L'action de la radiance blanche (3/3)

Message du Professeur Zolmirel (suite)

 

 

Je m'assoupis peu à peu, ma pensée gagnant aisément celle de mon petit aventurier, si cher à mon cœur. L'image qui surgit en moi était plus nette que jamais.

 

 

Le petit Nerti courait dans un couloir bleu azur, Zilner peinant à le suivre. Les enfants, fous de joie, sortirent du Haut institut, aboutissant aux jardins en encorbellement situés tout autour de l'édifice millénaire. Nerti surexcité s'approcha de leur amie, une petite alien au teint mauve.

 

• C'est arrivé ! lança-t-il. Il est presque prêt ! Il va bientôt s'envoler !

 

Les trois enfants s'élancèrent sur la terrasse, se précipitant près de la grande verrière, où un autre groupe d'étudiants se trouvait déjà.

 

Nerti se pencha, fixant le sol transparent, loin sous ses pieds, où reposait le superbe vaisseau argenté, éclatant de brillance. Il était là, dans son cocon de lumière, attendant de s'envoler vers les cieux. Plusieurs centaines de mètres de fin maillage d'astrocéramique et de titanium ultra avaient été nécessaires pour finaliser le géant de trois kilomètres de long. Fous de joie, tous les spectateurs poussèrent des murmures admiratifs.

 

Une vibration plaisante retentit et les enfants levèrent les yeux. Le sage Zablinsk leur souriait d'un air complice.

 

• Une petite visite ? interrogea-t-il.

 

Chacun d'entre eux bondit sur ses jambes avec tant d'empressement qu'ils faillirent déraper. Ils entrèrent dans un élévateur qui descendit aux sous-sols.

 

• Et les autres étudiants ? demanda le petit Zilner.

• Ils ont déjà visité notre géant. Nous ne sommes pas peu fiers de ce joyau. Et bien sûr, vos parents vont être conviés pour la transformation et pour le lancement ! Assura Zablinsk en riant.

 

Nerti, Zilner et leur jeune amie sortent de l'élévateur et ne voient d'abord qu'une masse bleutée et argentée éclatante de blancheur.

 

Ils approchent d'un air fort ému de la coque. Nerti est comme électrisé par une énergie puissante, il s'en étonne.

 

• C'est normal, explique Zablinsk. Il est curieux. L'entité que nous avons placée à l'intérieur doit s'adapter. Vous allez pouvoir le toucher, mais pas en même temps. Commençons par toi, dit-il en se tournant vers la petite alien au teint mauve.

 

La petite alien tend sa main et un murmure profond résonne. Une énergie étrange entoure sa paume, elle recule craintivement. C'est ensuite au tour de Zilner.

 

Lorsque sa main minuscule touche la coque du vaisseau, une électricité bénéfique immense sinue en lui. Le petit alien frémit agréablement.

 

• C'est comme de caresser un très grand lézard volant, s'amuse-t-il.

 

Vient le tour de Nerti, qui tremble d'impatience. Lorsque sa main se pose sur la coque du vaisseau, un son formidable jaillit, faisant tressaillir tout leur petit groupe. Cette fois, Nerti est environné d'une énergie intense, il tombe à genoux, et pleure des larmes de joie. Le sage Zablinsk fait prudemment reculer les autres.

 

• Pas de doute, c'est un pilote, dit-il. Il a été choisi.

 

Nerti se relève en chancelant, il doit se tenir aux murs. Le sage Zablinsk l'aide à avancer et l'escorte à l'intérieur du vaisseau vers une cabine douillette, où il tombe en stase.

 

 

L'esprit du petit alien jaillit hors de son corps. Il voit alors la scène du dessus.

 

• Est-ce qu'il va bien ? demande craintivement Zilner.

• Oui, absolument, c'est une communion, il a été choisi. L'entité cristalline qui accepte d'habiter un vaisseau est toujours très curieuse. Avant de s'envoler, il veut connaître notre monde, ses habitants. Venez donc, nous allons discuter dans l'autre pièce, le temps qu il s'éveille.

• C'est pour cette raison que vous nous avez fait venir ? s'étonne Zilner.

• Oui, en effet, les enfants peuvent faire de grandes choses. Votre présence est essentielle.

• Et pourquoi donc ? demande la jeune alien au teint mauve.

• Parce que vous aimez les vaisseaux, tout simplement.

• Parlez-nous de la transformation, reprend Zilner.

