L'expédition sur la Terre (3/4)
Le grand voyage stellaire
Voici un nouveau message de votre ami, le professeur Zolmirel. Je me tiens au ras d'une colline et je me souviens, de mon passé.
En cette heure du jour propice, tous les enfants qui m'entourent attendent ce nouveau récit, tout comme vous. Offrir des récits stellaires aux plus jeunes est une activité merveilleuse. Car toute leur, joie, tout leur bonheur rejaillit sur nous. Je suis donc comblé de vous parler, amis de la Terre.
Sur votre monde, en cette époque qui correspond en arrière environ à deux de vos siècles, il n'était point temps de songer au voyage stellaire. Les humanoïdes qui habitaient les contrées de votre Terre alors, redécouvraient à peine ce qu'avaient pu être des civilisations telles que les Égyptiens, les Perses, les Mésopotamiens, ces civilisations, bien sûr, dépouillées de leurs mystères. Car il existait en des temps reculés de très grandes civilisations y ayant préludé, notamment celle de l'Atlantide, qui nouaient fréquemment des contacts avec les peuples des étoiles.
Il existe nombre d'objets manufacturés témoins de ces échanges, nombre de pyramides, de sites de convergence stellaire. Votre peuple était uni autrefois à tous les peuples des étoiles, à Mars et Vénus, les deux planètes sœurs de la Terre.
Le contact avait été ranimé au cours de cette période, appelée Moyen Age, et Erazel, notre si sage ancienne, avait été actrice de ces nouveaux échanges se poursuivant à la Renaissance. Un nouveau soir, dans le grand temple, elle était attendue par tous pour conter la suite de son voyage, les enfants la fixaient avec beaucoup de joie.
Erazel s'approche et prend place, elle poursuit son récit, intact dans sa mémoire, des images psychiques jaillissent d'elle, de même qu'elle a pu faire, deux siècles plus tôt, pour d'autres enfants.
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Chers amis, je vous parle à présent, je me tiens devant vous. J'ai l'infini privilège de vous parler du passé de votre monde. Oui, en ces temps reculés, j'ai eu la chance de nouer une heureuse relation avec un Terrien prénommé Thibault. Il était en vérité très curieux de connaître l'organisation de la vie, la science et la brillance qui l'habitaient, à incité les anciens à faire une exception. Thibault a été invité sur notre monde ! Peu avant son voyage, il devait s'acclimater à la vie dans l'espace. Thibault avait noué une relation dans le vaisseau avec des Terriens, comme lui, qui lui exposèrent ce que pouvait être la vie à notre bord. Il avait ressenti un choc très vif en constatant que la Terre était une sphère baignant dans une mer obscure finement mouchetée d'étoiles.
Nous étions réunis, une fois de plus assis dans des fauteuils, devant la grande baie vitrée plongeant sur l'espace.
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Erazel, me demanda t-il par l'esprit, que sont les étoiles ? Pourquoi les voit-on briller avec tant de faste ?
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Les étoiles sont les mères des planètes. Chaque étoile a un nombre déterminé d'astres, de filles, dont elle prend soin, qui gravitent autour d'elle, en proportion exacte avec toute l'énergie qu'elle peut irradier, tout l'amour qui émane de son cœur.
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Vous parlez des étoiles comme de personnes, s'étonna Thibault.
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C'est exact, la conscience des étoiles est très vaste, nous sommes nous aussi leurs enfants. C'est d'elles que viennent nos âmes, voyageant vie après vie dans tout le cosmos. Les étoiles ont chacune une couleur, un chant, une personnalité, de même que les planètes. La Terre a attiré votre âme, au départ. Ce voyage, où vous n'étiez relié à rien, que vous avez fait, plongeant dans l'espace, vous vous en souvenez peut-être ? C'est ainsi que vous êtes né et avez vu le jour sur la Terre, votre berceau.
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Je ne comprend pas tout, admit Thibault.
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Chaque âme choisit un monde bien précis pour expérimenter la joie, l'apprentissage, la nouveauté, l'imprévu, et la communion avec de nouveaux êtres bien inattendus. Songez à ce que vous enseigne votre théologie. Vous avez été au delà de tant de dogmes, de tant de croyances, sur les monstres, les gnomes et les diables féroces que vous dépeignent vos écrits. Mon allure ne leur est-elle pas semblable ? demandais-je en riant.
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Vous m'avez soigné et sauvé d'une mort atroce, assura Thibault. Vous avez... défait cette troupe de brigands, sans aucune arme, sans le moindre effort.
