L'apprentissage des petits aliens (4/11)
La régression hypnotique
Chers amis, c'est moi de nouveau, le professeur Zolmirel.
Je suis heureux de revenir, et de parler de nouveau par la voie de l'esprit.
Sur mon monde, les jeunes aliens grandissaient dans un cocon douillet, ils étaient entourés des plus grands soins.
On veillait à laisser s'épanouir cette pureté de l'enfance en eux, jusqu'à son maximum, pour que tout l'être, toute sa sphère émotionnelle se voie dotée d'une puissance, d'une confiance inaltérable en la vie, en les événements.
Nous devions veiller à ce qu'il ne se produise que le moins de failles possibles.
Une faille était considérée comme une entrave, une peine, cela générait de la souffrance.
Bien sûr, me direz-vous, tout enfant apprend qu'il ne lui est pas possible de tout avoir tout de suite sur votre monde.
Sur mon monde, c'est exactement l'inverse. L'enfant apprend et doit maintenir cela en son esprit, que tout lui est possible, que la volonté parfaite d'un être finit par se cristalliser dans le réel, mais qu'il faut juste un peu de temps pour que certaines choses se fassent.
Nerti et Zilner avaient été confrontés à une vie très difficile, une vie d'esclavage, dont ils ne gardaient que peu de souvenirs. Pour leur peuple, il en est souvent ainsi, les jeunes clones apprenaient très tôt à travailler. Un alien, chez eux, se devait d'être efficace, rapide et très travailleur. Ces petits êtres étaient surtout employés à la maintenance de gigantesques flottes de navires.
Malgré ces peines, cette souffrance, ces failles nombreuses, nos chers petits avaient développé de très grandes aptitudes psychiques. Le sage Amoni, avec la bonté qui l'habitait en permanence, avait su les guérir, leur donner de la tendresse aussi, et beaucoup d'amour.
Maintenant qu'ils se trouvaient dans le grand centre d'apprentissage, Nerti et Zilner, considéraient toute la mesure de leur venue sur notre planète.
Amoni était relié par l'esprit à ses fils, évidemment, et il nous conta ce qu'il leur advenait. Nous étions tous réunis dans le salon pour unir nos esprits pleinement. Un tel voyage est une chose fort agréable. Je fermais les yeux, la vision surgit aussitôt avec une netteté parfaite.
Nerti et Zilner exploraient sans relâche le très grand centre d'apprentissage. Ce lieu était garni de complexes scientifiques. Une étrange lueur bleue, turquoise, parfois dorée, éclairait les couloirs. Ils adoraient cet éclat si vif.
Les deux petits aliens agissaient de la sorte pour mémoriser toute la forme du bâtiment. Si vous préférez, ils souhaitaient le mémoriser en 3D, pour ne plus s'y perdre. La mémoire des nôtres est ainsi, elle est absolue, il est possible de se représenter un lieu dans ses plus infimes détails.
Ils aimaient à vagabonder dans les couloirs, surtout pour visiter les différentes installations. La salle d'astronomie les ravissait. Lorsqu'ils y parvinrent, Zilner poussa un long cri de joie. Les nombreux professeurs qui s'y trouvaient auraient pu s'en offusquer, mais ils eurent un bon rire.
La salle était emplie de consoles montrant de gigantesques cartes avec des instruments géants de plus de dix mètres de long, pointant vers le ciel. Des cellules photographiques étaient positionnées juste devant leur viseur. Un très gros sondoscope de qualité première, bourdonnait en crissant, et un petit alien conversait avec la machine, en émettant lui aussi des sons semblables. Une bonne moitié de la salle, était occupée par une coupole de douze mètres de diamètre montrant parfaitement le ciel nocturne.
Une alien très âgée se dirigea vers les enfants saisis de ravissement.
