L'action de la radiance blanche (1/3)

Publié le par Aurélia LEDOUX

L'action de la radiance blanche (1/3)

Message du Professeur Zolmirel

 

Nous revenons vers toi en cet instant crucial, cher habitant de ce monde bleu.

 

Ton monde est en train d'être déserté par la violence, la cupidité, l'avarice. Il se trouve, même si cet état de chose ne transparaît pas pleinement à tes yeux, que l'hostilité gratuite, la férocité, et la tromperie ont de plus en plus de mal à s'y exercer.

 

C'est ainsi que la radiance blanche agit, à visage à demi apparent. Elle sait ce qu'elle a à faire, à déverser, et elle poursuit son chemin, il faut juste y croire et la laisser agir.

 

C'est un peu aussi ce qui s'est déroulé sur mon monde, fort à propos, en ces temps si particuliers où nos amis des Pléiades ont choisi de se manifester massivement.

 

Il y eut pas mal de remue ménage en ces régions isolées, ces provinces proches des plus hardis sommets, que nous nommons régions des montagnes. C'est en ce lieu aride du cœur, qu'avait grandi mon ami Zilmis, auprès de sa famille, laquelle prônait des traditions nombreuses. Il s'ensuivait une culture patriarcale, et nombre de coercitions matrimoniales, chose qui sur mon monde est une infinie transgression. Bien sûr, les anciens savaient déjà tout cela, ainsi que nos amis, visiteurs lointains et bienveillants.

 

S'ensuivit une série d'incidents fâcheux qui troublèrent la sérénité des montagnes. Un certain nombre d'aliens furent proprement et simplement dissous. ( il frémit, car il est difficile pour lui de parler de tout ceci)

 

Je parle ici de l'oblitération, qui est la sentence d'une vie âpre et cruelle basée sur la domination d'autrui. Il ne resta de ces chefs de village que des petits monticules de sable et de pierre. Ils furent enterrés dignement, et on ne parla plus d'eux, les habitants de ces régions devenant d'un seul coup bien plus gais, bien plus libres. Un grand nombre d'habitants déserta ces régions, venant s'établir en des lieux de vie bien plus accueillants, près des hauts plateaux et de la région des cascades, située en contrebas.

 

Hélas, la famille de Zilmis s'y refusa, préférant demeurer dans leur vallée étroite et encaissée, à côté de leurs maigres plantations et de leur antique atelier, garni d'épaves de vaisseaux cabossés.

 

Pour Zilmis et moi-même, cependant, la vie était un enchantement de chaque instant. Mon ami le sage Amoni, nous avait défendu vaillamment face à sa famille, et il avait usé de tout son art pour persuader la famille de mon ami de nous accepter. En vain.

 

Il n'est jamais bon de forcer quelqu'un à changer d'avis, aussi, nous en sommes nous retournés. Les semaines qui suivirent furent brillantes et joyeuses, et il me fut alloué du temps afin de veiller au bon établissement de mon père en sa nouvelle demeure.

 

Celle-ci, vous vous en doutez, était emplie de livres en quantité innombrable. Lorsque je vins retrouver mon père ce jour là, sa demeure était en pleine transformation. Deux experts en terrassement discutaient, et j'entrais à petits pas intimidés. Un alien minuscule au teint blanc montrait une fenêtre flambant neuve, disposée à l'envers. Une autre alien, au teint un peu plus coloré, était occupée à faire agir son fluide sur la charpente, pour modifier ou consolider diverses poutres tordues. La charpente se referma avec des craquements satisfaisants et le bois déformé accepta de reprendre sa forme originelle.

 

J'étais toujours ravi de voir à l’œuvre une telle maîtrise, surtout chez une alien aussi jeune.

  • Ils sont vraiment adorables, exposa mon père qui surgit à cet instant. Cela va nous épargner beaucoup de travail. As-tu fait bon voyage ?

 

J'assurai que oui, le petit bois où logeait mon père, garni d'un marécage, était un lieu fourmillant de vie, où j'étais toujours ravi de me rendre. Nous nous sommes interrompus, car la jeune alien qui tentait de pourvoir au redressement de la fenêtre n'y parvenait pas, elle était sur le point de fondre en larmes. C'était une Galmol au teint bleu vert, presque comme nous.

 

  • Vous comprenez, nous ne sommes que des étudiants, expliqua-t-elle.

  • Bien sûr mon enfant, assura mon père. Mais ce que vous avez accompli sur cette maison en aussi peu de temps est un prodige. Je vous en suis très reconnaissant à tous les deux. Asseyez-vous et prenez un peu de ce gâteau.

  • C'est juste, que... maintenant, la poignée de cette fenêtre se trouve en plein milieu de la vitre... On ne pourra rien ouvrir du tout... J'ai voulu corriger cela et j'ai fait pire.

  • Rien qui ne puisse être arrangé, répondit mon père en riant. Ce sont des choses qui arrivent lors de la fusion des matériaux. Oublies-tu cette bibliothèque que tu as miraculeusement redressée ?

 

La jeune alien s'apaisa peu à peu. Elle mettait tant d'ardeur à réussir ce qu'elle tentait d'obtenir que sa frustration était bien grande.

 

  • Vous comprenez, je ne puis agir que sur le bois. Mon don n'est point pleinement épanoui lorsqu'il s'agit de courber d'autres matières. Il est plus facile de reconstruire la mémoire du bois. Sa forme originelle se tient abritée en ses nœuds de croissance. Tandis que pour une fenêtre en cristal, faire migrer les éléments est bien plus ardu.

