La révolte des Gris (4/4)

Publié le par Aurélia LEDOUX

La révolte des Gris (4/4)

Message d'Ektazzo

 

Voici les différentes parties de ce message très net, détaillé, et venu de manière extrêmement agréable :

 

Toute notre équipe se vit défaire de sa mission. On nous mena à bord d'un très vaste vaisseau, et on nous força à entrer un par un, dans une pièce, où des aliens très différents étaient assis sur des sièges.

 

J'entrais à mon tour, les aliens étaient là, il y en avait trois. Ils étaient si vieux et leurs corps si usés par les ans, qu'ils étaient attachés à des fauteuils pour demeurer bien droits. Quoique vêtus avec le plus grand faste, leurs visages exprimaient une peine infinie. Ces êtres ne pouvaient plus guère espérer mieux qu'un peu de compagnie, songeais-je. Ils étaient alimentés en permanence au moyen de nutriments très particuliers, que l'on leur faisait ingérer à intervalles très réguliers pour les empêcher de mourir.

 

Les êtres avaient atteint l'âge infini de plus de 10 000 années. Ils étaient notre mémoire, les grands anciens. L'un des aliens tressaillit en sentant ma présence, il me parut, pour je ne sais quelle raison, plus avenant que les autres. Je pris place face à lui, et fixais ses yeux bleu pâle veinés de rouge. L'ancêtre ne voyait plus, mais sa pensée, d'une grandeur, d'une intelligence prodigieuse voyageait à une vitesse stupéfiante. Bref, il n'occupait pas très souvent ce corps à demi en léthargie.

 

Cela me rassura sur la peine qu'il pouvait éprouver en cet instant. Mon esprit vacilla et ma conscience s'échappa de mon corps.

 

Je parvins en une pièce sombre mais richement décorée, de vert, de rosé et de soieries dorées. Un être grand et mince me faisait face, ses prunelles noires luisaient d'une intelligence exceptionnelle.

 

Je m'inclinais pour le saluer et récitais des paroles de bienvenue.

  • Sois bienvenu de même, Ektazzo. Tu éprouves de la compassion, cela est bien rare, dis-moi ? fit l'ancien d'un air amusé.

     

Cette joie chez un être aussi vénérable me désarçonna quelque peu. Je songeais à quelque artifice, mais la télépathie induit chez les nôtres, qu'il est à priori impossible de cacher une information, en tout cas de faire semblant. Je réalisais avec plaisir que l'ancien était vêtu très noblement d'un habit rouge aux reflets blancs, en sorte de fourrure épaisse, proche du duvet que l'on trouve chez certaines algues. Il paraissait en parfaite santé.

 

  • Mon esprit est tel, qu'il me permet de voyager très loin, exposa t-il. Cette vie immobile que tu vois n'est en effet pas la mienne. Tu as engagé des expériences, dis-moi, sur des enfants, tes enfants.

  • Oui, répondis-je, incapable de mentir.

  • Cela est bien, très bien, ces enfants sont très importants pour l'avancée de notre peuple. Ils sont l'étincelle qui fera tout jaillir. Et faire reverdir des planètes est une excellente idée aussi, même si cela fait de toi un dissident, émit l'ancien avec un certain amusement.

  • Je ne comprends pas, osais-je avouer.

  • C'est parfait, absolument parfait. Étant donné la nature de tes travaux qui dérangent les puissants de l'empire, tu seras envoyé en un lieu fort dangereux pour y officier, émit l'ancien avec conviction.

  • Est-il quelque logique à tout ceci ? fis-je assez abasourdi. Si vous approuvez la nature de mes recherches, pourquoi ne point le dire à ceux qui nous craignent et risquent de nous abattre ?

  • Tu es l'exception, génie Ektazzo. Et toute exception est bienvenue dans un système qui s'effondre. Nous veillerons sur tes pas, de loin. Il existe beaucoup d'intelligences dans l'univers. Dans sa quête d'immortalité, notre peuple a perdu son âme. Tu sais cela, tu sais tout ce que l'électroingénierie de la pensée commandée a fait naître dans l'esprit aveuglé des fous qui se tiennent au pouvoir.

  • Mais, noble ancien à la sagesse vénérable, s'il vous apparaît que les desseins de ceux qui dirigent notre temps ne sont pas en adéquation avec la direction honorable que vous souhaitez donner à notre société, pourquoi ne point les en informer ?

  • Il est plus avisé, mon enfant, d’œuvrer en adéquation avec des esprits emplis de noirceur. Nous n'avons plus aucun pouvoir, nous ne sommes plus que des corps à peine habités de la vie, et pourtant, notre conscience est immense. Il ne serait point avisé de s'opposer à eux, ils auraient tôt fait de nous supprimer. Nous pouvons agir sur les possibles en suspension d'une manière infiniment plus puissante. Nous n'allons tout de même pas nous opposer à un régime mauvais, qui est en train de faire exactement ce que nous voulons : se détruire de lui-même. Très bientôt, ce vaisseau entrera en une zone extrêmement radiative de l'espace, alors, nous aurons suffisamment de force pour renaître. Nos esprits pourront agir ainsi pour faire renaître la vie sur notre planète-mère à tous.