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Bienvenue mes petits, asseyez-vous, leur dit-elle. Je suis Linelys, je vous attendais un peu plus tôt. N'avez-vous donc pas eu de mal à trouver ce lieu ?
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Pardonnez-nous. Nous... nous sommes venus ici par hasard, bégaya le petit Nerti.
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Rien n'arrive par hasard, émit l'alien aux grands yeux de nuit. C'est moi qui vous ai invitée à venir ici. Prendrez-vous une tasse d'élixir de fleurs ? questionna t-elle avec bonté.
Surpris, les enfants acceptèrent. La boisson avait un arôme des plus agréables. Ils s'assirent dans une petite salle à l'écart, assez faiblement éclairée et garnie de fauteuils moelleux.
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Vous cherchez le chemin, émit l'alien. Celui qui mène à vos ancêtres, cette vision vous a profondément troublés. Celle des Gzokis.
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Nous aimerions savoir, hésita Nerti, qui ils sont, et quel alien nous a fait. Pensez-vous qu'un jour, nous pourrons rencontrer notre famille ? Les racines qui sont à l'intérieur de notre ADN appartiennent forcément à des aliens. Où se trouvent-ils en ce moment ? Et qui sont-ils ?
L'alien âgée eut un petit rire.
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Cela fait bien des questions mon enfant, s'amusa t-elle. Je vais essayer d'y répondre. Tout d'abord, sache que les tiens, les Denakhs, vivent en castes. Il existe trois castes, les nobles, qui sont les « premiers », à l'ADN originel non muté. Ils sont petits, très âgés, et souvent affectés de maladies. Ensuite, existent les grands valets, qui vivent un peu moins vieux, mais dont l'ADN a été redressé et couplé avec celui d'autres peuples. Enfin, viennent les clones dont vous faites partie, et qui sont élaborés uniquement pour servir. Autrefois, un premier travaillait en laboratoire avec deux valets ou plus, et chaque valet avait à son service, en principe, deux clones.
Les enfants fixaient l'ancêtre comme si leur vie en dépendait. Elle émit une onde télépathique bienveillante.
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Vous devez accepter, ce qui s'est passé, lors du crash.
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Comment savez-vous notre passé ? questionna le petit Nerti
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Je le sais, parce que le passé entoure les êtres comme une bulle. Tu te nommes Nerti, et lui Zilner. Vous avez tous deux été trouvés par le guérisseur Amoni, alors qu'il ne restait plus grand chose d'un navire minier.
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Amoni est notre père et nous l'aimons, mais nous aimerions savoir... fit timidement le petit Zilner. Ceux qui étaient dans ce navire... qui étaient-ils ? Que leur est-il arrivé ? Où sont-ils maintenant ?
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L'âme de ceux qui nous aiment reste parfois à nos côtés, fit la vénérable alien. Elle trouve à se manifester d'une manière ou d'une autre, en prenant parfois vie dans un nouveau corps. C'est souvent le cas lorsque une vie s'envole prématurément.
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Vous voulez dire que ceux qui étaient à bord du vaisseau éprouvaient de l'affection pour nous ? s'étonna Nerti.
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Vous avez été les seuls survivants, fit remarquer l'alien. Vous avez été découverts dans une armoire protectrice, qui a presque volé en éclats. Il restait peu d'espoir pour vous sauver, mais Amoni et son équipe ont pu vous amener à bord de leur navire rapidement. Une partie de vos poumons et de votre corps avait été gagnée par le vide, le froid glacé de l'espace. Vos cerveaux ont été gravement endommagés. Il a fallu reconstituer bien des choses à l'intérieur de votre esprit. Et l'accident n'a laissé que peu de souvenirs en vous, fort heureusement. Vous avez eu de la chance d'atterrir en un monde, où la science liée à la guérison des lésions cérébrales est aussi développée.
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Je me souviens juste... des statues, émit avec peine le petit Zilner.