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Oui, il en est bien ainsi. La forme de vie qui nous est la plus proche, est la grenouille et la tortue, à laquelle notre visage ressemble plus ou moins. Que dirait une tortue capable de parler ? Vous avez certainement la réponse en me voyant. De même qu'il existe dans l'espace de nombreux peuples possédant une allure rappelant certains animaux.
Je passais dans une salle d'archives et montrais à Thibault des êtres à têtes de mouton, de chat, de singe ou d'oiseau, des peuples de lézards, d'êtres à plumes ou à fourrure, d'une variété, d'apparence infinie, et des êtres semi éthérés, proches de l'allure de spectres, mais brillant d'un éclat admirable.
Cela le fascina et je le laissais aux mains d'un guérisseur, qui devait agir sur son corps affaibli par les privations. Thibault fut endormi et des dizaines de petits biologistes aliens tournèrent autour de lui. Les êtres soignèrent ses dents, ils lui en implantèrent de nouvelles, du même coloris, et de la bonne taille pour remplacer celles qu'il avait perdues. Ses dents abîmées furent colmatées avec de l'ivoire naturel, là également de la bonne teinte, un véritable exploit. Le jeune Terrien eut ensuite droit à une cure de rajeunissement cellulaire. Il se reposa durant trois jours, et se trouva très dispos à son réveil.
Il vint à moi et me remercia longuement.
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Que m'avez-vous fait ? Je me sens empli d'énergie ! C'est merveilleux ! Comme si tous mes rêves allaient prendre vie ! s'extasia t-il.
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Il en est bien ainsi, assurais-je. Vous avez été choisi. Nous avons pour habitude d'adapter le corps humain au voyage. Et lorsqu'un être devient notre ami, nous veillons à ce qu'il soit en parfaite santé !
Thibault me remercia de nouveau, il était enchanté de la vue imprenable que nous avions de la Terre, des petits vaisseaux, qui allaient et venaient autour du très grand esquif. Son regard tomba sur un petit biologiste nerveux aux grands yeux noirs, qui filait dans une coursive.
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Quels sont ces êtres ? demanda t-il. On dirait qu'ils voient tout de nous.
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Ce sont des généticiens, un peuple de chercheurs, les Denakhs. Ceux là sont nos amis, mais tous ne sont le sont pas. La plupart obéissent à une idéologie de la caste régnante, qui repose sur la domination. Ces jeunes se sont enfuis, ils nous ont rejoints. Tous les êtres à bord de ce vaisseau sont bienveillants et dévoués.
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Comment pouvez-vous en être aussi sûrs ? questionna Thibault avec méfiance.
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Grâce à la télépathie bien sûr. Le fait de baigner dans le même amour, le même élan de grâce permet à cette communion affectueuse entre les êtres de persister dans le temps, au delà de toutes les barrières propres à chaque race stellaire, chaque contrée. Il en découle une immense harmonie, expliquais-je.
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Alors c'est pour cette raison, que sur votre planète n'existe aucune guerre ?
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Absolument.
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Mais il doit bien y avoir des religions, des dissensions, des êtres qui ne sont point d'accord les uns avec les autres ? s'étonna Thibault.
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Oui, il existe des opinions divergentes, mais nous avons appris que l'expression de l'opinion de l'autre n'est point une mauvaise fin en soi. Nous devons la laisser s'épanouir sereinement sans la troubler. Il en est de même pour toute forme de croyance, c'est à chacun de suivre celle qui lui est le plus profitable, assurais-je. A chacun de trouver, de vivre, sa vérité.
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J'ai bien peur de ne pas tout comprendre.
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Voyez ce prisme, dis-je en lui tendant un petit cristal. Si je pointe cette lampe au travers, il décompose la lumière en trois rayons d'énergie colorée. Je puis voir ces composantes, ces couleurs, rouge, jaune et bleu. Si je regarde mieux, je vois qu'il existe en tout sept couleurs. Mais si je me place de l'autre côté du prisme, je puis constater que ces couleurs de l'arc en ciel fondues en une seule, permettent de créer la lumière blanche et donc de voir toute chose qui nous entoure. La diversité existe dans la vie, dans l'univers. En allant au delà de son apparente opposition, nous apprenons à voir le Tout, l'unicité. La diversité est perfection, l'accumulation des différences, leur fusion, produisent une richesse infinie, comme toutes les voix additionnées d'une chorale d'enfants, exposais-je.
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Je crois que je commence à voir l'idée, assura Thibault.
