Les royaumes intérieurs de Mars (2/2)
Un ensemble fastueux de colonnes de toutes les formes et de tous les types apparut. Il y avait des colonnes en porphyre, en jaspe, mais aussi en azurite, en diorite et en métal. Qu'il s'agisse d'or, d'argent, de cuivre ou de shanil, toutes brillaient du même éclat scintillant incomparable.
Nous sommes passés devant des fresques à couper le souffle, représentant des animaux marins et terrestres, qui nous étaient absolument inconnus.
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Il s'agit des animaux passés de Mars, la quasi-totalité s'est éteinte à la surface, fit notre guide.
Ensuite, d'autres fresques montraient de fiers géants, des femmes de grande taille, toutes aussi majestueuses, parées d'habits d'un raffinement extrême, dont les yeux dégageait une bonté immense, mêlée à une force intérieure palpable. Les géants étaient roux, blonds et bruns. Il existait également des géants de peuples asiatiques, africains, bref, de tous les peuples humanoïdes que la Terre ait pu porter.
Ensuite, d'autres stèles garnies de hiéroglyphes aliens emplirent Eratsu de joie. Des portraits d'aliens très réalistes avaient été réalisés dans la pierre. Il y avait des aliens de toutes les espèces et de tous les teints possibles, ainsi que des peuples stellaires lointains à plumes, ou à poils. Chacun de nous a longuement commenté le portrait d'un Gzoki malingre, d'un réalisme admirable et de sa petite épouse aux traits délicats. Une alien turquoise au visage épanoui n'était pas sans me rappeler mon adorable Célia et je lui en fis la remarque.
Pour finir, deux aliens jumelles au teint bleu étaient représentées. Il s'agissait de génies universelles, les sœurs Seronar, dont les écrits sur la création ont traversé beaucoup de galaxies. Chacun de nous murmura des bénédictions en voyant ces portraits si admirables, en plus de celui d'autres génies qui avaient élevé la science au sommet de son éclat. Plusieurs maîtres des inventions, d'audacieux pilotes, mais aussi des botanistes, des astronomes étaient représentés, aliens, hommes, femmes et lézards. Les lézards, en effet, ne manquaient pas de créativité.
Notre guide nous mena en un couloir d'une belle teinte rosée à couper le souffle, surplombé d'une draperie de calcite blanc pur. Il aboutissait à un pont. Nous avons franchi plusieurs rideaux énergétiques et ce pont nous apparut plus clairement. Il était formé de roche brute veinée de rose et de rouge dans sa première moitié, et d'un tapis de végétation émeraude, chargé de fleurs multicolores sur sa seconde moitié. Chacun de nous murmura des prières.
Je marchais religieusement, serrant bien fort la main de Stency et de Célia. Chacun de nous ne souffla mot, lorsqu'il entra dans ce royaume de beauté.
Une prairie d'une taille prodigieuse se révéla à notre regard. Loin au bout, elle se terminait par la plus fantastique chute d'eau qui soit. La grotte aboutissait à un gouffre de taille vertigineuse, dont on devinait les parois de montagnes héroïques nimbées de brumes. Une senteur merveilleusement plaisante habitait ce lieu.
Ulphéniel nous invita à monter dans un transport, et nous avons bondi à sa suite.
L'esquif décolla avec légèreté, nous portant vers les rivages extérieurs de cette mer émeraude.
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C'est le lieu du Passage expliqua Ulphéniel avec un sourire.
Le vaisseau plana majestueusement au dessus de la grande cascade et plongea dans le vide en un vol grisant.
Mon estomac et certainement celui de Paul protesta quelque peu, mais nul ne souffla mot.
Le vaisseau jaillit en un lieu éclatant de lumière, nous obligeant à fermer les yeux. Nous avons pu déboucher en plein air, puis, le navire survola les plus gigantesques montagnes que l'on puisse imaginer. Les flancs de rocs brun gris étaient surmontés de brumes éternelles et de glaces bleues. Que dire des tréfonds insondables qui s'ouvraient parfois entre deux précipices ?