 

Je compris que l'entretien était clos, je m'inclinais avec gratitude, puis m'apprêtais à quitter le couloir psychique. Un soupir me parvint.

 

  • Ces enfants sont fabuleux, ils sont les tiens, ne l'oublie pas, souligna le vénérable avec un rire joyeux.

 

Je sortis de ma transe et fixais l'être à demi éteint face à moi, couvert de rides, le visage déformé par

la vie dans l'espace, les privations. Il était privé de soleil, privé du plaisir de marcher, de respirer l'air pur et de vivre. Quelque chose bougeait sous son long manteau, avec un effort admirable, il leva sa main millénaire, et frôla mon front. Une énergie stupéfiante m'habita, en même temps qu'une ondée de joie. L'immense ancien venait de me bénir. Les gardes et les laquais serviles présents à l'entrée n'en menaient pas large. Plusieurs agents de surveillance avaient vu ce geste si rare. Il s'agissait d'un honneur suprême.

 

Un ensemble de gardes en livrée nous escorta alors avec faste à bord de notre vaisseau, tous nos effets nous furent rendus avec leurs plus vives excuses. Les génies pompeux, au nombre de dix et un Haut commandeur vinrent nous saluer. Nous étions tous graciés.

 

Cependant, pour le bien être de la communauté, et pour nous accorder plus de liberté dans la poursuite de nos travaux, nous serions emmenés sur Terre, afin d'y poursuivre nos expériences. C'était un piège qui se refermait sur nous. Mais avions-nous le choix ? Nous avions désobéi.

J'étais amèrement peiné pour mes compagnons, eux aussi devraient payer le prix de mon arrogance et de ma stupidité. J'avais osé critiquer indirectement la manière dont le Haut conseil gérait les affaires. Mais mes compagnons, si braves, ne se formalisèrent aucunement, ils éprouvaient une vive curiosité pour la Terre. Ils étaient tout prêts à prendre le risque.

 

On nous affréta un petit vaisseau, qui rejoignit une base perdue sous les glaces. Là était notre laboratoire. Des créatures hybrides naissaient en ce lieu. Mes compagnons, les autres chercheurs, disparurent les uns après les autres, en des circonstances étonnantes. Je surpris un matin un majestueux vaisseau argenté au dessus de notre base. Quelques heures plus tard, il ne restait plus rien de notre lieu de vie, tous les embryons avaient été emmenés, dus-je apprendre.

 

Les instances au pouvoir étouffèrent l'affaire, mais la pensée des nôtres est si vive à voyager que je perçus, l'once d'un éclair, un petit rire satisfait. Le plan de l'ancien avançait, de toute évidence.

 

Je regagnais donc l'espace, pour d'autres travaux. Les missions éclairs que nous faisions sur Terre étaient très dangereuses. Les autorités militaires de la Terre avaient eu vent de notre présence, certains chefs d’État major n'étaient point du tout heureux de nous voir fouler le sol de leur monde. Il fallut faire taire beaucoup de gens, car une partie des élus souhaitait révéler notre venue au monde entier, pour le meilleur et pour le pire. Aussi parce que cela les dépassait.

 

Après plusieurs exécutions sommaires parmi les humanoïdes, mais aussi parmi les nôtres, les travaux se poursuivirent, j'en vins à être témoin de phénomènes de convergence stupéfiants.

 

L'âme d'une partie des nôtres, de jeunes petits laborantins, s'était réincarnée chez certains habitants de la Terre. Un lien karmique existait désormais entre nos deux peuples, bref ces expériences sur la vie humaine m'apparurent ô combien monstrueuses. Je refusais plus avant d’œuvrer à cette ignominie, ma brillance me valut d'être épargné une nouvelle fois, on m'affecta à la prospection des espèces végétales de la Terre. A nouveau, l’intelligence de cinq petits clones qui travaillaient à nos côtés me stupéfia. Je pus nouer une relation de confiance assez satisfaisante avec l'une d'entre elles.

 

  • Tu es si brillante, pour une enfant si jeune, c'est tout à fait remarquable. Pourquoi ne fais-tu point plus souvent, exposé de cette vive intelligence qui est tienne ? demandais-je.

  • Les nôtres ne sommes point conformés comme cela. Notre rôle est d'obéir aux ordres, jamais d'initiatives. Et puis nous savons qu'au fond de vous, il vous ferait peine de voir jaillir un tel éclair. Alors nous œuvrons en arrière plan discrètement, pour ne pas vous troubler à votre tâche. Il est de notre souhait de vous contenter en tout point, maître, assura cette enfant adorable.

