La promesse de la Lumière (1/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

La promesse de la Lumière (1/3)

Message du Professeur Zolmirel

 

 

Nous étions de nouveau réunis, Amoni, Zilmis et moi-même. Orel et Dorian aussi étaient revenus séjourner parmi nous. Ils partaient de temps à autres, quand le besoin s'en faisait sentir.

 

Leurs présences, toujours discrètes et bienveillantes, nous rassuraient en ces temps de changement.

 

En effet, le ciel se mettait à avoir une drôle d'allure. Dès l'aube, le firmament azur révélait la troublante profondeur des cieux étoilés, à mesure que notre soleil montait sur l'horizon, les alentours se coloraient de nuées, et les forêts loin à l'horizon prenaient une teinte d'or pur, d'une brillance quasi surnaturelle.

 

Les nôtres sommes un peu superstitieux, mais très respectueux devant les prodiges de la nature. Mon ami Zilmis, puis moi-même, commencions d'être affectés de douleurs étranges, suivies de fièvres. D'étranges phénomènes radiatifs siégeaient dans l'atmosphère qui entourait le sommet de notre petite colline. En effet, une sorte d'électricité crépitante semblait la parcourir.

 

Les nôtres sommes habitués de contempler cette foudre naturelle, qui jaillit parfois de nos mains, mais là, cet exercice devint douloureux.

 

Un matin comme tous les autres, Zilmis devint incapable de se lever, affecté d'un blêmissement intense et d'une fièvre tenace. Pour les siens, cela n'est pas du tout bon signe. Il peinait à ouvrir les yeux, à parler et à se mouvoir. Très inquiet, j'ouvris les rideaux, et j'eus la surprise de découvrir une forêt claire.

 

Mon ami Amoni, était assis au salon, l'air quelque peu évanescent. Il sirotait un breuvage, afin d'apaiser une insoutenable migraine. Il m'en versa un peu, et je pris place à ses côtés, aussi hagard que si j'avais traversé la terrible zone du désert brûlant.

 

Nous sommes restés ainsi, figés par des vertiges intenses, les oreilles bourdonnantes, puis notre malaise passa.

Je réalisai peu à peu que notre jolie demeure avait été « déplacée ».

 

A l'heure du déjeuner, j'étais remonté voir Zilmis, et je fus rassuré de voir qu'il dormait paisiblement. Sa fièvre semblait avoir diminué.

 

Ce fut à cet instant que l'on frappa à la porte. Très préoccupés par son état, Amoni et moi-même n'avions même pas pris la peine d'examiner le nouvel environnement que l'on nous avait attribué, à juste dessein.

 

Nous sommes sortis dans le jardin. Quelques massifs de plantes aromatiques avaient été échangés de place, pour mieux bénéficier de l'orientation, différente en ce lieu. Mais autrement, les anciens avaient respecté nos aménagements. Notre vaisseau rapiécé pointait fièrement vers le ciel et juste derrière, l'orée d'un bois singulièrement attirant fascinait mon regard.

 

Je frémis de bonheur en reconnaissant les alentours de la maison d'Erazel, et de son époux, le grand savant Euctamon. Nous nous trouvions précisément dans le petit village qui abritait leur longue demeure emplie de mystères. Encore une fois, nous étions stupéfaits de tout ce que les anciens peuvent accomplir.

 

Un grand éclat de rire nous fit nous retourner.

 

Erazel nous contemplait avec une joie indicible, et nous nous sommes précipités pour la saluer. Elle nous étreignit avec beaucoup d'affection, et tout naturellement, nous l'avons priée d'entrer.

 

Elle admira l'intérieur douillet de notre joli séjour aux tons clairs et aux boiseries sculptées. Amoni était désireux de s'affairer en cuisine, mais juste avant qu'il n'éprouve cette idée, Erazel avait fait apparaître des boissons délicieuses, des cakes, et plusieurs variétés de salades arrosées de mousses au goût prometteur.

 

  • Voilà qui embaume assurément, assurais-je. Votre don se renforce avec les saisons !

  • Cela est un plaisir que de pouvoir ainsi combler mes amis, assura notre si charmante invitée. Il y avait en ce lieu une vieille masure à demi moisie et les agents experts en bâtiment ne savaient trop qu'en faire. La famille qui a hérité de ces lieux a choisi de l'offrir à votre père. Cet emplacement était donc libre, expliqua Erazel.

 

Il vous faut savoir que sur notre monde, les règles qui régissent la propriété sont très différentes de vôtres. Une maison est transmise au fil du temps, et embellie, ou « réformée » , pour s'adapter au goût de chacun. Généralement, un couple d'aliens se voit offrir une demeure par ses proches et les anciens qui protègent sa famille. Comme notre société est invariante, en termes du nombre d'individus, il existe un quota de naissances autorisées. Cela est nécessaire, car les nôtres vivent fort longtemps. Il pourrait vous sembler incompréhensible de concevoir cela, car votre monde est un monde jeune. Cela dit, lorsqu'une planète a atteint un certain niveau vibratoire, les habitants s'y plaisent beaucoup et nouent entre eux des liens très forts.

 

La résultante en est qu'il existe peu d'emplacements où positionner un nouveau logis. Nos villages sont entourés de ce qui se traduirait par une « limite végétale ». C'est un accord que nous avons passé avec toute la végétation de notre monde. Les arbres, les lianes et l'herbe, ne doivent pas envahir les zones cultivées, ni les villages. En contrepartie, nous devons veiller à la santé des arbres et des écosystèmes. Créer de nouvelles zones habitées est possible, à condition de replanter toute la végétation qui s'y trouvait déjà.