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Ainsi, sur votre planète, sur votre Terre, si les humanoïdes ne passaient pas leur temps à s'opposer les uns aux autres, chacun pourrait vivre de manière prospère. C'est une grande tragédie qui se déroule en votre temps.
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Autrefois, il y eut des hommes libres, des paysans-guerriers. Ils se nommaient les alleutiers. Ils étaient propriétaires de leurs propres terres, qu'ils cultivaient en bonne entente, et gardaient. Mais de fiers seigneurs sont venus, et ont spolié les terres de ces paysans, s'appropriant d'immenses régions par le vol. Il en a résulté des factions opposées, des duchés, puis des territoires-états, qui se sont opposés, siècles après siècles, devenant des pays. Et tout ceci se déroulant de manière tragique, en accablant de taxes tous les habitants qui vivaient à l'intérieur de leurs terres, transformés en esclaves. Cela se nomme la féodalité...
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Je sais mon ami, mais vous allez visiter notre monde et peut-être d'autres, et vous verrez qu'il n'est d'aucune nécessité de diviser les habitants d'une province pour que tout le monde y vive heureux, fis-je posément.
Dans les jours qui suivirent, le grand vaisseau argenté fut paré, chaque mission éclair était revenue à bord, les anciens s'assurant que tout le monde allait bien.
Ils s’entretinrent de manière très posée avec Thibault, le questionnant sur son monde avec une sincère curiosité. Très heureux de la pureté qu'ils percevaient en lui, ils lui souhaitèrent la bienvenue. Un soir vint, et le jeune Terrien se trouva entouré d'une vingtaine d'aliens très attentifs qui s'intéressaient à la Terre depuis des années. Thibault leur apprit comment il avait du survivre sur ce monde, comment il lui fallait déployer tout son talent pour cultiver et protéger les semis du climat rigoureux. La conversation qui eut lieu fut passionnante.
Le soir vint et le vaisseau était prêt à partir. Je m'assieds auprès de mon ami, lui conseillant de s'étendre en sa chambre. Comme il était fait pour les jeunes enfants, je lui fit prendre un breuvage destiné à permettre à son corps de passer. Il le but et son esprit se détendit. Je m'étendis sur un lit voisin, afin de veiller sur lui. Le départ eut lieu, le vaisseau entra en phase d'accélération, il lui fallut franchir plusieurs portails dimensionnels.
L'accélération fut très vive, mais en alien habituée du vol spatial, elle ne m'affecta que peu. La pression se relâcha et cessa. Je sentis que quelque chose n'allait pas. Le jeune Thibault respirait mal. Il avait de toute évidence été victime d'un épanchement. Sentant ma détresse, un ancien apparut aussitôt dans la pièce et agit rapidement pour stabiliser les plaies internes. Thibault fut emmené aux laboratoires par trois soigneurs aliens.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, un petit alien aux grands yeux noirs le fixait intensément. Je me tenais non loin du petit biologiste. Le jeune homme poussa un cri d'effroi, la créature recula.
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N'ayez pas peur, lui dis-je. Ils soignent peu de Terriens. Ils sont juste curieux.
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Vraiment, et pourquoi ? demanda Thibault avec quelque colère.
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Les vôtres abritent des émotions, une émotivité très vaste, très pure, ils sont attirés. Eux n'ont pas autant d'émotions, expliquais-je.
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Que veulent-ils ? fit le jeune homme surpris.
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Ils veulent vous soigner, et... entrer dans votre esprit. Ils ne se sont jamais rendus sur Terre. C'est une chose très courante pour nous que d'échanger des pensées, de communiquer.
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Je devrais laisser ces êtres entrer dans mon esprit... savoir tout de moi !!! glapit le jeune homme scandalisé.
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Vous n'y êtes point obligé si vous en avez pas envie. Il est peut-être un peu tôt pour cela. Pardonnez-leur. Ils sont très jeunes et les jeunes aliens sont d'une curiosité presque infinie, assurais-je en riant.
Thibault se leva et en ce jour, nouveau pour lui, je lui fis visiter l'immense navire, notamment, la zone qui m'attirait le plus, à savoir la salle des machines. Cela fit naître en lui un émerveillement très grand qui noya sa peur dans l'oubli.
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Voguer très loin, dans l'espace, sans jamais se poser... dans une mer d'étoiles sans fin. Voilà qui est à votre portée, votre peuple est vraiment un très grand peuple. Parlez-moi des autres planètes. Y en a t-il beaucoup ? Comment sont-elles ? Comment les trouve-t-on ?