     

La petite clone me fit son plus charmant sourire, et je demeurais incrédule. J'avais la réponse à ma question. Les clones ne montraient aucunement leur supériorité en raisonnement, en algèbre, en logique pure et en causalités multiples, parce qu'ils nous aimaient !!!

 

Ils ne désiraient point froisser notre orgueil de maîtres de science emplis de suffisance ! Comment étions-nous devenus aveugles à ce point ? Nous avions engendré des petits êtres bien supérieurs à nous-mêmes. Les clones sentaient les pannes, nettoyant, réparant tout ce qui passait à leur portée, veillant constamment à ce que les vaisseaux, les coursives, les laboratoires, les salles d'archives, les centres de transcommunication demeurent confortables, propres, agréables et fonctionnels. Et jamais ils ne nous demandaient rien en retour.

 

Mes deux petits se conduisaient de manière exemplaire, réparant de multiples avaries de notre transport en raison des turbulences très vives du climat terrestre. Ils agissaient de manière parfaite. Le soir venu, en revanche, ils peinaient à s'endormir, me questionnant longuement sur notre planète-mère. J'entrais dans un silence religieux et répondais de mon mieux à leur questionnement. Notre lien télépathique était devenu très fort, et par instants leur pensée se mêlait agréablement à la mienne. A part cela, je devais taire notre proximité, autrement, mes deux fils me seraient ôtés sans cérémonie. Presque malgré moi, j'avais effacé machinalement de ma mémoire tout souvenir se rattachant à leur création, afin de nous protéger.

 

Notre monde avait été un très beau monde autrefois, dis-je aux enfants. Nous n'étions pas très différents alors des Terriens par l'apparence. En revenant sur Terre pour les tourmenter, nous accomplissions indirectement un retour aux sources. La boucle était bouclée.

 

Des révoltes ébranlèrent nos rangs. Les génies pompeux, boursouflés de cupidité et d'arrogance, qui nous dirigeaient, ordonnèrent une purge impitoyable. Les révoltes reprirent de plus belle, à visage masqué cette fois. Des navires géants entiers se voyaient désertés de leur équipage. Les Hauts commandeurs étaient fous de rage, la Terre leur échappait. Nombre de génies imbus de science perfide, périrent de maux divers, ainsi que de paralysies très vives. Leur système cellulaire s'arrêtait tout simplement de fonctionner et nul remède n'y pouvait rien. Des chercheurs malavisés se levaient un matin le visage recouvert de pustules malodorantes, tremblants sur leurs jambes, frappés de nausées effroyables et de mutisme. Les expériences cruelles qu'ils avaient orchestrées sur la vie en pactisant avec l'armée humaine de manière vile, revenaient se poser sur eux. Leurs corps soi-disant indestructibles composés de nanites, de filaments minéraux autoréparants, se fissuraient et s'asséchaient, leurs fluides vitaux s'écoulant hors d'eux. Il n'en resta que des momies, et ceux qui purent fuir avec des dirigeants perfides de l'armée furent accueillis par des tirs d'oblitération.

 

Beaucoup de navires furent désintégrés dans et autour de la Terre. La guerre fit rage sous le sol, l'armée prévoyant d’entrer par la force au cœur des dernières cités de chercheurs abritant des inventions, des nôtres, mais aussi d'autres peuples stellaires. On se battait sans souci des conséquences, des armements transgressifs furent employés par les deux camps, sous le couvert des « essais nucléaires souterrains ». Puis tout cessa, des tirs de barrage désintégrèrent les dernières forteresses. Beaucoup d'êtres subirent les colères de la Terre, coulées de lave, mais aussi séismes et vapeurs de soufre. Disons qu'il y eut beaucoup de nettoyage.

 

Les nôtres étions passés à un tout autre niveau, un autre plan, la Grande Porte venait de s'ouvrir, et pour qui sait la contempler, il s'agit d'une chance réelle.

 

Nous étions soulagés, un peu inquiets, mais dans l'ensemble ce qui nous attendait apparaissait à nos esprits comme infiniment meilleur que ce que nous laissions derrière nous. Je pus retrouver, à bord des vaisseaux lumière, nombre de mes compagnons d'antan qui avaient servi la révolte avec générosité, soignant des centaines de blessés, offrant leur science et leur appui.

 

Je me mis à l'épauler et je découvris ma vocation. Mon plaisir est infini lorsqu'il s'agit de soigner des êtres, des animaux. Je suis très habile à pratiquer nombre de reconstitutions articulaires, de soins sur des plaies très graves. Tout cela me plonge dans l'allégresse. Nous étions, avec les enfants, comblés de nous voir confier une telle mission. Je compris aussi qu'elle participait à notre guérison.

 

Je reste présent à votre esprit, nobles habitants de la Terre. Mon amour pour vous et votre planète est très grand, le fait de simplement entrevoir le lien qui vous unit avec votre berceau me contente au plus haut point. Je vous adresse toute ma gratitude, mes pensées souriantes vous accompagnent.

 

 

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