 

Cela implique pour les anciens un très gros travail d'agencement, lorsqu'il est nécessaire de déplacer des villages entiers. Par exemple, quand un volcan menace les zones habitées.

 

Erazel se plut à nous détailler ces opérations, car dans la région des terres de l'Est, un volcan avait effectivement du être dépeuplé en urgence.

 

  • Il ne s'agissait que de quelques maisons de chercheurs, expliqua-t-elle. Les agents de soins aux volcans sont arrivés très vite, avec des vaisseaux-maisons bien protégés.

  • Vraiment ? demanda Amoni en reprenant une part de cake.

  • Ces vaisseaux abritent des habitations confortables et à peu près indestructibles. Si le volcan entre en éruption, le vaisseau sera éjecté automatiquement un peu plus loin. Il est équipé de déflecteurs à toute épreuve. Il résiste aux explosions, aux coulées de lave, et même à des avalanches de cendres brûlantes.

 

 

Amoni et moi-même nous sommes regardés d'un œil très impressionné. Les coulées pyroclastiques étaient les plus redoutées, car elles malmenaient le sol et la végétation. Mais les experts devaient tout faire pour éviter cela. Erazel continua son récit.

 

  • Les experts sont accompagnés de prescients, qui leur disent où se trouvent les poches de gaz. Ils creusent d'abord des voies de dégazage, et positionnent des tuyaux. Ils creusent très lentement, avec parfois des pauses de plusieurs jours, pour attendre que tout le gaz s'échappe. Une fois ceci fait, ils creusent une voie vers le cœur du volcan, une sorte de couloir de maintenance, si vous préférez. Bien entendu, cela est fait avec du basalte de la même espèce pour étayer, car les génies des volcans sont très susceptibles. Il faut un ouvrage élégant et solide. Le granit est idéal. Ce couloir donne accès au lac de lave souterrain. Il permet à la lave de s'écouler parfaitement vers l'extérieur. En fonction de la taille du lac de lave et du débit, plusieurs couloirs sont construits. Ensuite, en contrebas de la montagne, des stations de cubage sont édifiées.

 

Chacun de nous retint son souffle. Nous étions fascinés par autant d’ingénierie.

 

  • Évidemment, vous vous en doutez, beaucoup de stations de cubage sont déplacées d'un volcan à l'autre en fonction des saisons. Il existe aussi des méthaneries et des stations thermales, proposant des bains et des eaux minérales aux vertus multiples.

 

Erazel nous fixa d'un œil malicieux. Nous étions absorbés par son récit si plaisant, ponctué d'images agréables qui surgissaient en notre esprit. Les stations de cubage servaient à créer des blocs de construction, des escaliers entiers, ou des statues, par moulage de la lave. Elles permettaient aussi de fabriquer des aires de décollage pour les navires, des pavages pour les allées et les jardins, ainsi que des composants cristallins. Ces derniers étaient très précieux et entraient dans la composition des miroirs stellaires, là où les astéroïdes les plus reculés avaient besoin de concentrateurs de lumière longue portée.

 

Erazel nous vanta ensuite les mérites d'une invention récente, les cités-ascenseurs.

 

  • De telles cités sont édifiées sur les astéroïdes les plus instables. Elles siègent au cœur d'un cratère et se rétractent automatiquement vers le fond en cas de danger.

  • Vous voulez parler de météorites ? demanda une voix.

 

Zilmis était assis sur les marches de l'escalier et s'était avancé sans bruit. Ravis de le voir sur pied, Amoni et moi-même l'avons étreint avec une joie débordante. Il gémit de bien être, encore faible. Son teint assez pâle attestait de l'épreuve qu'il avait traversée.

 

  • Quelle idée de ne pas vous manifester, s'amusa Erazel en l'embrassant à son tour.

  • Je suis navré, exposa Zilmis. Je n'ai pas eu le cœur d'interrompre un si beau récit.

  • Asseyez-vous donc, et mangez à votre convenance, fit-elle avec chaleur.

 

Zilmis prit place à mes côtés et se servit d'un peu de salade. Je souris largement, radieux de le voir plus alerte. Sa main effleura tendrement la mienne et je fus instantanément transporté en une mer de félicité inouïe. Pour les nôtres, qui sommes une espèce énergétique, la fusion est quasi permanente.

J'étais un peu surpris que sa voix ait ainsi changé, à présent elle était devenue un peu plus grêle comme celle d'un enfant, mais les mutations sont chose courante pour les androgynes. Je le trouvais encore plus poignant, plus attachant qu'avant, dois-je dire. Ce sentiment se renforça encore lorsque ses yeux inondés d'amour croisèrent les miens.

 

Amoni sourit à mon compagnon qu'il considérait également avec beaucoup de tendresse. Je savais que mon ami souffrait de l'absence de la radieuse apparition qu'il avait commencé à soigner. Celle-ci reviendrait bientôt parmi nous, une fois que les soins céphaliques seraient terminés. En attendant, il nous était défendu d'interférer avec elle, car cela pouvait compromettre le processus d'effacement en cours.

 

Depuis ce moment, Amoni était un peu absent et je sentais que son cœur très grand, se manifestait bien plus volontiers qu'auparavant. Amoni était autrement cet alien intègre fort habile dans sa spécialité de guérisseur. Il parvenait à approcher les blessés les plus farouches, qu'il s'agisse d'enfants craintifs, ou de vieillards obstinés. Il parvenait même à soigner des animaux, et des plantes. Il s'intéressait de plus à toutes les espèces stellaires et posait de nombreuses questions à Orel et Dorian sur la physiologie des humanoïdes.

 

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