• Peu avant son envol premier, un vaisseau est intégralement transmuté en matière-énergie, il doit « passer » pour pouvoir sortir du hangar. Pour que ce processus réussisse, il faut qu'il soit prêt. Il faut aussi qu'il soit attiré par l'espace et ait envie de jaillir hors de ce lieu douillet.

• Je croyais que ce vaisseau faisait plusieurs kilomètres ? s'étonne Zilner.

• Il est composé de deux moitiés, assemblées en des lieux différents, par des équipes différentes. L'esprit-maître du cristal a été placé en ce lieu-ci. Une fois que le vaisseau aura pleinement exploré toutes les possibilités merveilleuses qui s'offrent à lui, une fois qu'il aura vu ce qui l'attend, il jaillira aisément vers les cieux. Il a juste besoin d'aide, d'être rassuré.

 

Le petit Nerti s’écarte de la vision, il s'avance dans un couloir bleu pâle avec au loin un éclat jaune étincelant. Il franchit plusieurs arcades menant à des salles de repos, des chambres richement parées, des machines d'une complexité stupéfiante. Enfin, Nerti s'approche de la cuve géante d'un réacteur à fusion lente. Un son, une sorte de note plaisante retentit, celui du plasma d'hydrogène qui mature paisiblement en hélium.

 

Il s'avance un peu plus loin, vers la timonerie, où huit aliens communiquent avec le vaisseau en permanence. Le petit alien est attiré par un lieu chatoyant.

 

Il se retrouve soudain en un lieu où l'herbe pousse abondamment. Un cristal géant est dressé au centre de la prairie, son intérieur est tout doré. Un jeune garçon assez timide et un peu attristé se tient face à Nerti. Ses cheveux dorés irradient d'une lueur chaleureuse.

 

• Bonjour, fait le petit alien. Qui es-tu donc ?

• Je suis l'être du vaisseau, Samoa, et toi ? Que viens-tu faire ici ?

• Je visite ce lieu magique, expose Nerti d'un ton rayonnant. J'ai hâte de voir le navire décoller ! Alors, c'est toi qui dirige tout ce bâtiment ?

• Non, répond l'être de lumière, je ne dirige rien, je participe juste à la cohésion de l'ensemble. Le vaisseau est moi, et je suis lui. Je suis sa vie. Mais tout le monde a de grandes attentes me concernant, et … je ne sais pas si je pourrai.

 

Nerti est décontenancé, le jeune garçon est assez ondoyant, il semble ne pas peser, et flotte en l'air, en des positions inattendues, par exemple la tête en bas ou sur le côté, sans ressentir de mal être apparent.

 

Le petit alien choisit de s'asseoir et le jeune garçon le rejoint.

• Bien sûr que tu pourras, je ressens une immense curiosité en toi, pour l'espace...

 

Á ces mots, le jeune garçon devient tout illuminé et frémit, car il a entrevu, l'instant d'un éclair tous les voyages stellaires menés par le jeune alien.

• Tu as déjà été dans l'espace ! Ce que je vois en toi est édifiant ! Il existe tant de planètes à découvrir.

• Notre peuple s'appelle les semeurs de mondes, c'est une noble tâche que d'aller répandre la vie végétale sur les planètes qui le demandent. Et c'est aussi la tienne, tu es promis à un grand destin. N'aie pas peur ! lance joyeusement le petit Nerti.

• Il y a régulièrement des vaisseaux qui se fracassent, soupire le jeune garçon.

• Oui, cela peut arriver, mais c'est très rare. Les anciens veillent à notre sécurité et à la tienne. Quand un vaisseau est abîmé, nous le réparons toujours, en veillant à respecter la matrice énergétique originelle.

 

L'être du vaisseau écoute Nerti lui parler avec allégresse de ses différentes missions.

 

• Tu en parles si bien, lui dit-il. Je songe bien que tu es pilote, tu es fait pour ça.

• J'espère le devenir, explique le petit alien avec ferveur. Chaque mission est une nouvelle vie, une nouvelle aventure qui t'attend.

• J'y songerais, sois béni Nerti, de m'avoir relaté tous tes périples. Que la lumière sacrée s'étende sur toi et ta famille, déclare le jeune garçon en frôlant le front du petit alien.

   

 

La scène tremble et vacille et Nerti se trouve subitement propulsé à une vitesse folle en arrière. Il se relève et réalise qu'il est à présent à l'extérieur du grand institut, dans une prairie, le ciel est bleuté.

 

Un être luminescent apparaît et s'approche. Le petit alien frémit en reconnaissant Dorian.

Ce dernier lui tend la main d'un air rassurant.