Le vaisseau franchit des cols où la neige tourbillonnait abondamment, heureusement, sans le moindre désagrément pour nous, car une bulle nous protégeait du blizzard.
Puis, notre trajectoire redescendit. Le navire plana au dessus d'un alpage à l'herbe vert tendre, très accueillant et garni de belles demeures de pierre d'une taille prodigieuse. Je regardais mieux et crus être entré au pays du rêve. En effet, des géants habitaient cette contrée. Des géants, hommes et femmes, s'occupaient des vergers, entretenaient des canaux, discutaient au soleil, lisaient ou remisaient des astronefs. Je demeurais abasourdi en contemplant les visages joyeux, épanouis et rieurs de chacun d'entre eux, dont certains nous firent des signes amicaux de la main.
Ces géants avaient planté autour de leurs demeures des arbres d'une hauteur prodigieuse, donnant des fruits de la taille d'une citrouille géante, dont ils se régalaient. Visiblement, il s'agissait d'excellents jardiniers. La plupart d'entre eux étaient roux et portaient des habits très colorés, chose qui me plut aussitôt.
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Certains de ces géants viennent de la Terre, nous expliqua Ulphéniel, ils sont en visite ici, il y en a qui ne souhaitent absolument pas rentrer, alors, nous les invitons à rester, bien sûr.
Le vaisseau poursuivit sa longue envolée. L'altitude s'éleva, et nous avons survolé des terres inhospitalières, avec des demeures délabrées, et des temples fracturés.
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Beaucoup de ces lieux viennent de la surface, expliqua Ulphéniel. Ils sont laissés ici, en attendant d'être replantés un peu plus loin pour leur restauration. Ces édifices ont été décontaminés. Ils sont destinés à des guérisseurs, des familles, en attendant, beaucoup d'êtres viennent les visiter par la voie du rêve.
Notre vitesse s'accrut, nous avons survolé un nouveau couronnement de montagnes très denses, puis une vaste forêt très humide, de type tropical. Plus loin, une forêt de montagne se dessina. Je souris, j'avais l'impression que nous étions de retour chez nous.
Le vaisseau s'approcha d'un gigantesque arc de lumière, le franchit, et un éclat intense illumina les alentours. Eratsu me lança un regard décontenancé, ses cheveux légers tout hérissés par ce fantastique crépitement d'énergie.
Le vaisseau se posa sur une prairie de très belle allure. Au loin, juste à l'orée de la forêt, une femme brune était occupée à peindre. Paul nous lança un regard entendu, il embrassa le petit Nimlin et le posa sur mes genoux, puis, il descendit de l'astronef d'un air décidé.
Eratsu et moi-même avons échangé des regards réjouis.
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Je pense, fit Ulphéniel qu'il recevra un très bon accueil de cette dame artiste, ajouta t-il avec un rire.
Chacun de nous rit de même, pleinement confiant, le petit vaisseau reprit de la vitesse et fila dans le ciel, le petit Nimlin riant et sanglotant en même temps. J'étais touché que mon ami m'ait confié son fils, c'était une marque de confiance pleine et entière. Stency s'employa à le distraire. Notre vaisseau se posa non loin de là, tout près d'une jolie demeure de pierre rose, qui ressemblait à une chaumière. Nous sommes entrés dans la jolie maison de bois, constatant que tous nos effets avaient été amenés là avec un à propos ahurissant.
Nous nous sommes alors retournés pour saluer notre guide, mais celui-ci avait déjà disparu.
Le soir vint, en ce lieu féerique et avec lui la nécessité de nous installer avant la nuit, puis de préparer un bon repas, surtout pour les enfants qui avaient déjà faim.
Darsimen, Issaltir, Mellkit, Eratsu, Laïev, Célia et moi-même, n'étions pas trop de six pour prendre soin de trois enfants apeurés. Nimlin était très chagriné de l'absence de Paul, je le berçais, tandis que Stency confectionnait des petits beignets avec Lokhaïl et le sage Darsimen.
