L'illumination de Mars (3/5)
Message du Guérisseur Lestrys
La gracieuse alien déploya un passage irisé autour de notre fragile vaisseau, pour nous permettre de nous rendre en sécurité jusqu'au tracteur. Chacun s'affaira à entasser les bagages dans des sacs et des filets.
-
Ma compagne est à bord, elle se nomme Célia, dis-je à mes compagnons.
-
Ooh, elle est vraiment, euh... d'une très grande beauté, hésita le petit Sizris, face au regard sévère de son épouse. Mais votre épouse est une dame bleue ? s'étonna t-il. Quelle peut donc être sa planète ? Elle ressemble pourtant étonnamment aux nôtres.
-
Célia vient de l'intérieur de la Terre. Les mondes comportent en leur cœur toutes sortes de lieux de vie. Mars également, dis-je en empilant des provisions en un sac énorme, qu'Eratsu souleva en un tournemain.
Darsimen agit avec célérité pour déplacer d'énormes malles chargées de livres sur le tracteur. Ses compétences en antigravité permirent de hâter notre transfert de façon merveilleuse. Le petit Sizris empila de nombreux feuillets, carnets et relevés mécaniques, les enfants l'aidant de leur mieux, rangeant tout ce qui passait à leur portée dans des sacs.
-
Nous devons embarquer à présent. Plus le temps, prévint Darsimen.
Chacun des rescapés contempla tristement ce qui avait été leur lieu de vie durant ces derniers mois, résignés, la grande Istigrit, menant la marche, drapée dans la superbe tenture orangée.
-
Nous étions presque parvenus à le restaurer, soupira Sizris à la vue du beau vaisseau rouge, une fois que nous sommes parvenus dans le tracteur.
-
Oui, il en est bien ainsi, émit Istigrit. C'est de nos vies qu'il s'agit... dit-elle en l'entourant avec affection. Qui sait, les hommes malavisés qui tirent sans arrêt, se contenteront-ils peut-être de le laisser en un seul morceau ?
Le petit alien agité rosit et parvint à sourire. Il était évident qu'ils se connaissaient depuis de très nombreuses années.
Je présentais Célia à nos nouveaux compagnons, qui en parurent enchantés. Elle nous expliqua que notre avancée était connue de la base, et que nous devions partir à vitesse maximale en trajectoire erratique.
D'accord sur ce point, Semna et Sizris prirent les commandes du gigantesque tracteur. Le véhicule s'éleva comme un bolide, les roues se replièrent et il fusa en serpentant au dessus des dunes. Le vent martien se leva, effaçant toutes nos traces de manière très à propos.
Grisé par la vitesse, Stency ne pouvait détacher son regard des dunes de sable qui défilaient sous nos yeux, en un spectacle confondant de beauté. Une grande variété de monts et de collines défilèrent. Des rocs héroïques fracturés au dessus de gouffres insondables, se dressaient comme des sentinelles. Les hublots étaient traités contre les rayonnements ultraviolets et le paysage nous apparaissait légèrement orangé. Nos pilotes habiles veillèrent à ralentir lorsqu'il fut nécessaire d'escalader des reliefs, et désireux d'observer le sol. Nous croyions à l’absence de vie, mais, par la vitre, nous pouvions apercevoir de nos yeux perçants de petits animaux, proches des hérissons, des tortues, des tarentules ou des rongeurs. Il y en avait peu et nombre de créatures étaient abritées en d'étranges plantes blanches, en réalité des sortes de filaments de corail.
Notre tracteur survola plusieurs champs semés d’extrêmophiles que les colons tentaient d'implanter.
Il en vint à atteindre le grand désert martien. Un lieu très dangereux, car à l'heure extrême, la chaleur sur les parements peut atteindre 200 degrés. Le véhicule fut donc dissimulé en contrebas d'un roc, bien à l'ombre, et chacun de nous se reposa. Profitant de ce répit et de l'absence de turbulences, je m'empressais de soigner le petit Andezza.
La plaie avait réduit un peu en gravité. Mais le produit absorbant appliqué dessus était devenu presque noir, entrecoupé de petits points blancs. J'ôtais l'emplâtre avec précautions et l'abritais dans un conteneur réservé à cet effet. Le pauvre clone comprit que tout son corps était devenu radioactif et il se mit à sangloter.
