle est bien plus curieuse de tout. Son énergie se déploie aussi d'étrange manière, émit-il en s'écartant avec peine du bras de sa superbe réplique.

  • Vos deux énergies semblent parfaitement connexes, assurais-je avec joie, en constatant que des lueurs fugaces entouraient leurs paumes de manière identique.

 

Je regrettais aussitôt ces mots, car Amoni se leva d'une traite et disparut dans un couloir. La grande alien voulut se lancer à sa suite et Dorian dut lui parler longuement avec douceur pour la rassurer.

 

Très chagrin et me sentant responsable de cette situation, je me levais peu avant la fin du repas, afin de trouver mon ami. Je parcourus nombre de couloirs bleutés gagnés par la pénombre, en tout une vingtaine d'étages, sans trouver signe d'Amoni.

 

Je laissais aller mon esprit et ressentis aussitôt pleinement un fait absolu. Amoni était passé par ce couloir, il demeurait son empreinte psychique en ce lieu. Des pensées d'obscur désarroi me frappèrent, à mesure que j’approchais de sa présence.

 

Quelque peu essoufflé et résigné, je montais l'escalier permettant d'approcher du 22ème étage, le dernier.

 

Un jaillissement psychique intense fusa du couloir situé au dessus. Amoni avait senti mon approche et entendait que je le laisse seul.

 

Je m'effondrais avec quelque soulagement sur une marche et attendis.

 

  • Loin de moi l'idée de vous offenser, exposais-je simplement.

  • Tu ne m'as pas offensé, répondit Amoni, d'une pensée tremblante.

  • Alors ? Que veut dire ce revirement ? Nous allons rater le dessert, répondis-je.

  • Je suis indigne d'elle. Elle est tellement... parfaite...

  • Vous l'êtes aussi. Cette alien vous a choisi. Elle vous a reconnu. Vous me semblez être le seul capable de l'aider à guérir convenablement. Elle a besoin de vous, et moi aussi, répondis-je.

  • Vous ne comprenez pas. Elle est pure et sans attache. Je n'ai pas le droit de la forcer à demeurer ici. C'est un être qui vient d'une haute dimension, une alien de très haute pensée.

  • Oui, peut-être. Un corps vide et sans vie, qui a reçu une nouvelle âme, une nouvelle incubation cérébrale pour l'aider à s'exprimer. Mais elle tient à vous et les enfants l'adorent.

 

Cet argument de choc porta ses fruits et la barrière psychique d'Amoni céda. Je me levais et me précipitais dans le couloir effrayant ponctué d'éclats de foudre redoutables. Une partie du corps d'Amoni, en particulier ses mains et son visage était devenue d'un blanc pâle phosphorescent.

 

Il s'agissait des signes préludant à l'émoi d'un jeune alien, et je devinais que mon ami âgé d'un certain nombre de siècles en était quelque peu honteux.

Je le serrai près de moi, alors qu'il était prêt de défaillir, et reçus un impact assez vif. Le fluide désordonné de mon ami avait besoin d'être stabilisé. Je m'y employais.

 

Il était si vif, que je pus faire jaillir une puissante onde antigravité, qui nous porta avec aisance jusqu'au bas de l'escalier.

 

Orel et Dorian étendirent Amoni inconscient dans un fauteuil et sa bien aimée prit place à ses côtés.

 

  • Il semble qu'il a besoin de soins urgents, émit Orel en riant. Cette alien me semble vraiment des plus habiles, s'amusa-t-il en voyant ses mains apaiser le fluide désordonné d'Amoni.

  • Il perd de plus en plus d'énergie, constatais-je, en voyant ses mains envahies de perles lumineuses.

  • Cela ira mieux demain, émit Dorian d'une voix apaisante. Nous sommes en un lieu tellurique, ne l'oubliez pas.

 

Disant ces mots, il me servit une grande part de cake aux fruits frais et je l'en remerciais.

  • Je devrais me réjouir qu'il ait enfin trouvé une moitié, exposais-je avec émoi. S'il devient plus énergétique, il va certainement gagner le royaume des bienheureux pour un temps, avant de revenir se poser de nouveau parmi nous.

  • En effet, répondit Erazel. Et il en sera très bien ainsi.

 

Chacun de nous alla se coucher, l'esprit un peu embrumé. Nous étions soucieux de l'état de santé d'Amoni.

 

 

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