Nous avons chacun choisi une chambre à notre convenance, ce lieu avait visiblement été conçu pour nous satisfaire parfaitement. En effet, chaque coloris était notre couleur favorite, qu'il s'agisse des meubles, des habits ou des murs que l'on avait conçu pour décorer et agrémenter ce lieu. Célia découvrit un petit coffre sculpté dans le bois de manière admirable et s'en estima ravie.
Nous nous sommes retrouvés pour dîner. Chacun fit honneur aux plats. Paul me manquait un peu, mais je me dis que son absence était propice à un bonheur nouveau, très bienvenu. Le petit Nimlin recommença à sangloter, et cette fois, le sage Darsimen le fit asseoir sur ses genoux pour le bercer. Notre vénérable ami parvint en un instant à apaiser les craintes du petit alien, qui s'endormit en peu de temps.
Un flamboiement de teintes saumon à couper le souffle se faisait jour par la fenêtre, des lucioles et des papillons immenses voletaient devant notre vitrage. La vie avait déserté la surface de Mars, mais avec une prescience admirable, les Passeurs avaient anticipé le déclin de chaque espèce, l'amenant progressivement en ce milieu préservé. Je songeais avec reconnaissance à la quantité innombrable d'habitants, d'animaux et de formes de vie qu'il avait fallu purifier des radiations.
N'avions-nous même pas emprunté le même chemin de félicité ? Nous avions été placés en ce lieu pour être régénérés, avant de pouvoir revenir sur Terre.
Je bus l'eau laiteuse de Mars et souris, elle était plus riche que sur Terre, mais tout à fait appropriée à nos besoins, avec les fruits délicieux en forme de mangue que Laïev avait cueillis dans le verger et une sorte de laitue et de cresson qui poussait dans la grande serre.
Chacun de nous contempla le crépuscule rosé et s'apprêta à aller dormir. Ce lieu si énergétique nous comblait en toutes choses, nous étions follement heureux de contempler cette rivière de vie émeraude, qui parsemait les alentours, quel que soit l'horizon sur lequel se posait notre regard.
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Elil, me demanda gravement Stency. Cela veut-il dire que dans l'espace, plus une sphère est aride, plus son intérieur est magnifié de formes de vie prodigieuses ?
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Qui sait, mon cher petit. Voilà une question intéressante. Seuls les plus sages des nôtres pourraient y répondre, dis-je en me tournant vers Darsimen.
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J'ai vu bien des prodiges en ce lieu mon cher enfant, répondit le vénérable alien. Je dirai humblement que la vie que nous voyons est reliée subtilement à celle qui peuple la surface de Mars et l'aide à se maintenir, à ces niveaux de chaleur desséchante, d'asphyxie également. Nous devons considérer chaque plante comme faisant partie d'un tout. Le sel présent autour de ces plantes, en leur pied, les aide à fixer l'eau. Il en est de même pour une planète, les milieux internes et externes échangent en permanence, d'une manière bien plus manifeste que nous pensons. A commencer par l'eau. L'océan souterrain de Mars est relié à ses eaux internes divinement pures et laiteuses.
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Alors, cela est plutôt bon signe ? fit le petit alien.
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Mais oui, assurément ! C'est un signe très encourageant, le signe que quelque chose de plus grand encore est à venir ! lança Darsimen, ses yeux pétillants de joie.
Chacun de nous alla dormir, habité des plus grands espoirs pour ce monde. J'étais follement heureux de pouvoir me trouver en ce lieu, à ce niveau, où seuls les plus grands guérisseurs peuvent espérer marcher un jour. J'avais à cœur d'agir, pour purifier nombre de malades de la radiance malsaine des eaux noirâtres de la surface. Je songeais aux animaux et à leur adaptation. La vie avait su s'adapter, persistant malgré tout en ce lieu vacillant, hypothétique, avec une grande bravoure.
Je vous salue chers amis de la Terre bleue, et vous souhaite de vivre ce bel émerveillement devant la capacité de la vie florale et animale, pour persister et renaître.
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