-
Ce n'est rien, fit Célia. En notre contrée, nous parvenons à guérir toutes les affections. Il est évident que tu es très résistant. Bois ceci, dit-elle en lui tendant un récipient empli d'animalcules blancs et lumineux. Ces organismes sont sans danger pour nous. Ils vont aspirer la radioactivité de ton corps, se multiplier, une fois ceci fait, ils s'envoleront par ton souffle comme des lucioles.
Le petit Andezza avait peur, mais il but le remède. Il tomba presque aussitôt endormi, d'étranges créatures minuscules s'échappant par son souffle, se déplaçant autour de lui. Célia en fit absorber à chacun d'entre nous également, mais en doses bien moindres. Il était évident que nous avions tous plus ou moins été contaminés.
Comme à leur habitude, Sizris et Semna protestèrent.
-
Alors c'est cela, votre ingénierie de guérison ? Nous faire avaler des bêtes qui vont se multiplier en nos entrailles pour nous dépolluer de ces substances ? gronda Semna.
-
Oui, absolument, assura Célia sans sourciller. Ce sont des organismes très purs, ils agissent en symbiose avec la vie incommodée par les uranides. Ils ne vous feront aucun mal. Beaucoup d'êtres ont été soignés grâce à eux. Ils pourront aussi avoir un effet positif sur vos humeurs, assura t-elle avec amusement.
Verdissant quelque peu, les deux aliens burent la substance. Ils furent pris de malaises et durent s'étendre. Nous avons fait de même, guère à l'aise. Je sentis la main de Célia dans la mienne, elle prit place à mes côtés. Avec sa prescience admirable, ma bien aimée avait agi, sauvant certainement le petit Andezza d'une mort atroce.
Voici quelques heures, je donnais au petit alien à peine trois jours de vie. Il était presque certain à présent, que le jeune clone allait être purifié en profondeur par les animalcules cristallins. Je ne cessais de découvrir d'autres pans de la guérison, fascinants, insoupçonnables et inconnus des nôtres.
En fin d'après-midi, notre tracteur put repartir. Notre progression flottante prit fin, le générateur arrivait au bout de ses capacités, le soleil n'ayant point fini de le recharger. Il nous fallut donc rouler, ce qui était bien moins confortable, et bien plus risqué à cause de la poussière qui nous révélait d'assez loin.
Toujours attentif à notre progression, le sage Darsimen sommeillait, portant en réalité son regard loin en avant, murmurant au moment opportun une parole, pour que Semna s'écarte d'une faille, d'un gouffre invisible sur la carte. Les épines, également, étaient importantes sur les plantes que nous rencontrions.
Il nous fallut faire de grands détours pour ne point endommager notre transport. Ayant laissé des marques psychiques à l'aller, Sizris et Semna les retrouvèrent. A présent, l'épave du vaisseau se rapprochait. Nos compagnons avaient hâte de retrouver les leurs.
Le tracteur atteignit une vaste plaine couverte de sel, où notre vitesse put devenir fort honorable. Nous filions à plus de 150 kilomètres/heure sur cet ensemble plan, presque exempt de la moindre pierraille. Sur notre droite, très loin, une haute construction métallique menaçante se dessinait dans la paroi. Un hangar entier avait été construit au flanc, avec des vitrages sans tain, des lieux de surveillance armée.
Nos esprits curieux d'aliens virent là une base occupée par des Terriens. Il était des commandos experts dans la pose de bombes et le déminage, des agents de terrassement, des groupuscules spécialisés dans les travaux d’excavation. Ces chercheurs Terriens prospectaient des gisements, comme le coltan, les minerais polymétalliques, le tritium, les terres rares, et les lanthanides, les actinides (?), (et surtout les éléments radioactifs, comme l'uranium).
Leur action avec le temps s'était renforcée. Les Terriens avaient de plus en plus besoin de composés métalliques rares, pour fabriquer, entre autres, des appareils de télécommunications, des ordinateurs, des téléphones et des circuits intégrés. De tels circuits, étaient de plus en plus employés dans la construction de véhicules, qu'il s'agisse de voitures, d'engins de chantier, agricoles, miniers ou de trains, de bateaux et d'avions.
Nous étions au fait de ces avancées, de ces tractations avec des peuples hostiles, en vue de se voir confier la gestion de territoires entiers. Il s'agissait, ni plus, ni moins, d'annexions de lieux d'exploitation du métal. Des escarmouches avaient lieu, faisant autant de victimes d'un côté que de l'autre. Une chose était sûre, l'avidité des Terriens étaient grande, ils ne reculeraient devant rien, envisageant même de conquérir la planète toute entière. Pour cela, ils devaient être plus nombreux. Une mission humaine était donc espérée, envisagée.