  • C'est tout à fait compréhensible, assurais-je. Étant jeune alien, autrefois, je ne pouvais déplacer que de très petits objets. Il m'était impossible de faire léviter des objets épars, comme de la poussière. Je tentais de balayer, et la poussière se répandait absolument partout... Heureusement, ma mère ne m'en voulait pas !

  • Ni moi non plus, assura Ektamirel, même si tu me faisais bien rire.

 

Nous avons rassuré nos deux jeunes amis et ils s'en furent sur un petit chariot à répulsion. Mon père me sourit d'un air radieux.

 

  • Il y a une surprise, me dit-il.

 

Je le suivis d'un air intrigué à l'étage et découvris une pièce lambrissée du plus bel éclat, d'un beau bois rouge sombre. La pièce comportait plusieurs petits lits et deux bibliothèques.

 

  • J'ai prévu cette pièce à ton intention, m'exposa mon père. Zilmis, Amoni et les enfants peuvent venir aussi, bien sûr. Ainsi, nous pourrons nous rendre visite plus souvent !

  • J'en serai plus que ravi, assurais-je avec émotion. Je n'arrive plus à parler tellement je suis heureux.

 

Nous nous sommes étreints, très émus de ces précieux instants. Amoni était très grand et je vis qu'une autre pièce abritait un très beau lit en bois blanc d'une taille suffisante. Mon père avait tout prévu, semble-t-il. Mais je devinais qu'une autre invitée était au cœur de ses préoccupations. Ma mère avait certainement du avoir vent des transformations spectaculaires de la vieille masure en logis confortable. Allait-elle accepter de venir y faire un tour ?

 

  • Elle est venue, s'amusa mon père, répondant à ma pensée. La fenêtre n'était pas à son goût, fit-il en riant. Ce sont des choses élémentaires que les experts peuvent oublier parfois, car ils ont plusieurs logis à réaménager durant la journée.

 

Je souris face à ces paroles. Effectivement, les très grands anciens qui veillaient à la prospérité des nôtres pouvaient parfois être un peu distraits. De tels aliens œuvraient toujours avec un immense désintéressement, ils étaient tous nos amis, qu'ils soient Ilstirr, Galmols, Kolals, ou d'autres peuples de reptiles et d'humanoïdes. L'énergie immense qui s'écoulait sur mon monde avait accru leurs capacités de manière exceptionnelle.

 

Un son agréable retentit en nos esprits subitement, et nous avons perçu une présence. Nous sommes revenus au rez de chaussée. Erazel était là !

 

Elle s'extasia avec une joie débordante sur les meubles lustrés, le sol poli et les globes à plasma éclatants de brillance.

 

  • Quel magnifique endroit ! Vous êtes vraiment merveilleux ! nous lança-t-elle. En si peu de temps, cette jolie demeure a pu retrouver tout son charme !

 

Erazel sortit dans le jardin et contempla les fissures rebouchées avec un matériau gris sombre, les chevrons plus droits et les volets décrépits, mais consolidés avec du bois de couleurs variées. Il restait le problème du toit, couvert de tuiles poreuses chargées de mousses et d'algues, qui finalement n'en était pas un. Deux lézards volants étaient en train de manger toute la mousse avec un appétit certain.

 

  • Vous disposez d'une aide très appréciable, s'amusa notre si sage amie. Il reste le souci de cette fenêtre. La poignée est placée fort étrangement.

 

Et Erazel fit agir son fluide, remettant la poignée au centre.

 

Mon père s'avança pour tenter d'ouvrir la fenêtre, mais rien ne fonctionna.

 

  • C'est parce qu'elle était à l'envers, expliquais-je. Il faudrait la retourner pour que le mécanisme soit mieux positionné.

     

Erazel s'approcha et posa ses mains sensibles sur le montant, pour sentir les différents rouages. Il y eut un craquement, elle fit sortir la fenêtre du mur, la retourna et la replaça en douceur, les boiseries et l'enduit se repositionnèrent ensuite harmonieusement tout autour.

 

Elle s'avança, sourit et ouvrit le montant.

 

  • Et voici, fit-elle d'un air rayonnant.

 

Chacun de nous la félicita en poussant des cris de joie. Il fallait dire qu'Erazel était peu ordinaire.

 

  • Au départ, je suis censée remédier à la panne de vaisseaux défaillants, s'amusa-t-elle, mais la structure cristalline de ces fenêtres est ce qui s'en approche le plus. Nous avons gagné en excellence des matériaux, mais il s'ensuit que plus une chose est résistante, plus elle est délicate à modeler par la force de l'esprit. Du moins, est-ce un préjugé qui persiste en moi.

 

Mon père s'avança près de nous avec un second gâteau et nous invita à nous attabler pour converser.

 

  • Et qu'en est-il du chantier spatial ? s'enquit-il. La transformation est-elle possible ?

  • Nous n'avons pas encore réussi à effectuer de projection fructueuse, mais nous pensons qu'elle a de bonnes chances de s'opérer. Les maîtres de l'esprit savent anticiper tous les possibles, et vous serez conviés à temps, bien sûr.

 

Je jubilais d'avance, assister à pareil phénomène était un événement que tous attendaient avec impatience.

 

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