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Mon enfant, je comprends combien cela doit être terrible. Mais cette mort dans l'espace n'est pas douloureuse. Pour qui est un esprit vaillant, il ne s'agit que d'un voyage de plus, affirma la sage alien.
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Nous voulons savoir, émit Nerti avec insistance.
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Je suis prêt aussi, assura Zilner.
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Très bien, fit l'aimable alien. Vous voulez faire une régression, je m'y attendais. En ce cas, suivez-moi.
Les enfants lui emboîtèrent le pas. Ils parvinrent en une pièce extraordinaire. Les murs bleu nuit étaient décorés de fresques multicolores qui fascinaient le regard. La pièce était garnie de lits et un éclairage faiblement doré, émanait de globes à plasma posés sur des étagères, garnies de vases et d'ouvrages en quantité modérée. Les enfants s'allongèrent. La sage Linelys expliqua ce qui allait suivre.
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Je vais recourir à l'hypnose, pour vous plonger en un sommeil particulier. Lors de ce sommeil, vous aurez accès à tout ce qui vous est cher, tout ce dont vous souhaitez vous rappeler uniquement. Les autres moments, les souvenirs les plus traumatisants vont vous apparaître de loin. Le but n'est en effet pas de vous meurtrir l'esprit, juste de vous aider à savoir, pour avancer. La cellule mémorielle qui est ici, va enregistrer tout ce qui se passe en vous, pour en faire un récit détaillé par écrit. Ensuite, ce récit vous sera remis.
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Est ce que nous en garderons le souvenir ? questionna Nerti.
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Il est possible que non, il est possible que lorsque vous lirez ce récit, vous ayez l'impression qu'il appartienne à une autre personne. L'esprit est composé de strates, de passages. Certains passages s'ouvrent, puis se referment aussitôt à la conscience. Seul l'inconscient y a accès. Cela est fait pour qu'un être puisse avancer en sa vie, sans se concentrer sur son passé, ses vies antérieures. Comprenez-vous ?
Les enfants acquiescèrent, puis s'étendirent, écoutant la voix du professeur Linelys, qui s'estompait comme au bout d'un couloir. Des images apparurent.
Un petit clone courait à toute vitesse, tentant d'échapper à un premier des plus irritables, au visage singulièrement ridé et peu amène.
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Ce n'est qu'un enfant, fit une grande créature avec vigueur, en s'interposant.
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Ce mélange est incorrect ! siffla le petit personnage autoritaire. Comment pourrait-on analyser convenablement le sol de cet astéroïde, en y mêlant une telle proportion de ferrosilicates ? A présent le calculateur est saturé, il va falloir attendre de longues minutes avant qu'il ne revienne à zéro ! Petit incapable !
Par la baie vitrée, en effet, le décor plongeait sur le vide, un astéroïde de belle taille occupait l'horizon. Les parois rocheuses en étaient couvertes de givre. Le sol était gris clair et un cratère profond était visible sur la gauche. L'arrière de la perspective révélait de larges montagnes très abruptes. Une légère fumée occupait l'Est de ce panorama grandiose.
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Je crois que c'est un volcan premier, fit un jeune valet penché sur appareil de sondage.
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Qu'est ce que cela signifie ? demanda le chef.
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Il est possible, que cet astéroïde comporte des micelles de vie, en dormance... émit d'un ton rêveur, la grande alien souriante.
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Hum... songez bien que cette recherche ne nous est pas dévolue... Uniquement les pierreries, soupira le premier avec embarras. Mais... comment résister à un tel appel de la science ? Allons vite effectuer des prélèvements d'échantillons ! ajouta t-il presque aussitôt, follement enthousiasmé par cette merveilleuse découverte.
Il y eut de nombreux cris joyeux, tout le monde s'apprêta pour l'expédition.
Deux petits aliens polissaient les couloirs, observant rêveusement par la baie vitrée les adultes en train de gambader sur l'astéroïde à faible gravité. Leur travail achevé, Nerti et Zilner s'installèrent le long du vitrage, faisant des signes de la main aux adultes qui leur répondirent.