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Cela fait bien des questions, bien des choses que seul l'esprit permet d'appréhender. Une fusion psychique serait heureuse pour discourir de la sorte. Mais votre esprit doit être plus ouvert, sans crainte de la relation télépathique, dis-je.
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C'est d'accord, émit le jeune homme après quelque hésitation.
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Il faut que vous soyez détendu, l'énergie des nôtres est assez vive au début, elle cherche à se frayer un chemin dans toutes vos fibres nerveuses, jusqu'à votre esprit. Par instinct, vous allez résister, car votre espèce est peu habituée à cela. Ne résistez pas, laissez aller toute crainte, toute considération de votre ego. Votre moi intérieur se cache, il tend à se dérober, ne craignez pas de vous montrer tel que vous êtes, sans détours. Je verrai tout ce que vous êtes et vous verrez tout ce que je suis, dis-je posément.
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Très bien.
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Fermez les yeux, et laissez aller vos pensées, dis-je en prenant sa main dans la mienne.
Il ferma les yeux, et je sentis son effroi. Toucher les nôtres n'est pas très agréable au premier abord, d'une part parce que nous sommes plus frais, et électrisés. Thibault se crispa vivement en sentant mon fluide crépitant d'alien investir sa conscience. Son esprit tinta, il fut vivement désarçonné, ce tressautement lui causa une douleur assez pénible, mais il tint bon, il perçut un éclat blanc aveuglant.
Puis, des images fugaces lui parvinrent, il eut accès à ma propre vision du navire. Il perçut peu à peu tout ce que je pouvais ressentir, j'étais reliée consciemment à tous les êtres de ce navire, par l'esprit. Je pouvais voir, si je le souhaitais, au delà des coursives de ce vaisseau, à travers les parois, mon esprit s'étendait en un éclair vers tous mes compagnons, ou se repliait et revenait vers moi. Je percevais de même, la structure du vaisseau, son énergie. Les parois chargées de fluides en étaient turquoises, mêlées de vert et de bleu, je percevais l'essence énergétique de tout mon environnement.
Il se laissa aller plus sereinement à cette vision, l'image tressauta et se stabilisa. Alors, il m’offrit sa pensée, en retour.
Il était à bord de ce vaisseau, parmi des petits êtres étranges, de jeunes laborantins aux grands yeux noirs et nous le fascinions, bien évidemment. Son admiration était immense pour ce que notre science nous avait permis d'accomplir. Il me montra son passé obscur de jeune fermier isolé, qui souffrait de la perte de son père, mort sur un champ de bataille, de l'absence de sa mère qu'il n'avait point connue, et d'un oncle bourru, qui lui offrait peu de tendresse. Sa seule consolation était l'étude des herbes et des plantes médicinales, même si cela fâchait souvent les esprits de son village. Il était seul.
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Que voilà une contrée bien peu accueillante où toute forme d'étude est prohibée ! Comment espérer améliorer ce monde si l'on ne peut même pas œuvrer honorablement à l'étude des remèdes ?
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Il en est ainsi trop souvent, hélas.
Toutes les planètes n'étaient aucunement ainsi. Je montrais à Thibault, des sphères panachées de rose, de lilas, de bleu céruléen. Il en fut bouleversé.
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Elles sont très diverses, exposais-je. Chacune d'elle est à notre image. Lors de ces voyages stellaires, nous allons en réalité vers ce qui se tient caché au plus profond de nous. Là est le grand mystère, car ces sphères sont aussi ce que nous abritons en notre essence. Les milliards de millions de petits animalcules qui composent le corps d'un humain ou d'un alien, sont à l'image de ces sphères, ils forment des chaînons de matières, des filaments de galaxies et des univers grandioses s'étendant à l'infini. Pouvez-vous songer à cette vastitude ? Mon ami, le mystère se tient en vous-même. Là est la perfection, de se connaître soi-même. Alors on n'a plus peur, de rien, on vit une vie rayonnante et l'amour nous habite entièrement, chaque jour, avec constance.
Absolument fasciné, Thibault ouvrit les yeux et essuya ses larmes d'émoi. Je compris que mes propos avaient touché jusqu'à son âme.
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Qui vous êtes, l'avez-vous découvert ? questionna t-il intensément.
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Oui, je suis une semeuse de mondes, comme l'ont été les ancêtres de mes ancêtres et comme le seront tous mes descendants, ceux qui entendront l'appel des sphères, dis-je avec une joie formidable.
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Vous allez sur les planètes, et vous y semez la vie ?
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Oui, absolument, dis-je au jeune Terrien aux yeux illuminés.
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C'est une mission divine, conclut-il, ébloui d'y songer seulement.
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