 

• Pas trop secoué ? demande-t-il. Tu lui as fait une grosse impression.

• Je vais bien, répond Nerti un peu vacillant. Je ne comprend pas. Qui est-il donc ?

• Il a été appelé, répond seulement Dorian en montant à bord d'un grand vaisseau lumière.

• Qu'un jeune garçon soit prisonnier en un vaisseau est illogique. Quand ses parents s'occupent-ils de lui ? N'y a-t-il donc personne pour s'amuser en sa compagnie.

• Les êtres des vaisseaux sont de nature essentiellement psychique, leurs aspirations sont surtout mentales, émotionnelles. Ils aiment à s'engouffrer en la pensée d'autrui pour échanger des informations, cela leur procure une transe merveilleuse. Ils sont très heureux ainsi, et jamais seuls, expose Dorian.

• Mais c'était un enfant...

• Oui, en effet, il en est bien ainsi. Le vaisseau est encore jeune, il utilise l'image mentale d'un autre enfant pour communiquer avec toi.

 

Nerti monte en tremblant la passerelle qui mène au grand vaisseau lumière. Il débouche sur un étrange couloir irisé, avec des motifs qui tournent et dansent devant son regard.

 

• Ne regarde pas les fenêtres, lui intime Dorian en serrant sa main plus fort. Sais-tu que tu es un pilote ?

• Non, répond le petit alien éperdu d'admiration. Toi tu es un pilote, pas moi. Je n'ai jamais fait voler de navire dans l'espace.

• Bien sûr que si, expose Dorian, c'est précisément ce que tu viens d'accomplir. Grâce à toi, la transformation pourra s'opérer, les ingénieurs te sont très reconnaissants ! Samoa a dépassé ses peurs.

• Alors je ne comprends pas, répond Nerti. Il m'a éjecté.

• Il voulait te bénir, son énergie est très vive. Il s'en excuse, explique Dorian. Les êtres subtils occupent un autre plan dimensionnel, leur énergie est considérable.

 

Et Dorian entre dans une belle salle aux murs et au plafond orange. Il s'assied à une grande table ovale et fait asseoir Nerti en le serrant près de lui.

 

• Je ne suis pas devenu pilote en un jour, mais tu as cela en toi, cette envie de voyager, plus fort que tout. Pas vrai ?

• Oui, c'est vrai. J'en rêve souvent, expose Nerti. Je rêve que je peux diriger une nef, aussi bien que le fait Erazel, ou Orel et toi. Mais c'est dur, vraiment très dur. Ils nous apprennent à utiliser des commandes mentales, et je n'arrive pas à suffisamment stabiliser mon esprit, mes émotions, pour faire avancer le vaisseau.

• C'est normal, tu es encore bien jeune. Cela viendra et te sera naturel. Il existe une très grande énergie en toi mon enfant. Et je t'aiderai, nous sommes tous là pour t'aider.

 

Le petit Nerti s'endort et ferme les yeux, la scène s'éteint.

 

Une dernière image furtive surgit. Le sage Zablinsk porte le petit alien et l'emmène jusqu'à sa chambre où il l'étend. Un Zilner soucieux surveille son visage.

 

• Il va bien, explique le sage, il a juste besoin de repos. Il a accompli un très brillant effort. Tu peux rester avec lui si tu le souhaite, je te dispense de cours. Je vois là que tu as de quoi t'occuper agréablement, dit-il avec un rire, car Zilner a empilé plusieurs récits stellaires auprès de son lit, ainsi qu'un ouvrage traitant du remisage intégral de gros porteurs en milieu cosmique.

 

La vison s'achève et se replie. J'ouvre les yeux et constate que tous mes compagnons m'entourent. Ils ont partagé avec moi ces précieux instants, et ensemble, nous nous contemplons comme au sortir d'un très beau rêve. Tout à fait enchanté de la faculté des êtres de lumière à projeter leur esprit aussi loin, je reste sans voix en songeant à l'intervention merveilleuse de Dorian. Mes pensées émues vont vers les enfants, de très brillantes pensées d'amour.

 

Amoni se tient face à moi, et je lis dans ses yeux le même amour indéfectible pour ses fils et pour la belle apparition qui doit recevoir des soins en cet instant. Une énergie brillante, infinie, nous relie tous, et nous nous sentons immensément apaisés, immensément sereins, comblés en toute chose de mener une existence si souriante.

 

Je vous salue et vous souhaite de vivre la même félicité, chers amis de ce beau monde bleu.

 

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