Les aliens revinrent à bord du vaisseau. Ils s'activèrent devant les microscopes, des échanges très vifs eurent lieu entre eux. Des exclamations de joie retentissaient régulièrement.
Vint le soir. Nerti et Zilner étaient assis de part et d'autre d'une alien très grande, qui leur souriait en nettoyant les coupures sur leurs mains avec bonté. Son visage avenant était en cet instant empli de douceur. Deux autres valets étaient présents dans la petite pièce, occupés à lire et à discuter.
Le premier au caractère emporté entra. Il fit la grimace et s'étendit sur un lit en découvrant sa jambe droite complètement déformée par l'arthrite. Les valets s'approchèrent pour lui poser une sorte d'emplâtre. La vieillesse absolue pour ce peuple, durait environ quelques semaines, puis la mort intervenait.
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Merci mes amis, cela va mieux, dit-il. D'ici quelques semaines, je vais passer dans l'autre monde, émit-il posément. J'espère que vous recevrez le soin d'un premier plus aimable, qui saura vous ouvrir des voies scientifiques exaltantes.
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Tu vas vraiment mourir ? demanda Nerti empli de chagrin.
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Oui mon enfant. Mais ne sois pas triste, je serai recréé à l'identique. Mon âme passera dans un nouveau corps que l'on va me constituer. Il le faut bien, car je souffre, chaque déplacement est une peine infinie, expliqua le vieil alien avec patience. Aucun soin ne peut l'empêcher.
Une autre scène surgit. Tout un petit groupe d'aliens est là, ils sont onze et disent au revoir au premier endormi.
Les enfants qui sont encore jeunes sont très affectés. Les valets les consolent de leur mieux. Leur peine est très grande. La pièce est rosée et dorée, le sol est en une sorte de granite parfaitement brillant. Chacun prononce des prières.
Le petit groupe d'aliens retourne au laboratoire. Là, on leur présente leur nouveau maître. Il s'agit d'un premier jeune, très autoritaire, qui leur parle bien rudement.
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Que veut dire cette attitude ? Un alien de science avisé ne doit point éprouver d'émotions ! Que voilà une faiblesse, le résultat de la paresse d'un esprit savant, incapable de se discipliner ! Au travail, pleutres que vous êtes ! rugit-il.
Le groupe le regarde sévèrement sans mot dire, absolument personne ne bouge. Ils sont tous figés et fixent un point derrière lui.
Le petit alien féroce finit par se retourner. Là, l'apparition spectrale de leur ancien supérieur dévisage leur nouveau maître d'un air impressionnant. Le sinistre petit personnage pousse un long cri d'épouvante et s'enfuit aussitôt à toute allure.
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Belle course ! s'amuse un valet.
Chacun rit de bon cœur, le spectre les salue une dernière fois et s'efface lentement. Les enfants poussent des cris de désespoir. Les adultes ont du mal à les faire sortir de la pièce.
Le lendemain, Nerti et Zilner sont amenés près d'une cuve où se tient tout leur petit groupe. On ne voit pas grand chose, rien qu'un œuf en train de se diviser, visible sur des écrans adjacents. La pièce est beige avec des éclairages rouges. Plus loin, d'autres cuves apparaissent, de grands dispositifs sphériques, truffés de capteurs, abritent le développement d'un embryon. Chaque cuve est blanc écru, et opaque. Il est interdit d'entrer dans cette pièce.
Un alien montre aux enfants un écran. On y voit de jeunes premiers à un stade plus avancé. Les enfants regardent de minuscules petits êtres en train de remuer lentement dans leur œuf.
Cela a sur eux un effet immédiat. Nerti et Zilner sont moins tristes, ils cessent de pleurer aussitôt, comprenant lentement cette continuité de la vie.
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