Le but de leur présence était d'intensifier les levées de fonds, d'attirer des investisseurs potentiels, mais surtout, de taire la présence d'autochtones, farouchement attachés à leur monde natal.
Une mission martienne tournerait court si la présence d'habitants était révélée. C'était un secret extrêmement important.
Cette mascarade terrienne m’écœurait du plus haut point et je me dis que Paul et Laïev auraient fort à dire à cette bande de mercenaires cupides et destructeurs. Les êtres qui peuplaient Mars n'étaient pas tous des modèles de patience et de sérénité, mais c'était leur monde. Il était donc normal qu'ils défendent leurs terres avec acharnement. Ils aimaient Mars.
Oui, il n'était rien de plus normal. Les hommes brutaux dirigeant la base, apercevant un petit nuage de fumée dans le lointain, dû au passage de notre petit tracteur inoffensif de 20 mètres de long, décidèrent de se servir de leurs armes. Notre transport n'en comportait aucunement. Nous ne faisions pourtant que passer. Notre véhicule, malgré sa vitesse importante, était une cible facile pour ces hommes qui s'ennuyaient, très certainement. Voici ce que nos projections nous révélèrent en détail.
Célia murmura quelque chose en sa langue, montrant la falaise du doigt.
Je serrai le petit Stency près de moi, m'attendant à quelque heurt, qui ne vint pas. Au lieu de cela, les canons ennemis explosèrent les uns après les autres, complètement inutilisables. Comprenant que leurs armes n'étaient d'aucun secours face à notre présence, avec un semblant de lucidité honorable, les chefs demandèrent aux soldats de cesser le tir. Certains lieutenants se firent réprimander et il fut ordonné aux responsables de ces tirs inutiles de sortir sur le champ réparer les canons endommagés.
Chacun de nous remercia et félicita Célia.
J'avais une question qui ne pouvait attendre.
-
Comment avez-vous donc pu passer ce lieu à l'aller? demandais-je à Sizris.
-
De nuit, évidemment. En nous faisant passer pour un rocher lorsque notre présence était détectée. Le regard des humanoïdes est incapable de faire la différence entre les rocs lorsqu'il fait sombre.
-
Je me demande bien pourquoi ces gens ne cessent de nous tirer dessus. Après tout, ils ne nous connaissent même pas.
-
Ils sont formés pour cela, assurer la sécurité de tout un bastion, de travailleurs, de mineurs. Dès que quelque chose de suspect approche, ils doivent tirer, ce sont les ordres. Nous ne nous sommes pas identifiés, il ne faut donc pas les juger trop sévèrement, assura Darsimen.
-
Identifiés ? Que se serait-il passé si nous leur avions dit que nous étions des aliens ? grommela Semna.
-
Ils nous auraient envoyé des projectiles plus gros, et plus explosifs, je suppose, émit tranquillement Darsimen. Ils auraient cru que nous allions les attaquer.
-
Et pourquoi les attaquerions-nous ? Ce raisonnement est absurde, fit la vieille alien impérieuse.
-
Parce que vous les considérez comme des brutes, des ignares qui sont peu soucieux de la préservation des fragiles écosystèmes que vous étudiez. Ais-je raison ? dit-il avec un grand rire.
-
Assurément oui. Mais l'attaque ne résout rien. Nous sommes des êtres aimant à converser. Sur Arétha, où nos laboratoires sont très grands, il existe beaucoup de délégations d'experts que nous accueillons avec joie. Nous leur faisons visiter notre monde, et eux font de même. L'attaque est une impasse de pensée, qui empêche l'enrichissement mutuel, culturel et scientifique profitable de deux espèces voisines. Les mondes belliqueux se referment sur eux-mêmes, n'ont que peu d'amis, ils en viennent à stagner ou disparaître. Voici ce que nos sages ont découvert.
-
Vous avez raison mon amie, l'espèce humanoïde devrait apprendre à communiquer de manière plus posée, plus confiante, aussi. Les êtres humains sont soumis dès leur plus tendre enfance à un lavage de cerveau télévisé, consistant à leur faire croire que tout ce qui vient de l'espace doit être accueilli à coups de fusil, exposa Darsimen en riant.
-
Mon ami Paul vous approuverait vivement, dis-je au sage alien.
Vous pouvez reproduire ce texte et en donner copie aux conditions suivantes :
-
qu'il ne soit pas coupé
-
qu'il n'y ait aucune modification de contenu
-
que vous fassiez référence à notre blog : http://www.unepetitelumierepourchacun.com